Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1043

 

DATE :

03 décembre 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

 

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

M. Jacques Denis, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

 

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

HENRIETTE BICHAI, conseillère en sécurité financière (certificat numéro 177649)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 21 octobre 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni au siège social de la Chambre, sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour procéder à l'audition de la plainte disciplinaire suivante portée contre l'intimée le 16 décembre 2013.

LA PLAINTE

1.      À Montréal, entre les ou vers les 2 décembre 2010 et 16 mars 2012, l’intimée, ayant déposé la somme de 4 013,32 $ appartenant à Bhad.P. au compte bancaire de Services financiers Maxplan inc., a omis de remettre ladite somme d’argent à l’assureur à qui cette somme d’argent était destinée, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 33 et 35 du Code de la déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

2.      À Montréal, entre les ou vers les 2 décembre 2010 et 16 mars 2012, l’intimée, ayant déposé la somme de 9 116,39 $ appartenant à K.P. au compte bancaire de Services financiers Maxplan inc., a omis de remettre ladite somme d’argent à l’assureur à qui cette somme d’argent était destinée, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 33 et 35 du Code de la déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

3.      À Montréal, entre les ou vers les 2 décembre 2010 et 16 mars 2012, l’intimée, ayant déposé la somme de 23 643,45 $ appartenant à P.P. au compte bancaire de Services financiers Maxplan inc., a omis de remettre ladite somme d’argent à l’assureur à qui cette somme d’argent était destinée, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 33 et 35 du Code de la déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

4.      À Montréal, entre les ou vers les 8 décembre 2010 et 16 mars 2012, l’intimée, ayant déposé la somme de 5 035,26 $ appartenant à Bhar.P. au compte bancaire de Services financiers Maxplan inc., a omis de remettre ladite somme d’argent à l’assureur à qui cette somme d’argent était destinée, contrevenant ainsi à aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, chapitre D-9.2), 11, 33 et 35 du Code de la déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3).

 

[2]          La plaignante était représentée par Me Mathieu Cardinal, tandis que l’intimée était représentée par Me Mélanie Martel.

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[3]          Les procureurs ont indiqué que l’intimée désirait enregistrer un plaidoyer de culpabilité sous chacun des quatre chefs d’accusation portés contre elle pour avoir contrevenu à l’article 33 du Code de la déontologie de la Chambre de la sécurité financière et demandait d’ordonner l’arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions alléguées à ces chefs, soit les articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, ainsi que 11 et 35 du Code de la déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[4]          Le comité, après s’être assuré que l’intimée comprenait que, par ce plaidoyer, elle reconnaissait les gestes reprochés et que ceux-ci constituaient des infractions déontologiques, l’a déclarée coupable sous chacun des quatre chefs de la plainte portée contre elle et tel que demandé par les parties.

[5]          Ensuite, les parties ont mentionné qu’elles s’étaient entendues pour présenter des suggestions communes sur sanction.

LA PREUVE SUR SANCTION

La plaignante

[6]           Après avoir déposé de consentement un cahier de pièces (P-1 à P-13), ainsi qu’un tableau explicatif des argents non remis à Industrielle Alliance (IA) par Services Financiers MaxPlan inc. (MaxPlan) (P-14), Me Cardinal a exposé la trame factuelle entourant la commission des infractions.

[7]           L’attestation du droit de pratique de l’intimée indique qu’elle a fait ses débuts en mars 2008 en assurance de personnes.

[8]           MaxPlan a agi comme agent général pour IA pendant plusieurs années.

[9]           Le registre des entreprises indique que l’oncle de l’intimée était le seul actionnaire de MaxPlan. Toutefois, les modifications de la déclaration d’immatriculation du 6 février 2009 indiquent que l’intimée est devenue deuxième actionnaire de MaxPlan, ainsi que vice-présidente et administrateur.

[10]        Quoiqu’elle ne soit passée de vice-présidente à présidente, qu’en septembre 2009, l’intimée s’est annoncée comme étant déjà présidente dans une lettre qu’elle adressait à son équipe en avril 2009. Toutefois, elle n’occupait plus aucune de ces fonctions, selon une déclaration modificative de juillet 2010.

[11]        En septembre 2009, avant les faits reprochés, les fonctions d’agent général ont été transférées de MaxPlan à la compagnie 9212-5095 Québec Inc., immatriculée en août 2009 et dont l’intimée est l’unique actionnaire, présidente et administratrice. La dénomination sociale de cette compagnie est « Agence Goldman ».

[12]        Le contrat d’agent général auprès d’IA indique que l’agent général notamment recrute les courtiers, les représentants, assure leur formation et les supervise. Il est auprès de ces derniers, le gardien des normes et des procédures de la compagnie IA. Il agit en tant que fiduciaire d’IA (P-5).

[13]        À titre d’agent général pour IA, MaxPlan recevait de la part des courtiers, notamment Fancy Services Financiers (Fancy), des chèques émis par London Life au nom des consommateurs pour le rachat de polices d’assurance résiliées par ces derniers. Le produit de vente de ces polices devait être investi dans de nouvelles polices, à être souscrites auprès d’IA.

