Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

No :

2013-11-01(C)

 

 

DATE :

13 novembre 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président

Mme Joanne Allard, courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Lyne Leseize, courtier en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

ME KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante en reprise d’instance

c.

 

PATRICK LACOMBE, inactif comme courtier en assurance de dommages

Partie intimée

 

 

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]          Le 26 mai 2014, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition de la plainte disciplinaire no 2010-11-01(C).

[2]          La plainte dans le dossier no 2010-11-01(C) comporte six (6) chefs dont notamment une infraction d’appropriation, de défaut de rendre compte, de fausses déclarations et de confection d’un faux document, tel que ci-après exposé :

« 1. Le ou vers le 8 novembre 2011, s’est approprié sans droit ou a utilisé à des fins autres que celles pour lesquelles elle lui avait été confiée dans l’exercice de sa discipline, une somme de 414,16 $, en argent comptant, qui lui a été remise par l’assurée P. P-M., pour assurer sa propriété sise au (…), alors qu’il aurait dû remettre cette somme au cabinet La Turquoise et/ou à l’assureur Pafco compagnie d’assurance, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 37(8) dudit code;

 

2. Entre le 14 novembre 2011 et le 3 février 2012, a exercé ses activités de représentant en assurances de dommages de façon malhonnête et négligente et a fait défaut d’exécuter le mandat confié en ne procurant pas à sa cliente P. P-M une protection d’assurance pour sa propriété située au (…),  le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 37(1) et 37(4) dudit code;

 

3. Les 28 novembre, 2 décembre et 9 décembre 2011, a fait de fausses déclarations à E. B., de l’assureur Pafco compagnie d’assurance, en l’informant qu’une partie de la prime due à Pafco compagnie d’assurance pour le contrat d’assurance de P. P.-M. serait versée dans un court délai alors qu’il savait qu’il avait perdu la somme remise par sa cliente, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 37(7) dudit code;

 

4. Le ou vers le 3 février 2012, a fait défaut de donner à L’Unique compagnie d’assurance les informations qu’il est d’usage de donner à un assureur en remplissant une proposition portant le numéro 12335247 au nom de sa cliente, P. P.-M., lesquelles étaient incorrectes et incomplètes, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 29 dudit code;

 

5. Le ou vers le 13 mars 2012, a participé à la confection d’un document qu’il savait être faux en transmettant à E. B. de Pafco compagnie d’assurance une confirmation de couverture d’assurance habitation Belair Direct no° 977-4905 qu’il avait fabriquée lui-même, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 37(9) dudit code;

 

6. Le ou vers le 13 mars 2012, a fait une fausse déclaration à E. B. de Pafco compagnie d’assurance en l’informant que sa cliente, P. P.-M., s’était assurée auprès de Bélair Direct en assurance habitation alors qu’il savait qu’il n’en était rien, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 37(7) dudit code;»

 

[3]          Lors de l’audition, Me Lizotte était représentée par Me Vanessa J. Goulet et l’intimé était présent par voie téléphonique.

[4]          L’intimé a reconnu les faits et enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’encontre de chacun des chefs d’accusation.

[5]          Considérant ce qui précède, le Comité de discipline, après avoir pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé, le déclara coupable des infractions reprochées.

[6]          Suite aux représentations des parties sur la culpabilité, les parties se sont déclarées prêtes à procéder sur sanction.

I.          Représentations sur sanction

A.     Par le syndic

[7]          Me Goulet explique au Comité la gravité objective des gestes posés par l’intimé, soit l’appropriation d’argent confié par un assuré, la confection de faux documents, le défaut d’obtenir de rendre compte et d’obtenir une garantie d’assurance et d’avoir fait de fausses déclarations à un assureur.

[8]          Me Goulet remet au Comité un plan d’argumentation dans lequel elle expose de façon détaillée chacune des sanctions recherchées pour les six (6) chefs de la plainte. L’intimé consent au dépôt de l’argumentation écrite même s’il ne l’a pas reçu.

