Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2013-10-03 (E)

 

DATE :

26 novembre 2014

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président

Mme Élaine Savard, L.L.B., FPAA, expert en sinistre

Membre

M. Claude Gingras, expert en sinistre

Membre

 

 

 

SYLVIE POIRIER, ès qualités de syndic ad hoc de la Chambre de l’assurance dommages

Partie plaignante

 

c.

 

SÉBASTIEN TURGEON, expert en sinistre (5A)

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

RECTIFIÉE

 

 

 

 

 

[1]       Le 20 mars 2014, le présent Comité se réunissait pour entendre l’audition de la plainte no 2013-10-03 (E) à l’encontre de l’intimé Sébastien Turgeon.

 

[2]       Le syndic ad hoc, Me Sylvie Poirier, était présente et l’intimé, lui aussi présent, se représentait seul.

 

[3]       Dès le commencement, le procureur de la plaignante informa le Comité que l’intimé entendait plaider coupable aux deux (2) chefs de la plainte amendée et que les parties auraient une recommandation commune sur sanction à soumettre au Comité.

 

[4]       Toutefois, comme nous le verrons plus loin, l’intimé se ravisera durant l’audition et il y aura recommandation commune uniquement sur le chef no 1.

 

 

I.          La plainte et le plaidoyer de culpabilité

 

[5]       L’intimé fait face à deux (2) chefs d’accusation, à savoir :

 

1.   À Québec ou ses environs, entre le 17 janvier 2008 et le 20 mai 2010, a agi comme expert en sinistres en assurance de dommages des entreprises, une catégorie de discipline pour laquelle il ne détenait pas la certification requise, le tout en contravention avec les articles 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, l’article 9 al. 2 [devenu 10 al.1] du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant [Décision 99.07.08, 99-07-06, c. D-9.2, r. 7], et les articles 2 et 28 [devenus 2 et 26] du Code de déontologie des experts en sinistre [c. D-9.2, r. 1.02];

 

2.   À Québec ou ses environs, entre le 17 janvier 2008 et le 20 mai 2010, a utilisé le titre «expert en sinistres» sans être titulaire d’un certificat l’y autorisant, en contravention avec les articles 12, 16 et 44 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et l’article 110 [devenu l’article 9 al.1] du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant [Décision 99.07.08, 99-07-06, c. D-9.2, r.  7];

 

L’intimé s'étant ainsi rendu passible pour les infractions ci-haut mentionnées des sanctions prévues à l'article 156 (c) du Code des professions.

 

[6]       Questionné par le président du Comité, l’intimé a reconnu les faits mentionnés à la plainte et enregistra un plaidoyer de culpabilité sur les deux (2) chefs. En conséquence, le Comité a pris acte de son plaidoyer et, séance tenante, l’intimé fut déclaré coupable des infractions reprochées.

 

 

II.         Preuve sur sanction

 

[7]       Les parties ont déposé de consentement mutuel les pièces ST-1 à ST-19 sous la cote P-1 en liasse, sauf quant à la pièce ST-9, à laquelle l’intimé s’objectait.

 

[8]       Ces pièces, particulièrement celles numérotées ST-7, ST-8 et ST-19 démontrent que l’intimé aurait agi dans plusieurs dossiers d’entreprises pendant une période d’environ deux (2) ans, alors qu’il ne détenait pas la certification requise pour le faire. La majorité des dossiers traités étaient des « dossiers route ».

 

 

[9]       Le nombre de dossiers dans lesquels l’intimé aurait œuvré reste indéterminé. La preuve documentaire ne révèle pas avec suffisamment de certitude quel serait le nombre exact de dossiers d’entreprises traités par l’intimé.

 

[10]    Le Comité a aussi entendu le témoignage de M. Turgeon.

 

[11]    L’intimé déclare ce qui suit au Comité :

 

                Il affirme qu’en 2007, il est embauché par M. Pierre Boulianne de la firme CGI, laquelle deviendra par la suite Indemnipro;

                Il se fait offrir plusieurs avantages par son employeur, ce qui rend l’offre intéressante;

                Il se fait remettre des dossiers en assurance de dommages des entreprises par son employeur;

                Il se fait représenter par son ami et supérieur, M. Réal Dubois, qu’il peut travailler dans des dossiers d’entreprises si ses rapports sont contresignés par un expert en sinistre certifié en entreprises;

                Il dit qu’il faisait confiance à M. Dubois;

                Il se fait également rassurer par M. Boulianne, qui lui aurait dit que « la ChAD et l’AMF étaient pour passer outre » et de ne pas s’en faire, que son employeur était « pour le backer »;

                Il raconte qu'en décembre 2012, il perd confiance en M. Boulianne;

                Il avoue qu’il a commis une erreur en tardant de faire des vérifications afin de s’assurer du bien fondé des représentations de son employeur;

                Quant à l’utilisation du titre « expert en sinistre », il mentionne que l’utilisation de cette expression était imposée par son employeur et que ce dernier était seul à avoir un droit de regard sur la papeterie, etc;

                Il relate qu’il a maintenant sa certification en entreprise (5A);

                Il termine en expliquant au Comité qu’il a obtenu un courriel de M. Richard Verreault d’Indemnipro dans lequel ce dernier promet que son employeur prendra en charge les amendes et déboursés qui pourraient lui être imposés;

                En contre-interrogatoire, il reconnaît que la situation l’inquiétait et que par l’entremise de sa conjointe, il a communiqué avec l’AMF afin de s’enquérir sur la question à savoir s’il pouvait œuvrer en assurance de dommages d’entreprises malgré son statut, ce à quoi on lui aurait répondu par la négative;

                Par la suite, il aurait cessé d’accepter des dossiers d’entreprises. 

