Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0892

 

DATE :

15 octobre 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique-adjointe de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

ROXANNE CLÉROUX, conseillère en sécurité financière, conseillère en assurance et rentes collectives, représentante de courtier en épargne collective et représentante en plans de bourses d’études (no de certificat 107376 et no BDNI 1523561)

Partie intimée

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ PRONONCE L’ORDONNANCE SUIVANTE :

 

 

         Ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion de l’ensemble des pièces au dossier.

 

 

 


L’AUDITION

[1]                    Les 11, 13, 27 mars et les 3 et 4 avril 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s’est réuni au Palais de justice de Laval pour entendre la plainte disciplinaire déposée contre l’intimée.

[2]                    Les parties étaient tous deux représentées par avocats, soit Me Mathieu Cardinal pour la plaignante et Me Pierre Zeppettini pour l’intimée.

[3]                    La plaignante a fait entendre quatre témoins : les clients, Madame Cécile Gélinas, directrice du Musée des beaux-arts de Sherbrooke et Madame Brigitte Poirier, directrice des enquêtes à la Chambre de la sécurité financière.  Elle a produit cent quinze pièces.

[4]                    L’intimée a fait entendre cinq témoins : Monsieur Jean-Pierre Bénard, consultant en arts, Monsieur Jacques Rivest, Monsieur Bertrand Lapalme, consultant en arts visuels, Monsieur Daniel Bélanger, consultant et Monsieur Yannick Paquin, conseiller en placements.  Elle a aussi été entendue et a produit dix pièces.

« LA PLAINTE

1.    À Laval, entre 2000 et 2006, l’intimée a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de son client G.G. en omettant de mettre à jour son profil d’investisseur, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

2.    À Laval, entre 2000 et 2006, l’intimée a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de sa cliente V.R. en omettant de mettre à jour son profil d’investisseur, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

3.    À Laval, entre les ou vers les 13 novembre 2003 et 10 septembre 2007, l’intimée a conseillé à son client G.G. d’acheter et/ou de vendre des actions et/ou autres valeurs alors qu’elle n’était pas autorisée à donner de tels conseils en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

4.    À Laval, entre les ou vers les 30 octobre 2003 et 1er décembre 2006, l’intimée a conseillé à sa cliente V.R. d’acheter et/ou de vendre des actions et/ou autre valeurs alors qu’elle n’était pas autorisée à donner de tels conseils en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

5.    À Laval, entre 2000 et 2007, l’intimée ne s’est pas acquittée du mandat confié par ses clients G.G. et V.R. en ne maximisant pas les cotisations aux régimes enregistrés d’épargne-études pour leurs enfants R.G. et S.-A.G., contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 3);

6.    À Laval, entre les ou vers les 11 juin 2007 et 10 septembre 2007, l’intimée a conseillé à ses clients G.G. et V.R. de faire l’acquisition d’une œuvre d’art pour en faire don à un musée dans le but d’obtenir des bénéfices fiscaux en faisant défaut d’accomplir les démarches raisonnables pour bien les conseiller, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 9, 12, 13, 14, 15, 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r. 3) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

7.    À Laval, entre les ou vers les 11 juin 2007 et 10 septembre 2007, l’intimée s’est placée en situation de conflits d’intérêts en conseillant à ses clients G.G. et V.R. de faire l’acquisition d’une œuvre d’art d’une personne avec laquelle elle entretenait une relation d’affaires, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 3) et 2 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

8.    À Laval, entre les ou vers les 6 mai 2008 et 8 mai 2008, l’intimée a conseillé à son client G.G. de faire l’acquisition d’une œuvre d’art pour en faire don à un musée dans le but d’obtenir des bénéfices fiscaux en faisant défaut d’accomplir les démarches raisonnables pour bien le conseiller, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 9, 12, 13, 14, 15, 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 3) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

9.    À Laval, entre les ou vers les 6 mai 2008 et 8 mai 2008, l’intimée s’est placée en situation de conflits d’intérêts en conseillant à son client G.G. de faire l’acquisition d’une œuvre d’art d’une personne avec laquelle elle entretenait une relation d’affaires, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 3) et 2 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

10.  À Laval, entre les ou vers les 6 mai 2008 et 15 mai 2008, l’intimée a fait défaut d’exercer ses activités avec intégrité et probité en conseillant à son client G.G. d’antidater un chèque pour le paiement d’une œuvre d’art dans le but de laisser croire aux autorités fiscales que le paiement de ladite œuvre d’art avait été effectué pendant l’année 2007 alors que tel n’était pas le cas, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1). »

 

LA PREUVE

LES TÉMOIGNAGES

Témoignage du client

[5]                    Le client est médecin spécialiste en anesthésiologie. Son épouse est médecin spécialiste en pédiatrie.

[6]                    En 1999, lui et son épouse consultent l’intimée qui leur a été recommandée par Monsieur Guy Vauban du bureau du syndic de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec (pièce P-3).

[7]                    Il a alors 40 ans. Son but est de se constituer une épargne dans le but de prendre sa retraite à l’âge de 60 ans.

[8]                    Suivant les conseils de l’intimée, les clients signent le 21 janvier 1999 une demande d’adhésion pour l’ouverture d’un compte auprès du Groupe Financier PEAK (pièces P-2 et P-3).

[9]                    Ils signent plus tard, soit le 29 septembre 1999, un profil d’investisseur (pièces P-4 et P-5). Ils en signeront un seul autre le 2 février 2006 (pièces P-7 et P-8, fiches clients).

[10]                 Son épouse signera également le 6 octobre 1999, un formulaire d’ouverture de compte d’un Régime d’épargne études avec Fonds Mutuels CI (pièce P-6).

[11]                 Enfin, le 18 décembre 2002, ils ouvrent tous deux un compte auprès de Valeurs Mobilières PEAK  (pièces P-6a et P-6b). Une convention de compte au comptant est signée le 23 décembre 2002 (pièce D-1).

[12]                 Les transactions sur valeurs mobilières sont effectuées suivant les recommandations de l’intimée données lors d’appels conférences initiés par elle avec les courtiers. Les transactions sont ensuite confirmées dans des relevés transmis par Valeurs Mobilières PEAK (pièces P-9 et P-10).

[13]                 L’intimée rencontre les clients trois à quatre fois par année, généralement aux périodes correspondant aux versements provisionnels d’impôt et de préparation des déclarations fiscales.

[14]                 Lors d’une de ces rencontres, tenue le 11 juin 2007, l’intimée leur conseille de faire un don d’un bien culturel pour réduire leurs charges fiscales (pièce P-12). Le bien culturel dont elle leur conseille de faire la donation est une toile de Keith Haring, un artiste new-yorkais.

[15]                 Elle leur représente alors qu’ils pourraient l’acquérir pour un prix représentant 38 % à 40 % de sa valeur réelle.

[16]                 Ils acceptent ce conseil et ainsi le 21 juin 2007, le client signe avec Promotions Public Arts une convention pour l’acquisition d’une œuvre d’art (pièce P‑13). Cette convention prévoit que l’œuvre aura une valeur minimale de 100 000 $ et que le prix d’acquisition sera de 38 000 $.

[17]                 Le client qui n’avait pas versé l’acompte provisionnel prévu de juin 2007 comprend qu’il n’a pas à faire ceux de septembre et décembre 2007. C’est son interprétation du courriel de l’intimée du 8 septembre 2007 (pièce P-17).

[18]                 Le 10 septembre 2007, les clients signent une convention d’acquisition d’une œuvre d’art (pièce P-19) pour un prix de 68 000 $ CA pour une toile d’une valeur minimale de 168 000 $ US. Les clients s’attendent alors à recevoir un reçu d’impôt et faire une économie de 94 000 $ (pièce P-17).

[19]                 Par pur hasard, le client met la main sur un article du Journal de Montréal de l’édition du 9 septembre 2007 (pièce P-18). Dans cet article, la journaliste Marilou Séguin parle de nouveaux stratagèmes impliquant des donations d’œuvres d’art qui promettent des reçus pour dons représentant trois ou quatre fois le montant payé. La journaliste conseille à ses lecteurs de consulter un spécialiste indépendant avant d’investir dans l’acquisition d’une œuvre à ces fins. Inquiété par ce qu’il apprend, le client communique avec l’intimée.

[20]                 « Je me ferai un devoir de vous transmettre à la bonne personne » écrit l’intimée dans un courriel du 11 septembre 2007 (pièce P-21). Il est aussi rassuré par Daniel Bélanger avec qui l’intimée est associée.

[21]                 Il verse alors un acompte de 38 000 $ sur le prix d’acquisition de la toile.

[22]                 Le 22 novembre 2007, il obtient un récépissé temporaire (pièce P-45) pour l’acquisition d’une toile de Keith Haring d’une valeur de 160 000 $.

[23]                 Toutefois le reçu ne suit pas, c’est ainsi que cinq mois plus tard, les clients ne l’ont toujours pas obtenu (courriel de l’intimée au client, pièce P-29, 24 avril 2008).

[24]                 Le 6 mai 2008, le client fait part à l’intimée de ses préoccupations concernant l’absence de reçu et la non-production des rapports d’impôt (pièce P-35).

[25]                 Le 7 mai 2008, l’intimée répond qu’il s’agit de délais normaux (courriel, pièce P-38).

[26]                 Pour remplacer ce don, elle leur conseille alors d’acheter une autre œuvre qui sera destinée cette fois au Musée du Bas-St-Laurent, situé à Rivière-du-Loup.

[27]                 C’est ainsi que les clients signent, le 8 mai 2008, un nouveau contrat d’acquisition d’une œuvre d’art avec les Promotions Public Arts. Ce contrat est cependant antidaté de 2007 tout comme le chèque d’acompte. Le certificat d’évaluation rédigé par Monsieur Jacques Rivest est aussi antidaté de 2007.

[28]                 Il reçoit de l’Agence du revenu du Canada une demande datée du 20 juin 2008 de justifier la déduction fiscale réclamée de 93 377 $. Il en parle à l’intimée qui lui dit de demander du délai (pièce P-71).

[29]                 Le Musée des beaux-arts de Sherbrooke l’informe, le 26 juin 2008 (pièce P‑56), qu’un dénommé Claude Sabourin revendique la propriété de l’œuvre qu’ils sont en train de faire don.

[30]                 Le 8 juillet 2008, l’intimée les rassure de nouveau en leur expliquant que Claude Sabourin s’était mélangé dans les toiles qui se trouvaient à Sherbrooke et qu’on leur obtiendrait une quittance.

[31]                 Le ou vers le 29 août 2008, le client obtient un reçu du Musée du Bas-Saint-Laurent (pièce P-72).

[32]                 Le 12 septembre 2008, les clients apprennent de Madame Gélinas du Musée des beaux-arts de Sherbrooke qu’il n’avait pas été établi que la toile était authentique et que leur don avait été refusé depuis plusieurs mois.

[33]                 Les clients décident alors de retirer leurs dons et de demander un remboursement (courriel du 18 septembre 2008, pièce P-79 et courriel du 22 septembre 2008, pièce P-80).

[34]                 Le 3 décembre 2008, les clients reçoivent de Revenu Québec un avis de cotisation (pièces P-87 et P-88) couvrant l’année 2007, lui pour la somme de 32 166,46 $ qui incluait une charge d’intérêts de 4 988,64 $ (pièce P-87) et elle pour un montant de 14 594,80 $ qui incluait une charge d’intérêts de 1 900,25 $.

[35]                 Le 4 janvier 2009, les clients demandent à l’intimée de leur retourner leurs dossiers (pièce P-91).

