Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2013-03-01(C)

 

DATE :

21 novembre 2013

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Président

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A., courtier en

assurance de dommages

Membre

 

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

GABRIEL MICHEL HABIB, courtier en assurance de dommages

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

 

[1]          Le 26 septembre 2013, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition d’une plainte logée à l’encontre de l’intimé Gabriel Michel Habib. Lors de l’audition la plainte ré-amendée fut amendée de nouveau du consentement des procureurs des parties.  

[2]          Cette plainte ré-ré amendée reproche à l’intimée ce qui suit : 

 

« GABRIEL MICHEL HABIB, courtier en assurance de dommages, ayant une adresse professionnelle au 4374, avenue Pierre-De-Coubertin, Montréal (Québec) H1V 1A6, alors qu’il était dûment certifié auprès de l’Autorité des marchés financiers à titre de courtier en assurance de dommages, a commis dans la région de Laval des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession de courtier en assurance de dommages, à savoir :

1. Entre le 30 mars 2009 et le 27 avril 2009 et dans les mois suivants, a fait défaut d’exécuter et de rendre compte du mandat confié par l’assuré R.L. selon lequel ce dernier emménageait dans sa nouvelle résidence dès le ou vers le 9 avril 2009, (…) en n’apportant pas les modifications requises au contrat d’assurance des entreprises no 01 MPP 9394695 émis par l’Union Canadienne du 1er avril 2009 au 1er avril 2010, et créant un découvert d’assurance quant aux biens personnels de l’assuré, le tout en contravention à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 25, 26 et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2. Entre le 8 et le 23 avril 2009, a exercé ses activités de façon négligente en ne recueillant pas les renseignements utiles concernant toutes les parties ayant ou pouvant avoir un intérêt assurable et en faisant défaut de vérifier le nouveau contrat d’assurance des entreprises émis par l’Union Canadienne du 1er avril 2009 au 1er avril 2010 portant le numéro 01 MPP 9394695 :

a) afin de s’assurer que les intérêts assurables de toutes les parties étaient bien indiqués dont le nom du copropriétaire de l’immeuble D.B.;

b) afin de s’assurer que les intérêts assurables de toutes les parties étaient bien indiqués dont le nom du créancier hypothécaire la Banque TD,

le tout en contravention à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 9 et 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

3. Durant les mois de mars et avril 2010, avant l’échéance du contrat numéro 01 MPP 9394695, a fait défaut de prendre les moyens requis pour s’assurer que la garantie offerte à R.L. rencontrent ses besoins, en ne révisant pas ceux-ci, ainsi qu’en ne protégeant pas les intérêts assurables du copropriétaire D.B. et le créancier hypothécaire de la Banque TD, le tout en contravention aux articles 16 et 39 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 9, 37(1) et 37 (6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

4. Entre le 1er juillet et le 14 décembre 2010, a exercé ses activités de façon négligente en faisant défaut de donner suite aux instructions de l’assuré R.L. de prendre les moyens requis pour annuler le contrat émis par Soplex alors que ce dernier l’avait informé qu’il s’assurait ailleurs, le tout en contravention aux articles 9, 26, 37(1) et 37 (4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

5. Entre le 8 avril 2009 et 14 décembre 2010, a exercé ses activités professionnelles de façon négligente :

a) en n’effectuant aucun suivi pour obtenir la signature de l’assuré R.L. à même l’avenant émis par l’assureur L’Union Canadienne limitant la responsabilité civile aux lieux assurés, alors que pourtant requis par l’article d’ordre public 2405 du Code civil du Québec;

b) en ne vérifiant pas l’exactitude des informations apparaissant sur l’attestation d’assurance et en transmettant ladite attestation d’assurance incomplète à l’assuré R.L., le ou vers le 29 juin 2010;

c) en faisant défaut de noter à son dossier client chacune de ses interventions personnelles concernant le client R.L. et ses demandes;

le tout en contravention à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 9, 37(1) et 37 (6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages; »

[3]          Madame Carole Chauvin, ès qualités de syndic est présente et représentée par Me Laurence El fatih.

[4]          L’intimé est également présent et représenté par Me Sonia Paradis qui informe le Comité que M. Habib entend plaider coupable aux chefs nos 2 b), 3, 4 et 5 de la plainte ré-ré amendée. Questionné par le Comité, l’intimé reconnaît les faits décrits auxdits chefs.

[5]        Considérant le plaidoyer de culpabilité et les représentations du procureur de l’intimé, séance tenante, le Comité a déclaré l’intimé coupable des chefs nos 2 b), 3, 4 et 5.

[6]          Les parties procéderont donc uniquement sur les chefs nos 1 et 2 a) de la plainte ré-ré amendée.