[14]        Au lieu d’être acheminés directement à cette dernière compagnie, les chèques étaient déposés dans le compte de MaxPlan qui devait à son tour émettre des chèques à IA. Or, le compte de MaxPlan n’était pas un compte en fidéicommis, mais un compte sur marge. Ainsi, certains de ces chèques, pour un total d’environ 42 000 $, n’ont été transmis à IA que plusieurs mois plus tard.

[15]        Dans un courriel adressé à son oncle à la mi-décembre 2010, l’intimée signale qu’une certaine somme d’argent se trouvant dans le compte n’appartient pas à MaxPlan et que ce compte marge éprouve des difficultés pour acquitter les différentes dépenses, dont certaines personnelles à son oncle. Enfin, elle énumère une série de chèques devant être remis à Fancy (P-11).

L’intimée

[16]        Me Martel a produit les pièces I-1 à I-4, dont des imprimés du rôle d’audience publié sur le site web de la Chambre de la sécurité financière (CSF). Ayant constaté que la nature de la plainte décrite sur celui du 15 septembre 2014 incluait une appropriation de fonds pour fins personnelles, elle a demandé une correction pour ne conserver que le non-paiement à l’assureur des sommes perçues. Le 17 octobre 2014, elle a consulté le site et l’erreur avait été corrigée. Or, la veille de l’audience, la mention d’appropriation de fonds avait réapparu. Cette situation a causé préjudice à sa cliente.

[17]        L’intimée, qui a témoigné, exerce maintenant pour le cabinet Qualified Financial Services inc.

[18]        Son contrat avec IA a été suspendu, mais rétabli après la mise en place de mesures par IA.

[19]        IA a remboursé la plupart des consommateurs visés par ces chefs. Pour sa part, l’intimée a remboursé IA par le biais de ses commissions habituellement versées dans sa compagnie 9212-5095 Québec inc. Toutefois, MaxPlan n’a jamais remboursé ni IA ni sa compagnie.

[20]        Elle a commencé dans la profession en travaillant sous la direction de son oncle. Ce dernier lui a demandé de déposer les chèques remis par Fancy dans le compte de MaxPlan.

[21]        Quand elle a réalisé l’irrégularité de cette façon de faire, elle a tenté de corriger la situation et de rencontrer IA. Elle a expliqué qu’elle a manqué de vigilance à l’égard de ses affaires en raison de sa situation personnelle, dont un mariage et deux accouchements en l’espace d’une année.

[22]        Elle a dit regretter les gestes reprochés, qu’elle était maintenant très vigilante et voulait continuer à exercer la profession.

[23]        Cet épisode a eu des effets néfastes tant sur sa famille et ses enfants, que sur sa vie professionnelle. Elle n’a tiré aucun avantage personnel de ces gestes et la mention d’appropriation de fonds sur le rôle d’audience de la CSF a semé un doute chez son employeur et les compagnies d’assurance. Cependant, son employeur a intercédé pour elle et a négocié auprès des compagnies d’assurance d’attendre la décision du comité, avant de mettre fin à ses contrats.

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES SUR SANCTION

La plaignante

[24]        Après avoir résumé le contexte factuel de la commission des infractions,
Me Cardinal a invoqué, aux fins de la sanction, les facteurs tant objectifs que subjectifs suivants :

Aggravants 

a)    Gravité de la faute, qui s’écarte considérablement de la norme déontologique;

b)    Dépôt de l’argent des clients dans un compte autre qu’en fidéicommis, qui s’avère un compte marge de crédit appartenant à un tiers servant à payer des dettes, impôts et autres;

c)    Nombre de consommateurs impliqués;

d)    Montant approximatif de 42 000 $ non transmis à l’assureur en temps utile;

e)    Bien que l’intimée n’était plus présidente de la compagnie à qui appartenait ce compte bancaire, elle continuait de jouer un rôle important dans cette entreprise;

Atténuants

a)     Collaboration de l’intimée à l’enquête;

b)     Enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité;

c)      Absence d’antécédent disciplinaire;

d)     Le peu d’expérience de l’intimée qui en était à ses débuts de carrière au moment des infractions;

e)     Remise par l’intimée de l’argent des clients à la compagnie d’assurance, même si avec plus de six mois de retard;

f)       Indemnisation par l’intimée, dans la mesure du possible, de la majorité des clients;

g)     Fautes commises en exécution des procédures déjà mises en place et requises par le patron de l’intimée, qui était également son oncle;

h)     Collaboration de l’intimée avec IA dans le but de dénouer les problèmes et indemniser les clients;

i)       Absence d’intention malhonnête et malveillante;

j)       Faible risque de récidive, étant donné que l’intimée s’est dissociée et opère maintenant dans un milieu plus encadré;

k)      Expression de regrets.

[25]        Il a ensuite soumis les recommandations communes des parties sous chacun des chefs 1 à 4 comme étant le paiement d’une amende de 6 000 $ pour un total de
24 000 $
et a déposé au soutien une série de décisions[1].