Contre-interrogatoire du client 

[36]                 Le client admet que l’intimée préparait ses rapports d’impôts depuis 1999 sans problèmes. Il admet avoir parlé à Daniel Bélanger le 21 juin 2007. Il ne se souvient pas d’avoir lu la convention d’acquisition d’une œuvre d’art (pièce P-13). Il précise que l’intimée donnait l’impression d’être familière avec le processus. Il se fiait sur le fait que Bélanger et Bénard étaient des gens respectables. S’il avait su ce qu’il sait maintenant, il n’aurait pas fait affaires avec eux. Il admet que Daniel Bélanger a complété le redressement fiscal. Il termine en disant qu’il s’était rendu à la fondation Keith Haring et qu’il s’était fait dire que la toile était fausse.

Témoignage de la cliente

[37]                 Elle est médecin spécialisée en pédiatrie.

[38]                 Dès la naissance de leur premier enfant, ils auraient fait la demande à l’intimée de participer au Régime épargne études pour le plein montant admissible.

[39]                 En 2007, son mari était dans une situation où il gagnait un revenu élevé, mais ne bénéficiait que de peu de déductions fiscales. L’intimée leur a dit qu’elle connaissait des gens qui étaient spécialisés dans les dons de biens culturels qui pouvaient être déduits à un montant supérieur à leur coût d’acquisition et que c’était non risqué et qu’il s’agissait d’un privilège qu’il ne fallait pas rater. Ainsi son conjoint n’aurait pas à effectuer les versements provisionnels de juin, septembre et décembre de l’année 2007. Elle fait référence au document manuscrit du 11 juin 2007 (pièce P-12, notes de l’intimée sur les dons).

[40]                 Les clients ne disposaient que de quatre jours pour prendre leur décision. L’intimée les a alors mis en contact avec Daniel Bélanger qu’elle disait connaître depuis une vingtaine d’années.

[41]                 Ils ont compris qu’ils n’avaient pas à faire les versements provisionnels de juin, septembre et décembre 2007 s’ils achetaient une toile d’une valeur de 160 000 $ et en faisait don à un musée se référant à la pièce P-17.

[42]                 Elle n’a jamais rencontré Daniel Bélanger, Jean-Pierre Bénard et Claude Sabourin.

[43]                 Au retour d’un voyage de vacances en mai 2008, on lui annonce qu’ils doivent plus de 40 000 $ d’impôts. L’intimée leur recommande de faire don d’une autre toile.

[44]                 Le 12 septembre 2008, ils apprennent de la conservatrice du Musée des beaux-arts de Sherbrooke que les toiles présentées par Jean-Pierre Bénard ont été refusées en raison des revendications de Claude Sabourin.

[45]                 Ils prennent alors connaissance d’une lettre de mise en demeure du 26 juin 2008 transmise au Musée des beaux-arts de Sherbrooke en leurs noms (pièce P-75).

[46]                 Ils décident alors d’annuler leurs démarches de don et se faire rembourser. La cliente explique que la toile présentée au Musée des beaux-arts de Sherbrooke a dû être récupérée à la Sureté du Québec par son mari.

Contre-interrogatoire de la cliente

[47]                 Elle admet ne pas avoir avisé l’intimée en 2003 de ses baisses de revenus causées par ses grossesses et la maladie. Elle admet aussi avoir reçu les états de compte de PEAK mais ajoute qu’elle ne les comprenait pas.

[48]                 Elle reconnaît que l’intimée a préparé les déclarations d’impôts de 2000 à 2007.

Témoignage de Madame Cécile Gélinas, témoin de la plaignante

[49]                 Madame Gélinas est directrice du Musée des beaux-arts de Sherbrooke. Elle occupe ce poste depuis décembre 1998.

[50]                 Le musée reçoit des dons de biens culturels et de charité.

[51]                 Un don de biens culturels est un don ayant fait l’objet d’une approbation par le comité d’acquisition, ensuite celle du conseil d’administration. Enfin, le don doit être attesté par la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels pour fins d’impôt.

[52]                 Une fois que cette commission a attesté le don, le musée doit signer alors une convention d’acquisition avec le donateur et lui remettre ensuite un certificat T871 pour  ses impôts.

[53]                 Le temps normalement requis pour franchir toutes les étapes est de 18 à 24 mois.

[54]                 Elle relate que Jean-Pierre Bénard s’est présenté au musée avec un rouleau de cinq œuvres de Keith Haring qu’il a laissées au musée sans se soucier de quelque formalité que ce soit. C’était la première fois que des toiles de Keith Haring leur étaient offertes.

[55]                 La fondation Keith Haring a alors été contactée pour vérifier l’authenticité des oeuvres, mais sans succès.

[56]                 Jean-Pierre Bénard s’est présenté une autre fois au musée avec dix œuvres supplémentaires, dans une espèce de fouillis, décrit-elle. Ces œuvres lui provenaient d’Isidore Michaud, le père de Kenneth Michaud, le compagnon de Keith Haring, mais les titres ne lui apparaissaient pas clairs.

[57]                 En mai 2008, elle a reçu un appel d’un Monsieur Claude Sabourin l’informant que ces œuvres étaient fausses et qu’elles avaient été volées.

[58]                 Monsieur Alain Lacourcière, détective spécialisé dans les œuvres d’art à Montréal, lui a conseillé de les retourner.

[59]                 Le 26 juin 2008, elle avise le client des revendications de Claude Sabourin (pièce P-56).

[60]                 Le 2 septembre 2008, le musée décide de remettre les œuvres à Jean-Pierre Bénard.

 

 

Contre-interrogatoire de Madame Cécile Gélinas

[61]                 Madame Gélinas reconnaît que dès le 25 juin 2008, le musée avait décidé de ne pas aller de l’avant avec la donation malgré la réception d’une quittance de Claude Sabourin.

[62]                 Le musée a finalement remis les œuvres à Monsieur Bénard malgré avoir annoncé qu’il ne s’en départirait pas sans preuve sur leur propriété.

Témoignage de Madame Brigitte Poirier, témoin de la plaignante

[63]                 Madame Poirier souligne le lien existant entre l’intimée et le mandataire Jean-Pierre Bénard en produisant le chèque (pièce P-14) et la traite bancaire (pièce P-15).

[64]                 Elle souligne aussi que les cotisations n’ont pas été maximisées dans les Régimes enregistrés d’épargne étude (REEE) des enfants des clients en produisant les relevés de compte (pièces P-102 et P‑103).

[65]                 Enfin, elle souligne qu’il n’y a eu que deux profils d’investisseurs préparés par l’intimée en se référant aux demandes d’adhésion et aux fiches client (pièces P-2 à P‑8).

Contre-interrogatoire de Madame Brigitte Poirier

[66]                 Elle reconnaît que le dépôt de la plainte disciplinaire de la Chambre contre l’intimée survient peu de temps après la comparution de l’intimée devant le conseil de discipline de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec.

Réinterrogatoire du client

[67]                 Le client a ensuite été réentendu brièvement sur la question des impôts et  pénalités qu’il a dû payer en raison du « renversement » du don du Musée du Bas-St‑Laurent.

[68]                 Le client a déclaré qu’il s’est retrouvé en 2009 avec une dette d’impôts de 70 000 $, ce qui l’aurait empêché de verser le montant maximum permis dans les REEE de ses enfants.

Témoignage de Jean-Pierre Bénard, témoin de l’intimée

[69]                 Monsieur Bénard est consultant en arts depuis 1990.

[70]                 Depuis 1996, Monsieur Bénard, sous le nom Promotions Public Art, évalue et dirige des œuvres vers des universités et institutions muséales.

[71]                 En septembre 2007, il a formé Art Héritage avec Claude Sabourin et Réal Girard, après avoir reçu une collection d’œuvres de Keith Haring.

[72]                 Il a bâti avec Daniel Bélanger une donation culturelle éligible à l’émission de reçus pour fins fiscales (T871). Deux évaluateurs ont travaillé avec lui, soit Messieurs Robert Lapalme et Jacques Rivest.

[73]                 Il explique que le don déposé dans une année donnée est déductible dans l’année du dépôt.

[74]                 Il déclare que treize oeuvres de Keith Haring ont été acceptées par le Musée des beaux-arts de Sherbrooke comme don de bienfaisance.

[75]                 Dans le cas du don des clients au présent dossier, il a appris que le musée n’avait pas émis de reçu car la conservatrice n’était plus en poste.

[76]                 Vu le refus des œuvres déposées au Musée des beaux-arts de Sherbrooke, il a déposé neuf (des treize) œuvres au Centre d’Arts d’Orford.

Contre-interrogatoire de Monsieur Jean-Pierre Bénard

[77]                 Monsieur Bénard admet qu’il a vendu à l’intimée une toile de Keith Haring d’une valeur de 750 000 $ (pièce P-30) pour laquelle l’intimée a emprunté une somme de 150 000 $ de Réal Girard.

[78]                 Il admet qu’il s’était engagé à payer les intérêts sur cet emprunt sur une période de sept mois en contrepartie de recevoir de l’intimée une commission de 40 % lors de la revente de la toile.

Témoignage de Monsieur Jacques Rivest, témoin de l’intimée

[79]                 Jusqu’au 22 février 2007, Monsieur Rivest était président-directeur général de la Fondation des arts et métiers d’art du Québec.

[80]                 Il a été approché par Claude Sabourin et Jean-Pierre Bénard pour préparer des évaluations d’œuvres.

[81]                 Il a accompagné Jean-Pierre Bénard lorsque ce dernier a livré les toiles au Musée des beaux-arts de Sherbrooke.

[82]                 Il déclare qu’on lui avait fait la preuve que ces œuvres avaient été données à Monsieur Kenneth Michaud qui de son côté les avait vendues aux galeries de Messieurs Boka, Turenne et Déry.

Témoignage de Monsieur Bertrand Lapalme, témoin de l’intimée

[83]                 Depuis 1975, Monsieur Lapalme agit comme consultant en arts visuels avec spécialité en évaluation. Il a été aussi propriétaire de galeries.

[84]                 Il a été approché par Jean-Pierre Bénard pour évaluer entre 50 et 100 oeuvres de l’artiste Keith Haring appartenant à un groupe d’individus. Comme il ne veut pas faire l’évaluation d’œuvres non authentiques, il s’assure toujours de leur provenance.

[85]                 Il a fait l’évaluation de l’œuvre décrite à la pièce D-4 acquise par les clients.

Témoignage de Monsieur Daniel Bélanger, témoin de l’intimée

[86]                 Daniel Bélanger agit à titre de consultant, principalement dans le domaine de la fiscalité. Il a fait ses débuts en planification financière en 1984.

[87]                 Il travaille avec Jean-Pierre Bénard depuis le milieu des années 90. Art Héritage avait alors déjà été créée. Il l’a accompagné lorsque celui-ci a rencontré Madame Gélinas au Musée des beaux-arts de Sherbrooke en 2007. Il a été approché par Jean-Pierre Bénard pour son expertise fiscale.

[88]                 Il explique que Claude Sabourin détenait 52 % des actions d’Art Héritage.

[89]                 Il explique que des toiles, d’une valeur de 3 à 4 millions de dollars, ont été mises à leur disposition par Messieurs Roger Turenne et George Boka et que ceux-ci avaient donné à Claude Sabourin le mandat de les vendre.

[90]                 Il explique que les œuvres destinées au Musée des beaux-arts de Sherbrooke ont été redirigées au centre culturel d’Orford qui les a acceptées.

[91]                 Monsieur Bénard s’est occupé d’obtenir les quittances de Sabourin (pièces P-61 et D-3). D’ailleurs, il explique que la saisie avant jugement pratiquée par Claude Sabourin a été cassée.

Contre interrogatoire de Monsieur Daniel Bélanger

[92]                 Il reconnaît qu’il a été radié en 2002 de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec pour une période de huit ans après avoir fait l’objet d’une radiation provisoire. Il a aussi fait l’objet d’une ordonnance de la Commission des valeurs mobilières du Québec de cesser le commerce de valeurs mobilières. Il a alors transféré une partie de sa clientèle à l’intimée.

[93]                 Chez Art Héritage, il était vice-président développement des affaires. Il était rémunéré sur la base de commissions. Il a agi comme mandataire de Public Art.

