Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

C A N A D A

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1514

 

DATE :

Le 10 février 2023

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Marco Gaggino

Président

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre

Mme Mona Hanne, Pl. Fin.

Membre

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SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Plaignant

c.

 

JÉRÉMIE PAQUET, planificateur financier (certificat numéro 208987, BDNI 3258061)

 

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ, LORS DE L’AUDIENCE, L’ORDONNANCE SUIVANTE :

         Non-divulgation, non-diffusion et non-publication des noms et prénoms des consommateurs concernés par la plainte disciplinaire, ainsi que de toute information permettant de les identifier, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas à tout échange d’information prévu à la Loi sur l’encadrement du secteur financier (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

 

[1]           L’intimé, M. Jérémie Paquet, est cité devant le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») à la suite d’une plainte disciplinaire du 22 juin 2022.

[2]           Au moment des faits, M. Paquet est à l’emploi de la Banque de Montréal (la « Banque ») et est inscrit comme planificateur financier et représentant de courtier pour un courtier en épargne collective pour le compte de BMO Investissements.

[3]           Suite à une enquête de la Banque, celle-ci suspend puis congédie M. Paquet, et ce, pour avoir détourné en sa faveur des fonds de clients dont il avait la charge.

[4]           En date du 15 juillet 2022, M. Paquet fait l’objet d’une ordonnance de radiation temporaire émise par le Comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière[1].

[5]           Dans son seul chef d’infraction, la plainte disciplinaire reproche à M. Paquet de s’être approprié des montants totalisant 272 248,27 $ appartenant à divers clients de la Banque[2]. Il aurait ainsi contrevenu aux articles 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière[3] et à l’article 6 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières[4].

[6]       Il est à noter qu’à l’audience, M. Paquet était présent, mais non représenté, et n’a soumis aucune preuve ni fait de représentations.

[7]       Selon le Comité, M. Paquet s’est approprié, sans autorisation et à ses fins personnelles, la somme de 272 248,27 $ appartenant à divers clients de la Banque et a agi, ce faisant, avec malhonnêteté.

QUESTIONS EN LITIGE

[8]       Les questions en litige sont les suivantes :

-       M. Paquet s’est-il approprié, pour ses fins personnelles et sans autorisation, la somme de 272 248,27 $ appartenant aux clients de l’institution financière dont il était l’employé ?

-       M. Paquet a-t-il agi de façon malhonnête ?

ANALYSE

Est-ce que M. Paquet s’est approprié, pour ses fins personnelles et sans autorisation, la somme de 272 248,27 $ appartenant aux clients de l’institution financière dont il était l’employé ?

[9]       M. Paquet occupait un poste de planificateur financier pour la Banque pour laquelle il a été employé du 19 février 2013 au 25 mai 2022, date de son congédiement.

[10]    Dans le cadre de ses fonctions, M. Paquet avait accès aux comptes des clients dont il avait la charge.

[11]    Lors d’un processus de vérification et de prévention des fraudes de la Banque,  une demande de validation de conformité d’une traite bancaire émise au nom de M. Paquet a été formulée auprès d’une des succursales de la Banque.

[12]    Cette vérification a permis de découvrir que M. Paquet s’était présenté à cette succursale afin de faire émettre deux traites bancaires à son nom et dont les fonds provenaient de comptes bancaires de l’une de ses clientes.

[13]    Cette situation a été portée à l’attention de l’équipe d’enquête de la Banque qui a amorcé une enquête sur les activités professionnelles de M. Paquet. Cette démarche a révélé que M. Paquet avait détourné des fonds de certains des clients de la Banque, et ce, à son profit.

[14]    Dans le cadre de cette enquête, M. Paquet a été rencontré et a avoué notamment que :

         il souffrait d’un problème de jeu pathologique depuis près de dix (10) ans;

          il finançait son problème de jeu en détournant des fonds appartenant à des clients de la Banque et pour lesquels il agissait à titre de planificateur financier;

         il imitait la signature de ses clients afin de réaliser son stratagème.

[15]    Par ailleurs, la Chambre de la sécurité financière (la « Chambre ») a également procédé à une enquête sur les agissements de M. Paquet.

