Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0988

 

DATE :

Le 27 novembre 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Armand Éthier, A.V.C.

Membre

M. Jean Ménard, A.V.C.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

GUY GAUTHIER, conseiller en sécurité financière et représentant de courtier en épargne collective (numéro de certificat 114007 et numéro de BDNI 1570491)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ LES ORDONNANCES SUIVANTES :

                Ordonnance de non-divulgation et de non-publication des informations qui permettraient d’identifier les consommateurs et de tout autre renseignement à leur sujet contenu dans la preuve documentaire déposée à l’audition;

                Ordonnance de non-divulgation et non-publication de tout renseignement concernant la situation financière de l’intimé contenue dans la preuve documentaire ou autrement déposé à l’audition.

[1]           Le 7 mars 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire portée contre l'intimé le 22 mars 2013.

[2]           La plaignante était représentée par Me Véronique Poirier. Quant à l’intimé, il était présent et représenté par Me Antonietta Melchiorre.

[3]           Sur demande des procureurs, le comité a prononcé les ordonnances ci-haut décrites, afin de protéger la vie privée des personnes concernées.

[4]           Suivant les représentations de Me Poirier voulant qu’elle ne puisse remplir son fardeau de preuve quant au chef 20, le comité a autorisé son retrait.

[5]           La plainte se lit dorénavant comme suit :

LA PLAINTE AMENDÉE

1.      Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé a fait signer en blanc à N.B. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

2.      Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé a fait signer en blanc à M.-C.L. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

3.      Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé a fait signer en blanc à M.-F.P.S. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

4.      Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé a fait signer en blanc à C.D. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

5.      Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé a fait signer en blanc à M.-J.A. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

6.      Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé a fait signer en blanc à S.A. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

7.      Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé a fait signer en blanc à A.V. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

8.      Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé a fait signer en blanc à M.-E.N. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

9.      Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé a fait signer en blanc à M.-Y.C. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

10.   Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé n’a pas remis à A.V. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

11.   Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé n’a pas remis à D.M.P. l’exemplaire de deux (2) préavis de remplacement lui étant destinés, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

12.   Dans la région métropolitaine de Montréal, entre 1999 et 2011, l’intimé n’a pas remis à C.A.D.N. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

13.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 21 décembre 2000, l’intimé n’a pas remis à H.A. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

14.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 21 décembre 2000, l’intimé n’a pas remis à S.A l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

15.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 12 janvier 2001, l’intimé n’a pas remis à P.-R.D. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

16.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 22 janvier 2001, l’intimé n’a pas remis à F.H. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

17.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 8 avril 2003, l’intimé n’a pas remis à F.G. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

18.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 26 novembre 2003, l’intimé a fait signer en blanc à M.A. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

19.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 22 décembre 2003, l’intimé n’a pas remis à N.A.D.N. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

20.   (Retiré) ;

21.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 7 août 2004, l’intimé n’a pas remis à N.D.N. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

22.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 8 octobre 2007, l’intimé n’a pas remis à M.C. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

23.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 4 août 2009, l’intimé n’a pas remis à K.-H.V. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

24.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 6 octobre 2009, l’intimé n’a pas remis à C.B. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

25.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 29 avril 2010, l’intimé n’a pas remis à H.G. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

26.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 4 mai 2010, l’intimé a fait signer en blanc à M.C. un (1) préavis de remplacement, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r.3) ;

27.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 14 juillet 2010, l’intimé n’a pas remis à D.P. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10) ;

28.   Dans la région métropolitaine de Montréal, le ou vers le 16 octobre 2010, l’intimé n’a pas remis à J.D.P. l’exemplaire du préavis de remplacement lui étant destiné, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 22(3) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants (c. D-9.2, r.10).

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[6]           Ensuite, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des chefs 1 à 19 et 21 à 28 contenus à la plainte. Après avoir vérifié si l’intimé comprenait bien le sens et la portée d’un tel plaidoyer, le comité l’a déclaré coupable de tous les chefs d’infraction énoncés à la plainte amendée.

LA PREUVE SUR SANCTION

[7]           De consentement avec la partie intimée, Me Poirier a déposé la preuve documentaire P-1 A à P-33.

[8]           Elle a expliqué le contexte factuel des deux types d’infractions : la signature en blanc de formulaires de préavis de remplacement par les consommateurs (chefs 1 à 9, 18 et 26) et le défaut par l’intimé de remettre à ses clients copie desdits formulaires de remplacement (chefs 10 à 17, 19, 21 à 25, 27 et 28).