[94]                 Il était familier avec les donations de biens culturels et les dons de bienfaisance. Il se souvient d’avoir conseillé à l’intimée d’acheter une œuvre de Keith Haring en 2007.

[95]                 Il a travaillé sur le dossier des clients en aidant à la préparation des rapports d’impôt. Il déclare que Claude Sabourin représentait Art Héritage et George Boka.

Témoignage de Yannick Paquin, témoin de l’intimée

[96]                 Jusqu’en 2006, Monsieur Paquin était un conseiller chez Valeurs Mobilières PEAK. C’est lui qui a signé des documents d’ouverture de compte des clients.

[97]                 Il explique que Valeurs Mobilières PEAK offre ce service aux courtiers en fonds mutuels pour les transactions sur les actions et les obligations. Il ajoute que ces transactions étaient confirmées par les clients.

Témoignage de l’intimée

[98]                 Depuis douze ans, elle est rattachée au cabinet Services en placement PEAK.

[99]                 Lors de sa première rencontre avec les clients, les discussions ont porté sur le volet fiscal de leur situation financière. Elle leur a alors fait compléter les profils d’investisseur (pièces P-4 et P-5). Elle a constaté que les clients ne détenaient que des actions de compagnie.

[100]              Elle les a rencontrés trois fois par année par la suite en plus de communiquer avec eux par téléphone.

[101]              Après la naissance de leur première fille, elle leur a recommandé d’épargner dans un régime épargne études et c’est ce qu’ils ont fait mais en y déposant un montant de 30 $ par mois la première année (pièce P-6).

[102]              Par la suite, le montant déposé a varié en raison de leurs disponibilités. Il en était d’ailleurs question lors de leurs rencontres ou discussions téléphoniques.

[103]              Lorsqu’elle constatait des variations sur le cours des actions, elle en avisait les clients et elle leur disait de passer des commandes auprès du courtier.

[104]              Elle relate qu’en 2008, durant la période de préparation des déclarations fiscales, elle s’était retrouvée avec du retard et Daniel Bélanger lui a proposé de l’aider. C’est ce dernier qui lui a parlé de l’achat d’œuvres d’art et de dons pour biens culturels.

[105]              Elle confirme qu’elle a représenté aux clients que les œuvres de Keith Haring avaient une bonne valeur sur le marché et pouvaient être proposées comme dons.

[106]              Elle confirme que Daniel Bélanger avait été son directeur de formation en 1986 et que c’est lui qui l’a présentée à Jean-Pierre Bénard. En 2006, elle a elle-même acheté de ce dernier une œuvre et en a fait don au Musée du Bas-St-Laurent qui lui avait émis un reçu pour fins d’impôt.

[107]              Elle confirme que lors de la rencontre du 11 juin 2007, elle a laissé aux clients le document manuscrit (pièce P-12) qui porte sur le don de biens culturels.


[108]             Elle mentionne que toutes les informations qu’elle avait sur les dons provenaient de Jean-Pierre Bénard et de Daniel Bélanger, que la mise en place de ces donations leur incombait et qu’ils devaient en assurer le suivi. Elle dit d’ailleurs que durant toute la période concernée, soit de septembre 2007 à mai 2008, Daniel Bélanger et Jean-Pierre Bénard lui ont toujours déclaré que tout était conforme.

[109]             Claude Sabourin, dont elle parle comme « d’un débile mental », a communiqué avec elle en juin 2008. Elle le tient responsable des problèmes survenus dans cette affaire. Elle ajoute qu’elle n’a jamais fait la rencontre d’un individu comme lui de toute sa vie professionnelle.

[110]             Elle a obtenu pour les clients le reçu pour le deuxième don au Musée du Bas-Saint-Laurent le 20 août 2008 (pièce P-72).

[111]             Lorsqu’elle a été informée de la lettre de mise en demeure de l’étude Moghrabi & Moghrabi (pièce P-75) datée du 29 août 2008, elle a été aussi surprise que les clients.

[112]             Ce n’est qu’en préparant les impôts des clients pour l’année fiscale 2007, qu’elle a constaté que le client n’avait pas fait tous les acomptes provisionnels. C’est d’ailleurs ce à quoi elle réfère lorsque dans son courriel du 8 mai 2008 (pièce P-36) elle écrit : « La seule chose qui…(sic) bogue est la suivante : j’aime mieux qu’on s’en parle, appelle moi ».

[113]              Elle leur aurait dit que la donation permettait d’éviter le paiement du dernier acompte provisionnel seulement.

[114]             Elle affirme que les rapports d’impôt des clients ont toujours été produits dans les délais. Elle produit le tableau (pièce D-9) qui établit que les clients n’ont pas payé d’intérêts ou de pénalités de retard pour la production des rapports d’impôt de 2002 à 2007 sauf pour la cliente (pièce D-10) la somme de 1 157 $ résultant des acomptes provisionnels non effectués en septembre et décembre 2007. Il faut en déduire, affirme-t-elle, que les rapports étaient faits dans les délais et que les calculs étaient bons.  Elle ajoute de plus qu’elle ne facturait pas les clients pour la préparation de ces rapports.

[115]             Elle relate qu’elle a elle-même acquis une toile (pièce P-30) pour la somme de 750 000 $ par l’entremise de Daniel Bélanger qui a aussi arrangé le financement par Réal Girard d’un montant de 150 000 $ (pièce P-32). Elle confirme que Monsieur Bénard payait les intérêts sur cet emprunt à un taux de 2 % par mois.

[116]             Elle déclare avoir cessé les contacts avec Daniel Bélanger à l’automne 2010 parce qu’il ne remplissait pas ses promesses.

[117]             Elle confirme qu’elle a prêté la somme de 20 000 $ à Jean-Pierre Bénard en 2007 et qu’elle a été remboursée (pièces P-15 et P-25).

Contre-interrogatoire de l’intimée

[118]             L’intimée admet détenir le titre d’administratrice agréée et le fait d’avoir siégé au sein du conseil d’administration de cet ordre professionnel durant quelques années.

[119]             Elle admet que Daniel Bélanger lui a cédé sa clientèle.

[120]             Elle reconnaît avoir fait une avance de 20 000 $ à Jean-Pierre Bénard en 2007 à la demande de Daniel Bélanger, « parce que ça pressait », dit-elle. Elle déclare que même s’il avait été radié, Daniel Bélanger avait le droit de travailler.

[121]             Elle reconnaît que les versements provisionnels du client étaient de 29 240 $ chacun pour septembre et décembre 2007 et de 5 014 $ chacun pour son épouse. Toutefois, elle déclare qu’elle avait dit aux clients que le gain ou l’économie d’impôt correspondait au dernier acompte provisionnel seulement.

[122]             Au sujet de l’authentification des œuvres, Jean-Pierre Bénard lui aurait dit qu’elle était non requise.

[123]              Elle déclare qu’elle avait obtenu un reçu d’impôt en 2006 pour un don au Musée du Bas-St-Laurent.  Elle ajoute que si on lui avait demandé une authentification alors ça aurait changé toute l’histoire.

[124]             Questionnée à savoir si elle avait dit aux clients que Daniel Bélanger était un spécialiste dans les transactions d’œuvres d’art, elle répond qu’il en faisait depuis plusieurs années.

[125]             Questionnée à savoir si elle avait dit aux clients que Daniel Bélanger avait été radié de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec pendant 8 ans, elle répond que la radiation était effective en 2001.

[126]             Elle explique qu’elle avait eu le mandat de Daniel Bélanger de signer le contrat d’acquisition de l’œuvre d’art du 21 juin 2007 (pièce P-13) et qu’elle a prêté de l’argent à Jean-Pierre Bénard sous l’insistance de Daniel Bélanger (pièce P-14).

[127]             Après ce témoignage, la  preuve a été déclarée close.

DISPOSITIONS DE RATTACHEMENT

[128]             Le comité s’est adressé au procureur de la plaignante pour lui demander s’il se prévalait de toutes et chacune des dispositions de rattachement énoncées à la plainte disciplinaire.

[129]             Le procureur de la plaignante, après consultation auprès de sa cliente, a indiqué ce qui suit :

Pour les chefs 1 et 2 : la plaignante retire les articles de rattachement 16 et 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (LDPSF) ainsi que les articles 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (Règlement);

Pour les chefs 3 et 4 : la plaignante retire l’article de rattachement 13 de la LDPSF;

Pour le chef 5 : la plaignante retire l’article de rattachement 16 de la LDPSF;

Pour le chef 6 : la plaignante retire l’article de rattachement 16 de la LDPSF ainsi que l’article 14 du Règlement;

Pour le chef 7 : la plaignante retire l’article de rattachement 16 de la LDPSF;

Pour le chef 8 : la plaignante retire l’article de rattachement 16 de la LDPSF ainsi que l’article 14 du Règlement;

Pour le chef 9 : la plaignante retire l’article de rattachement 16 de la LDPSF;

Pour le chef 10 : la plaignante retire l’article de rattachement 10 du Règlement.

ARGUMENTATION DE LA PLAIGNANTE 

[130]             La norme disciplinaire est établie pour assurer la protection du public et garder sa confiance.

[131]             La preuve démontre que l’intimée a fait défaut de connaître la situation financière et les objectifs de placements de ses clients pour la période comprise entre 2000 et 2006. Les documents (pièces P-2, P-3, P-4 et P-5) sont les seuls profils d’investisseur préparés par l’intimée sur une période de sept ans et la preuve démontre que les revenus des clients ont fluctué durant ces années et qu’il y a eu activité dans les comptes (pièces P-10a et P-10b).

[132]             La preuve démontre que l’intimée a conseillé les clients dans des transactions d’achats et de ventes d’actions (chefs 3 et 4), lorsque son certificat ne lui permettait pas. Ce faisant, elle n’agit pas avec compétence et professionnalisme.

[133]             La preuve démontre que les cotisations aux REEE des enfants n’ont pas été maximisées.

[134]             La preuve démontre que l’intimée n’avait pas la compétence pour conseiller les clients dans l’achat de tableaux pour fins d’obtention de bénéfices fiscaux.

[135]             La preuve démontre que l’intimée s’est entourée de gens qu’elle ne connaissait pas et elle a fait défaut d’aviser les clients de l’implication de Daniel Bélanger, un administrateur radié. Selon la plaignante, l’intimée aurait dû s’informer adéquatement, et à défaut, elle aurait dû s’abstenir. Elle aurait dû constater son incapacité dans cette stratégie de placements.

[136]             La preuve démontre qu’elle n’a pas conservé son indépendance, considérant ses relations avec Jean-Pierre Bénard. Elle lui a prêté 20 000 $, elle a donc un intérêt dans Public Art ou Promotions Héritage. Il a aussi fait une avance de 10 000 $ sans garantie. Elle a enfin emprunté 150 000 $ pour l’acquisition d’un tableau.

[137]             Le plan de l’intimée (pièce P-17) fait voir un gain de 33 200 $.  Or, ce plan a été préparé par Bélanger, un administrateur agréé radié, à qui elle a décidé de donner une seconde chance. 

[138]             La plaignante plaide que la défense de bonne foi n’est pas une défense raisonnable. Elle a eu les deux mains dans l’opération. Elle a été impliquée directement et elle n’a pas désavoué ses associés. Elle n’a pas le comportement de quelqu’un qui n’était pas au courant du refus du musée depuis juin 2008. Elle n’avait pas intérêt à s’embrouiller avec Jean-Pierre Bénard et Daniel Bélanger à cause des liens qui les unissaient.


ARGUMENTATION DE L’INTIMÉE

[139]              Le procureur de l’intimée aborde d’abord le chef 5 qui concerne le fait de ne pas avoir fait cotiser les clients les montants maximums aux REEE pour la période de 2000 à 2007.

