Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1013

 

DATE :

10 novembre 2014

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

M. Serge Bélanger, A.V.C.

Membre

M. Pierre Masson, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière;

Partie plaignante

c.

 

JACQUES ARTHUR BEAUDOIN, conseiller en sécurité financière et conseiller en régimes d’assurance collective (numéro de certificat 101456);

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 27 mars 2014, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni à la salle Wigwam de l’Hôtel Le Montagnais situé au 1081, boulevard Talbot, Chicoutimi (Québec) G7H 4B6 et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« 1.       À Roberval, à compter du ou vers le 20 mars 2012, l’intimé a omis de communiquer avec sa cliente L.A. et d’assurer un suivi auprès d’elle suite à la réception d’un « Avis de police en déchéance » concernant la police d’assurance vie souscrite auprès de Transamérica et portant le numéro L00625971, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, D-9.2), 12, 23 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, C. D-9.2, r. 3). »

[2]           À la fin de la journée, après que les parties eurent déclaré leur preuve close, il fut convenu qu’elles plaideraient par écrit.

[3]           La plaidoirie de la plaignante fut acheminée au comité le 15 mai 2014 alors que celle de l’intimé lui fut transmise le 9 juin 2014. La plaignante soumit ensuite une réponse le 18 juin 2014 et l’intimé une réplique le 26 juin 2014, date du début du délibéré.

LA PREUVE

[4]           Au soutien de la plainte, la plaignante fit entendre M. Larivière, enquêteur au bureau de la syndique, Mme Lucie A., la cliente concernée et M. Yvon G., le mari de cette dernière.

[5]           Elle déposa de plus une importante preuve documentaire qui fut cotée P-1 à P‑11.

[6]           Quant à l’intimé, il fit entendre Mme Geneviève Darveau, son adjointe administrative à l’époque concernée, M. Antonio Ciaraldi, administrateur et directeur des nouvelles affaires chez Transamerica (TA), l’assureur en cause, et choisit de lui-même témoigner.

[7]           De plus, il versa au dossier une preuve documentaire qui fut cotée I-1 et I-2.

LES FAITS

[8]           Le contexte factuel rattaché à la plainte peut se résumer comme suit :

[9]           En 1989, la consommatrice concernée, Mme Lucie A., alors âgée de 39 ans[1], souscrit auprès de TA, par l’entremise de son représentant de l’époque, M. Yoland Genest (M. Genest), une police d’assurance-vie temporaire jusqu’à 100 ans pour un capital assuré de 75 000 $. Les primes en sont acquittées au moyen de paiements pré-autorisés au compte bancaire qu’elle détient avec son conjoint.

[10]        En 2001, l’intimé fait l’acquisition des dossiers de M. Genest.

[11]        À la fin de l’année 2011 et/ou au début de 2012, Mme Lucie A. et son époux, M. Yvon G., éprouvent des difficultés financières de sorte qu’à compter du 17 février 2012 le paiement des primes de la police n’est plus honoré.

[12]        L’assureur TA adresse alors à Mme Lucie A. un « Avis de non paiement », daté du 28 février 2012, par lequel il informe cette dernière que le débit pré-autorisé (DPA) (au montant de 41,38 $) en paiement des primes a été refusé pour cause de provisions insuffisantes.

[13]        L’assureur avise celle-ci qu’en conséquence les prélèvements automatiques seront interrompus et qu’afin de maintenir la couverture d’assurance en vigueur, il lui facturera à l’avenir les coûts d’assurance sur une base trimestrielle, à moins qu’elle ne lui indique qu’elle a l’intention de recommencer à payer mensuellement les primes.

[14]        L’assureur informe de plus son assurée que la police sera maintenue en vigueur pendant trente et un (31) jours à compter de la dernière date d’échéance de sa prime, (le 10 février 2012) mais qu’en l’absence de paiement elle tombera alors en déchéance[2].

[15]        Il y a une difficulté toutefois : en 1995, l’assureur a par erreur modifié dans ses registres, à l’insu de son assurée, l’adresse de cette dernière à St-Félicien pour une adresse à Calgary. En conséquence, l’« Avis de non paiement » ne lui est pas délivré.

