Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1010

 

DATE :

31 octobre 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

Mme Monique Puech

Membre

 

M. Louis Georges Boily, Pl. Fin.

Membre

 

______________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

PIERRE ERIC BRUNEAU, numéro de certificat 150797

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]   Le 4 mars 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni à la Commission des lésions professionnelles, sise au 500, boul. René-Lévesque Ouest, 18e étage, salle 18.114, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire suivante portée contre l'intimé.

LA PLAINTE

F.C.

1.         Dans la province de Québec, le ou vers le 20 août 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance une demande de modification de la police numéro 0440216421 de sa cliente F.C. sans fournir le formulaire de signatures requis et qu’il est d’usage de lui fournir, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

2.         Dans la province de Québec, le ou vers le 12 août 2011, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance une demande de modification de la police numéro 0440216421 sans l’autorisation de sa cliente F.C., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

3.         Dans la province de Québec, le ou vers le 12 août 2011, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente F.C. en soumettant une demande de modifications de la police numéro 0440216421, afin de bénéficier des avantages d’un concours de ventes interne, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

M.V. et Y.L.

4.         Dans la province de Québec, le ou vers le 22 octobre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance une demande de modifications de la police numéro 0042177636 de ses clients M.V. et Y.L. sans fournir le formulaire de signatures requis et qu’il est d’usage de lui fournir, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

5.         Dans la province de Québec, le ou vers le 9 mai 2011, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance une demande de modifications de la police numéro 0042177636 de ses clients M.V. et Y.L. sans fournir le formulaire de signatures requis et qu’il est d’usage de lui fournir, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

6.         Dans la province de Québec, le ou vers le 23 juin 2011, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance une demande de modifications de la police numéro 0042177636 de ses clients M.V. et Y.L. sans fournir le formulaire de signatures requis et qu’il est d’usage de lui fournir, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

ABC inc.

7.         Dans la province de Québec, le ou vers le 11 décembre 2010, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance une demande de modifications de la police numéro 0048415253 sans l’autorisation  de sa cliente ABC inc., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

8.         Dans la province de Québec, entre vers les 11 décembre 2010 et 11 janvier 2011, l’intimé a fourni de faux renseignements à l’assureur Industrielle Alliance au sujet d’une demande de modification de la police numéro 0048415253 de sa cliente ABC inc., en indiquant avoir fait « les arrangements pour l’examen médical/paramédical » et avoir reçu des instructions du client d’annuler la « Demande de modifications », contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

9.         Dans la province de Québec, le ou vers le 5 août 2011, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance une demande de modifications de la police numéro 0048415253 sans l’autorisation de sa cliente ABC inc., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

10.      Dans la province de Québec, le ou vers le 5 août 2011, l’intimé n’a pas subordonné son intérêt personnel à celui de sa cliente ABC inc. en soumettant une demande de modifications de la police numéro 0048415253, afin de bénéficier des avantages d’un concours de ventes interne, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 18 et 19 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

P.L.

11.      Dans la province de Québec, le ou vers le 17 juin 2011, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance une demande de modifications de la police numéro 0434148421 de son client P.L. sans fournir le formulaire de signatures requis et qu’il est d’usage de lui fournir, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

 

DEF inc.

12.      Dans la province de Québec, le 30 juin 2011, l’intimé a soumis à Industrielle Alliance une demande de modifications de la police numéro 0440519245 de sa cliente DEF inc. sans fournir le formulaire de signatures requis et qu’il est d’usage de lui fournir, contrevenant ainsi aux articles 34 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3).

 

[2]   L’intimé, qui était présent, se représentait seul alors que la plaignante était représentée par Me Jeanine Guindi.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]   Après production de l’attestation de droit de pratique de l’intimé (P-1), l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité sous chacun des douze chefs contenus à la plainte, et ce, conformément à ce qu’il avait indiqué dans sa lettre du 3 octobre 2013
(P-2).

[4]   Dans cette lettre, l’intimé reconnaît avoir commis les gestes reprochés et indique qu’il n’exerce plus dans le domaine depuis le mois de novembre 2011 et n’avoir nullement l’intention d’y revenir. Il y explique qu’il a commis ces erreurs alors qu’il souffrait de dépression non diagnostiquée due à un «surmenage de travail» et à ses obligations personnelles.