[140]               Le procureur plaide qu’il a été mis en preuve qu’il se tenait trois à quatre rencontres par année entre la représentante et les clients dont une rencontre pour la préparation des déclarations fiscales. Au début, lorsque le régime a été ouvert, et on le constate à la pièce P-6, la cotisation des clients était de 30 $ par mois. Donc dès le début, la cotisation maximale n’était pas atteinte ce qui est loin du 4 000 $ autorisé. Chaque année, par la suite, les montants maximums ne sont pas atteints (pièce P‑102). La cliente est bien au courant, on le constate d’ailleurs au courriel du 8 mars 2008 (pièce P-28). Les clients reçoivent des états de compte. Le comportement de la cliente n’est pas celui de quelqu’un qui voulait mettre le montant maximum par enfant dès le début du mandat. Elle aurait pu questionner l’intimée et elle ne l’a pas fait. Les états de compte permettent de voir les montants. Il y a reddition de compte selon l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (Code de déontologie de la Chambre). La plainte est faite après l’audition du conseil de discipline de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec. Le procureur se questionne sur la raison du dépôt de la plainte immédiatement après l’audition devant l’Ordre. Sur ce chef, le procureur plaide que le fardeau de la plaignante n’a pas été rencontré.

[141]              Les chefs 1 et 2 concernent le défaut de mettre à jour le profil d’investisseur. 

[142]              Le procureur plaide qu’aucune preuve n’a été apportée de la norme applicable. La preuve qui a été apportée concerne certains changements de rémunération de la cliente suite à des grossesses, mais les deux objectifs de placements, retraite et impôts, sont restés les mêmes. En faisant les impôts, l’intimée avait en mains toutes les informations sur les clients et donc connaissait leur situation financière.

[143]              Les chefs 7 et 9 concernent les conflits d’intérêts : Le premier pour le cas de la donation au Musée des beaux-arts de Sherbrooke, le deuxième pour le cas de la donation au Musée des beaux-arts du Bas-St-Laurent.

[144]              Le procureur plaide que la seule relation d’affaires qu’on peut prétendre exister, est celle de l’avance de 15 000 $ pour un bridge loan à Promotions Public Art au printemps 2007. Le fait que l’intimée ait avancé de l’argent à une entreprise ne la place pas dans une situation où elle mettrait ses intérêts avant ceux de ses clients. D’ailleurs, l’avance a été remboursée en août 2007. 

[145]               Pour le chef 9, aucune relation d’affaires n’a été entretenue en mai 2008. Ce n’est pas parce que l’intimée a acheté une toile destinée à un marché international qu’elle est en conflit d’intérêts. Le reçu a été obtenu pour l’œuvre placée à Rivière-du-Loup. Elle a fait un dépôt de 10 000 $ pour l’achat d’un autre tableau. L’intimée n’a touché aucune commission ni rétribution de l’achat des toiles par les clients.

[146]              Les chefs 3 et 4 concernent le fait d’avoir conseillé d’acheter et de vendre des actions et autres valeurs alors qu’elle n’y était pas autorisée en vertu de sa certification. Le procureur qualifie ces chefs de fourre-tout. Le client n’a pas donné des détails. L’intimée n’a pas déterminé de quelles transactions il s’agissait. On réfère au Règlement 45-106 « sur les dispense de prospectus et d’inscription ».  On ne réfère pas à des transactions spécifiques. La façon de procéder était la même pour tous les clients chez PEAK. Elle a pris la peine d’ouvrir un compte chez Valeurs Mobilières PEAK, lequel peut refuser ou accepter les transactions. La façon de procéder permet de chapeauter les transactions. Il ne voit rien qui viendrait empêcher un représentant de le faire. Il réfère aux articles 9, 12 et 16 de la LDPSF qui ne peuvent empêcher le représentant de parler aux clients de leurs placements. L’intermédiaire est là. Il peut arrêter la transaction. Le but de la loi est rencontré. 

[147]              Les chefs 6 et 8 concernent le défaut de bien conseiller les clients lors de l’acquisition d’une œuvre d’art et la donation pour fins d’avantages fiscaux. Le procureur de l’intimée plaide que les termes de ce courriel, pièce P-17, signifient que le client devait faire les versements d’acomptes provisionnels de septembre et décembre 2007.  La réservation du tableau (pièce P-13) est du 21 juin et est donc subséquente au versement de juin prévu pour le 15 de ce mois. Pour Rivière-du-Loup, le tableau avait déjà été déposé. La représentante n’a pas à faire les vérifications à savoir si les versements d’acomptes provisionnels sont faits. De plus, il n’y avait jamais eu de problèmes pour les années précédentes.  Les rapports d’impôt avaient toujours été faits tout comme les versements d’acomptes provisionnels.

[148]              Le chef 10 concerne le fait d’antidater un chèque.  Le procureur plaide que le chèque a été certifié le 14 mai 2008 mais que la date n’a pas d’importance. Le reçu est daté du 28 août 2008.  Le dépôt de l’œuvre est suffisant. Il n’y avait donc pas de problèmes. C’est le client qui a décidé par la suite de renverser la transaction. L’intimée avait déjà fait l’exercice d’acquérir une œuvre. De plus, l’intimée ne se faisait pas dire l’heure juste. Les démarches auprès des musées étaient conduites par Messieurs Jean-Pierre Bénard et Daniel Bélanger. Elle a cru en ces personnes. Elle se fait dire des choses et celles-ci sont supportées par des documents (pièce P-45, page 68).

[149]              À cette époque, elle n’avait aucune raison de mettre l’intégrité de ces gens là en doute.  Des toiles étaient placées dans des musées et des reçus étaient émis. Le problème a été causé par l’intervention de Monsieur Claude Sabourin.  Il ajoute que si Sabourin recherche ces œuvres, « ça ne doit pas parce que c’est des fausses ».  Des documents sont produits pour faire avancer le dossier. L’intimée se fait dire par Bélanger et Bénard que les reçus s’en viennent. Le 12 septembre 2008, l’intimée se fait encore dire qu’ils font toujours des démarches. Elle pousse dans le dos de Daniel Bélanger pour régler le problème. Ils ont placé les œuvres au Musée d’Orford par la suite et ils ont obtenu des reçus. Il déclare que le processus a fonctionné sauf pour les clients. L’intimée a donc fait les démarches et ce n’est qu’à l’automne 2008 qu’elle s’aperçoit que le reçu ne sera pas émis. Daniel Bélanger a par la suite replacé les œuvres.

ANALYSE

Les chefs 1 et 2

[150]              Il est reproché à l’intimée d’avoir fait défaut de connaître la situation financière et personnelle des clients entre 2000 et 2006 ainsi que les objectifs de placement des clients en omettant de mettre à jour leur profil d’investisseur, contrevenant ainsi à l’article 3 du Règlement.

[151]              L’article 3 du Règlement prévoit que le représentant doit obtenir de ses clients des renseignements qui décrivent leur situation financière ainsi que l’évolution de celle-ci.

[152]              Par cette disposition, le législateur veut s’assurer que les conseils émis par le représentant sont fondés sur des informations réelles et contemporaines fournies par le client sur sa situation financière.

[153]              Ces données sont généralement consignées dans un profil d’investisseur que le représentant doit faire compléter et conserver dans ses dossiers.

[154]              Dans la présente affaire,  l’intimée a fait compléter à ses clients deux profils d’investisseurs (pièces P-4, P-5, P-7 et P-8) si tant est que les fiches clients, pièces P-7 et P-8, puissent être considérées comme des profils d’investisseurs tant elles sont sommaires et ce, durant une période s’étendant de l’ouverture des comptes en 1999 jusqu’en 2006.

[155]              Or, la preuve établit que la situation des clients a changé au fil des ans. À titre d’exemples, la valeur du portefeuille du client était de 247 498,02 $ au 31 décembre 2004. Elle était de 317 277,10 $ au 31 décembre 2005 et de 221 751,33 $ au 31 décembre 2006 (pièce P-10a). De plus, les clients ont été, chacun à leur tour, durant des périodes assez importantes, en arrêt de travail ce qui a provoqué des variations dans leur revenu.

[156]               Il est généralement reconnu par le comité que la confection et le maintien à jour d’un profil d’investisseur est la fondation sur laquelle le représentant doit asseoir ses recommandations[1].

[157]              Les données reçues des clients lors de la préparation de leurs rapports d’impôt sont des données importantes qu’il est bon au représentant de connaître mais elles ne permettent pas de connaître la situation financière entière des clients.

[158]              Or, durant la période visée par la plainte aux chefs 1 et 2, il a été mis en preuve que l’intimée les a conseillés sur leurs placements sur une base régulière.

[159]              Sans se prononcer sur la fréquence normale de confection des profils investisseurs, le comité est d’opinion qu’une fois au sept ans n’est évidemment pas une pratique correcte. En effet, même si les actifs et les revenus d’un investisseur ne changeaient pas, ce qui doit être dans tous les cas assez rares, le profil d’investisseur pourrait changer juste en raison de son âge ou du contexte économique prévalant.

[160]              L’intimée sera donc reconnue coupable des chefs 1 et 2 en regard de l’article 3 du Règlement.

Les chefs 3 et 4

[161]              Dans ces chefs, il est reproché à l’intimée d’avoir conseillé aux clients de vendre ou d’acheter des actions durant la période du 13 novembre 2003 au 10 septembre 2007, contrevenant ainsi aux articles 9, 12 et 16 de la LDPSF et 16 du Règlement.

[162]              L’article 9 de la LDPSF définit ce qu’est un représentant en valeurs mobilières. Cet article ne crée cependant pas d’infraction.

[163]              L’article 12 de la LDPSF prévoit que nul ne peut agir comme représentant à moins d’être titulaire d’un certificat délivré par l’Autorité des marchés financiers. Or, il n’est pas reproché à l’intimée de ne pas détenir de certificat.

[164]              L’article 16 de la LDPSF prévoit notamment que le représentant doit agir avec compétence et professionnalisme.

[165]              Enfin, l’article 16 du Règlement prévoit que le représentant doit veiller à ce que sa conduite soit conforme à la loi et respecte les exigences d’un organisme régissant le cabinet pour le compte duquel il agit.

[166]              Les clients ont tous deux catégoriquement affirmé que les ordres de transactions sur valeurs mobilières étaient donnés suivant les conseils reçus de l’intimée lors d’appels conférences initiés par elle avec le courtier.

[167]              L’intimée n’a pas contredit cette façon de procéder, non plus que le courtier, Yannick Paquin.

[168]              Le défaut de faire la preuve de transactions spécifiques n’est pas fatal car la preuve établit qu’il y a eu transactions dans les comptes des clients durant la période visée par la plainte disciplinaire. La pièce P-10a) montre que des opérations sur des actions ont été conclues durant cette période. À titre d’exemples, le comité se réfère au relevé de 2004, page 6, qui fait état d’achat d’actions de Stellar Pacific Ventures le 3 février 2004 et au relevé de 2005, page 6, qui fait état d’achat d’actions de Pro-veiner Resources Inc., le 19 juillet 2005.

[169]              L’intimée n’a d’ailleurs pas mis en preuve que le courtier ait arrêté quelques transactions malgré la prétention à l’effet qu’il pouvait le faire.

[170]              Le certificat de l’intimée (pièce P-1) ne lui permet pas de donner de tels conseils relativement à l’achat ou à la vente d’actions.

[171]              L’intimée a donc agi en dehors du cadre de sa certification.

[172]               Or, agir en dehors du cadre de sa certification n’est certainement pas agir avec compétence.

[173]              L’intimée pourrait donc être reconnue coupable à la fois sous l’article 16 de la LDPSF et l’article 16 du Règlement. Toutefois, afin d’éviter des condamnations multiples pour une même infraction, le comité ordonnera l’arrêt conditionnel des procédures en regard de l’article 16 du Règlement, déclarera l’intimée coupable des chefs 3 et 4 en regard de l’article 16 de la LDPSF et non coupable en regard des articles 9 et 12 de la LDPSF.

