Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE QUÉBEC

 

N° :

2013-05-02(C)

2013-05-03(C)

 

DATE :

8 août 2014

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Président

Mme Francine Normandin, C. d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Lyne Leseize, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

MICHEL OUELLET, courtier en assurance de dommages

 

-et-

 

DIANE FORTIN, courtier en assurance de dommages

 

Parties intimées

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

 

[1]          Au mois de mai 2013, Madame Carole chauvin, ès qualités de syndic de la ChAD, porte plainte contre les intimés.

[2]          Le 2 octobre 2013, les intimés déposent au greffe du Comité de discipline des défenses écrites particularisées quant à chacun des chefs des plaintes originales.

[3]          Les 10 et 11 décembre 2013, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition des plaintes logées à l’encontre des parties intimées Michel Ouellet et Diane Fortin. Lors de l’audition, les plaintes originales furent amendées par la partie poursuivante avec le consentement des procureurs des parties intimées.

[4]          Quant à l’intimé Michel Ouellet, la plainte amendée lui reproche ce qui suit : 

 « MICHEL OUELLET, C.d’A.Ass, dûment certifié auprès de l’Autorité des marchés financiers, a commis à Québec, à Montréal et à Gatineau, des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession de représentant en assurance de dommages, à savoir :

1.          De 2007 à 2012, personnellement et à titre de président et/ou de gestionnaire du cabinet Abeco, a fait défaut de s’assurer que la structure et le fonctionnement du cabinet soient conformes aux dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de ses règlements et/ou a fait défaut de mettre en place et/ou d’instaurer des politiques et/ou procédures, notamment :

a.          en ne prévoyant pas et/ou en ne mettant pas en place de procédures afin de s’assurer que les certificats d’exercices(SIC) des courtiers en assurance de dommages « affiliés » respectent la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements, soit qu’ils demeurent en tout temps en vigueur et en droit d’exercer, notamment :

i.           Entre le 1er avril 2009 et le 28 avril 2009, dans le cas de madame Zaineb Darkaoui qui a agi en faveur et pour le cabinet Abeco à titre de courtier en assurance de dommages des particuliers alors que son certificat d’exercice était en situation de non-renouvellement ;

ii.          Entre le 1er juillet 2009 et le 21 juillet 2009, dans le cas de madame Lydia Kiowa Lela qui a agi en faveur et pour le cabinet Abeco à titre de courtier en assurance de dommages alors que son certificat d’exercice était en situation de non-renouvellement ;

iii.          Entre le 1er octobre 2011 et le 12 avril 2012, dans le cas de monsieur Félicien Ngankoy qui a agi en faveur et pour le cabinet Abeco à titre de courtier en assurance de dommages des particuliers alors que son certificat d’exercice était inactif et sans mode d’exercice ;

b.          En ne prévoyant pas de gestion adéquate des sommes perçues aux assurés par les courtiers en assurance de dommages « affiliés » dans le cadre de l’exercice de leur pratique et en ne prévoyant pas un accès au compte séparé du cabinet pour ces mêmes courtiers, afin que ceux-ci y déposent, sans délai, les sommes perçues auxdits assurés, notamment :

i.           Dans le cadre de la police d’assurance habitation émise par L’Unique, portant le numéro 10552640, en faveur de l’assuré N.J. couvrant la période du 4 septembre 2009 au 4 septembre 2010.

ii.          Dans le cadre de la police d’assurance habitation émise par Lloyd’s, portant le numéro 2118008, en faveur de l’assuré J.L., couvrant la période du 9 juillet 2009 au 9 juillet 2010;

iii.          Dans le cadre de la police d’assurance habitation émise par l’assureur L’Unique, portant le numéro 10220981, en faveur de l’assuré Y.M., couvrant la période du 15 janvier 2009 au 15 janvier 2010 ;

iv.         Dans le cadre de la police d’assurance automobile émise par l’assureur L’Unique, portant le numéro 10279137, en faveur de l’assuré R.D., couvrant la période du 16 mars 2009 au 16 mars 2010 ;

c.          En ne prévoyant pas la remise au cabinet Abeco des commissions de L’Unique en faveur des courtiers en assurance de dommages « affiliés » ;

d.          En ne donnant pas accès aux courtiers en assurance de dommages « affiliés » au système d’exploitation de dossiers-clients Deltek, les laissant agir directement dans les portails des assureurs L’Unique et Jevco, sans qu’il n’y ait aucun contrôle ou suivi de leurs agissements et en ne consignant pas les dossiers complets des assurés à la place d’affaires déclarée du cabinet, que ce soit sur support informatique ou physique ;

le tout en contravention avec les articles 14, 16, 23, 24, 85 et 100 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, les articles 12 et 15 du Règlement  sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, l’article 4 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et les articles 2 et 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages; »

[5]          Quant à l’intimée Diane Fortin, la partie poursuivante lui fait essentiellement les mêmes reproches, à savoir :

« DIANE FORTIN, C.d’A.Ass, dûment certifiée auprès de l’Autorité des marchés financiers, a commis à Québec, à Montréal et à Gatineau, des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession de représentant en assurance de dommages, à savoir :

1.          De 2007 à 2012, personnellement et à titre de vice-présidente et/ou de gestionnaire du cabinet Abeco, a fait défaut de s’assurer que la structure et le fonctionnement du cabinet soient conformes aux dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et de ses règlements et/ou a fait défaut de mettre en place et/ou d’instaurer des politiques et/ou procédures, notamment :

a.          en ne prévoyant pas et/ou en ne mettant pas en place de procédures afin de s’assurer que les certificats d’exercices(SIC) des courtiers en assurance de dommages « affiliés » respectent la Loi sur la distribution de produits et services financiers et ses règlements, soit qu’ils demeurent en tout temps en vigueur et en droit d’exercer, notamment :

i.           Entre le 1er avril 2009 et le 28 avril 2009, dans le cas de madame Zaineb Darkaoui qui a agi en faveur et pour le cabinet Abeco à titre de courtier en assurance de dommages des particuliers alors que son certificat d’exercice était en situation de non-renouvellement ;

ii.          Entre le 1er juillet 2009 et le 21 juillet 2009, dans le cas de madame Lydia Kiowa Lela qui a agi en faveur et pour le cabinet Abeco à titre de courtier en assurance de dommages alors que son certificat d’exercice était en situation de non-renouvellement ;

iii.          Entre le 1er octobre 2011 et le 12 avril 2012, dans le cas de monsieur Félicien Ngankoy qui a agi en faveur et pour le cabinet Abeco à titre de courtier en assurance de dommages des particuliers alors que son certificat d’exercice était inactif et sans mode d’exercice ;

b.          En ne prévoyant pas de gestion adéquate des sommes perçues aux assurés par les courtiers en assurance de dommages « affiliés » dans le cadre de l’exercice de leur pratique et en ne prévoyant pas un accès au compte séparé du cabinet pour ces mêmes courtiers, afin que ceux-ci y déposent, sans délai, les sommes perçues auxdits assurés, notamment :

i.           Dans le cadre de la police d’assurance habitation émise par L’Unique, portant le numéro 10552640, en faveur de l’assuré N.J. couvrant la période du 4 septembre 2009 au 4 septembre 2010.