[16]        Ajoutons à cela que selon le témoignage non contredit de l’intimé, cet « Avis de non paiement » (pièce I-9), il n’en reçoit, lui non plus, aucune copie. Le représentant de l’assureur TA a bien témoigné qu’un exemplaire d’un tel avis est habituellement acheminé au représentant aux soins de l’« agent général » avec lequel il transige, mais aucune preuve n’a été administrée démontrant que l’« agent général » en cause, s’il en a reçu une copie pour ou au nom de l’intimé, (ce qui n’a pas été établi), aurait fait suivre celle-ci à ce dernier[3].

[17]        L’« Avis de non paiement » demeure donc sans réponse et le 14 mars 2012 l’assureur adresse à son assurée, Mme Lucie A., un « Avis de police en déchéance »[4] qui, à cause de la mauvaise adresse à Calgary, ne lui parvient pas non plus.

[18]        Audit « Avis de police en déchéance », l’assureur prévient son assurée que la couverture expirera à la fin du délai de grâce de trente et un (31) jours prévu à la police. Il ajoute qu’il lui fera plaisir de remettre en vigueur la police expirée si toutes les « conditions de remise en vigueur sommaires » énoncées à sa correspondance sont rencontrées et à la condition qu’il reçoive un paiement de 79,57 $ au plus tard à la date d’expiration mentionnée, soit le 29 mars 2012.

[19]        Un exemplaire dudit « Avis de police en déchéance » à l’intention de l’intimé est transmis par l’assureur à l’« agent général », qui l’achemine ensuite à ce dernier.

[20]        Aussi, selon la déclaration de l’intimé à l’enquêteur de la Chambre, le dossier « commence à son bureau par la réception de l’Avis de police en déchéance » dont il reçoit une copie de l’« agent général » le ou vers le 20 mars 2012[5].

[21]        Interrogé devant le comité sur le moment précis de la réception, il déclare qu’il lui est impossible de préciser la date exacte où il aurait reçu le document à son bureau mais, puisqu’il est daté du 14 mars 2012, l’on peut facilement supposer, compte tenu des délais pour d’abord l’acheminer à l’« agent général » puis pour que ce dernier le lui fasse tenir, qu’il ne l’aurait pas reçu avant le 20 mars 2012.

[22]        Après réception dudit document, l’assistante de l’intimé, Mme Geneviève Darveau (Mme Darveau), engage des démarches afin de tenter de retracer l’assurée, mais elles s’avèrent vaines.

[23]        Impuissante, Mme Darveau s’en rapporte à l’intimé, son patron, qui, escomptant que quelqu’un va se manifester ou qu’il va « arriver quelque chose »[6], lui donne instructions de cesser ses démarches, de mettre l’Avis de côté.

[24]        Les évènements qui précèdent ont fait l’objet d’une preuve qui n’a généralement pas été contestée. La suite des choses a suscité une preuve contradictoire.

[25]        Selon la version de M. Yvon G., le conjoint de Mme Lucie A., après qu’il se soit rendu compte que le paiement de la prime de février 2012 n’avait pas été honoré, il a contacté l’intimé pour lui faire part de la situation. L’appel aurait eu lieu avant le 17 mars 2012, soit avant que le paiement de la prime du mois de mars ne soit exigible. Malgré cette communication, l’intimé ne serait allé rencontrer le couple que le 10 avril 2012. Il aurait alors rempli un questionnaire médical pour Mme Lucie A., aurait noté sa médication et, afin de tenter une remise en vigueur, aurait demandé au couple de préparer un chèque de 124,14 $ représentant trois (3) mois de primes (3 x 41,38 $). Par la suite, M. Yvon G. aurait été incapable de « reparler au téléphone » avec l’intimé (bien qu’il indique qu’il aurait parlé à quelques reprises avec la secrétaire de ce dernier).

[26]        La version de l’intimé diverge. Selon ce dernier, ce serait plutôt  au cours du mois d’avril 2012, en vérifiant l’état de son compte bancaire (conjoint) au moyen de l’internet, que le conjoint de Mme Lucie A. se serait rendu compte du non-paiement des primes d’assurances et qu’il lui aurait téléphoné dans le but d’obtenir son aide.

[27]        L’intimé aurait alors tenté par téléphone d’obtenir la remise en vigueur « sans tarification » de la police en s’adressant à une représentante de TA, soit Mme Mélissa Hems (Mme Hems) mais sans succès. En effet, environ quinze (15) jours plus tard, l’assureur lui aurait signifié verbalement son refus de remettre en vigueur la police.