[9]          Me Goulet demande au Comité d’imposer les sanctions suivantes :

          Sur le chef no 1 : une amende de 2 000 $ et une radiation de six (6) mois;

          Sur le chef no 2 : une amende de 2 000 $;

          Sur le chef no 3 : une amende de 3 000 $ et une radiation de trois (3) mois;

          Sur le chef no 4 : une amende de 2 000 $;

          Sur le chef no 5 : une radiation temporaire d’un (1) an;

         Sur le chef no 6 : une amende de 3 000 $ et une radiation de trois (3) mois.

[10]       Elle demande que les périodes de radiation soient purgées de façon concurrente et requiert également une ordonnance de remboursement de la somme de 414,16 $ au cabinet La Turquoise, soit la somme appropriée mentionnée au chef no 1 de la plainte.

B.     Par l’intimé

[11]       Par voie de communication téléphonique, l’intimé a fait les représentations suivantes pour sa défense, à savoir :

           Il a 32 ans et environ cinq (5) ans d’expérience comme courtier d’assurance de dommages;

          Il explique qu’il aurait perdu la somme de 414,16 $ qu’on lui avait confiée;

          Il ne travaille pas présentement et il a fait faillite le 14 janvier 2014;

           Il demande d’être radié de façon permanente et déclare qu’il n’est même pas en mesure de payer son loyer;

          Il ne veut plus pratiquer dans le domaine de l’assurance;

         Il demande un délai pour payer les amendes qui pourraient lui être imposées;

[12]       En résumé, M. Lacombe explique que les amendes réclamées par le syndic sont accablantes et qu’il préfère donc être radié à vie pour éviter de payer les amendes totalisant la somme de 12 000 $ suggérées par le syndic.

II.         Analyse et décision

A.     Le plaidoyer de culpabilité

[13]       Le Comité constate que le plaidoyer de culpabilité fut enregistré dès la première occasion. Il s’agit d’un facteur atténuant dont le Comité doit tenir compte dans l’imposition de la sanction.

B.     Les circonstances aggravantes et atténuantes

[14]       Quant aux circonstances aggravantes dont le Comité tiendra compte lors de l’imposition de la sanction, le Comité remarque la gravité objective des infractions commises par l’intimé.

[15]       En effet, il ressort des représentations de l’intimé que ce dernier a été complètement insouciant quant à ses obligations déontologiques. Pourtant, l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers impose à tous les courtiers en assurance de dommages une obligation claire d’agir de façon honnête et professionnelle.

[16]       Dans son analyse, le Comité tiendra compte des circonstances atténuantes suivantes :

          Le dépôt d’un plaidoyer de culpabilité dès la première occasion;

          L’absence d’antécédent disciplinaire;

           Les conséquences déjà subies, notamment le fait qu’il est sans emploi et sa récente faillite;

         La gradation des sanctions.

[17]       En plus des circonstances atténuantes ci-haut énumérées, le Comité tiendra compte également de la globalité des sanctions[1] afin d’éviter d’imposer à l’intimé une sanction accablante compte tenu que ce dernier a fait cession de ses biens le 14 janvier 2014.

[18]       Au surplus, le Comité accordera à l’intimé un délai pour acquitter le montant des amendes et des frais.

[19]       Quant à l’ordonnance de remboursement sollicitée par le syndic en vertu de l’article 156 d) du Code des professions, le Comité y fera droit considérant que la preuve documentaire établit que l’ancien employeur de l’intimé, soit le cabinet La Turquoise, a remboursé son assurée[2]. De plus, le Comité accorde peu de poids à l’affirmation faite par l’intimé qu’il « a perdu l’argent » en question.

[20]       En l’espèce, le Comité est d’avis qu’il ne s’agit pas d’un cas où une ordonnance de remboursement pourrait nuire aux chances de réhabilitation de l’intimé[3], bien au contraire.

[21]       L’intimé bénéficiera d’un délai de 90 jours pour rembourser la somme de 414,16 $ à La Turquoise, cabinet en assurance de dommages inc.

III.        Décision et conclusions

[22]       Le fait que l’intimé ait admis les faits lors de l’enquête du syndic et qu’il avait une expérience limitée au moment des faits en litige militent en sa faveur.