[5]   Ensuite, Me Guindi a déposé, de consentement avec l’intimé, une preuve documentaire, dont l’enregistrement de la rencontre tenue le 26 septembre 2012 entre l’intimé et les enquêteurs du bureau de la syndique. Elle a précisé que la plainte repose sur les aveux de l’intimé. Elle n’a fait entendre aucun témoin.

[6]   Pour sa part, l’intimé, dûment assermenté, a témoigné du contexte factuel des infractions et fourni ses explications.

[7]   Le comité a subséquemment entendu leurs représentations sur sanction et pris le tout en délibéré.

[8]   Toutefois, en septembre 2014, avant de finaliser sa décision, le comité a constaté que les parties avaient omis de lui fournir des représentations à l’égard d’un chef d’accusation. Afin qu’elles complètent leurs représentations, une audience téléphonique s’est tenue le 8 octobre et s’est poursuivie le 20 octobre 2014, après quoi le comité a poursuivi le délibéré.

LA PREUVE

[9]   L’intimé détenait un certificat dans la discipline de l’assurance de personnes du
13 février 2002 au 11 janvier 2012 et a exercé tout ce temps au sein du cabinet Industrielle Alliance Assurances et Services Financiers inc. (IA) (P-1).

[10]     La demande d’enquête auprès de la Chambre de la sécurité financière (CSF) a été portée par IA, après qu’elle ait procédé, le 22 décembre 2011, à la rupture de son contrat avec l’intimé.

[11]     Me Guindi a expliqué que, pour les chefs 1, 4, 5, 6, 8, 11 et 12 reprochant de ne pas avoir fourni les formulaires de signatures à l’assureur, l’intimé a fait défaut de les joindre à la proposition même si ses clients les avaient bel et bien signés.

[12]     En ce qui concerne les chefs 2, 7 et 9 reprochant d’avoir soumis des demandes sans l’autorisation du client, Me Guindi a précisé que, dans le cas du deuxième chef, l’intimé a utilisé en 2011 le formulaire signé l’année précédente en changeant seulement l’année plutôt que de refaire signer la cliente et a négligé de prendre connaissance de ses nouvelles instructions de ne pas demander de modifications.

[13]    Elle a indiqué qu’IA verse les commissions aux représentants dès le dépôt d’une proposition et non une fois que celle-ci est émise et placée, comme c’est généralement le cas pour les autres assureurs.

[14]    Quoique les propositions soient remplies électroniquement, le représentant peut conserver le formulaire de signature quelques jours plutôt que de l’acheminer à l’assureur en même temps que la proposition.

[15]    Bon nombre des modifications ont été soumises dans le cadre du concours du président qui se tient chaque année habituellement entre les mois d’août et octobre. 

[16]    Pour sa part, l’intimé a témoigné qu’il a retenu les formulaires de signature quand les clients étaient incertains et désiraient y réfléchir davantage. Or, ceux-ci ont décidé de ne pas procéder aux demandes de modifications notamment, dans le cas du chef 12, en raison de la surprime exigée.

[17]    Il n’a jamais encaissé les chèques des clients même s’il envoyait électroniquement les demandes de modifications des polices à l’assureur.

[18]     L’intimé a ajouté qu’au moment de la rupture de son contrat, il négociait avec une maison de courtage en assurances, ne désirant plus exercer en tant que représentant au sein d’IA.

[19]    Selon l’intimé, pour les propositions ou modifications transmises dans le cadre du concours du président, bon nombre de représentants faisaient de même pour mousser les résultats de leur agence (C-1).  Aussi, de l’avis de l’intimé, le bureau avait sa part de responsabilité en ne retirant pas la proposition alors que le formulaire était manquant. Il n’était pas le seul à en tirer profit puisque le directeur des ventes, au courant de la retenue des formulaires de signature, ne les acheminait pas afin de profiter du concours du président puisqu’il en tirait des avantages, tout comme d’ailleurs le directeur de l’agence.

[20]    Il a relaté qu’à peine deux ans après avoir débuté comme représentant au sein d’IA, il a été nommé directeur des ventes. Même s’il devait avoir accumulé au moins trois ans d’exercice afin d’agir comme maître de stage, il assistait les futurs représentants lors des rencontres avec les clients et le directeur de succursale signait comme maître de stage.  

[21]    Il est redevenu simple représentant quand le bureau de Laval a été scindé pour créer l’agence de Chomedey et celle de Laval Ouest. Plusieurs années plus tard, il a acquis la clientèle de son père décédé. Après avoir de nouveau accepté d’être directeur des ventes, il a vendu cette clientèle et d’autres acquises de divers représentants. Or, un peu plus tard, celui qui l’avait approché pour occuper ce dernier poste a pris sa retraite. À la suite d’une mésentente avec le directeur subséquent, il est redevenu simple représentant.