[28]        L’intimé n’a pas communiqué avec son assurée pour l’aviser du refus parce qu’il croyait, à tort, que TA, l’assureur, communiquerait directement avec elle pour lui en expliquer les motifs. Après un certain temps toutefois, n’ayant reçu aucun signe de vie de Mme Lucie A. et/ou de son conjoint, l’intimé serait entré en communication avec cette dernière. Comme elle n’en avait pas été avisée par l’assureur, il l’aurait alors informée du refus de TA de remettre la police en vigueur « sans tarification ».

[29]        Par la suite, en juillet une demande de modification de police afin de tenter de remettre en vigueur la police échue aurait été préparée en présence de l’assurée qui l’a signée. Le document aurait été expédié à l’agent général deux (2) à trois (3) jours plus tard.

[30]        Un second et nouveau formulaire de modification aurait dû être complété quelque temps après parce que le premier était sur le point de devenir périmé et que la version en avait été modifiée.

[31]        Selon Mme Darveau, l’assistante de l’intimé dont le témoignage est apparu crédible, le deuxième formulaire aurait été transmis à l’agent général en septembre.

[32]        Finalement, malgré les démarches susdites, tel qu’il appert de la pièce P-8, l’assureur a refusé de « modifier » (remettre en vigueur) la police de Mme Lucie A.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[33]        À l’unique chef d’accusation contenu à la plainte, il est reproché à l’intimé d’avoir omis de communiquer avec sa cliente Mme Lucie A. et d’assurer auprès d’elle un suivi à la suite de la réception d’un « Avis de police en déchéance » concernant la police d’assurance-vie qu’elle détenait auprès de l’assureur TA.

[34]        Or rappelons d’abord que, tel que précédemment mentionné, Mme Lucie A. ne reçoit pas l’« Avis de police en déchéance » parce qu’il lui est erronément expédié à une adresse en Alberta.

[35]        Un exemplaire dudit « Avis de police en déchéance » parvient toutefois à l’intimé, non pas directement, puisqu’il n’est pas « courtier comme tel avec TA », mais par l’entremise de l’« agent général » de Québec avec lequel il doit traiter[7]. Selon son témoignage, ledit avis lui parvient le ou vers le 20 mars 2012.

[36]        Son adjointe, Mme Darveau, entreprend alors des démarches pour tenter de retracer les coordonnées de l’assurée.

[37]        Elle vérifie d’abord les informations contenues dans la base de données du cabinet mais n’y trouve rien. Il faut rappeler que Mme Lucie A. n’est pas une consommatrice à qui l’intimé a, personnellement ou par l’entremise de son cabinet, fait souscrire une police d’assurance. Elle est devenue son « assurée » en 2001 lorsqu’il a acquis les dossiers de M. Genest. Or les polices souscrites à l’époque auprès de M. Genest par Mme Lucie A. et son conjoint avaient été classées par ce dernier dans un unique et même dossier au seul nom du mari, M. Yvon G. Lors de la cession de la clientèle de M. Genest, les dossiers de ce dernier ont en toute vraisemblance été introduits tels quels dans le système de l’intimé et le nom de Lucie A. n’apparaissait pas dans la base de données du cabinet[8].

[38]        Mme Darveau tente ensuite une recherche auprès du site internet Canada 411 mais n’obtient aucun résultat.

[39]        Elle vérifie enfin au moyen de l’internet les fichiers de l’assureur pour se rendre compte que TA a dans ses dossiers les mêmes informations que celles mentionnées à l’« Avis de police en déchéance » c’est-à-dire que c’est l’adresse à Calgary qui y figure.

[40]        Incapable de retracer Mme Lucie A., Mme Darveau en avise l’intimé qui, tel que mentionné précédemment au résumé des faits, lui donne alors instructions de mettre le document de côté en lui disant que quelqu’un va rappeler, qu’il « va arriver quelque chose »[9], estimant ou escomptant en toute vraisemblance, peut-on penser, que l’assurée, après réception du document, allait réagir et/ou se manifester.

[41]        Selon la version des événements rapportés par l’intimé, des développements ne surgissent ensuite qu’au cours du mois d’avril 2012 lorsque M. Yvon G., en vérifiant l’état de son compte bancaire conjoint, se rend compte du non-paiement des primes de la police de son épouse et lui téléphone dans le but d’obtenir son assistance. L’intimé tente alors verbalement d’obtenir sans formalité la remise en vigueur de la police en communiquant avec la représentante de l’assureur, Mme Hems, mais on lui signifie quelques semaines plus tard que sa demande est refusée.