ii.          Dans le cadre de la police d’assurance habitation émise par Lloyd’s, portant le numéro 2118008, en faveur de l’assuré J.L., couvrant la période du 9 juillet 2009 au 9 juillet 2010;

iii.          Dans le cadre de la police d’assurance habitation émise par l’assureur L’Unique, portant le numéro 10220981, en faveur de l’assuré Y.M., couvrant la période du 15 janvier 2009 au 15 janvier 2010 ;

iv.         Dans le cadre de la police d’assurance automobile émise par l’assureur L’Unique, portant le numéro 10279137, en faveur de l’assuré R.D., couvrant la période du 16 mars 2009 au 16 mars 2010 ;

c.          En ne prévoyant pas la remise au cabinet Abeco des commissions de L’Unique en faveur des courtiers en assurance de dommages « affiliés » ;

d.          En ne donnant pas accès aux courtiers en assurance de dommages « affiliés » au système d’exploitation de dossiers-clients Deltek, les laissant agir directement dans les portails des assureurs L’Unique et Jevco, sans qu’il n’y ait aucun contrôle ou suivi de leurs agissements et en ne consignant pas les dossiers complets des assurés à la place d’affaires déclarée du cabinet, que ce soit sur support informatique ou physique ;

le tout en contravention avec les articles 14, 16, 23, 24, 85 et 100 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, les articles 12 et 15 du Règlement  sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome, l’article 4 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants et les articles 2 et 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages; »

 

[6]          Madame Carole Chauvin, ès qualités de syndic est présente et représentée par Me Claude G. Leduc, qui est accompagné de Me Vanessa J. Goulet.

[7]          Les intimés sont également présents et représentés par Me André Bois, qui est accompagné de Me Jean-Sébastien d’Amours. Cela étant, les parties se déclarent prêtes à procéder à l’audition commune des plaintes amendées.

I.        La preuve au soutien des plaintes amendées

[8]          Les pièces P-1 à P-18 inclusivement sont déposées en preuve de consentement des parties.

[9]           La preuve de la poursuite sera uniquement documentaire puisque le procureur du syndic informe alors le Comité qu’il n’entend pas faire entendre de témoins sachant que les intimés vont témoigner et qu’il pourra ainsi les contre-interroger.

II.         La preuve en défense

[10]       Comme premier témoin le Comité a entendu l’intimée Diane Fortin, qui relate au Comité ce qui suit :

                Elle explique qu’elle est courtier en assurance de dommages depuis 1978 et qu’elle a pratiqué à Matane pendant dix (10) ans jusqu’à ce qu’elle s’établisse à Québec en 1988;

                Elle témoigne que le cabinet Abeco a été fondé à Québec en 2007 et que depuis 25 ans, elle exerce au cabinet Fortin Ouellet situé en la ville de Québec;

                Elle déclare que Michel Ouellet et elle-même cherchaient un moyen de faire croître les chiffre d’affaires du cabinet Abeco et que suite à une réunion avec des représentants de L’Unique Assurances Générales Inc., soit M. Jean Tardif et M. Yves Gagnon, ces derniers leur auraient suggéré de mettre en place le concept des courtiers affiliés;

                Essentiellement, ce concept prévoyait qu’un courtier affilié serait rattaché au cabinet Abeco, mais qu’il exercerait ses activités de représentant en assurance de dommages à partir de sa résidence;

                Me Pierre-Marc Bellavance, avocat chez L’Unique, aurait préparé la documentation nécessaire;

                Abeco aurait alors fait de la publicité afin de recruter des courtiers affiliés;

                Les courtiers affiliés travaillaient effectivement de leur résidence, lesquelles étaient situées notamment à Lac Mégantic, Gatineau, Repentigny, Québec et Montréal; la première année, il y en avait de 3 à 4 et par la suite jusqu’à 12;

                Ceux-ci ne se rapportaient pas de façon quotidienne au cabinet, ils assumaient les dépenses qu’ils engageaient dans le cadre de leur fonctions, comme les cotisations payables à l’AMF;

                Les courtiers affiliés n’étaient pas déduits à la source par le cabinet;

                Les courtiers affiliés étaient liés par contrat avec L’Unique (D-4 et D-5) et une convention de courtier affilié était exécutée entre Abeco et le courtier affilié (D-1 à D-3);

                Au surplus, Abeco était lié par contrat avec L’Unique (D-8);

                Quant au rôle de Diane Fortin auprès des courtiers affiliés, elle devait leur donner les outils nécessaires à leur travail et du soutien, par exemple, s’il surgit un problème de souscription; madame Fortin s’occupait également des registres comptables reliés aux affaires des courtiers affiliés;

                Le rôle de Michel Ouellet se limitait à faire du recrutement;

                Elle explique également qu’au mois de juin 2009, l’inspecteur Denis Moisan de la ChAD a effectué une visite de conformité au bureau d’Abeco situé au 75, boulevard Louis-XIV, à Québec;

                Elle fait référence à la pièce D-6, soit un rapport de M. Moisan faisant état des lacunes observées lors de sa visite et explique les correctifs apportés;

                Elle rajoute que M. Moisan a eu accès à tous les registres du cabinet et aux dossiers clients et que cette documentation, en 2009, se trouvait sur support numérique;

                Elle relate qu’au mois de mai 2010, madame Carole Chauvin et Me Karine Lizotte se sont présentées au bureau d’Abeco et que cette visite a duré deux (2) jours (20 et 21 mai 2010);

                Elle explique que la discussion a porté notamment sur le cas de madame Odette Dufour visée ou non par l’article 547 de la LDPSF et les commissions pour les nouvelles affaires et les renouvellements;

                Quant au chef no 1. a. relativement au non-renouvellement des certificats des courtiers affiliés Darkaoui, Lela et Ngankoy, elle déclare qu’elle a pris connaissance pour la première fois de cette problématique quant à Darkaoui et Lela au moment de la signification de la plainte originale; relativement à M. Ngankoy, elle l’aurait appris au mois d’avril 2012;