Le chef 5

[174]              Il est reproché à l’intimée de ne pas s’être acquittée du mandat confié par ses clients en ne maximisant pas les cotisations aux REEE pour leurs enfants pour la période de 2000 à 2007, contrevenant à l’article 24 du Code de déontologie de la Chambre.

[175]              L’article 24 du Code de déontologie de la Chambre prévoit que le représentant doit rendre compte à son client de tout mandat qui lui a été confié et s’en acquitter avec diligence.

[176]              La plaignante a produit un tableau des cotisations effectuées par les clients de 2000 à 2008 pour chacune de leurs filles.

[177]              On constate à ce tableau que durant toute cette période, les clients n’ont pas cotisé le montant autorisé dans chacun de leur régime.

[178]              La plaignante devait faire la preuve d’un mandat confié à l’intimée par les clients.

[179]              Or, la seule preuve que la plaignante a présenté est le témoignage de la cliente qui a déclaré qu’elle et son mari voulaient investir le maximum et le témoignage du client à l’effet qu’il avait été empêché d’investir le maximum en 2009 en raison des cotisations et pénalités d’impôts résultant du renversement du don de Rivière-du-Loup.

[180]              Par ailleurs, lorsque contre-interrogée, la cliente s’est contentée de dire que les solutions étaient à l’intimée à produire.

[181]              Le comité considère que cette preuve ne suffit pas à démontrer que les clients avaient donné instructions à l’intimée de maximiser les cotisations aux REEE des enfants.

[182]              D’ailleurs il est intéressant de constater que même pour l’année 2007, année durant laquelle les clients ont fait peu de versements d’acomptes provisionnels, les cotisations effectuées au compte de leurs filles n’ont été que de 360 $ pour l’une et que de 351,27 $ pour l’autre (pièce P-105).

[183]               Les clients recevaient des relevés, ils savaient donc où ils en étaient. L’intimée ne pouvait pas les forcer à contribuer dans les régimes d’épargne études.

[184]              L’intimée sera donc acquittée de ce chef d’infraction.

Les chefs 6 et 8 

[185]              Au chef 6, il est reproché à l’intimée d’avoir, entre le 11 juin 2007 et le 10 septembre 2007, conseillé aux clients de faire l’acquisition d’une œuvre d’art pour en faire un don à un musée dans le but d’obtenir des bénéfices fiscaux en faisant défaut d’accomplir les démarches raisonnables pour bien les conseiller, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 14, 15 et 16 du Code de déontologie de la Chambre.

[186]              Au chef 8, il est reproché à l’intimée d’avoir, entre le 6 mai 2008 et le 8 mai 2008, conseillé aux clients de faire l’acquisition d’une œuvre d’art pour en faire un don à un musée dans le but d’obtenir des bénéfices fiscaux en faisant défaut d’accomplir les démarches raisonnables pour bien les conseiller, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 14, 15 et 16 du Code de déontologie de la Chambre.

[187]              Le chef 6 est en rapport avec le don au Musée des beaux-arts de Sherbrooke et le chef 8 est en rapport avec le don au Musée du Bas-St-Laurent.

[188]              La preuve établit clairement que l’intimée n’avait pas de connaissance en matière de donation de bien culturel.

[189]              La preuve établit aussi clairement qu’elle s’est fiée exclusivement à Jean-Pierre Bénard et Daniel Bélanger.

[190]              L’intimée plaide en substance qu’elle était bien fondée de se fier à eux car dans le passé, elle avait elle-même obtenu un reçu pour fins d’impôt pour un don de bien culturel.

[191]              Le comité est d’avis que si l’intimée était prête à prendre certains risques, c’est une chose, mais conseiller ses clients à le faire est autre chose.

[192]              De plus, plusieurs indices auraient dû indiquer à l’intimée la voie de la prudence ou de l’abstention.

[193]              À titre d’exemples, le comité reprend le texte du contrat d’acquisition du bien culturel qu’elle a fait signer aux clients et qu’elle a signé elle-même au nom de Daniel Bélanger le 21 juin 2007 (pièce P-13) :

« AQUISITION D’UNE ŒUVRE D’ART

ENTRE :   (le client)

Ci-après désignés (ACHETEURS)

ET :           Promotions Public Arts a/s de Jean-Pierre Bénard

4570 rue Sainte-Catherine Est

Montréal, Québec  H1V IY7

Ci-après désigné (MANDATAIRE)

 

 

ATTENDU l’entente intervenue entre le VENDEUR ET LE MANDATAIRE

ATTENDU QUE LE MANDATAIRE représente le VENDEUR

ATTENDU QUE LE VENDEUR se déclare propriétaire de l’œuvre suivante :

ŒUVRE : Œuvre sur carton, signée Keith Haring, genre «dripping», multicolore, dont la description sera élaboré dans les 10 jours ouvrables suivants la signature.

 

ATTENDU QUE LE VENDEUR déclare que l’œuvre est franche et quitte de toutes charges, affectations options ou offres quelconques et que le MANDATAIRE détient le pouvoir incontesté du VENDEUR d’acheminer l’œuvre, de la transférer et de la livrer aux ACHETEURS

ATTENDU QUE LES ACHETEURS désirent faire don de leurs œuvres à UN MUSÉE.

LES PARTIES ONT CONVENU CE QUI SUIT :

Les ACHETEURS font don intégral de l’œuvre ci haut mentionnée à UN MUSÉE (à être déterminé) et de ce fait, transfèrent le bien, les titres et les droits, au dit MUSÉE.

VALEUR MARCHANDE TOTALE :

Selon les évaluations de la valeur marchande : minimum de cent mille DOLLARS CAN (100000$)CDN

ATTENDU QUE LES ACHETEURS désirent se porter acquéreurs de la dite œuvre.

ATTENDU QUE LES PARTIES ont convenu d’un prix de 38,000$. Les ACHETEURS conviennent de payer et le MANDATAIRE d’accepter le dit montant.

MODALITÉ DE PAIMENT

Les ACHETEURS conviennent de verser la somme de 30000$ (maintenant) + 8000$ à venir. Au dépôt DE L’ŒUVRE, soit 38% DE LA SOMME CONVENUE.

Signé à Blainville, ce 21 juin 2007

(s) G. G.

G. G._________________  (ACHETEUR)

 

 

Jean-Pierre Bénard (MANDANT)

 

(s) (Roxanne Cléroux pour)

Daniel Bélanger (TÉMOIN) »

 

[194]              Dans ce contrat, l’intimée aurait dû constater plusieurs anomalies :

           Il n’y a qu’un seul nom d’acheteur alors que le contrat au 6ième attendu parle des acheteurs;

           Le premier attendu parle d’une entente intervenue entre le Vendeur et le Mandataire. Or le nom du vendeur n’apparaît pas;

           Jean-Pierre Bénard est mandataire mais le nom du mandant n’apparaît pas;

            Le prix de vente est payé au mandataire et non au vendeur;

            À l’endroit des signatures, il n’y a que la signature de l’acheteur qui apparaît;

           Jean-Pierre Bénard apparaît comme mandant au lieu d’apparaître comme mandataire tel qu’annoncé au préambule du contrat;

           Enfin, elle signe pour Daniel Bélanger qui devait apparaître comme témoin.

[195]              L’acquisition finalement conclue est la pièce P-19 dont le texte est reproduit ci-après :

 « ACQUISITION D’UNE ŒUVRE D’ART

ENTRE :               G……G.

                              V….. R

                              …………

 

                              Ci-après désignés (ACHETEURS)    

 

ET :                       Promotions Public Arts a/s de Jean-Pierre Bénard

                              4570 rue Sainte-Catherine Est

                              Montréal, Québec, H1V 1Y7

 

                              Et Daniel Bélanger

                              [...]

                              Ste Adèle, QC

                              [...]

 

                              Ci-après désigné(sic) (MANDATAIRE)

 

ET :                        Claude Sabourin, négociant en art, résidant et domicilié au [...], à Rosemère, Québec, [...], district de Terrebonne

 

                              Ci-après désigné (VENDEUR)

 

 

ATTENDU l’entente intervenue entre le VENDEUR ET LE MANDATAIRE

ATTENDU QUE LE MANDATAIRE représente le VENDEUR

ATTENDU QUE LE VENDEUR se déclare propriétaire de l’œuvre suivante :

ŒUVRE : Œuvre sur carton, signée Keith Haring, genre œuvre sur carton dont le fon(sic) est préparé en noir, bonhomme typique de l’artiste dessiné en rouge largement et dont les traits de pinceau se continuent en reprise jusqu’à ce que le personnage ai(sic) pris forme, et mesurant approximativement
39 po. X 28 po.

ATTENDU QUE LE VENDEUR déclare que l’œuvre est franche et quitte de toutes charges, affectations, options ou offres quelconques et que le MANDATAIRE détient le pouvoir incontesté du VENDEUR d’acheminer l’œuvre, de la transférer et de la livrer aux ACHETEURS

ATTENDU QUE LES ACHETEURS désirent faire don de leurs œuvres à UN MUSÉE.

LES PARTIES ONT CONVENU DE CE QUI SUIT :

LES ACHETEURS font don intégral de l’œuvre ci-haut mentionnée à UN MUSÉE (Université de Sherbrooke ou Musée des beaux arts) et de ce fait, transfèrent le bien, les titres et les droits, AU MUSÉE (ci-haut mentionné).

VALEUR MARCHANDE TOTALE :

Selon les évaluations de la valeur marchande : minimum de cent soixante mille dollars USA (160,000$ USA)

ATTENDU QUE LES ACHETEURS désirent se porter acquéreurs de la dite œuvre

ATTENDU QUE LES PARTIES ont convenu d’un prix de 68000$ CDN dont 30,000$ a déjà été versé.  Les ACHETEURS conviennent de payer et le MANDATAIRE d’accepter le dit montant.

MODALITÉ DE PAIEMENT

Les ACHETEURS conviennent de verser vingt sept mille dollars (30000$) (sic) de dépôt (déjà versé) pour l’ŒUVRE, et un montant de 38000$ pour l’acquisition finale et la demande de dépôt pour les musée (sic) déjà ci haut mentionné (sic).

Signé à Blainville, ce 10 septembre 2007.

 

(s) G…..G.

 (Acheteur)

 

(s) V…..R.

(ACHETEUR)

 

Jean-Pierre Bénard (MANDATAIRE)

 

 

Claude Sabourin (VENDEUR)

 

Daniel Bélanger (TÉMOIN et Mandataire) »

 

 

[196]             Encore là, l’intimée aurait dû constater ce qui suit :

           Au préambule, on réfère à une entente intervenue entre le Vendeur et le mandataire sans spécifier quelle entente;

           On ne voit à nulle part qu’il y ait vente dans le sens usuel et commun du terme;

           La valeur marchande de l’œuvre est représentée en dollars américains, mais le prix est payé en dollars canadiens;

           Le contrat n’est signé que par les acheteurs malgré qu’il soit prévu l’intervention des mandataires et du vendeur.

[197]             Or, au lieu de les souligner aux clients et de les inciter à la prudence ou à l’abstention ou de voir à ce qu’ils obtiennent de bons conseils, elle continue à les rassurer.

[198]             Ainsi, dans un courriel daté du 11 septembre 2007 (pièce P-21), l’intimée écrit aux clients « Je me ferai un devoir de vous transmettre à la bonne personne » et ceci lorsque le client avait pris connaissance de l’article du Journal de Montréal (pièce P-18).

[199]             Le 24 avril 2008 l’intimée écrit (pièce P-29) :

 « bonjour V.,

 

Je pense bien avoir un chiffre avant ton départ.

De ce temps-ci, j’ai beaucoup de chiffres en tête.

D’ailleurs j’ai mentionné à Art Héritage ce matin de compléter le dossier vous concernant. 

À savoir toute la documentation que vous aller(sic) conserver pour votre dossier personnel.