[23]       Toutefois, après revue de la jurisprudence en matière de fabrication de faux, de fausses déclarations et d’appropriation[4], le Comité considère qu’il ne s’agit pas d’un cas qui justifie l’imposition d’une radiation permanente. Ainsi, la demande de l’intimé qu’il soit radié à vie ne sera pas retenue. Toutefois, le Comité est d’opinion que le caractère considérablement grave des infractions reprochées à l’intimé justifie l’imposition d’une sanction sévère et exemplaire. En conséquence, le Comité est d’avis que la radiation temporaire de l’intimé s’impose en l’espèce[5], tel que ci-après exposé.

[24]       Compte tenu des observations qui précèdent, la suggestion du syndic ne sera pas  retenue par le Comité.

[25]       Dans le présent dossier, plusieurs facteurs militent en faveur d’une sentence plus clémente, notamment en raison de la présence de facteurs propres au dossier et de facteurs relatifs à la situation financière du professionnel. De plus, la plainte nous révèle que les actes dérogatoires commis par l’intimé sont circonscrits dans le temps et se limitent à une seule assurée, soit P. P-M. Ainsi, les gestes répréhensibles de l’intimé ne sont pas répétitifs, mais plutôt isolés.

[26]       En l’espèce, le Comité est donc d’avis que l’intimé doit être radié temporairement pour une période d’un (1) an sur les chefs nos 5 et 6, ces périodes de radiation devant être purgées concurremment à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé. Aucune amende ne sera imposée sur ces deux (2) chefs.

[27]       Quant aux chefs nos 1 à 4, l’amende minimale de 2 000 $ sera imposée sur chacun desdits chefs.

[28]       Cela étant, en vertu du principe de la globalité des sanctions, il est clair que le total des amendes sur l’ensemble des chefs qui se chiffre à 8 000 $ sera accablant pour l’intimé.

[29]       En conséquence, les amendes seront réduites à une somme globale de 2 000 $.

[30]       Considérant que l’intimé demande au Comité de pouvoir rembourser les amendes imposées par versements échelonnés, compte tenu de sa situation financière difficile, le Comité lui accordera un délai de vingt-quatre (24) mois pour payer les amendes et déboursés du présent dossier.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 1 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 3 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 4 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 5 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 6 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

          Chef no 1 : une amende de 2 000 $;

          Chef no 2 : une amende de 2 000 $;

          Chef no 3 : une amende de 2 000 $;

          Chef no 4 : une amende de 2 000 $;

          Chef no 5 : une radiation temporaire d’un (1) an;

         Chef no 6 : une radiation temporaire d’un (1) an.

DÉCLARE que les périodes de radiation temporaire imposées seront purgées de façon concurrente pour un total d’un (1) an, débutant à la date de remise en vigueur du certificat de l'intimé;

RÉDUIT les amendes imposées totalisant la somme de 8 000 $ à une somme globale de 2 000 $;

ORDONNE à l’intimé de payer la somme de 414,16 $ à La Turquoise, cabinet d’assurance de dommages inc. dans un délai de 90 jours, calculé à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision.

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel un avis de la présente décision à la remise en vigueur du certificat de l’intimé ;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés, y compris les frais de publication des avis de radiation temporaire;

ACCORDE à l’intimé un délai de 24 mois pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculé à compter du 31ième jour suivant la signification de la présente décision.

 

 

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Me Daniel M. Fabien, avocat

Président du Comité de discipline

 

 

__________________________________

Mme Joanne Allard, courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

__________________________________

Mme Lyne Leseize, courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

Me Vanessa J. Goulet

Procureur de la partie plaignante

 

M. Patrick Lacombe (personnellement)

Partie intimée

 

Date d’audience :

 26 mai 2014

 

 



[1]     Brochu c. Médecins, [2002] QCTP 2 (CanLII).

[2]     Voir à ce sujet la pièce P-2.

[3]     Chambre de l’assurance de dommages c Desrochers, 2012 CanLII 89660 (QC CDCHAD).

[4]     Chambre de l’assurance de dommages c. Faubert, 2010 CanLII 64056 (QC CDCHAD), Chambre de l’assurance de dommages c. McDougall, 2013 CanLII 10705 (QC CDCHAD) et Chambre de l’assurance de dommages c. Ngankoy, 2013 CanLII 82450 (QC CDCHAD).

[5]     Ibid.

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