                Sur ce chef, elle rajoute qu’il n’y avait pas de mesure en place pour s’assurer du renouvellement des certificats des courtiers affiliés, qu’elle leur faisait confiance et qu’en plus, les conventions intervenues (D-1 à D-3) avec ceux-ci stipulaient à l’article 4.5 que les courtiers affiliés avaient l’obligation d’obtenir et de maintenir en vigueur tous les permis requis pour l’exercice de la discipline de l’assurance de dommages;

                Elle se justifie en expliquant aussi qu’elle n’a jamais reçu d’avis de l’AMF l’informant que les certificats en question n’avaient pas été renouvelés;

                Bref, les courtiers affiliés payaient leur cotisations et en étaient responsables;

                Quant au chef n1. b., soit le chef qui concerne l’absence d’accès par les courtiers affiliés à un compte bancaire séparé pour le dépôt des chèques des assurés, elle déclare que les factures étaient émises par Abeco, que les courtiers affiliés devaient s’assurer que les chèques en paiement des primes soient libellés au nom d’Abeco et transmis par le courtier affilié au bureau d’Abeco à Québec;

                Relativement aux paiements exécutés en argent comptant par les assurés, madame Fortin relate que le courtier affilié déposait l’argent dans son propre compte bancaire et tirait un chèque à l’ordre d’Abeco qu’il transmettait à celle-ci;

                Elle admet que les courtiers affiliés Darkaoui et Berthelet-Lafleur se seraient servis de l’argent remis par certains assurés à des fins personnelles et que Fortin Ouellet, Abeco et L’Unique en ont subi les conséquences;

                Quant au chef n1. c., elle fait remarquer que lors de la visite d’inspection de M. Moisan et par la suite, jamais il ne fut question d’une problématique reliée au fait que c’était L’Unique qui versait directement la commission aux courtiers affiliés; elle mentionne que cette façon de procéder était imposée par l’Unique;

                Elle souligne également que lors des visites, aucune remarque ne fut faite quant à l’absence de surveillance au niveau du renouvellement des certificats des courtiers affiliés de même que sur l’absence de compte séparé;

                Quant au chef  no 1. d. qui traite de l’absence d’accès au système d’exploitation Deltek par les courtiers affiliés, elle déclare que ces derniers pouvaient accéder au système de L’Unique et que de cette façon, les courtiers affiliés avaient accès aux renseignements des assurés; pour ce qui est de l’assureur Jevco, les propositions se faisaient sur support papier;

                Elle motive l’absence d’accès au système Deltek en raison des coûts associés à rendre ce système accessible et le peu de volume des courtiers affiliés lorsque le concept fut initialement mis en place; elle ajoute toutefois qu’en 2010, Deltek fut implanté et imposé aux courtiers affiliés.

[11]       Lors du contre-interrogatoire de Me Leduc, madame Fortin précise ce qui suit :

                Qu’il y avait aussi une succursale d’Abeco à Joliette;

                Que les courtiers affiliés travaillent de leur domicile et qu’elle ne s’est jamais rendue faire une visite à la maison de madame Darkaoui;

                Qu’elle ne pouvait pas vérifier si le courtier affilié renouvelait son certificat, qu’elle ne savait pas à quelle date les certificats devaient être renouvelés et que c’est pour cette raison qu’il incombait aux courtiers affiliés de s’en occuper, comme prévu au contrat;

                Lorsqu’interrogée sur la question à savoir si Abeco avait émis une directive aux courtiers affiliés sur la marche à suivre lors du paiement de primes en argent comptant, elle admet qu’il n'y en avait pas;

                Sur le chef 1. d., elle dit que les dossiers d’Abeco étaient identiques à ceux de L’Unique, que les documents sur support papier étaient numérisés et conservés par Abeco; quant aux courtiers affiliés, ceux-ci conservaient des dossiers sur support papier;

                Elle explique aussi que si un courtier affilié avait à faire des changements sur une police, il pouvait accéder au système de L’Unique et les faire.

[12]       En réinterrogatoire, madame Diane Fortin relate que deux (2) fois par année, elle tenait une réunion de formation à Drummondville avec les courtiers affiliés. Divers sujets y étaient abordés, dont notamment les procédures à suivre et la souscription.

[13]       L’intimé Michel Ouellet a témoigné par la suite. Ci-après l’essentiel de sa déposition :

                Il déclare qu’il est courtier en assurance de dommages depuis 1988; il est rattaché au cabinet Abeco depuis le mois de septembre 2011;

                Il relate qu’au cours de sa carrière, il a œuvré principalement avec des clients commerciaux; il était la plupart du temps sur la route et c’était madame Fortin qui gérait le cabinet;

                Quant aux courtiers affiliés au cabinet Abeco, il était celui qui faisait le recrutement et les entrevues auprès des candidats;

                Il explique qu’il pouvait y avoir deux ou trois rencontres avec le candidat potentiel avant qu’une entente intervienne; les rencontres n’avaient pas lieu au domicile des candidats;

                Il relate qu’il faisait confiance aux courtiers affiliés sur la question à savoir s’ils étaient certifiés puisque les candidats recrutés avaient de l’expérience;

                Il dit qu’il fournissait un ordinateur portable aux courtiers affiliés et qu’il a créé un fonds de fidélisation, mécanisme qui permettait de faire des avances aux courtiers affiliés sur les commissions à venir;

                Il déclare que l’assureur La Capitale a implanté un réseau d’agents affiliés;

[14]        En contre-interrogatoire, il mentionne qu’il n’allait jamais au domicile des courtiers affiliés. Il s’est toutefois rendu au domicile de madame Darkaoui, mais uniquement après qu’il eût connaissance de sa fraude. Il lui aurait avancé la somme de 7 000 $ suite aux explications de celle-ci. Il aurait compris par la suite que cette personne était une joueuse compulsive.

[15]       Comme troisième témoin, la défense a fait entendre M. Yves Gagnon, vice-président ventes et développement de L’Unique, qui a déclaré ce qui suit au Comité :

 

                Il explique que le schéma opérationnel des courtiers affiliés implanté chez Abeco par L’Unique provient du réseau des agents affiliés de La Capitale;

                Ce schéma opérationnel a pour objectif de concentrer le travail des courtiers sur des nouvelles affaires;

                Il relate que la structure contractuelle a été préparée par Me Pierre-Marc Bellavance de L’Unique;

                Quant aux mouvements et paiements des commissions, lors de renouvellements, le 1/3 de la commission était versé au courtier affilié et les 2/3 à Abeco; cette manière de procéder n’a jamais fait l’objet d’un reproche de la part de l’AMF ni d’une mise en garde;

                Il explique que les dossiers de L’Unique auxquels les courtiers affiliés avaient accès (par l’entremise du système de gestion de polices) sont les mêmes dossiers que pour tout autre courtier; bref, que les polices des assurés des courtiers affiliés se trouvaient dans le système de gestion de polices comme pour n’importe quel autre courtier d’assurance;

                Il termine en déclarant que lors de la signature du contrat entre L’Unique et un courtier affilié, une vérification était faite sur la certification de ce dernier; par la suite, aucun suivi de vérification.