 

Imagine plutôt V.  l’impact fiscal, si vous n’aviez pas fait de planification…

Pour le reçu, ne vous inquiétez pas.  Vous aller(sic) le recevoir

C’est une transaction avec un musée reconnu et je vous avais d’ailleurs transmis l’information à ce sujet. (par courriel) Vos noms figuraient et vous étiez les donateurs de ce bien culturel.

Et j’ai bien hâte de voir moi-même le résultat de l’ensemble de la stratégie fiscale.

 

Profitez du beau temps et des gazous(sic) des petits oiseaux pendant que je suis coincé(sic)  à mon bureau.

Roxanne  » nos caractères gras.

[200]             Il en est de même, le 8 juillet 2008 (pièce P-57) :

 « Bonjour G. & V.,

 

J’ai parlé avec Daniel Bélanger, administrateur de votre dossier avec le musée.

 

La problématique émane de M. Claude Sabourin et ce dernier signe chez son avocat cet après-midi

les quittances dans le dossier des œuvres qu’il a vendu(sic). 

L’imbroglio a été créé par M. Sabourin qui s’est mélangé entre les 13 toiles qui sont à Sherbrooke

et l’ensemble de la collection de 57 toiles… (depuis qu’il a 60 ans,

dit-il…) ça se passe de commentaires!

 

Promotions Public Art, Jean-Pierre Bénard et Daniel Bélanger s’active(sic) à régler le dossier

pour que tout rentre dans l’ordre selon les ententes initiales avec le Musée de Sherbrooke.

 

Dans les mêmes circonstances, le Musée veut s’assurer que les titres sont clairs. 

Les quittances et documentations seront déposés(sic) selon ce qu’à(sic) mentionné M. Bélanger. 

 

À savoir, si vs(sic) devez faire quelque chose pour l’instant, je vs(sic) reviens là dessus. 

Ce dossier doit se régler mais entre temps(sic), ça ns(sic) cause des inconvénients.

 

Bonne soirée,

Roxanne

Cell. : … » nos caractères gras.

[201]             L’article 9 du Code de déontologie de la Chambre prévoit que le représentant doit tenir compte de ses limites. Il ne doit pas entreprendre ou continuer un mandat pour lequel il n’est pas suffisamment préparé sans obtenir l’aide nécessaire.

[202]             La preuve a établi que l’intimée n’a pas de connaissance en matière de don de biens culturels. Elle s’en remettait d’ailleurs exclusivement à Jean-Pierre Bénard et Daniel Bélanger son associé malgré qu’il allait de soi d’être méfiant en raison de sa radiation de sept ans de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec.

[203]             Aucune preuve n’a été apportée à l’effet qu’elle ait cherché quelqu’autre aide et il semble manifeste qu’elle ne l’a pas fait. Elle a donc contrevenu à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre.

[204]             L’article 12 du Code de déontologie de la Chambre prévoit notamment que le représentant doit agir en conseiller consciencieux et accomplir les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client.

[205]             Le comité est d’avis que l’intimée n’a pas accompli les démarches raisonnables afin de bien conseiller son client car dans les faits elle n’a accompli aucune démarche sauf celles de relancer Bélanger et Bénard quand le reçu n’arrivait pas. Elle a donc contrevenu à l’article 12 du Code de déontologie de la Chambre.

[206]             Les articles 13, 14, 15 et 16 du Code de déontologie de la Chambre portent sur ses obligations de renseignements. Ne connaissant que très sommairement le produit (don de bien culturel), l’intimée ne pouvait exposer d’une façon complète et objective, la nature, les avantages et les inconvénients du produit et non plus qu’elle ne pouvait et n’a fourni les explications nécessaires à sa compréhension et son appréciation, l’intimée a donc contrevenu aux articles 13 et 14 du Code de déontologie de la Chambre. L’intimée n’avait pas une connaissance complète des faits avant de faire la recommandation et ainsi elle a contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie de la Chambre. Enfin, les représentations de l’intimée (à titre d’exemples les courriels reproduits plus haut) aux clients étaient susceptibles de les induire en erreur et ainsi elle a contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie de la Chambre.

[207]             Il a été établi que la deuxième acquisition a aussi été conseillée par l’intimée le ou vers le 8 mai 2008, soit celle destinée au Musée du Bas-St-Laurent (pièce P‑38). Les commentaires du comité concernant le chef 6 s’appliquent aussi au chef 8 et ce même si ultimement un reçu a été émis.

[208]             L’intimée sera donc déclarée coupable des chefs 6 et 8 en regard de l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre et afin d’éviter des condamnations multiples pour une même infraction, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé en regard des articles 12, 13, 14, 15 et 16 du Code de déontologie de la Chambre.

Les chefs 7 et 9

[209]             Il est reproché à l’intimée de s’être placée dans une situation de conflits d’intérêts en rapport avec l’acquisition des toiles destinées au Musée des beaux-arts de Sherbrooke et au Musée des beaux-arts du Bas-St-Laurent, contrevenant ainsi à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre et à l’article 2 du Règlement.

[210]             L’article 18 du Code de déontologie de la Chambre prévoit que le représentant doit, dans l’exercice de ses activités, sauvegarder en tout temps son indépendance et éviter toute situation où il serait en conflit d’intérêts. L’article 2 du Règlement prévoit que le représentant doit faire preuve de loyauté; l’intérêt du client doit être au centre de ses préoccupations lorsqu’il effectue une opération pour le compte de celui-ci.

[211]             La preuve établit que Bélanger et l’intimée travaillaient ensemble et que Bélanger était associé à Bénard.

[212]             C’est par leur intermédiaire que les toiles ont été acquises.

[213]             Suivant les demandes insistantes de Bélanger, des avances ont été faites par l’intimée à Bénard (pièce P-14).

[214]             Le comité croit d’ailleurs utile de reproduire ci-après certaines remarques données par l’intimée à l’audience concernant ces avances.

[215]             Concernant un chèque de 25 000 $ daté du 18 janvier 2008 fait par elle au nom de Public Art (pièce P-27) elle dit  « En quelque part, ça c’était un vendredi après midi, Bélanger m’appelle, eux étaient en train de réserver un tableau. Il a dit que le chèque ne serait pas encaissé ». Aussi, concernant un chèque qu’elle a reçu de Promotions Public Art fait le 16 novembre 2007 au montant de 10 000 $ dans le but d’acquérir un tableau (avance), elle dit qu’elle était rendue dans une « trappe à rats ».  « Il y avait bien du monde dans le bureau cette journée-là » (notre soulignement).

[216]             Ces seuls propos ont suffi pour convaincre le comité que l’intimée ne transigeait pas à distance avec Bélanger et Bénard et donc l’intimée ne pouvait pas sauvegarder son indépendance.


[217]             Par contre, la preuve n’établit pas de déloyauté en tant que tel de la part de l’intimée. La preuve n’établit pas non plus qu’elle n’avait pas l’intérêt de ses clients au centre de ses préoccupations. C’est dans la façon de l’intimée de s’y prendre que l’intimée a manqué. Elle sera donc déclarée non coupable en regard de l’article 2 du Règlement.

[218]             L’intimée sera donc déclarée coupable des chefs 7 et 9 en regard de l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre et non coupable en regard de l’article 2 du Règlement.

Le chef 10 

[219]              Il est reproché à l’intimée d’avoir fait défaut d’exercer ses activités avec intégrité et probité en conseillant à son client d’antidater un chèque pour le paiement d’une œuvre d’art dans le but de laisser croire aux autorités fiscales que le paiement de ladite œuvre d’art avait été effectué pendant l’année 2007 contrevenant ainsi à l’article 16 de la LDPSF et aux articles 11 et 12 du Code de déontologie de la Chambre et à l’article 14 du Règlement.

[220]              L’intimée reconnaît le geste mais plaide que la date sur le chèque n’a pas d’importance et que le dépôt de l’œuvre était suffisant. L’intimée plaide aussi qu’elle était bien fondée de croire en Bélanger et Bénard dont les dires étaient supportés par des documents. L’intimée plaide enfin que des œuvres ont été placées dans d’autres musées et des reçus ont été émis.


[221]              L’intimée a peut-être raison de dire que c’est la date du dépôt de l’œuvre qui est importante, mais le comité se demande ce que vaut le dépôt d’une œuvre pour lequel le droit de propriété n’est pas alors acquis par le donateur qui revendique un reçu d’impôt pour déductions fiscales.

[222]              En ce qui concerne les documents, le comité en a déjà parlé précédemment dans sa décision.

[223]              Enfin, le fait que des reçus ont été émis dans d’autres cas n’est pas vraiment pertinent en ce qui concerne le présent chef d’accusation.

[224]              L’intimée a conseillé à son client d’antidater un chèque. Un tel geste n’est pas digne d’un professionnel et contrevient à l’article 16 de la LDPSF qui exige du représentant qu’il agisse avec compétence et professionnalisme, aux articles 11 et 12 du Code de déontologie de la Chambre qui requiert que le représentant agisse avec intégrité et probité et à l’article 14 du Règlement qui requiert aussi l’intégrité.

[225]              L’intimée sera déclarée coupable du chef 10 en regard de l’article 16 de la LDPSF et afin d’éviter des condamnations multiples pour une même infraction, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé en regard des articles 11 et 12 du Code de déontologie de la Chambre et de l’article 14 du Règlement.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimée coupable sous les chefs d’accusation 1 et 2 en regard de l’article 3 du Règlement;

DÉCLARE l’intimée coupable sous les chefs d’accusation 3 et 4 en regard de l’article 16 de la LDPSF, non coupable en regard des articles 9 et 12 de la LDPSF et ordonne l’arrêt conditionnel des procédures en regard de l’article 16 du Règlement;

DÉCLARE l’intimée non coupable du chef d’accusation 5;

DÉCLARE l’intimée coupable sous les chefs d’accusation 6 et 8 en regard de l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre et ordonne l’arrêt conditionnel des procédures en regard des articles 12, 13, 14, 15 et 16 du Code de déontologie de la Chambre;

DÉCLARE l’intimée coupable sous les chefs d’accusation 7 et 9 en regard de l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre et non coupable en regard de l’article 2 du Règlement;

DÉCLARE l’intimée coupable sous le  chef d’accusation 10 en regard de l’article 16 de la LDPSF et ordonne l’arrêt conditionnel des procédures en regard des articles 11 et 12 du Code de déontologie de la Chambre et de l’article 14 du Règlement;

CONVOQUE les parties avec l’aide de la secrétaire du comité de discipline à une audition sur sanction.

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément________________

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

 

 

(s) Marc Binette    ____________________

M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

(s) Benoit Bergeron___________________

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 


 

 

Me Mathieu Cardinal

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Pierre Zeppettini

PIERRE ZEPPETTINI INC.

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

11, 13 et 27 mars 2013

3 et 4 avril 2013

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0892

 

DATE :

2 octobre 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

Marc Binette, Pl. Fin.

Membre

Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

NATHALIE LELIÈVRE, ès qualités de syndique-adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

 

c.

 

ROXANNE CLÉROUX, conseillère en sécurité financière, conseillère en assurance et rentes collectives, représentante de courtier en épargne collective et représentante en plans de bourses d’études (no de certificat 107376 et no BDNI 1523561)

 

Partie intimée

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]                    Suite à la décision sur culpabilité rendue contre l’intimée le 15 octobre 2013, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s’est réuni le 24 avril 2014 au Palais de Justice de Laval pour procéder à l’audition sur la sanction.

[2]                    Rappelons que l’intimée a été déclarée coupable des chefs d’infraction suivants :

                     chefs 1 et 2 en regard de l’article 3 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9, r. 7.1) (Règlement);

                     chefs 3 et 4 en regard de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) (LDPSF);

                     chefs 6 et 8 en regard de l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (Code);

                      chefs 7 et 9 en regard de l’article 18 du Code;

                      chef 10 en regard de l’article 16 de la LDPSF.