[9]           C’est à la suite de l’enquête effectuée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) lors d’une inspection du bureau de Sun Life, que celle du bureau de la syndique de la Chambre de la sécurité financière (CSF) a commencé.  L’intimé avait laissé plein accès aux enquêteurs de l’AMF qui avaient repéré ainsi dans ses dossiers les formulaires mentionnés aux chefs de la plainte.

[10]       En décembre 2012, au cours d’une conversation téléphonique enregistrée entre l’enquêteur de la CSF et l’intimé (P-2), ce dernier a reconnu avoir fait signer par ses clients des formulaires en blanc. Il a expliqué que souvent ces derniers étaient ainsi signés pour diverses raisons, par exemple parce que les clients étaient pressés, pour ne pas prolonger davantage les rencontres à remplir le préavis ou encore parce que, dans le cas où il y avait remplacement de la police ou seulement transformation du contrat d’assurance, il ne savait pas si la compagnie exigeait de remplir un tel avis. Aussi, l’intimé aurait mentionné qu’il ignorait d’une part l’importance de ce formulaire et qu’il n’était pas approprié de faire signer en blanc, ce qu’il n’a appris que vers 2009-2010.

[11]       De son côté, l’intimé a témoigné qu’il a eu 65 ans en septembre 2013 et exerce au sein du même cabinet[1] en assurance de personnes depuis ses débuts en juin 1997 soit depuis 17 ans.

[12]       Il n’a aucun antécédent disciplinaire, n’a jamais été sanctionné par son employeur, ni eu de plainte portée par ses clients.

[13]       L’intimé sert encore plus de 1 000 clients dont la majorité est issue de la communauté haïtienne. Au moins 500 de ce nombre lui sont fidèles depuis ses débuts.

[14]       Il éprouve depuis dix ans des problèmes de santé qui ont affecté sa capacité de travail, lui ont causé du stress et de l’angoisse. Il a de plus subi une intervention chirurgicale importante à l’automne 2013.

[15]       L’intimé a produit ses avis de cotisations pour les années 2010 à 2012[2] et prévoit pour 2013 un revenu de […], ce qui équivaut à son revenu moyen des trois dernières années. Il est copropriétaire avec sa conjointe de la résidence familiale et y habite avec un de ses trois enfants, toujours à sa charge. Ses REER s’élèvent à environ […].  

[16]       Bien qu'il n'ait pas été avisé de l’inspection de ses dossiers par les inspecteurs de l’AMF, il leur a laissé libre accès à tous ses dossiers dans lesquels ils ont pris plusieurs documents.

[17]       Par la suite, en décembre 2012, il a participé, dans le bureau de la directrice de la conformité de la Sun Life, à une conversation téléphonique en mains libres au cours de laquelle un enquêteur de la CSF lui a posé plusieurs questions. Or, il n’en avait pas été avisé au préalable et n’avait aucun dossier en sa possession.

[18]       Il a expliqué qu’il n’a jamais fait signer en blanc d’autres formulaires que les préavis de remplacement, mais a signalé que ceux faisant l’objet des chefs portés contre lui n’avaient jamais servi. Aussi, la majorité des consommateurs visés par ces chefs sont encore ses clients. Il a ajouté qu’il n’avait jamais eu d’intention malveillante ou malhonnête. Il ne savait pas, au moment des événements, que faire signer en blanc ces formulaires constituait une faute déontologique. Il l’a fait quand les clients estimaient que le processus prenait trop de temps et qu’ils étaient pressés.


[19]       Quant au reproche de ne pas avoir remis aux clients les préavis de remplacement dûment remplis, il a expliqué son défaut en énumérant les diverses causes possibles :

a)     il ne savait pas qu’il devait le faire ou a oublié de les remettre;

b)     le formulaire était laissé par mégarde dans le dossier des clients dissimulé dans l’ensemble de la paperasse requise;

c)      le client lui demandait de le conserver ne voulant pas que son conjoint ne le sache;

d)     dans les cas où il ignorait si le formulaire était nécessaire, ne sachant pas distinguer entre une transformation de contrat ou son remplacement.

[20]       Il a indiqué que dorénavant il remet ces formulaires aux clients, sans exception,  et même s’ils ne veulent pas les conserver.

[21]       Si sa santé le permet, il désire continuer de pratiquer plusieurs années, car il en a besoin.