[16]    À cet effet, lors d’une rencontre tenue le 17 juin 2022 avec l’enquêteur de la Chambre, M. Paquet a déclaré que :

         Il vivait un problème de jeu depuis environ dix (10) ans, ledit problème ayant pris de l’ampleur environ deux (2) ans plus tôt, soit à l’occasion de la pandémie due au COVID-19;

         Il avait sous sa gestion environ 280 clients âgés en moyenne de 70 à 80 ans;

         Il ciblait des comptes inactifs depuis quelques années afin que les transactions sur ceux-ci soient moins facilement détectables;

         Il ignorait quel montant a ainsi été détourné puisqu’il ne tenait pas de registre;

         Les détournements étaient spontanés et en lien avec ses besoins découlant de son problème de jeu pathologique;

         Son intention était « d’emprunter » des sommes à même les comptes de ses clients pour ensuite les rembourser, ce qui n’est pas « arrivé »[5].

[17]    Les enquêtes de la Banque et de la Chambre ont révélé qu’une somme totale de 272 248,27 $ a ainsi été détournée par M. Paquet à son profit, ce que M. Paquet n’a pas nié devant le Comité.

[18]    Il ne fait donc aucun doute pour le Comité que M. Paquet s’est approprié, pour ses fins personnelles et sans autorisation, la somme de 272 248,27 $ appartenant aux clients de la Banque.

M. Paquet a-t-il agi de façon malhonnête ?

[19]    Le Comité a de l’empathie pour M. Paquet. Celui-ci semblait souffrir d’un problème de jeu pathologique, problème qui a pu engouffrer, à un certain moment, en moyenne 100 000 $ par mois, selon ses dires à l’occasion de sa rencontre avec l’enquêteur de la Chambre. Cette situation lui a malheureusement occasionné des ennuis personnels et professionnels.

[20]    Néanmoins, le Comité ne peut que conclure qu’en agissant comme il l’a fait, M. Paquet a exercé ses activités de façon malhonnête.

[21]    Ainsi, la preuve révèle que M. Paquet s’est approprié la somme de 272 248,27 $ en usant d’un stratagème élaboré de détournement des fonds de sept (7) clients différents par le biais de 32 traites bancaires, dont il était le bénéficiaire, et ce, sur une période s’échelonnant sur plus d’un an.

[22]    De plus, ce stratagème a nécessité la falsification de la signature des différents clients impliqués.

[23]    De même, les comptes ciblés étaient des comptes inactifs qui étaient moins facilement détectables.

[24]    Bref, il est clair que M. Paquet a ainsi exercé ses activités de façon malhonnête.

Conclusion

[25]        Considérant la preuve, le Comité est d’opinion que M. Paquet est coupable d’avoir contrevenu aux articles 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et 6 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières tel que reproché à l’unique chef d’infraction de la plainte disciplinaire.

[26]        Cependant, en application du principe qui interdit les condamnations multiples, le Comité ordonnera la suspension conditionnelle à l’égard de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et de l’article 6 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

DÉCLARE l’intimé coupable quant aux infractions fondées sur les articles 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et 6 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières reprochées à l’unique chef d’infraction de la plainte disciplinaire;

ORDONNE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et de l’article 6 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties à une audition pour entendre la preuve et les représentations des parties sur sanction;

PERMET la notification de la présente décision aux parties par moyen technologique conformément à l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01), à savoir par courrier électronique.

 

(S) Me Marco Gaggino __________________________________

Me Marco Gaggino

Président du comité de discipline

 

 

(S) Serge Lafrenière __________________________________

M. Serge Lafrenière, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(S) Mona Hanne __________________________________

Mme Mona Hanne, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Procureure du plaignant

 

M. Jérémie Paquet

Se représente seul

 

Date d’audience :

25 novembre 2022

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

ANNEXE

 

 

Dans la région de Québec, entre le 25 janvier 2021 et le 9 mai 2022, l’intimé s’est approprié des montants totalisant 272 248,27 $ appartenant à divers clients de l’institution financière pour laquelle il était employé, contrevenant ainsi aux articles 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et 6 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

 



[1] 2022 QCCDCSF 34.

[2] Voir le texte en annexe, tel qu’amendé lors de l’audience.

[3] « 17. Le représentant ne peut s’approprier, pour ses fins personnelles, les sommes qui lui sont confiées ou les valeurs appartenant à ses clients ou à toute autre personne et dont il a la garde. »

« 35. Le représentant ne doit pas exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente. »

[4] « 6. L’avoir du client doit demeurer sa propriété exclusive et le représentant ne doit s’en servir que pour les opérations autorisées par son client. »

[5] À l’exception d’une somme de 6 000 $.

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