 

III.        Les plaidoiries

[16]       Me Leduc plaide essentiellement que la chronologie des faits n’est pas contestée et que la preuve révèle clairement que la structure mise en place par le cabinet Abeco ne respecte pas les dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9. 2. (ci-après « la Loi »).

[17]       En fait,  Me Leduc argumente que les intimés, en tant que courtiers en assurances de dommages et dirigeants du cabinet Abeco, doivent s’assurer que leurs courtiers affiliés respectent la Loi.

[18]       Il explique au Comité que la Loi est d’ordre public et qu’en conséquence, les contrats intervenus en l’espèce ne peuvent contourner la Loi ni y contrevenir. Le procureur du syndic fait remarquer qu’il existe une différence dans la Loi entre un représentant et un représentant autonome.

[19]       Il réfère le Comité aux articles 1, 2, 6, 14, 23, 24, 76, 80, 82, 85, 100 et suivants de la Loi et à de la jurisprudence[1].

[20]       Il rajoute que la Loi doit être interprétée de manière libérale pour favoriser le public et non le professionnel. De plus, le fait de ne pas suivre une norme de pratique constitue une faute déontologique.

[21]       Il fait remarquer au Comité que Félicien Ngankoy, l’un des courtiers affiliés rattaché au cabinet Abeco, n’a jamais été inscrit à l’AMF durant tout son séjour chez Abeco.

[22]       Il termine essentiellement en plaidant que la structure mise en place par les intimés visait à favoriser uniquement les ventes, et ce, au détriment de la protection du public et des assurés.

[23]       Quant à Me André Bois, il plaide dans un premier temps que chacune des plaintes ne comporte pas un total de neuf (9) chefs, mais plutôt un (1) seul chef.

[24]       Sur les sous-chefs a. i et ii, il explique au Comité que la période de non-renouvellement ne fut que d’environ vingt (20) jours et que dans un tel contexte, il ne s’agit pas d’une faute déontologique. Même argument quant au sous-chef a. iii qui concerne M. Ngankoy, même si la durée du non-renouvellement s’échelonne sur environ six (6) mois. Sur ces questions en particulier, il argumente qu’il n’existe pas de manière pour les intimés de vérifier si les courtiers affiliés ont renouvelé leur certificat. De plus, il nous fait remarquer que le syndic n’a pas fait la preuve qu’il existe une bonne méthode ou manière de vérifier le statut d’exercice des courtiers affiliés en la matière.

[25]       Me Bois rajoute que les contrats intervenus avec les courtiers affiliés les obligent à maintenir leur certificat d’exercice en vigueur et qu’en conséquence, les intimés pouvaient raisonnablement croire que cette obligation serait respectée et que les courtiers affiliés étaient pour faire ce qu’il se doit pour être en règle. Dans ce sens, les intimés pouvaient présumer que les courtiers affiliés procéderaient au renouvellement de leur certificat. De plus, il attire l’attention du Comité sur le fait que les intimés traitaient avec des professionnels ayant fait l’objet d’un contrôle de leur probité en vertu de l’article 220 de la Loi.

[26]       Il rajoute que ses clients avaient le droit de présumer que l’AMF leur ferait parvenir un avis les informant qu’un courtier affilié n’est pas certifié ou dans une situation de non-renouvellement de son certificat.

[27]       Il réitère que les périodes de non-renouvellements quant à mesdames Zaineb Zarkaoui et  Lydia Kiowa Lela ont duré uniquement vingt (20) jours, ce qui n’est pas suffisamment grave pour constituer une faute disciplinaire.

[28]       Il remet en question la valeur probante des diverses feuilles de route des courtiers affiliés déposées en preuve par la partie poursuivante en déclarant qu’il ne s’agit pas de la meilleure preuve. Selon le procureur, la partie poursuivante aurait dû produire des attestations émanant de l’AMF.

[29]       Quant au sous-chef b., il plaide que ses clients ne pouvaient pas prévoir que certains des courtiers affiliés étaient malhonnêtes. Il discute du cas du courtier affilié Pierre Vézina[2]. Il argumente qu’on ne peut pas vraiment empêcher quelqu’un de s’approprier des sommes illégalement.

[30]       Sur l’obligation de donner accès au compte séparé aux courtiers affiliés, Me Bois réfère le Comité à l’Annexe 1 du Règlement relatif à l’inscription d’un cabinet, d’un représentant autonome et d’une société autonome, c. D-9.2, r.15, soit la déclaration qui doit être signée par les dirigeants du cabinet lors de l’ouverture d’un compte séparé auprès d’une institution financière. Il précise que le compte séparé est fait pour protéger l’assureur et non pas les assurés. À ce sujet, il attire l’attention du Comité sur l’article 102 de la Loi. Il dit qu’il s’agit d’une disposition créée pour protéger la prime unique tout en mentionnant que l’utilisation du terme accès dans le sous-chef b. est malhabile.

[31]       Toujours sur le sous-chef b., il nous fait remarquer que lors de la visite d’inspection de deux (2) jours tenue au mois de mai 2010, aucune remarque ni recommandation n’a été faite par le bureau du syndic sur cette question. Il termine en mentionnant qu’il n’existe aucune obligation légale prévoyant que les représentants doivent avoir accès au compte séparé.

[32]       Sur le sous-chef c. qui traite de la question du partage des commissions, Me Bois nous dit qu’il n’y a aucune règle qui stipule que l’assureur ne peut pas payer directement le représentant. Il plaide aussi que les normes déontologiques sur cette question sont imprécises et que les intimés doivent bénéficier de cette lacune. Il pose la question suivante au Comité : S’agit-il véritablement d’un partage ou bien plus d’une manière de payer afin de faciliter les choses?

[33]       Relativement à la plainte amendée contre l’intimé Michel Ouellet, il énonce que ce dernier n’était pas le dirigeant responsable du cabinet Abeco, mais que c’était plutôt l’intimée Diane Fortin qui agissait à ce titre[3].