[22]       Il éprouve beaucoup de honte à l’égard de cette plainte disciplinaire portée contre lui. Il s’est décrit comme un homme discipliné qui s’assure d’une bonne tenue de ses dossiers.

[23]       En ce qui concerne sa radiation pour une période de six mois comme réclamée par la plaignante, il estime cette sanction trop sévère, d'autant plus que son travail constitue sa seule source de revenus. Toutefois, sa situation financière ne lui permet pas non plus de payer des amendes. Il possède une voiture […], mais qu’il n’a pas les moyens de changer.  

[24]       Quant à la publication de la décision, celle-ci aurait une conséquence des plus négatives, affecterait sa crédibilité et la confiance que ses clients lui portent et craint de perdre ainsi une partie de sa clientèle.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

La plaignante

[25]       Me Poirier a invoqué les facteurs suivants :

Aggravants 

a)    La gravité objective de la faute, faire signer en blanc constitue une pratique non tolérée, sans oublier l’importance de remettre une copie du préavis de remplacement qui doit être passé en revue avec le client afin de lui expliquer les raisons du remplacement. Un message clair doit être envoyé aux autres représentants exerçant dans la profession;

b)    Le nombre d’années d’expérience acquises par l’intimé au moment des infractions était entre un à dix ans;

c)    L’inquiétude découlant du fait que l’intimé ne savait pas que la pratique reprochée n’était pas permise et qu’il n’arrivait pas à saisir s’il y avait lieu de faire ou non un avis;

d)    Le caractère répétitif des fautes;

e)    Le nombre de consommateurs en cause;

f)     La façon de faire de l’intimé qui semble avoir été même systématique;

g)    Le lien entre les deux séries de chefs.

Atténuants

a)     L’admission par l’intimé de ses fautes;

b)     L’absence d’intention malicieuse;

c)      L’absence de préméditation;

d)     L’absence d’antécédent disciplinaire;

e)     Le risque de récidive plutôt faible;

f)       L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité.

[26]       En s’appuyant sur quatre décisions du comité[3], Me Poirier a recommandé sous chacun des chefs reprochant d’avoir fait signer en blanc des préavis de remplacement (chefs 1 à 9, 18 et 26), la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six mois, à être purgée de façon concurrente.

[27]       Quant aux chefs reprochant à l’intimé de ne pas avoir remis aux consommateurs les exemplaires de préavis de remplacement (chefs 10 à 17, 19, 21 à 25, ainsi que 27 et 28), elle a suggéré la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois mois sous chacun de ces chefs, à être purgée de façon concurrente, en déposant au soutien deux décisions[4].

[28]       De plus, elle a réclamé la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[29]       Pour la première série de chefs, les sanctions imposées dans les affaires Pitre (paragr. 30 à 32), Cossette (59 documents, 33 consommateurs entre juin et août 2011, paragr. 32 et suivants), Alami (chefs 9 et 11, paragr. 5 à 9 et 13) et Perron (chefs 1 à 5), l’ont été à la suite de recommandations communes. Les demandes de radiation pour une période d’un mois, de cinq ans et de deux mois dans les deux dernières affaires ont été respectivement suivies par le comité.

 

[30]       Pour la deuxième série de chefs, les affaires Couture et Gupta, bien que rendues respectivement sur des chefs de rabais de prime et d’absence d’analyse de besoins financiers (ABF), lui paraissent pertinentes pour illustrer que bien qu’une radiation soit généralement prononcée pour des chefs de rabais de prime et des amendes pour ceux concernant l’ABF, il est arrivé que des amendes aient été imposées dans le premier cas et des radiations dans le deuxième cas.

[31]        Enfin, elle a avancé que le témoignage de l’intimé concernant le contexte de la conversation téléphonique du mois de décembre 2012 avec l’enquêteur de la CSF n’était en aucun point pertinent au stade de la sanction.

L’intimé

[32]        Me Melchiorre a soutenu que les recommandations de la partie plaignante étaient trop sévères, en rappelant les propos de la Cour du Québec dans l’affaire Martel[5] insistant sur le fait que le droit disciplinaire ne sert pas à punir, mais plutôt à assurer la protection du public.

[33]        Elle a ensuite passé en revue une série de décisions[6] et soumis ses propres recommandations sur sanction.

