Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2013-08-01(E)

2013-08-02(E)

 

DATE :

14 août 2014

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président

Mme Élaine Savard, expert en sinistre

Membre

M. Claude Gingras, expert en sinistre

Membre

 

 

ME KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

PAUL MORISSETTE, expert en sinistre en assurance de dommages des particuliers (5B)

-et-

MARC OUELLETTE, expert en sinistre (5A)

 

Intimés

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, NON-DIFFUSION ET NON-DIVULGATION DE TOUT DOCUMENT OU RENSEIGNEMENT PERMETTANT D’IDENTIFIER LES ASSURÉS, LE TOUT CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

[1]          Le 14 mai 2014, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (le « Comité ») se réunissait afin d’entendre les plaintes contre les intimés Paul Morissette et Marc Ouellette.

[2]          Les intimés sont présents lors de l’instruction et représentés par Me Antoine Gérin. Me Laurence Rey El fatih représente le syndic adjoint, soit Me Karine Lizotte, qui est également présente.

[3]          D’entrée de jeu, Me Rey El fatih informe le Comité que des plaintes amendées seront déposées, que les intimés entendent plaider coupable à celles-ci et qu’il y aura des représentations communes sur sanction.  Lorsque questionnés par le président du Comité sur leur plaidoyer de culpabilité, les intimés ont reconnu les faits décrits aux plaintes amendées les concernant et ont confirmé qu’ils plaidaient coupables.

[4]          Le Comité a permis les amendements aux plaintes et a également fait droit à la demande de retrait du chef no 2 contenu dans la plainte originale contre l’intimé Marc Ouellette.

[5]          Séance tenante, le Comité a pris acte des plaidoyers de culpabilité des intimés et les déclara tous deux coupables des infractions reprochées.

 

I.          Les plaintes amendées et les plaidoyers de culpabilité

 

[6]          La plainte amendée suite au retrait du chef no 2 reproche à l’intimé Marc Ouellette ce qui suit, à savoir :

          « 1. Entre le ou vers le 4 novembre 2008 et le ou vers le 16 juin 2009, n’a pas évité de se placer, directement ou indirectement, dans une situation où il serait en conflit d’intérêts (…) potentiel et/ou n’a pas fait preuve d’indépendance professionnelle, (…) en s’étant placé dans une situation où il était porté à privilégier les intérêts d’un tiers plutôt que ceux de sa cliente, en acceptant d’agir à titre d’expert en sinistre dans le cadre d’un mandat lui ayant été confié par l’assurée V.A., à la suite de l’incendie qui a détruit sa propriété sise au 1435-41 Marcel Marcotte, à Sherbrooke, et ce avec le concours d’un autre expert en sinistre avec lequel il travaillait depuis plusieurs années, alors qu’une offre d’achat et un acte de vente sont intervenus ou allaient intervenir entre l’assurée V.A. et ledit expert en sinistre, le tout en contravention à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financier , ainsi qu’aux articles 1 et 9 du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

  2. (…)

 

          3.             Durant les années 2008 à 2010, a négligé ses devoirs professionnels reliés à l’exercice de ses activités, en n’ayant pas une tenue de dossier que l’on est en droit de s’attendre de la part d’un expert en sinistre, notamment en ne notant pas au dossier les différentes communications téléphoniques, en n’ayant aucune confirmation écrite des instructions reçues, des conseils donnés et des décisions prises, notamment quant à la subrogation, et ce, relativement au dossier de réclamation de l’assurée V.A., le tout en contravention à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, ainsi qu’aux articles 10 et 58 (1) du Code de déontologie des experts en sinistre (…).»

 

[7]          Quant à l’intimé Paul Morissette, il a reconnu être coupable des deux (2) chefs suivants :

« 1. Entre le ou vers le 4 novembre 2008 et le ou vers le 24 novembre 2009, n’a pas évité de se placer, directement ou indirectement, dans une situation où il serait en conflit d’intérêts potentiel (…) et/ou n’a pas fait preuve d’indépendance professionnelle (…), alors qu’il sollicitait un mandat de règlement de réclamation à la suite d’un incendie survenu le ou vers le 3 novembre 2008 auprès de l’assurée V.A., a obtenu et utilisé de l’assurée des informations privilégiées lesquelles l’informaient du désir de celle-ci de vendre la propriété sise au 1435-41, Marcel Marcotte, à Sherbrooke, devenue une perte totale, pour ensuite s’engager auprès de l’assurée par une offre d’achat intervenue le ou vers le 20 novembre 2008 et suivie d’un acte de vente intervenu le 20 février 2009, à acheter la propriété de cette dernière et à y reconstruire la bâtisse, le tout en contravention à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financier, ainsi qu’aux articles 1, 9 et (…) 58 du Code de déontologie des experts en sinistre;

2. Entre le ou vers le 4 novembre 2008 et le ou vers le 24 novembre 2009, a manqué (…) de professionnalisme (…) et a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession (…) en exigeant que la réclamation d’assurance de l’assurée V.A. soit traitée par un expert en sinistre avec lequel il travaillait depuis plusieurs années (…) se plaçant ainsi dans une situation où il serait porté à ne pas ou à moins privilégier les intérêts de l’assurée et pour ainsi notamment s’assurer que l’indemnité versée par l’assureur, Promutuel Appalaches-St-François, soit le maximum du montant de la couverture d’assurance prévue à la police no R1971089101é émise en faveur de l’assuré V.A., le tout en contravention à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et à l’article 10 du Code de déontologie des experts en sinistre; »

 

II.            Preuve sur sanction

 

[8]          La partie plaignante a déposé avec le consentement des parties intimées les pièces P-1A à P-10.