[22]     À partir de l’automne 2011 jusqu’au début de 2012, l’intimé a été mis en congé de maladie, ne suffisant plus à la tâche après l’achat de deux clientèles de plus de
700 clients, sans compter les difficultés vécues avec IA.

[23]     Il a ainsi perdu sa maison et a dû déclarer une faillite personnelle dont il a été vraisemblablement libéré au mois de septembre 2014.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

[24]    Me Guindi a souligné que les faits reprochés avaient été commis non seulement durant la tenue du concours du président, mais également à d’autres moments de l’année et a déposé une lettre d’IA datée du 6 novembre 2012 précisant les périodes du concours du président (SP-1).

[25]    IA y indique également qu’au moment de son départ, l’intimé avait une dette de 17 381,49 $ qu’il a remboursée vers le 18 avril 2012 à même un retrait d’un placement REER détenu chez IA. Me Guindi a ajouté qu’aucune poursuite civile n’a été intentée par IA contre l’intimé ni inversement. 

[26]    Elle a ensuite mentionné les facteurs aggravants et atténuants tant objectifs que subjectifs suivants :

 

Aggravants 

a)    La gravité objective des infractions qui touchent la relation de confiance devant exister entre le représentant et son client, ajoutant que le représentant ne pouvait utiliser le prétexte d’un concours pour adopter une pratique inadéquate, ses obligations devant prévaloir en toutes circonstances;

b)    L’expérience d’environ huit ans de l’intimé au moment des faits reprochés;

c)    Le caractère répétitif des fautes commises à l’égard des cinq clients sur une période d’une année;

d)    Les commissions recherchées par l’intimé, et ce, même s’il les a remboursées à l’assureur;

Atténuants

a)     L’excellente collaboration de l’intimé à l’enquête;

b)     La reconnaissance par l’intimé de sa faute à la première occasion et l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité;

c)      L’absence de préjudice pécuniaire pour les consommateurs;

d)     L’absence d’intention malhonnête ou frauduleuse;

e)     L’absence d’antécédent disciplinaire;

f)       L’absence de risque de récidive, d’autant plus que l’intimé a indiqué ne pas vouloir exercer dans le domaine;

g)     Le remboursement des commissions par l’intimé à l’assureur.

[27]     En conséquence, la plaignante a recommandé les sanctions suivantes :

a)    Pour chacun des chefs 1, 4, 5, 6, 8,11 et 12 (défaut de fournir les formulaires de signatures et/ou les renseignements d’usage à l’assureur) :

             Une radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un an sous chacun de ces chefs, à être purgée de façon concurrente, à partir de la demande de renouvellement du certificat par l’intimé;

b)    Pour chacun des chefs 2, 7 et 9 (les transactions effectuées sans l’autorisation du client) :

             le paiement d’une amende de 5 000 $ sous chacun de ces chefs, pour un total de 15 000 $;

 

 

c)    Pour chacun des chefs 3 et 10 (ne pas avoir subordonné son intérêt à celui de son client) :

             La radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux ans sous chacun de ces chefs, à être purgée de façon concurrente.

[28]    De plus, elle a réclamé la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[29]    À l’appui, Me Guindi a déposé quatre décisions[1] dont celles rendues dans les affaires Platis et Exilus pour les chefs reprochant de ne pas avoir fourni les formulaires de signatures à l’assureur et celles de Paquin Varennes et Cossette pour les chefs reprochant d’avoir effectué des transactions sans autorisation des clients. Quant aux chefs de ne pas avoir subordonné son intérêt, elle s’est inspirée des affaires Exilus et Cossette.

[30]    Questionnée à savoir si la plaignante avait tenu compte du principe de la globalité des sanctions, Me Guindi a mentionné n’avoir été mise au courant de la faillite de l’intimé que lorsqu’elle lui a fait part des sanctions proposées par sa cliente. Elle a dit consentir toutefois à toute demande de délai pour acquitter les amendes pourvu qu’il ne dépasse pas 36 mois.

[31]     Pour sa part, l’intimé a précisé que, ne possédant pas d’autres épargnes, il a dû retirer de ses REER bien plus que les 17 381,49 $ remboursés à IA, étant donné l’impôt retenu à la source lors de tels retraits. 

