Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

Chambre de l’assurance de dommages

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2014-03-04 (E)

 

DATE :

24 septembre 2014

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Danielle Renaud, expert en sinistre

Membre

Mme Louise Beauregard, expert en sinistre

Membre

 

 

SYLVIE POIRIER, ès qualités de syndic ad hoc de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

GENEVIÈVE BEAULIEU, expert en sinistre

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

 

[1]       Le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages s’est réuni le 15 juillet 2014 pour procéder à l’audition d’une plainte portée contre l’intimée portant le no. 2014-03-04 (E);

 

 

I.          La plainte

 

[2]       La plainte reproche à l’intimée les infractions suivantes :

 

1.   À Gatineau, entre le 1er mai 2007 et le 14 septembre 2008, alors responsable de la succursale Gatineau du cabinet CGI experts en sinistres inc. (devenu Indemnipro inc.), a permis que K.C., de sa place d’affaires à Val d’Or puis à St‑Félix‑de‑Dalquier, puisse agir comme expert en sinistres dans environ 50 dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des entreprises, alors qu’elle savait ou aurait dû savoir que K.C. ne détenait pas la certification requise pour exercer dans cette catégorie de discipline, le tout en contravention avec les articles 12, 13 et 85 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, l’article 9 alinéa 2 [devenu 10 al.1] du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (Décision 99.07.08, 99-07-06, RLRQ, chapitre D-9.2, r. 7) et les articles 2 et 59(12) [devenus 2 et 58(14)] du Code de déontologie des experts en sinistres (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 1.02, r. 1.02.1 et r. 4);

 

2.   À Gatineau, entre le 1er mai 2007 et le 14 septembre 2008, alors responsable de la succursale Gatineau du cabinet CGI experts en sinistres inc. (devenu Indemnipro inc.), a permis à K.C. d’utiliser le titre «expert en sinistres» sans être titulaire d’un certificat l’y autorisant, en contravention avec les articles 12, 14, 44 et 85 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers, les articles 110 et 111 [devenus 9 et 10] du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (D. 99.07.08, 99-07-06; RLRQ, chapitre D-9.2, r. 7) et l’article 2 du Code de déontologie des experts en sinistres (RLRQ, chapitre D-9.2, r. 1.02, r. 1.02.1 et r. 4);

 

 

 

 

[3]       La syndic ad hoc, Me Sylvie Poirier agissait personnellement et l’intimée se représentait seule;

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des infractions reprochées;

 

[5]       En conséquence, celle-ci fut déclarée coupable, séance tenante des chefs nos. 1 et 2 de ladite plainte;

 

 

 

II.         Preuve sur sanction

 

[6]       La preuve documentaire à l’appui de la plainte fut déposée de consentement (P-1 à P-34);

 

[7]       Brièvement résumé, les faits à l’origine du présent dossier sont relativement simples;

 

[8]       L’intimée, alors qu’elle agissait comme superviseure de K.C. qui exerçait au bureau de Val-d’Or du Cabinet CGI experts en sinistres inc., a permis à celle-ci d’agir comme expert en sinistre dans des dossiers d’entreprises, alors que celle-ci ne détenait pas la certification requise pour cette catégorie de dossiers (chef no.1);

 

[9]       Elle a également permis à son employé K.C. d’utiliser le titre d’expert en sinistre d’une façon non-conforme à la réglementation (chef no. 2);

 

 

III.        Argumentation

 

A)   Par la syndic

 

[10]    La partie plaignante recommande de façon conjointe avec l’intimée, d’imposer à celle-ci les sanctions suivantes :

 

          Chef no. 1 :       Une amende de 6 000 $;

 

          Chef no. 2 :       Une réprimande;

 

[11]    La procureure fait également état des divers facteurs aggravants dont le Comité devra tenir compte, soit :

 

      La gravité objective de l’infraction;

 

      Le caractère répétitif des infractions et la durée de celles-ci;

 

      La mise en péril de la protection du public;

 

[12]    Parmi les facteurs atténuants, Me Poirier insiste sur les suivants :

 

      L’environnement de travail favorisait ce type d’infractions;

 

      L’intimée n’a pas reçu l’aide que son employeur lui avais promise;

 

      L’absence de préjudice pour les clients;

 

      L’absence de gain ou de bénéfice pour l’intimée;

 

      La collaboration de l’intimée à l’enquête du syndic;

 

      L’absence d’antécédents disciplinaires;

 

      Son plaidoyer de culpabilité enregistré dès la première occasion;

 

      L’absence de mauvaise foi ou d’intention malicieuse;

 