[9]          Les intimés Marc Ouellette et Paul Morissette ont témoigné lors de l’audition sur sanction.

[10]       Marc Ouellette a déclaré notamment ce qui suit au Comité :

                Il a 33 ans d’expérience à titre d’expert en sinistre;

                Il a appris une leçon dans cette affaire;

                Il explique pourquoi il ne se placera plus jamais dans une telle situation;

                Il comprend beaucoup mieux aujourd’hui quelles sont ses obligations déontologiques;

                Il déclare qu’il a toujours travaillé dans le but d’aider le sinistré;

                Il a donné toute sa collaboration à l’enquête du syndic.

[11]        Quant à Paul Morissette, le Comité reproduit ci-après l’essentiel de son témoignage :

                Il a 38 d’expérience à titre d’expert en sinistre en assurance de dommages des particuliers;

                Il regrette sincèrement d’avoir procédé à l’achat de cet immeuble;

                Considérant qu’il avait déjà acheté plusieurs autres immeubles, il n’a jamais réalisé qu’il pouvait se placer dans une situation de conflit d’intérêts potentielle;

                Il a lui aussi appris une leçon de toute cette affaire;

                Il n’a jamais été de mauvaise foi.

 

III.           Recommandation commune sur sanction

 

[12]       Me Rey El fatih explique au Comité que les parties se sont entendu sur la sanction suivante quant à M. Ouellette, à savoir :

 

                Chef no 1 : une amende de 2 500 $;

                Chef no 2 : une amende de 3 000 $.

 

[13]       La recommandation commune sur sanction relativement à l’intimé Paul Morissette est la suivante :

 

                Chef no 1 : une amende de 2 500 $;

                Chef no 2 : une amende de 2 500 $.

Me Rey El fatih explique au Comité que le principe de la globalité des sanctions ne s’applique pas en l’espèce puisque les amendes imposées ne sauraient être accablantes pour les intimés. Me Gérin confirme ce qui précède au Comité et déclare que ses clients sont d’accord avec les sanctions.

 

[14]       Quant aux déboursés, en l’absence de représentations à ce sujet, le Comité a décidé séance tenante qu’ils  seraient assumés par les intimés.

 

IV.          Analyse et décision

 

A)     La recommandation commune

 

[15]       Depuis l’affaire Chan[1], il est clair que les recommandations communes ont une fonction importante dans le système disciplinaire.

 

[16]       Suivant ce jugement, à moins de circonstances exceptionnelles, la recommandation commune formulée par les parties doit être respectée par un comité de discipline.

 

[17]       Ainsi, seules les recommandations communes déraisonnables, qui seraient contraires à l'intérêt public, inadéquates ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice, peuvent être écartées par un comité de discipline.

 

[18]       Comme le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Royer c. Rioux[2], l’objectif de la sanction disciplinaire n’est pas de punir le professionnel, mais de corriger un comportement fautif.

 

[19]       Dans les circonstances de cette affaire, le Comité considère que la suggestion commune des parties reflète adéquatement la gravité objective des infractions reprochées pour lesquelles les intimés ont plaidé coupables.

 

B)     Circonstances aggravantes et atténuantes

 

[20]       Parmi les facteurs objectifs et aggravants que l’on retrouve dans les présents dossiers, le Comité retiendra ce qui suit :

 

 

 

                La gravité objective des infractions;

                La mise en péril de la protection du public;

                Le lien direct entre les infractions et l’exercice de la profession.

 

[21]       Ci-après, les circonstances atténuantes qui militent en faveur des intimés, à savoir :

 

                L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité par les intimés à la première occasion;

                L’absence d’antécédents disciplinaires et la grande expérience des intimés;

                Le repentir de chacun d’entre eux;

                La volonté exprimée par les intimés de s’amender et d’être conscients en tout temps de leurs obligations déontologiques.

 

[22]       Tous ces facteurs permettront au Comité de respecter la volonté exprimée par les parties dans la recommandation commune.

 

C)       Décision

 

[23]       La recommandation commune formulée par les parties sera donc entérinée sans réserve par le Comité.

 

[24]       Quant aux déboursés, tel que susdit, ceux-ci devront être assumés par les intimés.


PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

            Dans le cas de l’intimé Marc Ouellette :

 

autorise le retrait du chef no 2 de la plainte originale;

 

Prend acte de son plaidoyer de culpabilité sur les chefs nos 1 et 3;

 

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 1 et 3 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos 1 et 3;

 

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 500 $ sur le chef no 1 et de 3 000 $ sur le chef no 3;

 

Dans le cas de l’intimé Paul Morissette :

 

Prend acte de son plaidoyer de culpabilité sur les chefs nos 1 et 2 de la plainte amendée;

 

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 1 pour avoir contrevenu à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 58 (1) du Code de déontologie des experts en sinistre ;

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos 1 et 2;

 

IMPOSE à l’intimé une amende de 2 500 $ sur le chef no 1 et de 2 500 $ sur le chef no 2;

 

CONDAMNE les intimés au paiement des déboursés dans chacun de leur dossier respectif.

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président du Comité de discipline

 

 

 

__________________________________

Mme Élaine Savard, expert en sinistre

Membre du Comité de discipline

 

 

 

__________________________________

M. Claude Gingras, expert en sinistre

Membre du Comité de discipline

 

 

 

 

 

Me Laurence Rey El fatih

Procureur de la partie plaignante

 

Me Antoine Gérin

Procureur des intimés

 

Date d’audience :

14 mai 2014

 



[1]        Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII).

[2]    C.Q. no 500-02-119213-036, 8 juin 2004.

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