[34]       Le procureur des intimés termine son argumentation en précisant que l’ensemble des reproches que le syndic fait à ses clients relève beaucoup plus de la manière dont le cabinet Abeco exerçait ses activités commerciales. Dans ce sens, le présent Comité n’aurait pas juridiction pour décider du bien-fondé ou non de la structure mise en place par les intimés pour exploiter le cabinet. Bref, le Comité n’aurait pas juridiction sur la structure implantée pour exploiter l’entreprise et c’est essentiellement ce que reproche le syndic aux intimés en l’espèce.

[35]       Il réfère le Comité à l’article 312 de la Loi et explique que les questions posées par le présent dossier ne relèvent pas de la discipline, mais plutôt de l’administration du cabinet. Ce serait donc l’AMF qui aurait juridiction et ultimement le Bureau de révision et de décision (le BDR).

[36]       En réplique sur ce dernier argument, Me Leduc, pris par surprise, soutient que plusieurs jugements des tribunaux sont venus confirmer que la Loi permet à l’AMF d’imposer un encadrement et des mesures administratives et que ce pouvoir de l’AMF n’empêche pas la ChAD d’exercer sa juridiction en matière déontologique. Le BDR a juridiction sur le cabinet et le Comité sur les reproches formulés à l’endroit d’un représentant en assurance de dommages. Il n’y aurait donc pas de dédoublement illégal et le Comité aurait compétence pour entendre les présentes plaintes.

[37]       Sur la question de la juridiction du Comité soulevée lors des plaidoiries, le Comité a permis aux parties de soumettre des autorités additionnelles. Le Comité fut également informé qu’une demande visant l’imposition d’une pénalité administrative, une interdiction d’agir à titre de dirigeant, pour l’imposition d’une mesure propre au respect de la Loi et pour l’obtention d’une suspension d’inscription avait été entreprise devant le BDR par l’AMF à l’encontre du cabinet Abeco Courtiers d’Assurances inc., l’intimée Diane Fortin et Fortin Ouellet Assurances inc.[4]

[38]       Me Leduc soulèvera également le caractère tardif du moyen fondé sur l’absence de compétence du Comité à se saisir des plaintes et du fait que par leur agissement, les intimés y ont renoncé.

[39]       Le présent dossier fut donc pris en délibéré par le Comité une fois les autorités reçues de part et d’autre.

 

 

 

IV.        Analyse et décision

 

A.            Le droit applicable

[40]       Les articles 14, 16, 23, 24, 85 et 100 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q., c. D-9.2) (ci-après « la Loi ») prévoient ce qui suit :

« Art.14.  Un représentant ne peut exercer ses activités que s'il agit pour le compte d'un cabinet, s'il est inscrit comme représentant autonome ou s'il est un associé ou un employé d'une seule société autonome.

 

Un représentant qui agit pour le compte de plusieurs cabinets doit divulguer à la personne avec laquelle il transige le nom de celui pour le compte duquel il agit.

 

Art. 16.  Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients. Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

 

Art. 23.  Un représentant transmet à l’établissement auquel il est rattaché tous les renseignements qu’il recueille sur ses clients.

Un représentant qui agit pour le compte de plusieurs cabinets les transmet à l’établissement du cabinet pour lequel il agit alors.

Il ne peut les communiquer qu’à une personne qui est autorisée par la loi.

 

Art.24. Un représentant qui agit pour le compte d’un cabinet ou d’une société autonome ne peut recevoir un montant provenant d’un partage de commissions que par ce cabinet ou cette société.

 

Art.85. Un cabinet et ses dirigeants veillent à la discipline de leurs représentants. Ils s’assurent que ceux-ci agissent conformément à la présente loi et à ses règlements.

 

Art.100. Un cabinet ne peut partager la commission qu'il reçoit qu'avec un autre cabinet, un représentant autonome ou une société autonome, un courtier ou une agence régi par la Loi sur le courtage immobilier (chapitre C-73.2), un courtier ou un conseiller régi par la Loi sur les instruments dérivés (chapitre I-14.01) ou par la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1), une institution de dépôts, un assureur ou une fédération au sens de la Loi sur les coopératives de services financiers (chapitre C-67.3).

Le partage s’effectue selon les modalités déterminées par règlement.

Le cabinet inscrit dans un registre, conformément au règlement, tout partage de commission. »

[41]       Les dispositions du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages applicables à la présente affaire sont les suivantes :

« Art. 2. Le représentant en assurance de dommages doit s'assurer que lui-même, ses mandataires et ses employés respectent les dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (chapitre D-9.2) et celles de ses règlements d'application.

 

Art. 37.   Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d'agir à l'encontre de l'honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

(…)

 

 12°     d'exercer ses activités avec des personnes qui ne sont pas autorisées à exercer de telles activités par la Loi ou ses règlements d'application ou d'utiliser leurs services pour ce faire; » 

[42]       Les dispositions du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome applicables à la présente affaire sont les suivantes :

 

« Art.12. Le cabinet, le représentant autonome ou la société autonome tient des dossiers clients pour chacun de ses clients.

 

Art. 15. Le cabinet ou la société autonome peut tenir en différents endroits les renseignements contenus dans un dossier client pour autant que ces renseignements soient consignés auprès du cabinet ou de la société autonome et qu'il soit possible de fournir chaque dossier client dans un délai raisonnable, sous une forme précise et compréhensible, à toute personne autorisée par la Loi à le vérifier. » 

[43]       La disposition du Règlement sur l’exercice des activités des représentants pertinente se lit comme suit :

« Art. 4. Le représentant doit, pendant la durée de validité de son certificat, respecter les conditions d'exercice suivantes:

 

  1°    faire preuve de disponibilité et de diligence dans l'exercice de ses activités de représentant;

 

  2°    déposer sans délai dans un compte séparé, tenu par lui à titre de représentant autonome ou par le cabinet ou la société autonome pour le compte duquel il exerce ses activités, le cas échéant, toutes les sommes d'argent perçues ou reçues pour le compte d'autrui dans l'exercice de ses activités. » 

 

 

 

B.           La compétence du Comité à entendre et disposer des plaintes

[44]    Tel que ci-haut relaté, Me Bois soumet que le Comité n’a pas compétence notamment en ce que les agissements reprochés relèvent de l’administration du cabinet Abeco.

[45]    Il prétend qu’il y a un dédoublement entre les présentes sanctions disciplinaires et les sanctions administratives qui pourraient être imposées par l’AMF en vertu des articles 218 et suivants de la LDPSF.

[46]    Le Comité se prononcera immédiatement sur le caractère tardif de ce moyen.