[32]    À même la dette alléguée, il y avait des commissions et bonis d’environ 14 000 $ liés à une assurance détenue par un de ses amis qui a changé de représentant et même d’assureur à la suite des événements que l’intimé a vécus avec IA.

[33]    Aussi, l’intimé conteste être toujours débiteur de commissions reçues à la suite de contrats annulés avant la période de trois ans de leur entrée en vigueur ou remplacés tel qu'allégué dans la lettre d’IA produite par la plaignante.

[34]    Il a investi près de 100 000 $ pour l’acquisition de sa dernière clientèle et, en raison de la rupture de son contrat, il lui a été interdit de la conserver. Néanmoins, IA a distribué sa clientèle à d’autres représentants sans qu’aucune compensation ne lui soit versée. Habituellement, ces représentants rencontrent les clients et leur proposent un remplacement de police ayant pour effet d’annuler les contrats précédents ainsi que leur procurer des commissions.

[35]    À partir de la rupture de son contrat en octobre 2011, bien qu’il n’ait perçu aucun revenu, il a été obligé de verser 145 $ par semaine en primes d’assurance collective.

[36]    Il possédait près de 50 000 $ en REER avant de rembourser IA, mais il ne lui en reste presque rien aujourd’hui.

[37]    Depuis le printemps 2012, il occupe un poste de représentant commercial en développement de clientèle pour une entreprise d’environnement. Il n’a pas l’intention de retourner dans le domaine des finances, préférant travailler sur la route plutôt que dans un bureau. Il a deux enfants âgés de 14 et 12 ans et est le principal soutien de famille. Son épouse est retournée sur le marché du travail, après plus de 14 ans, ayant souffert d’une maladie grave toutes ces années. Toutefois, n’ayant pu maintenir sa formation à jour, elle ne reçoit que 12 000 $ annuellement. Pour sa part, il gagne environ 44 000 $ par année incluant l’avantage tiré d’une voiture fournie.

[38]    À l’égard des décisions citées par la procureure de la plaignante, l’intimé a noté que deux des décisions soumises impliquaient le même assureur pour des infractions commises dans le contexte du concours du président.

[39]    Il a dit avoir saisi la leçon à retenir de cette expérience laquelle a eu de lourdes conséquences tant sur sa santé, sa vie personnelle et professionnelle que sur sa situation financière. Dans le cadre de la faillite, il verse 200 $ mensuellement jusqu’en août 2014. Il a dû emprunter à sa mère 15 000 $ qu’il s’est engagé à lui rembourser, une fois libéré de sa faillite. Sa capacité d’emprunter est faible, voire impossible pour encore plusieurs années. Il ne voit pas comment il pourrait acquitter des amendes.

ANALYSE ET MOTIFS

[40]    L’intimé a plaidé coupable sous chacun des chefs d’accusation de la plainte portée contre lui. En conséquence, le comité donnera acte à ce plaidoyer et le déclarera coupable sous chacun de ces chefs d’accusation.

[41]     Au chapitre des sanctions, il est bien connu que la sanction en droit disciplinaire ne doit pas avoir comme objectif de punir le représentant, mais de protéger le public. Ce dernier doit être protégé à l’égard de représentants qui transgressent les règles de conduite applicables même si, comme en l’espèce, il y a absence notamment de malhonnêteté et de préjudice pécuniaire subis par les consommateurs. La sévérité des sanctions doit néanmoins être ajustée en conséquence. 

[42]     Les infractions commises se sont échelonnées sur une période d’environ un an, période durant laquelle l’intimé souffrait de surmenage et de problèmes personnels qui l’ont conduit à un congé de maladie à l’automne 2011, et ce, après près de dix ans d’exercice bien rempli.

[43]     Au titre notamment des facteurs atténuants, l’intimé en est à sa première offense. Il a reconnu ses gestes à la première occasion et plaidé coupable. Selon la plaignante, l’intimé a permis, ayant fourni sa pleine collaboration à l’enquête, de constituer le contexte factuel des infractions de sorte que la plainte repose sur les aveux de ce dernier. Il y a absence de malhonnêteté et les risques de récidive sont faibles, voire nuls, l’intimé n’étant plus actif depuis 2011 et n’ayant pas l’intention d’exercer de nouveau dans le domaine.

[44]     Quant à chacun des chefs 1, 4, 5, 6, 8, 11 et 12 relatifs au défaut de fournir le formulaire de signatures à l’assureur, la plaignante recommande une radiation d’une année à purger de façon concurrente.