[34]        Pour ce qui est des chefs 1 à 9, 18 et 26 reprochant à l’intimé d’avoir fait signer en blanc des préavis de remplacement, elle a recommandé la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois sous chacun des chefs 1, 2, 3, 4, 5 et 6, à être purgée de façon concurrente, mais une réprimande sous les chefs 7, 8, 9, 18 et 26.

[35]        Quant aux chefs reprochant à l’intimé de ne pas avoir remis au consommateur l’exemplaire du préavis de remplacement (chefs 10 à 17, 19, 21 à 25, 27 et 28), elle a souligné que pour des infractions de cette nature, le comité impose plutôt des amendes, mais étant donné sa situation financière, l’intimé est incapable de payer des amendes. Par conséquent, considérant l’ensemble des circonstances propres à ce dossier, elle a suggéré la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois sous chacun de ces chefs, à être purgée de façon concurrente. Pour ces mêmes motifs, elle a demandé de ne pas condamner l’intimé au paiement des déboursés.

[36]        Pour les raisons exposées par l’intimé, elle a demandé de ne pas ordonner la publication de la décision.

Réplique

[37]        La procureure de la plaignante a indiqué que les revenus modestes et la situation financière précaire de l’intimé ne le dispensaient pas des conséquences de ses fautes disciplinaires. Sa pratique peut être qualifiée de négligente, car il a répété ces erreurs non pas une ou deux fois, mais à plus de quinze reprises. Même s’il a expliqué avoir agi de cette façon pour accommoder les clients, ceci ne peut le disculper. 

 

[38]        Elle a soutenu que les sanctions d’amendes avaient été imposées davantage dans les cas de fautes isolées. Elle a également rappelé que dans l’affaire Bernier citée par sa consœur, l’amende avait été imposée à l’égard d’un seul chef de signature en blanc.

ANALYSE ET MOTIFS

[39]        La signature de formulaire en blanc est une pratique qui a été condamnée à plusieurs reprises par le comité. Comme le mentionnait récemment une autre formation du comité[7], la gravité objective de ces infractions est indéniable, elles vont au cœur de l’exercice de la profession et sont de nature à discréditer celle-ci. Non seulement le représentant expose ainsi ses clients à un risque de préjudice, mais il s'agit d'une pratique malsaine mettant notamment en péril la protection du public.

[40]       Les parties s’entendent pour recommander des périodes de radiation étant donné la situation financière de l’intimé qui ne permet pas d’imposer même les amendes minimales. Toutefois, la plaignante réclame pour la première série et la deuxième série de chefs une radiation temporaire de six et trois mois respectivement tandis que l’intimé suggère une période d’un mois.

[41]        Comme indiqué par la plaignante les sanctions imposées dans les affaires citées au soutien de sa recommandation sur la première série de chefs l’ont été à la suite de recommandations communes. Les ordonnances de radiation varient entre une période d’un mois, de cinq ans et de deux mois dans les deux dernières affaires. 

[42]        Le comité convient avec Me Poirier que même si l’intimé a expliqué avoir agi de cette façon pour accommoder les clients, ceci ne peut le disculper. D’ailleurs, il a reconnu ses fautes et a plaidé coupable à la première occasion. Il a corrigé en conséquence sa façon de faire. La malhonnêteté ne le caractérise pas non plus. Aucun préjudice n’en a résulté pour les clients. Sa clientèle lui fait confiance, au moins la moitié le suit depuis ses débuts.

[43]       Certes, la gravité objective des fautes commises ne peut être niée. Par ailleurs, bien qu’en nombre important, les chefs de la première série reprochent tous la même infraction et il en est de même pour la deuxième série. Les deux infractions reprochées bien que commises à plusieurs reprises sont toutes liées à un seul formulaire : l’avis de remplacement. Au surplus, l’intimé a indiqué que dorénavant il remet sans exception l’avis de remplacement à ses clients. Quant au formulaire signé en blanc, il a témoigné que ceux faisant l’objet des reproches n’ont pas servi. Aussi, la plaignante ne conteste pas que le risque de récidive s’avère plutôt faible, voire inexistant. 

[44]       Pour tenir compte des faits propres à ce dossier, le comité aurait été plus enclin à imposer des amendes. Or, l’intimé a atteint l’âge auquel plusieurs jouissent de leur retraite et retire selon la preuve non contredite des revenus plutôt modestes. Aussi étant donné le nombre d’infractions commises, la sanction de radiation s’avère plus appropriée, mais une période de six mois ou même de trois mois non seulement placerait l’intimé dans un état de survie, mais mettrait sans doute aussi un terme à sa carrière. Dans ces circonstances, le comité estime devoir tenir compte du droit de l’intimé de continuer d’exercer sa profession et gagner sa vie d’autant plus qu’il a eu une carrière sans tache jusqu’à la présente plainte et qu’il y a absence de malhonnêteté et de préjudice.