[47]    Dans les circonstances propres à ce dossier, le Comité considère que les intimés ont renoncé à faire valoir l’incompétence du Comité à se saisir des présentes plaintes notamment en faisant défaut de soulever la question de l’absence de juridiction du Comité dès le début de l’instance.

[48]    De plus, en déposant au greffe du Comité des défenses particularisées qui ne font aucunement mention de l’absence de compétence du Comité ou d’une réserve à ce sujet, le Comité est d’avis que les intimés ont non seulement renoncé à présenter ce moyen, mais qu’en raison de ces procédures ils ont reconnu que le Comité avait juridiction.

[49]    Toutefois, et nonobstant ce qui précède, le Comité tranchera le fond de cette question.

[50]    Dans son argumentation écrite soumise le 20 février 2014 au Comité, Me Bois écrit  ce qui suit :

« La difficulté évoquée au cours de la plaidoirie tient à ce que la LDPSF prévoit qu’un représentant peut encourir pour un même acte deux sanctions disciplinaires : celle imposée par le Bureau de décision et de révision (article 115) et celle imposée par l’un ou l’autre des deux Comités de discipline de la ChAD ou de la CSF.

 

(…)

 

Tel qu’exposé lors de l’argumentation orale, la LDPSF postule une distinction fondamentale entre deux catégories d’acteurs du secteur des services financiers : d’une part, le représentant ou si l’on veut le professionnel qui est une personne physique; d’autre part, l’entreprise elle-même qui peut être une personne morale, une société ou un représentant autonome, ce dernier étant assimilé à «une entreprise individuelle» au sens de l’article 3 (2) de la Loi sur la publicité légale des entreprises (R.L.R.Q., c. P-44.1).

 

(…)

 

C’est au représentant qu’incombe(SIC) des devoirs professionnels à l’égard des clients. Quant au cabinet, l’entreprise, il n’est pas tenu à la prestation professionnelle comme telle, mais plutôt de veiller à ce que ceux à qui incombe une telle obligation – les représentants – s’acquittent de celle-ci.

 

(…)

 

Il nous apparaît impossible d’imputer au législateur l’intention d’exposer un représentant à deux régimes identiques de sanctions disciplinaires. La présomption de cohérence législative de même que la présomption de cohérence interne du texte s’opposent à ce cumul de sanctions disciplinaires(…)»

[51]    À cet égard, il soumet que le présent Comité n’aurait pas compétence, mais que ce serait plutôt le BDR considérant que les reproches s’adressent au cabinet et relèvent de l’administration de celui-ci.

[52]    Il est important ici de reproduire certains des extraits pertinents de la Loi sur les pouvoirs de l’AMF et du BDR :

«Art.115. Le Bureau de décision et de révision, après l'établissement de faits portés à sa connaissance qui démontrent qu'un cabinet, qu'un de ses administrateurs ou dirigeants, ou qu'un représentant a, par son acte ou son omission, contrevenu ou aidé à l'accomplissement d'une contravention à une disposition de la présente loi ou de ses règlements, ou que la protection du public l'exige, peut, à l'égard du cabinet ou du représentant, selon le cas, radier ou révoquer, suspendre ou assortir de restrictions ou de conditions son inscription ou son certificat. Le Bureau peut également, dans tous les cas, imposer une pénalité administrative pour un montant qui ne peut excéder 2 000 000 $ pour chaque contravention.

Pour l'application du premier alinéa, la personne intéressée, au sens de l'article 93 de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers (chapitre A-33.2), qui entend introduire une demande auprès du Bureau doit, au préalable, aviser l'Autorité et obtenir la confirmation que l'Autorité n'entend pas assumer elle-même la conduite de cette demande. L'Autorité informe par écrit la personne intéressée de sa décision dans les 10 jours suivant cet avis.

Art.115.1. Le Bureau de décision et de révision peut interdire à une personne d'agir comme administrateur ou dirigeant d'un cabinet pour les motifs prévus à l'article 329 du Code civil ou lorsqu'elle fait l'objet d'une sanction en vertu de la présente loi, de la Loi sur les instruments dérivés (chapitre I-14.01) ou de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1).

L'interdiction imposée par le Bureau ne peut excéder cinq ans.

Le Bureau peut, à la demande de la personne concernée, lever l'interdiction aux conditions qu'il juge appropriées.

Art.184. L'Autorité a pour mission de veiller à la protection du public relativement à l'exercice des activités régies par la présente loi.

Elle voit à l’application des dispositions de la présente loi et de ses règlements auxquelles sont assujettis les titulaires de certificat, les cabinets ainsi que les représentants autonomes et les sociétés autonomes.

Art. 218. L'Autorité peut révoquer un certificat, le suspendre ou l'assortir de restrictions ou de conditions lorsque son titulaire:

 1° fait cession de ses biens ou est sous le coup d'une ordonnance de séquestre prononcée en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (L.R.C. 1985, c. B-3);

 2° est déclaré coupable par un tribunal canadien ou étranger d'une infraction ou d'un acte qui, de l'avis de l'Autorité, a un lien avec l'exercice de l'activité de représentant ou s'est reconnu coupable d'une telle infraction ou d'un tel acte;

 2.1° voit son certificat ou son droit de pratique révoqué, suspendu ou assorti de restrictions ou de conditions par le comité de discipline ou par un organisme du Québec, d'une autre province ou d'un autre état chargé de la surveillance et du contrôle des personnes agissant à titre de représentant;

 3° est pourvu d'un tuteur, d'un curateur ou d'un conseiller;

 4° ne respecte plus une obligation relative à la délivrance ou au renouvellement du certificat prévue par la présente loi ou ses règlements.

L'Autorité peut, en outre, suspendre un certificat lorsque son titulaire ne s'est pas conformé aux obligations relatives à la formation continue obligatoire ou n'est pas couvert par une assurance conforme aux exigences prévues par règlement pour couvrir sa responsabilité.

Art.219. L'Autorité peut, pour chaque discipline, refuser de délivrer ou de renouveler un certificat ou l'assortir de restrictions ou de conditions lorsque celui qui le demande:

 1° a déjà vu son certificat ou son droit de pratique révoqué, suspendu ou assorti de restrictions ou de conditions par le comité de discipline ou par un organisme du Québec, d'une autre province ou d'un autre état chargé de la surveillance et du contrôle des personnes agissant à titre de représentant;

 2° a déjà été déclaré coupable par un tribunal canadien ou étranger d'une infraction ou d'un acte qui, de l'avis de l'Autorité, a un lien avec l'exercice de l'activité de représentant ou s'est reconnu coupable d'une telle infraction ou d'un tel acte;

 3° est pourvu d'un tuteur, d'un curateur ou d'un conseiller;

 4° a déjà fait cession de ses biens ou est sous le coup d'une ordonnance de séquestre prononcée en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (L.R.C. 1985, c. B-3).

