Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

No :

2013-10-01(C)

 

 

DATE :

28 octobre 2014

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Benoît St-Germain, C.d’A.Ass., courtier

en assurance de dommages

Membre

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ME KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante en reprise d’instance

c.

 

GUY LAMBERT, inactif comme courtier en assurance de dommages

Partie intimée

 

 

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]          Le 26 mai 2014, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition de la plainte disciplinaire no 2013-10-01(C).

[2]          La plainte dans le dossier no 2013-10-01(C) comporte quatre (4) chefs dont notamment des infractions de défaut de rendre compte, fabrication de faux et  d’entrave au travail du syndic, tel que ci-après exposé :

« 1. Le ou vers les mois de juin et juillet 2011, a fait défaut de rendre compte à l’assuré 3*****1 Canada inc. et R.M. que le contrat d’assurance des entreprises émis par Intact Compagnie d’assurance, portant le no 697-9265, ne serait pas et/ou n’avait pas été renouvelé pour la période du 20 juin 2011 au 20 juin 2012, laissant ainsi l’assuré dans l’ignorance d’un découvert d’assurance, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux articles 25, 26, 37(1) et 37(4) dudit code;

 

2. Le ou vers le mois de juin 2012, a exercé ses activités de façon malhonnête en participant à la confection d’un faux contrat d’assurance des entreprises prétendument souscrit auprès de l’assureur Intact Compagnie d’assurance par l’entremise du cabinet Groupe PMA inc., soit le contrat d’assurance des entreprises portant le no 697-9265, pour la période du 20 juin 2012 au 20 juin 2013, sachant qu’il s’agissait d’un faux, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux articles 37(1) et 37(9) dudit code;

 

3. Le ou vers le mois de juin 2012, a fait défaut de rendre compte à l’assuré 3*****1 Canada inc. et R.M. que le contrat d’assurance des entreprises émis par Intact Compagnie d’assurance, portant le no 697-9265, n’était pas renouvelé pour la période du 20 juin 2012 au 20 juin 2013, laissant ainsi l’assuré dans l’ignorance d’un découvert d’assurance, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux articles 25, 26, 37(1) et 37(4) dudit code;

 

4. Entre le 11 mars 2013 et le 30 juin 2013, a entravé l’enquête du Bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages en faisant défaut de retourner les messages laissés par le Bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages et en faisant défaut de répondre aux demandes de renseignements contenues dans les correspondances du Bureau du syndic, notamment les correspondances datées du 14 mars 2013 et du 5 avril 2013 portant sur sa conduite professionnelle, le tout en contravention avec l’article 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux articles 34 et 35 dudit Code; »

 

[3]          Lors de l’audition, la partie plaignante était représentée par Me Vanessa J. Goulet. Quant à l’intimé, celui-ci a assisté à l’audition par voie téléphonique.

[4]          D’entrée de jeu, l’intimé a reconnu les faits et enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des chefs d’accusation mentionnés dans la plainte disciplinaire.

[5]          En conséquence, le Comité de discipline, après avoir pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé, le déclara coupable des infractions reprochées.

[6]          Suite aux représentations des parties sur culpabilité, les parties se sont déclarées prêtes à procéder sur sanction.

I.          Représentations sur sanction

A.     Par le syndic

[7]          Me Goulet, pour et au nom de la partie plaignante, déposa de consentement une série de pièces documentaires, soit les pièces P-1 à P-9.

[8]          Me Goulet explique au Comité la gravité objective des gestes posés par l’intimé, soit la fabrication de faux, le défaut de rendre compte aux assurés et de collaborer à l’enquête du bureau du syndic.

[9]          Par ailleurs, Me Goulet remet au Comité un plan d’argumentation dans lequel elle expose de façon détaillée chacune des sanctions recherchées pour les quatre (4) chefs de la plainte.

[10]       Me Goulet recherche les sanctions suivantes :

           Sur le chef no 1 : une amende de 2 500 $;

           Sur le chef no 2 : une radiation temporaire de deux (2) ans;

           Sur le chef no 3 : une amende de 2 500 $;

           Sur le chef no 4 : une radiation temporaire de six (6) mois;

[11]       Bref, il s’agit d’un cas où un professionnel a commis des gestes qui vont à l’encontre de la raison d’être de la profession. Le syndic réclame donc une sanction exemplaire, mais qui serait tout de même plus clémente, dans sa globalité, que les décisions citées dans le plan d’argumentation.

B.     Par l’intimé

[12]       Par voie de communication téléphonique, l’intimé a fait des représentations pour sa défense.

[13]       Il explique ce qui suit au Comité :

           Il a aujourd’hui 57 ans;

           Il a été courtier d’assurance pendant 31 ans;

           Il est en dépression, n’a pas d’argent, ni de travail et serait présentement dans une instance de séparation;

           Il est toutefois repentant et regrette ce qu’il a fait;

           Il ne veut plus pratiquer dans le domaine de l’assurance;

           Il a perdu son travail et « a tout perdu après »;

           Quant au chef no 2, il mentionne qu’il a fabriqué le faux document suite à des menaces de mort proférées par l’assuré;

           Il a eu des difficultés avec la consommation de médicaments qui lui ont occasionné des problèmes personnels et conjugaux.