[42]        Son témoignage est contredit par celui du conjoint de l’assurée, M. Yvon G.

[43]        Selon ce dernier, ce serait avant le 17 mars 2012 qu’il aurait communiqué avec le bureau de l’intimé pour l’aviser que les prélèvements préautorisés relatifs à la police d’assurance de son épouse n’avaient pu être effectués en raison de fonds insuffisants.

[44]        Or des deux (2) témoignages, le comité croit devoir préférer celui de l’intimé.

[45]        Même si la déposition de ce dernier, au plan de la précision et du souvenir de certains faits a pu comporter quelques lacunes, elle est néanmoins apparue cohérente et digne de foi. L’intimé a généralement répété devant le comité la version qu’il avait antérieurement donnée à l’enquêteur de la Chambre. Sa description des faits comporte des éléments de constance.

[46]        Quant à M. Yvon G., celui-ci a des souvenirs peu précis, vagues, quelques fois incertains et défaillants des événements. Ainsi lorsqu’il s’agit de situer le premier entretien téléphonique après qu’il se soit rendu compte du non-paiement des primes d’assurances, il n’est que « pas mal certain » qu’il a appelé avant le 17 mars au bureau de l’intimé[10].

[47]        En outre son témoignage est infirmé par celui de son épouse, l’assurée, Mme Lucie A. qui déclare (confirmant le témoignage de l’intimé) que c’est vers le mois d’avril que le couple a réalisé l’absence de fonds suffisants dans le compte bancaire. Voici la déposition de cette dernière :

« Q.     Vous rappelez-vous à quelle date vous avez réalisé ça, qu’il n’y avait plus de fonds?

R.        Je dirais vers avril, avril deux mille douze (2012)[11].

(…)

Q.        Et là, vous nous avez dit que… vous avez répondu que c’est vers avril deux mille douze (2012) que vous vous rendez compte que les primes d’assurance ne passent plus dans le compte. Ce compte-là, c’est votre compte personnel à vous?

R.        Non, c’est un conjoint.

Q.        O.K. Et quand vous dites que c’est en avril deux mille douze (2012) que vous vous en rendez compte, vous vous en rendez compte de quelle manière?

R.        Yvon, il avait été voir dans… sur Internet. [12]»

[48]        Elle ajoute que son conjoint communique avec l’intimé puis l’assureur et son témoignage trouve à cet égard un appui dans celui du représentant de TA qui déclare que c’est autour du 18 avril 2012 que l’assurée et son mari entrent en communication avec TA Voici le témoignage de M. Ciaraldi :

« Q.     J’aimerais savoir à quelle date, soit madame A. ou son conjoint monsieur G., sont entrés en communication avec quelqu’un de la Transamerica?

R.        Le dix-huit (18) avril, les notes que j’ai vues dans le dossier, nous avons reçu un chèque pour payer les primes au mois d’avril, mais c’était trop tard. Donc, il y avait un numéro de téléphone sur le chèque. Quelqu’un de Transamerica, le siège social, a communiqué avec la cliente pour reconfirmer la bonne adresse. Et à ce point-là, des notes au dossier, madame A. a remis le téléphone à son conjoint pour parler avec la personne à Transamerica. C’est les seules notes au dossier.

Q.        Je veux simplement m’assurer de bien comprendre. On dit le cinq (5) avril, il y a un retour de courrier…

R.        Oui.

Q.        … à Transamerica. Il n’y a pas de démarches qui sont effectuées vu que la police, à ce moment-là…

R.        Déchéance.

Q.        … est en déchéance?

R.        C’est ça.

Q.        Et environ autour du dix-huit (18) avril, donc, il y a quelqu’un, soit madame A. ou monsieur G. qui entre en communication avec la Transamerica et là, c’est à ce moment-là qu’on vous donne la bonne adresse, rue des Cormiers à Saint-Félicien?

R.        Oui. [13]»

[49]        De plus, à certains moments, le témoignage de M. Yvon G. comporte des contradictions et suscite des interrogations. Ainsi s’il déclare d’abord qu’après s’être rendu compte du non-paiement des primes de la police de son épouse, il a (avant le 17 mars 2012) parlé à l’intimé, il se reprend par la suite et indique qu’il a plutôt alors parlé avec « la secrétaire ».