Art.220. L'Autorité peut, pour une discipline, refuser de délivrer ou de renouveler un certificat ou l'assortir de conditions ou de restrictions si elle est d'avis que celui qui le demande ne possède pas la probité nécessaire pour exercer des activités dans une telle discipline ou se trouve dans une situation incompatible avec l'exercice de telles activités. »

[53]    Conformément à l’article 184 de la Loi, il est clair que l’AMF a pour mission de veiller à la protection du public[5].

[54]    La Loi accorde aussi à l’AMF des pouvoirs spécifiques lui permettant d’imposer des mesures administratives suivant les articles 218 et suivants de la LDPSF[6].

[55]    En vertu de l’article 115 de la Loi, le BDR peut lui aussi imposer des mesures administratives à l’encontre d’un cabinet, l’un de ses administrateurs ou dirigeant. 

[56]    Le Comité est donc d’avis que les mesures qui peuvent être prises par l’AMF ou imposées par le BDR sont des mesures de nature administrative qui sont distinctes du processus disciplinaire[7].

[57]    Les dispositions attributives de pouvoir à l’AMF et au BDR ont pour objectif d’assurer la protection du public par l’imposition de « sanctions » administratives[8].

[58]    Quant au Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages, celui-ci est constitué en vertu de l’article 352 de la Loi et sa fonction juridictionnelle est de se prononcer sur le comportement déontologique des représentants en assurance de dommages.

[59]    Le Comité est donc d’avis qu’il a pleine compétence pour entendre les plaintes logées contre les intimés puisque ceux-ci étaient, en tout temps pertinent aux présentes, des représentants en assurance de dommages assujettis à la juridiction du Comité.

C.           La preuve de part et d’autre

[60]       Sans refaire un exposé exhaustif de la preuve ci-devant décrite, précisons qu’en 2006 Diane Fortin et Michel Ouellet cherchent un moyen de faire fructifier les affaires du cabinet de courtage Abeco. Le 15 janvier 2007, un contrat de courtier intervient entre Abeco et L’Unique Assurances Générales inc.[9] Fait important, ce contrat est signé par Diane Fortin et Michel Ouellet pour et au nom d’Abeco.

[61]       Diane Fortin sera responsable de la gestion des affaires d’Abeco et Michel Ouellet du recrutement des courtiers.

Quant aux chefs 1. a. i, ii et iii

[62]       Un peu plus tard, soit au mois de février 2007, des conventions de courtier affilié seront signées entre Abeco et certains courtiers affiliés, dont notamment Zaineb Darkaoui, Lydia Kiowa Lela et Félicien Ngankoy[10].

[63]        Dans les conventions de courtier affilié, on peut y lire ce qui suit :

«4.5           Le Courtier affilié a la responsabilité d’obtenir et de maintenir en vigueur les permis appropriés et nécessaires émis par les autorités compétentes.»

[64]       La preuve a révélé aussi que les courtiers affiliés étaient rattachés au cabinet Abeco et que ceux-ci agissaient comme mandataires du cabinet. Les conventions de courtiers affiliés intervenues avec Abeco et déposées en preuve le démontrent clairement[11].

[65]       Or, il appert des feuilles de route P-3 et P-4 que le certificat de Mme Darkaoui n’aurait pas été en vigueur du 1er avril 2009 au 28 avril 2009. Quant à Mme Lela, son certificat n’était pas en vigueur du 1er juillet 2009 au 21 juillet 2009.

[66]       La pièce P-5 nous révèle que M. Ngankoy n’a jamais été autorisé à agir à titre de courtier en assurance de dommages (4b) pour le compte du cabinet Abeco.

[67]       Relativement aux chefs qui concernent Mme Darkaoui et Mme Lela, considérant que l’interruption de la validité de leur certificat est uniquement de quelques semaines et qu’aucune preuve n’est venue expliquer le pourquoi de cette courte période d’invalidité des certificats, le Comité est d’avis que les intimés ont fait preuve de diligence raisonnable en prévoyant spécifiquement aux conventions que le courtier avait l’obligation d’obtenir et de maintenir en vigueur leur certificat auprès des autorités compétentes.

[68]       Sur cette question, le Comité se fonde sur la décision rendue dans l’affaire Chauvin c. Gosselin et al.[12], où le comité de discipline présidé par Me de Niverville est venu à une conclusion similaire en se fondant sur des clauses contenues dans un contrat de vente d’actifs.

[69]       Toutefois, la situation est différente dans le cas de M. Ngankoy. Premièrement, il ne s’agit pas d’une courte période d’invalidité. Son certificat n’était pas valide lorsqu’il a signé la convention de courtier affilié avec Abeco en date du 29 septembre 2011. De plus, il n’a jamais été autorisé à agir à titre de courtier pour le compte du cabinet Abeco. Or, le Comité est d’avis que les intimés auraient dû vérifier cette question auprès des autorités avant de contracter avec M. Ngankoy. Pour cette raison, la clause 4.5 se trouvant dans la convention avec ce dernier n’est d’aucun secours pour les intimés.

 

Quant aux chefs 1. b. i, ii, iii et iv

 

[70]       Ces chefs reprochent aux intimés de ne pas avoir assuré une gestion adéquate des sommes perçues aux assurés par les courtiers affiliés en ne prévoyant pas un accès au compte séparé du cabinet.

[71]       Sur cette question, le Comité constate que les intimés n’ont rien fait afin que les courtiers affiliés puissent se conformer à l’article 4 paragraphe 2 du Règlement sur l’exercice des représentants en donnant aux courtiers affiliés un accès au compte séparé du cabinet pour que ceux-ci puissent y déposer l’argent comptant qu’ils pouvaient recevoir des assurés. Bien plus, les intimés ont même permis aux courtiers affiliés de déposer l’argent reçu dans leur compte bancaire personnel afin qu’ils puissent ensuite transmettre un chèque à Abeco. Or, il est clair qu’une telle façon de procéder pouvait donner ouverture à des erreurs, voire des abus.

[72]       Pourtant, cette disposition est claire et ne souffre d’aucune imprécision. Elle vise essentiellement à protéger le public. Les intimés devaient faire le nécessaire afin que les courtiers affiliés puissent accéder au compte séparé du cabinet afin d’y faire des dépôts.

Quant au chef 1. c.