      Le faible risque de récidive;

 

[13]    À cela s’ajoute le fait que l’intimée vérifiait tous les rapports de K.C. avant que ceux-ci soient acheminés aux clients;

 

[14]    Finalement, elle conclut au caractère juste et raisonnable de la sanction et demande par conséquent au Comité de l’entériner;

 

 

B)   Par l’intimée

 

[15]    De son côté, l’intimée confirme le caractère commun des sanctions suggérées, mais demande au Comité de lui accorder un délai de paiement de 90 jours;

 

 

 

 

 

IV.       Analyse et décision

 

A)   La recommandation commune

 

[16]    Suivant la jurisprudence[1], les recommandations communes doivent être entérinées par le Comité, sauf circonstances exceptionnelles :

 

[41] Les tribunaux reconnaissent depuis longtemps l'à-propos de ce que la Cour d'appel qualifie récemment de « politique judiciaire » cette pratique de la négociation des plaidoyers de culpabilité qu'il convient d'encourager parce qu'elle joue un rôle capital au sein de l'institution pénale (Dumont c. R., 2013 QCCA 576, au para 13).

 

[42] La suggestion commune issue d'une négociation rigoureuse, dispose d'une « force persuasive certaine » de nature à assurer qu'elle sera respectée en échange du plaidoyer de culpabilité (Dumont c. R., 2013 QCCA 576, au para 13; Gagné c. R., 2011 QCCA 2387), à moins qu'elle soit déraisonnable, contraire à l'intérêt public, inadéquate ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice (R. c. Douglas (2002) 162 C.C.C. 37 (C.A.Q.); R. c. Bazinet, 2008 QCCA 165; R. c. Sideris, 2006 QCCA 1351).

 

[43] Ce sont ces paramètres qui peuvent induire le tribunal à écarter la suggestion commune (Poulin c. R., 2010 QCCA 1854; Paradis c. R., 2009 QCCA 1312; Leclaire c. R., 2006 QCCA 504)En somme, cette « politique judiciaire » maintenant avalisée par un imposant corpus jurisprudentiel postule qu'une suggestion commune ne doit pas être écartée « afin de ne pas discréditer un important outil contribuant à l'efficacité du système de justice tant criminelle que disciplinaire (Langlois c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 52).

 

[44] Rien ne s'oppose à ce que les mêmes principe et démarche s'appliquent en droit disciplinaire comme l'affirme encore récemment la jurisprudence de notre tribunal [23].

 

(Nos soulignements)

 

 

[17]    Pour les motifs ci-après exprimés, le Comité considère que la suggestion commune des parties reflète adéquatement la gravité objective des infractions et les circonstances particulières du présent dossier;

 

[18]    D’autre part, elle tient compte de plusieurs facteurs atténuants dont l’intimée doit bénéficier, soit :

 

      L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité à la première occasion;

 

      Son absence d’intention malicieuse;

 

      Sa collaboration au processus disciplinaire;

 

      Son absence d’antécédents disciplinaires;

 

 

[19]    À cela s’ajoute le fait que «chaque cas est un cas d’espèce»[2], et dans les circonstances, la sentence semble taillée sur mesure pour l’intimée;

 

[20]    Pour l’ensemble de ces motifs, la recommandation commune des parties sera entérinée sans réserve par le Comité;

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs d’accusation nos. 1 et 2 de la plainte et plus particulièrement comme suit :

Chef no. 1 : Pour avoir contrevenu à l’art. 59(12), devenu l’art. 58(14) du Code de déontologie des experts en sinistre (R.L.R.Q. c. D-9.2, r.4);

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no. 1;

Chef no. 2 : Pour avoir contrevenu à l’art. 2 du Code de déontologie des experts en sinistre (R.L.R.Q. c. D-9.2, r.4);

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no. 2;

 

IMPOSE à l’intimée, les sanctions suivantes :

Chef no. 1 :       Une amende de 6 000 $;

Chef no. 2 :       Une réprimande;

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés;

ACCORDE à l’intimée, un délai de 90 jours pour acquitter le montant de l’amende et des déboursés, calculé à compter du 31e jour suivant la signification de la présente décision.

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du Comité de discipline

 

____________________________________

Mme Danielle Renaud, expert en sinistre

Membre du Comité de discipline

 

____________________________________

Mme Louise Beauregard, expert en sinistre

Membre du Comité de discipline

Me Sylvie Poirier

Partie plaignante

 

Mme Geneviève Beaulieu (personnellement)

Partie intimée

 

Date de l’audience : 15 juillet 2014

 



[1]        Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII)

[2]     Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), au para 37;

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