[50]        Il signale ensuite que cette dernière lui aurait mentionné qu’elle allait lui revenir, et affirme que ce serait alors qu’il a appris que, plutôt qu’une adresse sur la rue des Cormiers à St-Félicien, l’assureur avait dans ses dossiers une adresse à Calgary. Voici comment s’exprime M. Yvon G.[14] :

« Quand – si vous me permettez, monsieur, j’aimerais peut-être apporter une rectification – au moment où moi, j’ai appelé personnellement, la première fois, au bureau de monsieur Beaudoin, leur faire part comme quoi que la police d’assurance n’avait pas passé dans le compte, j’ai parlé à la secrétaire. La secrétaire, elle dit : « Monsieur G., elle dit, je vais – si je me souviens bien – elle dit, je vais vous revenir avec ça. » O.K., elle est revenue. C’est là que j’ai appris que l’adresse n’était pas bonne. « Qu’est-ce que c’est ça l’adresse n’est pas bonne? Ah oui, elle me dit, vous demeurez où? Je demeure à Saint-Félicien, même place que d’habitude, des Cormiers. » Elle dit : « Ils n’ont pas la bonne adresse. Quoi? » J’ai su à ce moment-là que c’était à Calgary : Ah! »

[51]        En contre-interrogatoire[15] il réaffirme qu’il apprend que ce n’est pas la bonne adresse qui apparaît sur la police d’assurance de son épouse « quand il appelle pour la première fois au bureau de M. Beaudoin en disant que le prêt ne passe pas dans le compte »[16]. Pourtant, à un autre moment il déclare que ce ne serait que « dernièrement » en parlant à Me Piché qu’il « a su » qu’il y avait eu une erreur d’adresse. Voici son témoignage[17] :

« (…)  Dernièrement, c’est lorsque j’ai parlé avec maître Piché au téléphone. À notre grande surprise, on a su que l’adresse avait été envoyée à Calgary par un mauvais numéro de concordance de numéro de police d’assurance, je ne le sais trop, là. Moi, je n’ai pas vu le document. Mais maître Piché nous dit que le document a été envoyé à Calgary, parce qu’il a eu une erreur d’adresse à quelque part.

Q.        O.K. On a déposé la lettre, le comité a vu la lettre.

R.        J’ai été surpris d’entendre ça dernièrement.

Pourquoi je ne l’ai pas entendu auparavant?

Probablement qu’il y en a qui cherche peut-être à se protéger? »

[52]        M. Yvon G. se contredit également relativement au moment où il communique pour la première fois avec l’assureur TA. À un certain moment, il déclare que c’est lorsqu’il a su du bureau de l’intimé que l’adresse n’était pas bonne qu’il a appelé TA. À un autre moment, il déclare qu’il est entré en communication avec quelqu’un chez TA pour la première fois le 22 mai après avoir parlé à l’intimé[18].

[53]        Ajoutons qu’alors que M. Yvon G. déclare que la secrétaire de l’intimé n’avait pas l’adresse chez lui, il raconte que ce dernier est auparavant allé à sa résidence sur la rue des Cormiers pour procéder à l’annulation de la police de son fils[19].

[54]        En résumé, au plan de la précision, de la fiabilité et/ou de la vraisemblance, le témoignage comme la version des faits de M. Yvon G. comportent des carences importantes. La déposition de ce dernier ne présente pas une base suffisamment claire et certaine pour emporter conviction, et inciter le comité à s’y fier.

[55]        Aussi le comité conclut-il que si l’intimé a été impuissant à communiquer avec l’assurée Mme Lucie A. et d’assurer un suivi auprès d’elle à la suite de la réception de l’« Avis de police en déchéance », c’est parce que le représentant antérieur, M. Genest, n’avait constitué qu’un seul dossier au nom de M. Yvon G., et ce, pour les deux (2) ou trois (3) polices d’assurance souscrites par ou pour les membres de la famille, et parce que l’assureur a commis l’erreur de modifier à l’insu de tous, plusieurs années avant les évènements, l’adresse de son assurée Mme Lucie A. à St-Félicien, pour une adresse à Calgary.