[73]       Ce chef stipule que les intimés n’auraient pas prévu la remise au cabinet Abeco des commissions payables aux courtiers affiliés en contravention de l’article 24 de la Loi qui prévoit :

«Art.24. Un représentant qui agit pour le compte d’un cabinet ou d’une société autonome ne peut recevoir un montant provenant d’un partage de commissions que par ce cabinet ou cette société. »

[74]       La preuve présentée établit que l’Unique versait directement des commissions aux courtiers affiliés, le tout conformément à l’article 6.4 des conventions de courtier affilié. La section Comptabilité des Contrats de courtier entre les courtiers affiliés et l’Unique prévoit essentiellement la même chose.

[75]       En défense, l’intimée Diane Fortin nous explique que c’est l’Unique qui avait décidé de procéder ainsi. Tout devait transiter par l’Unique, nous dit-elle.

[76]       Le Comité est d’opinion que cette manière de payer les commissions entre directement en conflit avec la règle posée par l’article 24 de la Loi. Les courtiers affiliés ne pouvaient pas recevoir de commissions de l’Unique. Les commissions devaient être versées par le cabinet Abeco.

Quant au chef 1. d.

[77]       Ce chef reproche aux intimés de ne pas avoir fait en sorte que les courtiers affiliés puissent avoir accès au système d’exploitation dossiers-clients Deltek et que ce faisant, le cabinet Abeco ne pouvait exercer aucun contrôle ou suivi sur les agissements des courtiers affiliés.

[78]       Ce même chef reproche aussi aux intimés de ne pas avoir consigné les dossiers complets des assurés sous la gouverne des courtiers affiliés au cabinet Abeco en contravention de l’article 12 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome.

[79]       Dans un premier temps, la preuve démontre que les courtiers affiliés avaient accès aux portails des assureurs L’Unique et Jevco mais qu’effectivement, ce n’est qu’à partir de l’année 2011 que le système Deltek aurait été implanté auprès des courtiers affiliés.

[80]       Ce faisant, les renseignements que les courtiers affiliés obtenaient auprès des assurés n’étaient pas transmis au cabinet Abeco par l’entremise du système Deltek. Or, l’article 23 de la Loi stipule qu’« Un représentant transmet à l’établissement auquel il est rattaché tous les renseignements qu’il recueille sur ses clients. ».

[81]       En défense, on nous explique qu’il y avait des coûts importants liés à l’implantation du système pour les courtiers affiliés et qu’au début, ceux-ci n’avaient pas suffisamment de volume d’affaires pour justifier une telle dépense. Il est également établi que les courtiers affiliés conservaient des dossiers et documents sur support papier à leur résidence.

[82]       Pour le Comité, il est clair que cette façon de procéder allait à l’encontre de l’article 23 de la Loi.

D.           Décision

[83]       Le Comité tient à préciser que l’ensemble de la preuve administrée nous révèle que les intimés ont omis d’agir de manière à s’assurer que les courtiers affiliés rattachés au cabinet Abeco sous leur gouverne agissent conformément à la Loi et ses règlements.

[84]       Le Comité considère donc que les intimés ont enfreint l’article 85 de la Loi.

[85]       En conséquence de ce qui précède, le Comité conclura à la non-culpabilité des intimés sur les chefs nos 1. a. i et ii des plaintes amendées et à leur culpabilité sur chacun des autres chefs et sous-chefs des plaintes amendées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

DÉCLARE l’intimée Diane Fortin coupable du chef no 1. a. iii de la plainte amendée no 2013-05-03(C) pour avoir contrevenu à l’article 2 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

DÉCLARE l’intimée Diane Fortin coupable des chefs nos 1. b. i, ii, iii et iv de la plainte amendée no 2013-05-03(C) pour avoir contrevenu à l’article 85 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

DÉCLARE l’intimée Diane Fortin coupable du chef no 1. c. de la plainte amendée no 2013-05-03(C) pour avoir contrevenu à l’article 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

DÉCLARE l’intimée Diane Fortin coupable du chef no 1. d. de la plainte amendée no 2013-05-03(C) pour avoir contrevenu à l’article 23 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

ACQUITTE l’intimée Diane Fortin sur les chefs nos 1. a. i et ii de la plainte amendée no 2013-05-03(C);

 

DÉCLARE l’intimé Michel Ouellet coupable du chef no 1. a. iii de la plainte amendée no 2013-05-02(C) pour avoir contrevenu à l’article 2 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

DÉCLARE l’intimé Michel Ouellet coupable des chefs nos 1. b. i, ii, iii et iv de la plainte amendée no 2013-05-02(C) pour avoir contrevenu à l’article 85 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

DÉCLARE l’intimé Michel Ouellet coupable du chef no 1. c. de la plainte amendée no 2013-05-02(C) pour avoir contrevenu à l’article 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

DÉCLARE l’intimé Michel Ouellet coupable du chef no 1. d. de la plainte amendée no 2013-05-02(C) pour avoir contrevenu à l’article 23 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

ACQUITTE l’intimé Michel Ouellet sur les chefs nos 1. a. i et ii de la plainte amendée no 2013-05-02(C);

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs mentionnés dans les plaintes amendées dans les dossiers no 2013-05-02(C) et no 2013-05-03(C);

 

DEMANDE au Secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

 

 

 

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Président du comité de discipline

 

 

__________________________________

Mme Francine Normandin

C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

__________________________________

Mme Lyne Leseize, courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me André Bois

Procureur des parties intimées

 

 

 

Date d’audience :

10 et 11 décembre 2013

 



[1]    Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441 (CanLII); Fortin c. Chrétien, (2001) 2 R.C.S. 500; Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922 (CanLII).

[2]    Voir à ce sujet Chauvin c. Vézina, 2013 CanLII 46536 (QC CDCHAD) et 2014 CanLII 4584 (QC CDCHAD).

[3] Pièce D-7.

[4]    Dossier numéro 2014-011.

[5]    Voir à ce sujet Marston c. A.M.F., 2009 QCCA 2178.

[6]    Voir à ce sujet Chauvin c. Courchesne, 2011 CanLII 77022 (QC CDCHAD) au paragraphe 35.

[7]    Voir à ce sujet R. c. Shubley, [1990] 1 R.C.S. 3; Martineau c. M.R.N., [2004] 3 R.C.S. 737; Salomon c. Comeau, [2001] CanLII 20328 (QCCA).

[8]    Voir à ce sujet Bruni c. A.M.F., 2011 QCCA 994; Mastrocola c. A.M.F., 2011, QCCA 995.

[9]    Voir la pièce D-8.

[10]   Voir les pièces D-1, D-2 et D-3.

[11]   Voir notamment l’article 6.3 des conventions de courtier affilié.

[12] 2013 CanLII 23442 (QC CDCHAD).

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