[14]       Vu qu’il n’a pas de travail, pas d’argent et qu’il ne veut plus travailler dans le domaine de l’assurance, il demande au Comité de le radier à vie.

[15]       En terminant son argumentation, M. Lambert explique que les amendes réclamées par le syndic sont accablantes.

[16]       En résumé, l’intimé reconnaît que la gravité des infractions justifie une radiation. Par contre, il argumente tant bien que mal que les amendes requises par le syndic sont beaucoup trop élevées et qu’elles constituent, globalement, une punition, puisqu’il n’a pas d’argent.

II.         Analyse et décision

A.     Le plaidoyer de culpabilité

[17]       Le Comité constate que le plaidoyer de culpabilité fut enregistré dès la première occasion.

[18]       Le Comité considère donc qu’il s’agit d’un facteur atténuant.

B.     Les circonstances aggravantes et atténuantes

[19]       Quant aux circonstances aggravantes dont le Comité tiendra compte lors de l’imposition de la sanction, le Comité remarque la gravité objective des infractions commises et le fait que les agissements de l’intimé portent directement atteinte à la protection du public.

[20]       Il ressort enfin de l’ensemble de la preuve documentaire déposée et des représentations de l’intimé que ce dernier a été complètement insouciant quant à ses obligations déontologiques.

[21]       Le Comité tient à souligner que l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers impose à tous les courtiers en assurance de dommages une obligation claire d’agir de façon honnête et professionnelle.

[22]       Dans son analyse, le Comité tiendra compte des circonstances atténuantes suivantes :

  Le dépôt d’un plaidoyer de culpabilité dès la première occasion;

  La situation personnelle de l’intimé au moment de la commission des infractions, i.e. sa dépendance aux médicaments et ses problèmes familiaux;

  Les menaces de mort émanant du client qui l’ont poussé à fabriquer une nouvelle police d’assurance en se servant de la précédente et ce, considérant qu’il craignait la mise en exécution desdites menaces;

  Le repentir de l’intimé;

  L’absence d’antécédent disciplinaire;

  Les conséquences déjà subies, soit la perte de son emploi et le fait qu’il « a tout perdu »;

  La gradation des sanctions.

[23]       En plus des circonstances atténuantes ci-haut énumérées, le Comité tiendra compte également de la globalité des sanctions[1] afin d’éviter d’imposer à l’intimé une sanction accablante.

III.        Conclusions

[24]       Le Comité réitère que le caractère grave des infractions reprochées à l’intimé justifie l’imposition d’une sanction sévère et exemplaire.

[25]       Le repentir exprimé lors des représentations de l’intimé et le fait que celui-ci a admis les faits dès le départ auprès de son employeur militent toutefois en sa faveur.

[26]       Par ailleurs, le Comité remarque en l’espèce qu’il s’agit d’incidents isolés qui n’ont pas causé de préjudice aux assurés si l’on se fie à la preuve administrée. Ceci en soit ne justifie pas l’imposition d’une radiation permanente comme le sollicite l’intimé.

 

[27]       Les impératifs de la protection du public justifient l’imposition d’une sanction exemplaire et dissuasive, qui doit toutefois être taillée sur mesure pour l’intimé.

[28]       Cela étant, suivant le principe de la globalité des sanctions, les amendes recherchées par le syndic et qui totalisent la somme de 5 000 $ pourraient être accablantes et seront en conséquence réduites à une somme globale de 2 500 $.

[29]       Quant à la radiation temporaire de l’intimé, compte tenu de tout ce qui précède, ce dernier sera radié temporairement pour une période d’un (1) an sur le chef no 2 et de six (6) mois sur le chef no 4. Ces périodes de radiation devront être purgées concurremment à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé.

[30]       Un délai de trente-six (36) mois sera également accordé à l’intimé pour payer les amendes et déboursés du présent dossier.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 1 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 3 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 4 pour avoir contrevenu à l’article 34 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

           Chefs nos 1 et 3 : une amende de 2 500 $ par chef d’accusation;

           Chef no 2 : une radiation temporaire d’une (1) année;

           Chef no 4 : une radiation temporaire de six (6) mois.

DÉCLARE que les périodes de radiation temporaire imposées seront purgées de façon concurrente pour un total d’un (1) an, débutant à la date de remise en vigueur du certificat de l'intimé;

RÉDUIT le total des amendes imposées totalisant la somme de 5 000 $ à une somme globale de 2 500 $;

ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel un avis de la présente décision à la remise en vigueur du certificat de l’intimé;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés, y compris les frais de publication des avis de radiations temporaires;

ACCORDE à l’intimé un délai de 36 mois pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculé à compter de la date de signification de la présente décision.

 

 

 

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Me Daniel M. Fabien, avocat

Président du Comité de discipline

 

 

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M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

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M. Benoît St-Germain, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

MVanessa J. Goulet

Procureur de la partie plaignante

 

M. Guy Lambert (personnellement)

Partie intimée

 

Date d’audience :

 26 mai 2014

 



[1]     Brochu c. Médecins, [2002] QCTP 2 (CanLII).

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