[3]                    Ces chefs se lisaient comme suit :

  1. À Laval, entre 2000 et 2006, l’intimée a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de son client G.G. en omettant de mettre à jour son profil d’investisseur, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);
  2. À Laval, entre 2000 et 2006, l’intimée a fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement de sa cliente V.R. en omettant de mettre à jour son profil d’investisseur, contrevenant ainsi aux articles 16, 51 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 3, 4 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);
  3. À Laval, entre les ou vers les 13 novembre 2003 et 10 septembre 2007, l’intimée a conseillé à son client G.G. d’acheter et/ou de vendre des actions et/ou autres valeurs alors qu’elle n’était pas autorisée à donner de tels conseils en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);
  4. À Laval, entre les ou vers les 30 octobre 2003 et 1er décembre 2006, l’intimée a conseillé à sa cliente V.R. d’acheter et/ou de vendre des actions et/ou autre valeurs alors qu’elle n’était pas autorisée à donner de tels conseils en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13, 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);

[…]

  1. À Laval, entre les ou vers les 11 juin 2007 et 10 septembre 2007, l’intimée a conseillé à ses clients G.G. et V.R. de faire l’acquisition d’une œuvre d’art pour en faire don à un musée dans le but d’obtenir des bénéfices fiscaux en faisant défaut d’accomplir les démarches raisonnables pour bien les conseiller, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 9, 12, 13, 14, 15, 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r. 3) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);
  2. À Laval, entre les ou vers les 11 juin 2007 et 10 septembre 2007, l’intimée s’est placée en situation de conflits d’intérêts en conseillant à ses clients G.G. et V.R. de faire l’acquisition d’une œuvre d’art d’une personne avec laquelle elle entretenait une relation d’affaires, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 3) et 2 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);
  3. À Laval, entre les ou vers les 6 mai 2008 et 8 mai 2008, l’intimée a conseillé à son client G.G. de faire l’acquisition d’une œuvre d’art pour en faire don à un musée dans le but d’obtenir des bénéfices fiscaux en faisant défaut d’accomplir les démarches raisonnables pour bien le conseiller, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 9, 12, 13, 14, 15, 16 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 3) et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);
  4. À Laval, entre les ou vers les 6 mai 2008 et 8 mai 2008, l’intimée s’est placée en situation de conflits d’intérêts en conseillant à son client G.G. de faire l’acquisition d’une œuvre d’art d’une personne avec laquelle elle entretenait une relation d’affaires, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 3) et 2 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1);
  5. À Laval, entre les ou vers les 6 mai 2008 et 15 mai 2008, l’intimée a fait défaut d’exercer ses activités avec intégrité et probité en conseillant à son client G.G. d’antidater un chèque pour le paiement d’une œuvre d’art dans le but de laisser croire aux autorités fiscales que le paiement de ladite œuvre d’art avait été effectué pendant l’année 2007 alors que tel n’était pas le cas, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 11, 12 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (c. D-9.2, r. 3), 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (c. D-9.2, r. 7.1). »

[4]                    La plaignante était représentée par Me Mathieu Cardinal et l’intimée par Me Pierre Zeppettini.

[5]                    La plaignante n’a fait entendre aucun témoin mais a produit en liasse une décision sur culpabilité rendue contre l’intimée en 2010 et la décision sur sanction qui a suivi rendue en 2011[2].

[6]                    L’intimée a été pour sa part entendue et a produit cinq pièces soit :

                         un formulaire des Services en placements Peak Inc. (pièce SI-1);

                         une lettre du 6 décembre 2001 qu’elle a adressée à Monsieur Guy Vauban ès qualités de Syndic de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec (pièce SI-2);

                         une expertise psychiatrique (pièce SI-3);

                         une décision sur culpabilité du conseil de discipline de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec rendue contre elle le 30 septembre 2013 (pièce SI-4);

                         un document rédigé par l’intimée (pièce SI-5).

TÉMOIGNAGE DE L’INTIMÉE

[7]                    Pour l’essentiel, l’intimée a déclaré au comité ce qui suit :

                         Elle complète dorénavant les profils d’investisseurs en utilisant les formulaires d’investisseurs fournis par les Services en placements Peak Inc. (pièce SI‑1);

                         Elle n’a plus de contact avec Daniel Bélanger avec qui, précise-t-elle, elle n’a fait que deux projets;

                         Elle a dû faire face à des problèmes de santé qui sont décrits dans l’expertise psychiatrique du Dr. André Laliberté (pièce SI-3);

                         Son manque de vigilance s’explique par le temps qu’elle a dû consacrer comme aidante naturelle (pièce SI-5).

[8]                    Après ce témoignage, la preuve a été déclarée close et les parties ont été invitées à soumettre leurs représentations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE SUR SANCTION

[9]                    La plaignante, par son procureur, a d’abord annoncé quelle suggérait l’imposition des sanctions suivantes :

                    une amende de 4 000 $ sous chacun des chefs 1 et 2;

                    une radiation de 6 mois sous chacun des chefs 3, 4, 6 et 8, à être purgées de façon concurrente;

                    une radiation de 3 ans sous chacun des chefs 7, 9 et 10, à être purgées de façon concurrente;

                    les déboursés dans un pourcentage de 90% puisque l’intimée a été reconnue coupable de 9 chefs sur 10.

[10]                 Le procureur a invoqué pour l’essentiel les facteurs suivants :

                l’intimée exerçait sa profession depuis 1987 ce qui en faisait une représentante d’expérience;

                l’intimée a un antécédent disciplinaire ayant fait l’objet d’une décision disciplinaire du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF);

                l’intimée aurait dû divulguer aux clients ses liens d’affaires avec Daniel Bélanger;

                l’intimée a joué un rôle de premier plan dans l’exécution de la stratégie fiscale proposée aux clients consistant en l’acquisition d’œuvres d’art pour fins de donations;

                l’intimée aurait dû faire preuve de retenue ou du moins de prudence;

                l’intimée est responsable des pertes financières des clients;

                l’intimée ne pouvait ignorer qu’elle agissait en marge de sa certification;

                l’intimée ne démontre pas de remords;

                l’intimée blâme les autres et plus spécifiquement Daniel Bélanger.

[11]                 Le procureur de la plaignante a remis au comité un cahier d’autorités. Ces autorités sont décrites en annexe A de la présente décision sous les numéros 1 à 8.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉE

[12]                 Pour sa part, le procureur de l’intimée a invoqué pour l’essentiel les facteurs suivants :

                l’intimée était justifiée de faire confiance à Daniel Bélanger puisqu’il avait été son directeur de formation;

                l’intimée n’a fait que deux projets avec lui soit l’acquisition d’actions d’une compagnie privée et l’acquisition d’œuvres de Keith Haring pour fins fiscales;

                l’intimée n’a reçu aucune rétribution des transactions sur les œuvres;

                l’intimée s’est prise en main depuis;

                l’intimée n’a pas agi de mauvaise foi ou par malveillance;

                l’intimée n’a fait l’objet d’aucune autre plainte disciplinaire ou ne s’est vue imposer autre restriction d’exercice;

                l’intimée ne représente pas un danger pour le public.

[13]                 Le procureur de l’intimée a remis des autorités qui sont aussi décrites en annexe A sous les numéros 9 à 17.


CONSIDÉRATIONS

[14]                 Suite aux plaidoiries des procureurs des parties, le comité leur a demandé si, dans sa décision sur sanction, il devait tenir compte de l’état de santé de l’intimée, sujet dont il a été question tout au long de cette affaire.

[15]                 Dans une lettre datée du 15 mai 2014, le procureur de la plaignante a informé le comité que la preuve au dossier ne présentait pas un portrait suffisamment précis des circonstances particulières à la situation de l’intimée pour permettre à la syndique adjointe de faire des recommandations en faveur ou en défaveur de mesures particulières, une telle preuve relevant de l’intimée.  Dans les circonstances, conclue-t-il, les suggestions sur sanction déjà faites étaient de nature à assurer la protection du public.

[16]                 Pour sa part dès le lendemain, le procureur de l’intimée a informé le comité qu’il soumettrait avant le 23 mai 2014 des suggestions de sanctions.  Il a ajouté que si la preuve ne permettait pas de conclure sur les sujets concernés, considérant qu’il se disait pris par surprise en ce qu’il avait été convenu d’un processus au terme duquel les procureurs verraient à présenter dans la mesure du possible des recommandations communes, il comptait demander une réouverture d’enquête sur sanction pour lui permettre de rassurer les membres du comité sur la situation qui les préoccupait, soit l’état de santé de l’intimée.

[17]                 Le 23 mai 2014, le procureur de l’intimée a informé de nouveau le comité qu’il lui transmettrait des suggestions de sanctions.

[18]                 Le 26 mai 2014, le procureur de l’intimée a informé le comité que l’intimée devait rencontrer son médecin le 27 mai 2014 mai afin de voir si ce dernier pouvait émettre un rapport médical attestant qu’elle était apte à exécuter des tâches reliées à son travail et que ses clients n’étaient aucunement en danger en raison de son état de santé.  Enfin, il a mentionné que sa cliente vérifiait si elle pouvait trouver une personne qui pourrait agir à titre de superviseur de son travail.

[19]                 Le 11 juin 2014, le procureur de l’intimée a transmis au comité une copie d’une attestation médicale dans laquelle il est mentionné que l’intimée est apte à exécuter les tâches reliées à son travail et qu’elle ne présente pas de risque au niveau médical pour ses clients.

[20]                 Le 12 juin 2014, le procureur de la plaignante a informé le comité qu’il n’avait pas d’objection à ce que ce document soit introduit en preuve.

[21]                 Le 17 juin 2014, le comité a pris le dossier en délibéré et les procureurs des parties en ont été informés le 4 juillet 2014. L’attestation médicale est cotée comme étant la pièce SI-6.

ANALYSE ET DISPOSITIF

[22]                 Ce qui est frappant dans la présente affaire est sa similarité avec celle ayant déjà amené l’intimée en discipline.[3]

[23]                 En effet, dans une décision rendue le 31 mai 2010, le comité de discipline de la CSF a déclaré l’intimée coupable de ne pas avoir fait preuve de compétence et de professionnalisme et de ne pas avoir agi en conseiller consciencieux; et d’avoir fourni à son client des informations incomplètes, trompeuses ou mensongères en lui laissant croire qu’il souscrivait personnellement à des actions d’une compagnie en lui représentant que cette compagnie deviendrait publique sous peu (Pièce SP-1).

[24]                 Il ressort de cette décision qu’elle avait représenté à son client qu’elle connaissait bien cette compagnie et qu’elle y avait investi elle-même[4], et lorsqu’il commença à s’inquiéter sur son investissement et principalement sur le fait qu’il n’avait pas reçu de certificat d’actions, elle avait alors dit au client : « Ça s’en vient, ça s’en vient »[5].  Là aussi elle avait référé le client à Daniel Bélanger et, à chaque fois, Bélanger avait déclaré qu’il s’occupait de l’affaire.  Là aussi elle avait entendu parler de l’affaire à travers Bélanger.  Là aussi elle ne s’était pas inquiétée de la nature des documents soumis et s’en référait à Daniel Bélanger qui lui confirmait que ça se faisait ainsi.[6]

[25]                 Le comité y voit là une manière de faire inquiétante.