[45]       Enfin, considérant notamment le principe de la gradation des sanctions, les faits propres à ce dossier et toutes les circonstances, le comité ordonnera la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois et demi ou six semaines à purger de façon concurrente sous chacun des chefs de la plainte amendée estimant qu’elle constitue une sanction juste et raisonnable qui saura dissuader l’intimé ainsi que les autres représentants de l’imiter.  

[46]       Le comité condamnera l’intimé au paiement des débours en l’absence de motifs lui permettant de déroger à la règle voulant que la partie qui succombe les assume. Cependant, un délai de six mois lui sera accordé pour les acquitter.

[47]       Enfin, de l’avis du comité, les motifs exposés par l’intimé ne constituent pas des circonstances exceptionnelles justifiant de le dispenser d’ordonner la publication de la décision et elle sera donc ordonnée.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sous chacun des chefs 1 à 19 et 21 à 28 contenus à la plainte amendée;

DÉCLARE l’intimé coupable sous chacun des chefs 1 à 19 et 21 à 28 contenus à la plainte amendée;

 

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimé, sous chacun des chefs 1 à 19 et 21 à 28 contenus à la plainte amendée à une radiation temporaire pour une période de six semaines à être purgée de façon concurrente;

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26;

ACCORDE à l’intimé un délai de six mois de la présente décision pour acquitter les débours;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions, RLRQ, chapitre C-26.

 

 

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Armand Éthier____________________

M. Armand Éthier, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Jean Ménard_____________________

M. Jean Ménard, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Véronique Poirier

THERRIEN COUTURE AVOCATS, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Antonietta Melchiorre

LAPOINTE ROSENSTEIN MARCHAND MELANÇON, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 7 mars 2014

 

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] L’attestation du droit de pratique indique qu’il est rattaché au cabinet Sun Life (La Mutuelle ayant été achetée par Clarica et ensuite par Sun Life.

[2] SI-1 en liasse.

[3] Champagne c. Pitre, CD00-0904, décision sur culpabilité et sanction corrigée du 3 août 2012; Champagne c. Cossette, CD00-0928, décision sur culpabilité et sanction du 7 janvier 2013; Lelièvre c. Alami, CD00-0961, décision sur culpabilité et sanction du 24 juillet 2013; Lelièvre c. Perron, CD00-0984, décision sur culpabilité et sanction du 10 septembre 2013 et rectifiée le 3 octobre 2013.

[4] Champagne c. Couture, CD00-0842, décision sur culpabilité et sanction du 20 septembre 2011; Lelièvre c. Gupta, CD00-0941, décision sur culpabilité et sanction du 21 mars 2013.

[5] Martel c. Thibault, 2012 QCCQ 900, décision de la Cour du Québec du 16 janvier 2012.

[6] Lelièvre c. Bernier, CD00-0910 et CD00-0935, décision sur culpabilité et sanction du 24 janvier 2013; Thibault c. Duval, CD00-0658, décision sur culpabilité du 23 décembre 2008 et décision sur sanction du 26 novembre 2009; Lelièvre c. Alami, CD00-0961, décision sur culpabilité et sanction du 24 juillet 2013; Champagne c. Deguire, CD00-0830 et CD00-0870, décision sur culpabilité du 1er février 2012 et décision sur sanction du 4 décembre 2012; Champagne c. Pitre, CD00-0904, décision sur culpabilité et sanction corrigée du 3 août 2012; Champagne c. Marcoux, CD00-0839, décision sur culpabilité et sanction du 6 juillet 2011; Champagne c. Stepin, CD00-0832, décision sur culpabilité et sanction du 17 mai 2011; Rioux c. Berry, CD00-0636, décision sur culpabilité et sanction du 8 novembre 2007; Bernatchez c. Dumais, 2000 QCTP 056, décision du Tribunal des professions du 21 juin 2000; BERBARD, Pierre, « La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions » dans Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2004).

[7] Lelièvre c. Ronco, CD00-0987, décision sur culpabilité et sanction rendue le 20 mars 2014.

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