[56]        Au moment de la réception d’un exemplaire de l’« Avis de police en déchéance », l’intimé et son adjointe ignoraient que l’adresse y indiquée était erronée. De l’avis du comité, ils ont entrepris des démarches sensées et pertinentes pour tenter de retracer Mme Lucie A. et d’assurer, le cas échéant, un suivi auprès d’elle. Dans les circonstances, ils ont agi diligemment et convenablement.

[57]        Il est possible qu’un autre représentant placé dans les mêmes circonstances aurait agi différemment. Il ne peut être exclu qu’un autre représentant serait parvenu, à l’aide de démarches additionnelles ou en agissant autrement, à retracer les coordonnées de Mme Lucie A.

[58]        Le niveau de diligence exigée d’un représentant n’est toutefois pas celui du résultat absolu en toutes circonstances.

[59]        De l’avis du comité, l’intimé a, dans les circonstances propres à cette affaire, respecté une règle de conduite raisonnable.

[60]        En terminant, relativement à l’aveu de l’intimé auprès de l’enquêteur d’avoir omis de consulter, dans le but de retracer Mme Lucie A., les relevés de commissions provenant de l’assureur, il est sans effet puisque les informations y contenues n’auraient pas permis de retracer Mme Lucie A[20].

[61]        En conclusion, la prépondérance de la preuve ne soutient pas la proposition voulant que dans les circonstances propres à cette affaire l’intimé ait fait défaut de prendre des moyens appropriés et raisonnables pour retracer l’assurée dont il avait reçu par l’entremise de son agent général un « Avis de police en déchéance » et d’assurer auprès d’elle un suivi.

[62]        Le fardeau de preuve prépondérante que doit rencontrer la plaignante est un fardeau exigeant. Le comité est d’avis qu’en l’instance cette dernière n’est pas parvenue à se décharger de celui-ci.

[63]        L’ensemble de la preuve offerte par cette dernière ne permet pas d’écarter celle présentée par l’intimé. La preuve qu’elle a soumise ne comporte pas une base suffisamment convaincante pour entrainer l’adhésion du comité.

[64]        Même dans la perspective qui lui soit la plus favorable, la preuve et la théorie des faits qu’elle a présentées ne sont pas plus persuasives que celles présentées par l’intimé.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

REJETTE l’unique chef d’accusation contenu à la plainte;

LE TOUT sans frais.

 

 

 

(s) François Folot____________________

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Serge Bélanger___________________

M. SERGE BÉLANGER, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

(s) Pierre Masson____________________

M. PIERRE MASSON, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Myriam Bouchard

TOURANGEAU TREMBLAY PLANTE

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

27 mars 2014

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Voir pièce P-2.

[2]     Voir pièce P-3, document I-9.

[3]     Voir page 111 des notes sténographiques de l’audition.

[4]     Voir pièce P-3, document I-7.

[5] Voir p.146 des notes sténographiques de l’audition.

[6] Voir page 125 des notes sténographiques de l’audition.

[7]     Voir aux pages 110 et 111 des notes sténographiques de l’audition le témoignage de M. Antonio Ciaraldi. Celui-ci explique qu’en tant que « courtier indépendant » l’intimé lorsqu’il transige avec l’assureur en cause doit le faire par l’entremise d’un « agent général ».

[8]     Voir à ce sujet le témoignage de l’intimé aux pages 152 et 153 des notes sténographiques de l’audition.

[9]     Voir page 125 des notes sténographiques de l’audition.

[10]    Voir page 59 des notes sténographiques de l’audition.

[11]    Voir page 83 des notes sténographiques de l’audition.

[12]    Voir page 89 des notes sténographiques de l’audition.

[13]    Voir pages 104 et 105 des notes sténographiques de l’audition.

[14]    Voir pages 48 et 49 des notes sténographiques de l’audition.

[15]    Voir page 58 des notes sténographiques de l’audition.

[16]    Ceci suppose assez invraisemblablement que dès avant le 17 mars, le cabinet de l’intimé aurait été en possession de « l’avis de police en déchéance » daté du 14 mars alors que la preuve a révélé qu’il devait d’abord transiter par les bureaux de l’agent général avant de se rendre à lui.

[17]    Voir pages 53 et 54 des notes sténographiques de l’audition.

[18]    Voir pages 70 et 71 des notes sténographiques de l’audition.

[19]    Voir témoignage de M. Yvon G., page 43 des notes sténographiques de l’audition.

[20]    Voir pièces I-1 et I-2.

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