 

[12]     M. Turgeon termine son témoignage en disant qu’il trouve qu’une réprimande serait plus appropriée sur le chef no 2.

 

 

III.        Représentations sur sanctions

 

[13]    Me Poirier explique au Comité que la sanction sur le chef no 1 fera l’objet d’une recommandation commune des parties et quant au chef no 2, les parties ne s’entendent pas.

 

[14]    Les parties s’entendent pour que les déboursés soient assumés par l’intimé.

 

 

IV.       Analyse et décision

 

A)        La recommandation commune sur le chef no 1

 

[15]    Récemment, le Tribunal des professions dans l’affaire Chan[1], expliquait quelle était la portée des recommandations communes et leur fonction importante dans le système disciplinaire.

 

[16]    Suivant ce jugement, seules les recommandations communes déraisonnables, qui seraient contraires à l'intérêt public, inadéquates ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice peuvent être écartées par un comité de discipline.  

 

[17]    Dans les circonstances de cette affaire, le Comité considère que la suggestion commune des parties sur le chef no 1 reflète adéquatement la gravité objective de l’infraction reprochée.

 

[18]    La certification en entreprises constitue une norme qui vise à protéger le public en imposant au professionnel une certification et compétence propres à l’assurance de dommages des entreprises.

 

 

B)       Les représentations des parties sur le chef no 2

 

[19]    En l’espèce, et quant au chef no 2, le syndic ad hoc suggère l’amende minimale et l’intimé une réprimande.

 

[20]    Dans les circonstances propres de cette affaire, le Comité est d’avis qu’une réprimande serait plus appropriée.

 

 

[21]    Pour en venir à une telle conclusion, le Comité se fonde sur la décision rendue séance tenante le 10 mars 2014 par le Comité présidée par Me de Niverville dans l’affaire Messier[2].

 

[22]    Dans cette affaire, l’intimé faisait face au même chef d’accusation, soit d’avoir utilisé le titre « expert en sinistre » sans être titulaire d’un certificat l’autorisant. Compte tenu de la similitude entre les faits de cette dernière affaire et celle dont le Comité est présentement saisi, et même si cette décision du Comité ne constitue pas un précédent, le Comité retiendra la suggestion de l’intimé et lui imposera une réprimande.

 

 

C)       Décision

 

[23]    La recommandation commune formulée par les parties sur le chef no 1 sera entérinée sans réserve par le Comité et la sanction sur le chef no 2 sera une réprimande.

 

[24]    Le principe voulant que «chaque cas est un cas d’espèce»[3] s’applique intégralement dans le présent dossier et le Comité est d’opinion que la sanction dans les circonstances est taillée sur mesure pour l’intimé.

 

[25]    En effet, cette sanction prend en considération plusieurs facteurs atténuants dont l’intimé doit bénéficier, notamment :

 

                Son lien de subordination avec la personne qui lui assignait lesdits dossiers;

 

                Le fait que les dossiers d’entreprises lui étaient imposés;

 

                Bien qu’il était préoccupé par cette situation, il se faisait rassurer par messieurs Boulianne et Dubois;

 

                Suite à la vérification auprès de l’AMF, il aurait cessé d’agir en assurance des entreprises;

 

                La prise de conscience de l’intimé quant à l’importance de ses obligations déontologiques;

 

                La bonne foi de l’intimé, l’absence d’intention malhonnête et sa volonté de s’amender;

 

                Le dépôt d’un plaidoyer de culpabilité à la première occasion;

 

                L’obtention d’une certification (5A) par l’intimé;

 

                Sa collaboration au processus disciplinaire;

 

                Son absence d’antécédent disciplinaire.

 

 

[26]    Quant aux frais, ceux-ci seront assumés par l’intimé.

 

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no1 pour avoir contrevenu à l’article 13 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 44 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien desdits chefs d’accusation;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef no 1 :       Une amende de 2 000 $;

Chef no 2 :       Une réprimande;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés;

ACCORDE à l’intimé, un délai de 30 jours pour acquitter le montant de l’amende et des déboursés, calculé à compter du 31e jour suivant la signification de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme Élaine Savard, L.L.B., FPAA, expert en sinistre

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Claude Gingras, expert en sinistre

Membre

 

 

 

Me Sylvie Poirier

Procureur de la partie plaignante

 

M. Sébastien Turgeon (personnellement)

Partie intimée

 

 

Date d’audience: 20 mars 2014

 



[1]  Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII).

[2]  Poirier c. Messier, 2014-01-01 (E), procès-verbal du 10 mars 2014.

[3] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), au para 37.

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