[45]    Sauf respect pour l’opinion contraire, les deux décisions fournies à l’appui de la recommandation de la plaignante peuvent difficilement servir de guide, car les faits se comparent mal à ceux soulevés en l’espèce. Les différences ne sont pas sans importance et la sanction à imposer doit en tenir compte.

[46]    Dans l’affaire Platis, ce dernier a vendu à des clients qui se sont avérés fictifs et le paiement des primes était fait au moyen de cartes de crédit également fictives ou non validées. Il en est de même de l’affaire Exilus. Ce dernier fournissait de fausses informations à l’assureur, en inventant notamment des emplois à des clients qui n’en avaient pas ou qui étaient toujours aux études. Les assureurs ont été induits en erreur, ont émis les polices sur la foi de ces renseignements et ont en conséquence assumé des risques indus.

[47]    En l’espèce, comme mentionné par la plaignante, il y a absence de malhonnêteté. Les clients n’ont pas subi de préjudice pécuniaire, aucun chèque n’ayant été encaissé ni déposé. IA n’a pas non plus subi un tel préjudice, ayant obtenu par l’intimé le remboursement des commissions avancées. 

[48]    Néanmoins, l’intimé a profité, principalement dans le cadre du concours du président, du mode de rémunération sur simple dépôt de proposition ou de modification mis en place par l’assureur. Ce mode de rémunération ne peut en aucun cas justifier le représentant de relâcher ses bonnes pratiques. Il doit respecter ses obligations déontologiques en tout temps et en toutes circonstances.

[49]    Comme maintes fois rapporté, « la sanction imposée par le Comité de discipline doit coller aux faits du dossier. Chaque cas est un cas d'espèce »[2].

[50]    Ainsi, même si le comité reconnaît la gravité de l’infraction et estime qu’elle mérite une période de radiation, il doit tenir compte dans la détermination de sa durée de l’ensemble des faits ainsi que de l’ensemble des facteurs tant aggravants qu’atténuants.

[51]    Par conséquent, l’intimé sera condamné, sous chacun des chefs 1, 4, 5, 6, 8, 11 et 12, à une radiation pour une période de six mois à purger de façon concurrente.

[52]     Sous chacun des chefs 2, 7 et 9, reprochant d’avoir soumis des propositions sans l’autorisation de ses clients, la plaignante réclame une amende de 5 000 $ pour un total de 15 000 $.

[53]     Les faits dans les décisions soumises diffèrent sensiblement encore de la présente affaire.  

[54]     Dans l’affaire Cossette, l’intimée avait entre autres encaissé les chèques des clients et sa pratique a été qualifiée de défaillante. Aussi, il s’agit d’une décision rendue non pas à la suite d’un débat contradictoire, mais qui donnait suite aux recommandations communes des parties, ce qui invite à la prudence. Quant à l’intimée Varennes Paquin, elle avait fait preuve de négligence importante. La police d’assurance avait été émise. C’est la cliente qui, constatant qu’un montant supérieur à ses primes habituelles avait été prélevé, a communiqué avec l’assureur et a appris qu’une demande de modification augmentant son capital assuré avait été faite à son insu et sa signature imitée.

[55]     En l’espèce, les consommateurs n’ont subi aucun préjudice pécuniaire et l’assureur a récupéré la commission avancée.

[56]     L’intimé a été grandement pénalisé par la rupture de son contrat avec IA. Sa clientèle, acquise peu d’années avant la fin de son contrat, a été conservée par l’assureur sans compensation et redistribuée aux autres représentants. Le remboursement des commissions touchées par l’intimé à même ses REER l’a pénalisé non seulement parce que le retrait était beaucoup plus élevé en raison de l’impôt retenu à la source, mais du fait qu’il a ainsi perdu l’espace REER dont il bénéficiait. Il a aussi perdu sa maison, sans compter les effets néfastes sur sa santé et sa famille. 

[57]     À la suite de cet épisode, l’intimé a fait faillite et il n’en a vraisemblablement été libéré qu’en septembre 2014. L’intimé occupe un nouvel emploi moins rémunérateur et doit toujours 15 000 $ à sa mère.

[58]     Considérant la situation financière de l’intimé et l’ensemble des faits, toute amende serait accablante et constituerait, de l'avis du comité, une sanction inappropriée.