[26]        Enfin, bien qu’une sanction de radiation soit celle imposée généralement pour ce type d’infraction, Me Cardinal a soutenu, qu’une amende de 6 000 $ par chef, considérant l’ensemble des facteurs atténuants propres à ce dossier, était adéquate en 2014, le tout répondant aux critères de dissuasion et d’exemplarité.

L’intimée

[27]        Pour sa part, tout en se disant d’accord avec les facteurs soulevés par son confrère, Me Martel a rappelé que la sanction devait être personnalisée au professionnel visé. En l’espèce, la radiation ne s’avérait pas une sanction appropriée, étant donné le droit de l’intimée de continuer d’exercer sa profession.

[28]        En plus des facteurs atténuants mentionnés par son confrère, elle a soutenu que le comité devait tenir compte que l’intimée a commencé sa carrière avec son oncle qui faisait affaire depuis longtemps avec le courtier impliqué. Aussitôt que l’intimée s’est rendu compte de l’irrégularité de la situation, elle l’a signalée à IA, a changé d’employeur et a recommencé au bas de l’échelle. Enfin, le fait que l’intimée était à son huitième mois de grossesse au moment des événements reprochés constitue un facteur subjectif supplémentaire dans les circonstances.

[29]        Quant au paiement des amendes, Me Martel a demandé d’accorder à l’intimée un délai de dix-huit mois pour les acquitter.

[30]        Faisant appel à la discrétion dont le comité dispose à ce chapitre en vertu du Code des professions, elle a demandé que l’intimée soit dispensée du paiement des débours, étant donné que l’intimée avait contrevenu à un seul article de loi.

 

 

Réplique

[31]        Quant à la demande de délai pour acquitter les amendes, Me Cardinal a laissé le tout à la discrétion du comité.

[32]        Toutefois, il a contesté la demande de dispense du paiement des débours, alléguant l’absence de motif la justifiant.

ANALYSE ET MOTIFS

[33]        Le comité consigne par écrit la décision sur culpabilité rendue séance tenante contre l’intimée, prenant acte de son plaidoyer de culpabilité et la déclarant coupable sous chacun des quatre chefs de la plainte portée contre elle.

[34]        Après étude des sanctions suggérées par les parties, notamment lorsqu’elles sont examinées dans leur globalité, celles-ci paraissent justes et appropriées. Elles répondent aux critères devant guider le comité dans la détermination des sanctions et  sont compatibles aux sanctions prononcées pour des infractions de même nature. Le comité n’est pas en présence d’une situation qui le justifierait de s’écarter des recommandations conjointes des parties et y donnera donc suite.

[35]        Le comité accueillera la demande de délai de 18 mois présentée par l’intimée pour acquitter les amendes proposées.

[36]        Cependant, concernant le paiement des débours, en l’absence de motifs qui le justifieraient de s’écarter de la règle qui veut que la partie qui succombe en assume généralement le coût, le comité condamnera l’intimée au paiement de ceux-ci. Par ailleurs, compte tenu de l’ensemble des circonstances, de la situation financière et des responsabilités familiales de cette dernière, le comité lui accordera également un délai de 18 mois pour en effectuer le paiement.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sous chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte;

DÉCLARE l’intimée coupable sous chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte, pour avoir contrevenu à l’article 33 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

ORDONNE l’arrêt conditionnel des procédures quant aux autres dispositions législatives et règlementaires alléguées sous chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte.

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l’intimée au paiement d’une amende de 6 000 $ sous chacun des quatre chefs d’accusation contenus à la plainte, totalisant 24 000 $;

CONDAMNE l’intimée au paiement des débours conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ACCORDE à l’intimée un délai de 18 mois pour le paiement desdites amendes et des débours, lequel devra s’effectuer au moyen de versements mensuels égaux et consécutifs, le tout devant commencer à l’expiration du 30e jour de la date de la présente décision, sous peine de déchéance du terme et sous peine de non-renouvellement de son certificat émis par l’Autorité des marchés financiers dans toutes les disciplines où il lui est permis d’agir.

 

 

(s) Janine Kean______________________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Yvon Fortin______________________

M. Yvon Fortin, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Jacques Denis____________________

M. Jacques Denis, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Mathieu Cardinal, accompagné de Me Caroline Isabelle

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Mélanie Martel

DAVIS, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

Le 21 octobre 2014

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Rioux c. Poulin, CD00-0492, décision sur culpabilité du 25 octobre 2005 et décision sur sanction du 20 avril 2006; Rioux c. Sigouin, CD00-0340, décision sur culpabilité et sanction du 25 février 2002 (ainsi que Rioux c. Rioux, CD00-0339, décision sur culpabilité et sanction du 25 février 2002); Rioux c. Pana, CD00-0630, décision sur culpabilité et sanction du 3 janvier 2007; Rioux c. Brouillard, CD00-0438, décision sur culpabilité du 18 février 2003 et décision sur sanction du 17 juillet 2003; Rioux c. Marcellin, CD00-0470, décision sur culpabilité du 2 mars 2004 et décision sur sanction du 21 juillet 2004.

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