[26]                 Cette manière de faire a aussi été constatée par le conseil de discipline de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec qui a eu à procéder à l’examen des mêmes faits que dans le présent dossier dans le cadre de l’application des dispositions du Code de déontologie des administrateurs agréés (R.Q. c. C-26, r. 10.01)[7] :

« [356] Lors de son témoignage devant le Conseil de discipline, l’intimée a démontré s’être totalement déchargée de son devoir d’agir dans le meilleur intérêt de ses clients et de leur prodiguer des conseils judicieux et objectifs en les confiant à des tiers dont elle ne connaissait ni la réputation, ni l’expertise et en se fiant aveuglement a leurs représentations. »

[27]                 Le présent comité, dans sa décision sur culpabilité datée du 15 octobre 2013, avait  d’ailleurs écrit ce qui suit :

« [202] La preuve a établi que l’intimée n’a pas de connaissance en matière de don de bien culturels. Elle s’en remettait d’ailleurs exclusivement à Jean-Pierre Bénard et Daniel Bélanger son associé malgré qu’il allait de soi d’être méfiant en raison de sa radiation de sept ans de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec. »

[28]                 Le comité de discipline de la CSF l’avait aussi observé dans sa décision sur sanction du 31 mars 2011:

« Néanmoins, l’intimée a laissé croire en 2002 à son client qu’il souscrivait personnellement à des actions de Biotonix alors que ces actions étaient achetées par sa compagnie personnelle pour le groupe de ses clients. Aussi, plus amples recherches lui auraient permis de constater que le processus pour rendre la compagnie Biotonix publique avait échoué en 2000. Comme rapporté au paragraphe 45 de la décision sur culpabilité la « preuve prépondérante a démontré que l’intimée s’est essentiellement fiée aux informations que M. Bélanger et M. Barbusci ont pu lui transmettre se limitant, pour sa part, à une consultation sur Internet. Sans plus d’étude et de vérification, elle a conseillé et offert à M. Beauchamp ce produit » [8].

[29]                 Donc, trois formations différentes siégeant en discipline ont conclu que l’intimée, lors de deux mandats, n’avait pas agi avec le professionnalisme et la compétence qu’il y a lieu de s’attendre d’un représentant.

[30]                 Dans une décision de la cour du Québec[9], voici ce qu’écrit le juge Serge Champoux, j.c.q., sur le sujet de la sanction en présence d’incompétence :

« [34] La turpitude morale n’est pas une condition sine qua non à l’imposition d’une sanction disciplinaire.  Il est objectivement important pour assurer la protection du public qu’un professionnel honnête, mais incompétent soit éloigné de la pratique. »

[31]                 Deux décisions soumises par la plaignante comportent une trame factuelle qui se rapproche de la présente affaire : il s’agit des décisions Champagne c. Simard, CD00-0807 et CD00-0835 et Ledoux mentionné au paragraphe précédent.

[32]                  Dans l’affaire Simard, les liens entre le représentant et l’investissement étaient par contre beaucoup plus étroits tel qu’il appert de l’extrait suivant de la décision :

« [33] L’intimé a été reconnu coupable de s’être placé en situation de conflit d’intérêts en prêtant à G.M. une somme d’environ 50 000 $ aux fins d’investissement dans une société pour laquelle il agissait comme un mandataire. L’intimé a de plus été reconnu coupable de s’être placé dans une situation de conflit d’intérêts en faisant souscrire à G.M., L.A. et S.C. des actions de Ressources Goldenfrank Inc. pour des sommes d’environ 20 000 $ pour deux de ses clients et de 120 000 $ pour l’autre alors qu’il agissait comme vice-président, chef des finances, trésorier et administrateur de cette compagnie et qu’il en était lui-même actionnaire. »

[33]                 Dans ce dossier, le comité de discipline a imposé une radiation d’une année. 

[34]                 Dans l’affaire Ledoux, l’intimé avait conseillé et fait souscrire des placements qu’il n’était pas autorisé à offrir en vertu de sa certification. Il s’agissait en l’instance de placements dans une compagnie privée. La Cour du Québec a réduit la période de radiation temporaire imposée par le comité de discipline de 18 mois à 6 mois.

[35]                 Le comité croit qu’il y a lieu de suivre le précédent établi dans l’affaire Ledoux et ce pour tous les chefs concernant les acquisitions d’œuvres d’arts, soit les chefs 6, 7, 8 et 9 de la plainte disciplinaire, qui sont entre eux intimement liés et pour les chefs 3 et 4 touchant les transactions sur valeurs.

[36]                 L’antécédent disciplinaire de l’intimée justifierait même d’imposer une sanction de radiation plus sévère que celle dans l’affaire Ledoux, mais l’état de santé de la cliente au moment des infractions est un facteur que le comité considère comme atténuant dans les circonstances.

[37]                                                                     Elle aurait en effet vécu des moments difficiles tel que nous le montre l’extrait suivant du document du 30 janvier 2012 (pièce SI-3, page 5) :

« À partir de 2002, la reprise de dossiers d’un collègue et les contacts avec celui-ci ont conduit à l’émergence d’une condition dépressive et anxieuse étant donné les émotions contradictoires soulevées par : 1) la prise en charge de dossiers (2002) dont la gestion était jugée « discutable » par Madame Cléroux, et la responsabilité envers ces nouveaux clients; 2) les propos dépressifs et suicidaires de ce collègue (2002 et 2009), alors que ce dernier représentait une figure paternelle, ce qui devient un aspect significatif si l’on considère l’histoire antérieure de Madame Cléroux (…); 3) les pressions de son collègue et de ses associés (2008 à 2010) pour investir dans le marché de l’Art et des difficultés qui ont suivi (impossibilité à obtenir des reçus; poursuite contre elle par deux de ses clients dont elle était responsable). (…) Madame Cléroux a également été très affectée par le décès de sa mère en 2006. »

[38]                 Son état de santé ne nuirait plus à la pratique de son métier, selon le rapport médical soumis au comité (pièce SI-6).

[39]                 Ainsi le comité imposera une radiation de six mois à être purgée d’une façon concurrente sous les chefs 3, 4, 6, 7, 8 et 9 sans émettre quelques autres conditions.

[40]                 En ce qui concerne le chef 10 pour lequel elle a été reconnue coupable d’avoir conseillé le client d’antidater un chèque pour le paiement d’une œuvre d’art dans le but de laisser croire aux autorités fiscales que le paiement de ladite œuvre avait été effectué pendant l’année 2007, la plaignante a produit deux décisions du comité de discipline soit Chaoulski[10] et Medina[11].

[41]                 Dans l’affaire Chaoulski, le représentant avait été reconnu coupable de corruption d’une personne afin de falsifier des résultats d’examens médicaux et pour cette infraction, le représentant a été radié pour une période de cinq ans.

[42]                 Dans l’affaire Medina, le représentant avait été reconnu coupable d’avoir antidaté des certificats de placement afin de compenser des pertes et ce au moins en huit occasions et pour cette infraction, le représentant a été radié pour une période de trois ans.

[43]                 Sans minimiser la gravité du geste de l’intimée, les représentants dans les affaires Chaoulski et Medina, avaient eux-mêmes commis les actes de fraude et de falsification qui leur étaient reprochés.

[44]                 La durée de radiation proposée par la plaignante (3 ans) apparaît beaucoup trop sévère puisqu’elle aurait pour effet de mettre fin à la carrière de l’intimée, ce qui ne devrait pas être le but recherché dans la présente affaire où le comité recherche plutôt d’éviter toute récidive de la part de l’intimée.

[45]                 La Cour du Québec dans l’affaire Ledoux nous enseigne qu’une radiation de six mois est une sanction sévère.

[46]                 En conséquence, le comité imposera une sanction de radiation de six mois sous le chef 10.

[47]                 Enfin, en ce qui concerne les chefs 1 et 2 dont elle a été reconnue coupable et qui reprochaient à l’intimée d’avoir fait défaut de connaître la situation financière et personnelle ainsi que les objectifs de placement des clients, les décisions de la CSF concernant ce type d’infraction sont à toutes fins pratiques unanimes à l’effet d’imposer une amende de 5 000 $ par chef d’infraction (Thibault c. Beaudoin) et le comité ne voit pas de raisons de s’écarter de cette norme. L’intimée sera donc condamnée à payer une amende de 5 000 $ sous le chef 1.

[48]                 Le comité imposera une réprimande sous le chef 2 car la preuve a démontré que les services professionnels de l’intimée étaient fournis aux deux clients comme étant en quelque sorte une seule entité.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

CONDAMNE l’intimée à payer une amende de 5 000 $ sous le chef 1 et à une réprimande sous le chef 2;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimée pour une période de six mois sous les chefs 3, 4, 6, 7, 8, 9 et 10 à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où cette dernière a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés dans une proportion de neuf dixième (9/10) conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément________________

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

(s) Marc Binette______________________

M. Marc Binette, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Benoit Bergeron___________________

M. Benoit Bergeron, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Mathieu Cardinal

BÉLANGER LONGTIN, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Pierre Zeppettini

PIERRE ZEPPETTINI INC.

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

24 avril 2014

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 

 

 

 

ANNEXE A

JURISPRUDENCE ET LÉGISLATION CITÉES ET CONSULTÉES 

 

1.            Bureau c. Lapointe, CD00-0486, 31 octobre 2003 (C.D.C.S.F.).

2.            Thibault c. Beaudoin, CD00-0765, 18 mars 2011 (C.D.C.S.F.).

3.            Champagne c. Simard, CD00-0807/CD00-0835, 16 février 2012 (C.D.C.S.F.).

4.            Ledoux c. Chambre de la sécurité financière, 2011 QCCQ 15733 (C.Q.).

5.            Rioux c. Giroux, CD00-0585, 7 juin 2006 (C.D.C.S.F.).

6.            Champagne c. Lessard, CD00-0888, 10 juillet 2012 (C.D.C.S.F.).

7.            Champagne c. Medina, CD00-0790, 19 juillet 2010 (C.D.C.S.F.).

8.            Champagne c. Chaoulski, CD00-0823, 9 février 2011 (C.D.C.S.F.).

9.            Desrosiers c. Guimont, honorables Lafontaine, Barbe, Lavergne, jj.c.q., le 8 juin 2004, 2004 QCTP 055.

10.         Champagne c. Biagioni, CD00-0783, 20 avril 2011 (C.D.C.S.F.).

11.         Ledoux c. Champagne et Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, honorable Serge Champoux, j.c.q., le 1er décembre 2011, 2011 QCCQ 15733.

12.         Champagne c. Fontaine, CD00-0872, 15 octobre 2012 (C.D.C.S.F.).

13.         Lamarche c. Brady et Joseph, honorables Hébert, Lavergne et Marchi, jj.c.q., le 3 juillet 2013, 2013 QCTP 62.

14.         Champagne c. Fontaine, CD00-0872, 3 juillet 2013 (C.D.C.S.F.).

15.         Champagne c. Lemire, CD00-0955, 20 août 2013 (C.D.C.S.F.).

16.         Champagne c. Mireault, CD00-0846, 30 janvier 2014 (C.D.C.S.F.).

 

 



[1] Thibault c. Beaudoin, CD00-0765, décision sur culpabilité le 18 mars 2011.

[2] Thibault c. Cléroux, CD00-0732, décision sur culpabilité rendue le 31 mai 2010 et décision sur sanction rendue le 31 mars 2011.

[3] Précité, note 1.

[4]  Dans la présente affaire, l’intimée avait elle-même acheté un tableau.

[5] Presqu’un an après la donation l’intimée a écrit à la cliente : « Pour le reçu, ne vous inquiétez pas.  Vous aller(sic) le recevoir. » (paragraphe 199 de la décision sur culpabilité).

[6] Dans un courriel du 8 juillet 2008 (pièce P-57), l’intimée écrit à la cliente que Bélanger s’active à régler le dossier (paragraphe 200 de la décision sur culpabilité).

[7] Administrateurs agréés (Ordre professionnel des) c. Cléroux, 01-2008-02, décision sur culpabilité rendue le 30 septembre 2013 (pièce SI-4).

[8] Paragraphe 21 de la décision sur sanction, dossier CD00-0732.

[9] Ledoux c. Champagne, 2011 QCCQ 15733.

[10] Champagne c. Chaoulski, CD00-0823, décision sur culpabilité rendue le 9 février 2011 et décision sur sanction rendue le 17 juin 2011.

[11] Champagne c. Medina, CD00-0790, décision sur culpabilité et sanction rendue le 19 juillet 2010.

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