[59]     Les faits reprochés aux chefs 7 et 9 sont intrinsèquement liés à ceux du chef 8 pour lequel l’intimé sera condamné à une radiation de six mois.

[60]     En conséquence, à l’instar du comité dans la décision rendue récemment sur des infractions de même nature dans l’affaire Couture[3], le comité ordonnera la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois mois à purger de façon concurrente sous le chef 2, et lui imposera une réprimande sous chacun des chefs
7 et 9.  

[61]    Quant aux chefs 3 et 10 relatifs au défaut d’avoir subordonné son intérêt à celui de ses clients, la plaignante recommande une radiation de deux ans.

[62]    Encore une fois, le comité est d’avis qu’il peut difficilement s’appuyer sur les décisions Cossette et Exilus auxquelles la plaignante l’a référé.

[63]    Dans l’affaire Cossette, comme mentionné précédemment, il s’agissait de recommandations communes.

[64]    Quant à l’intimé Exilus, il a abusé de la confiance de ses clients en leur suggérant de contracter des prêts leviers pour souscrire des fonds distincts alors que ces clients avaient peu ou pas de connaissances en placements et avaient des revenus modestes. Seuls deux des cinq clients avaient un emploi. Il n’a pas non plus préparé de profil d’investisseur et les documents étaient farcis d’erreurs. Enfin, il a tiré des commissions de 4 % sur chaque transaction, pour un total d’environ 215 000 $, d’où son intérêt flagrant, sans oublier qu’il avait un antécédent disciplinaire.

[65]    L’intérêt de l’intimé a été d’un autre ordre. Il a cherché à améliorer son image ou celle de son bureau à l’occasion du concours du président et potentiellement obtenu un gain de prestige auprès de ses collègues ou de reconnaissance de son employeur. Il savait toutefois qu’il aurait à remettre les commissions touchées puisque la souscription de police ou modification ne serait pas poursuivie.  

[66]    Le comité estime donc qu’une radiation pour une période de trois mois à purger de façon concurrente sous chacun des chefs 3 et 10 est une sanction adaptée aux circonstances.

[67]    Le comité estime que les sanctions imposées constituent des sanctions justes, raisonnables et appropriées aux circonstances et respectant les principes de dissuasion et d’exemplarité qu’il ne peut ignorer.

[68]     Quant à la publication de la décision, le comité l’ordonnera vu l’absence de circonstances exceptionnelles justifiant de l’en dispenser.

[69]     En ce qui concerne les déboursés, étant donné la règle voulant que la partie qui succombe les assume, le comité condamnera l’intimé à leur paiement, mais lui accordera un délai de six mois pour les acquitter.  

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DONNE ACTE au plaidoyer de culpabilité de l’intimé à l’égard de chacun des douze chefs contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable, pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, sous chacun des chefs d’accusation 1, 4, 5, 6, 8, 11 et 12 contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable, pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, sous chacun des chefs d’accusation 2, 3, 7, 9 et 10 contenus à la plainte;

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois sous chacun des chefs 1, 4, 5, 6, 8, 11 et 12 contenus à la plainte, à être purgée de façon concurrente;

 

 

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois mois sous chacun des chefs 2, 3, et 10 de la plainte, à être purgée de façon concurrente avec les précédentes;

IMPOSE à l’intimé une réprimande sous chacun des 7 et 9;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156(5) du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26; et lui ACCORDE un délai de six mois pour les acquitter.

 

 

(s) Janine Kean  _____________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Monique Puech___________________

Mme Monique Puech

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Louis Georges Boily________________

M. Louis Georges Boily, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 


 

Me Jeanine Guindi

THERRIEN COUTURE avocats, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé se représente seul.

 

Date d’audience :

Le 4 mars 2014

 

 



[1] Champagne c. Platis, CD00-0882, décision sur culpabilité et sanction du 16 avril 2012; Champagne c. Exilus, CD00-00899, décision sur culpabilité du 9 mai 2012 et décision sur sanction du 3 janvier 2013; Lelièvre c. Paquin Varennes, CD00-0873, décision sur culpabilité du 29 mars 2012 et décision sur sanction du
27 août 2012; Champagne c. Cossette, CD00-0928, décision sur culpabilité et sanction du 7 janvier 2013
.

[2] Pigeon c. Daigneault, [2003] R.J.Q. 1090 (C.A.), paragraphe 37.

[3] CD00-0951, décision sur culpabilité et sanction rendue le 4 août 2014, paragraphe 47, premier alinéa.

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