I.          La preuve au soutien de la plainte ré-ré amendée

 

[7]          Les pièces P-1 à P-15 inclusivement sont déposées en preuve de consentement des parties.

[8]           De plus, le Comité a entendu un seul témoin au soutien des chefs d’accusation nos 1 et 2 a), soit M. Richard Lanthier lequel déclare au Comité ce qui suit :

         Il relate les circonstances dans lesquelles il a requis de l’assurance auprès de l’intimé à la fin du mois de mars 2009;

         Il explique qu’il a vendu sa résidence située à Ste-Julienne et qu’il procédera à l’achat d’une autre propriété sise au 225, rue du Rucher, à Chertsey ;

         Cette dernière propriété doit servir à des fins résidentielles et pour l’exploitation d’une maison d’hébergement et réhabilitation en toxicomanie; la propriété comporte deux (2) sections, soit la partie où il résidera et l’autre, pour les toxicomanes;

         L’aménagement à Chertsey doit avoir lieu le 13 mai 2009;

         La Capitale ne veut pas l’assurer;

         Il souhaite obtenir une assurance pour la propriété de Chertsey;

         Il procède à l’achat de la propriété de Chertsey le 6 avril 2009;

         La propriété de Chertsey est acquise avec M. Daniel Boulanger;

         M. Daniel Boulanger est intervenu à l’acte de vente et à l’acte d’hypothèque parce que M. Lanthier ne pouvait pas obtenir un prêt hypothécaire;

         Il explique que la partie « toxicomanie » de la propriété de Chertsey est ou sera meublée d’ameublement de peu de valeur acquis dans des établissements du genre « Éco centre »;

         Lorsque interrogé sur la question à savoir si l’intimé lui a posé des questions sur ses biens personnels, il répond qu’il ne le sait pas;

         Il parle de l’entreprise TOXIAID et que M. Boulanger n’est pas impliqué avec lui dans cette entreprise.

         Le 24 avril 2009 il remarque que M. Boulanger ne figure pas sur le certificat d’assurance et que l’adresse postale est celle de Ste-Julienne.

         Il communique avec l’intimé afin de l’aviser de ce qui précède.

[9]          Quant aux événements postérieurs, le Comité se réfère à la chronologie des événements préparée par M. Lanthier et déposée sous la cote P-5, page 13 et 14.

[10]       Voilà l’essentiel de la déposition de M. Lanthier et de la preuve de la partie poursuivante en l’espèce.

 

II.         La preuve en défense

[11]       Le Comité a entendu l’intimé Gabriel Michel Habib en défense qui relate en particulier au Comité ce qui suit :

         Il explique qu’il est courtier d’assurance depuis quatre (4) ans et qu’il a commencé à pratiquer le 26 janvier 2009;

         Il témoigne sur les circonstances dans lesquelles M. Lanthier a communiqué avec lui et explique notamment que ce dernier avait de la difficulté à obtenir de l’assurance dans un contexte difficile;

         Il déclare qu’il a posé les questions d’usage à M. Lanthier;

         M. Lanthier avait comme projet d’acheter et d’opérer une maison de désintoxication à Chertsey ;

         M. Lanthier lui a dit que personne d’autre que lui serait propriétaire, qu’il voulait acheter la résidence à Chertsey et la louer à TOXIAID;

         M. Lanthier ne voulait pas assurer ses biens personnels;

         M. Lanthier lui explique qu’il conservera un « pied à terre » à Ste-Julienne et qu’il n’avait pas d’appartement pour lui et sa conjointe à Chertsey;

         Le 30 mars 2009, l’intimé remplit la proposition en utilisant un logiciel à cette fin, logiciel du nom de POLICYWORK, qui le guide à travers chacune des étapes et questions à remplir afin de compléter la proposition;

         Une fois la proposition complétée, il réussi à obtenir une couverture auprès de L’Union Canadienne;

         Il explique alors à M. Lanthier que cet assureur veut uniquement couvrir la bâtisse et non pas les activités du centre de désintoxication;

         Il  développe sur le fonctionnement du logiciel POLICYWORK en démontarnt qu’il doit obligatoirement poser la question à savoir s’il y aura un autre propriétaire lorsqu’il utilise ce logiciel;

         Il téléphone à M. Lanthier le 6 avril 2009 pour l’informer de la prime payable;

         Il termine en disant que M. Lanthier le remerciait sans cesse et qu’il était un sauveur pour lui.

 

III.        Les plaidoiries

[12]       Sans reprendre l’argumentation des parties, le Comité remarque que tant en demande qu’en défense, les procureurs des parties plaident qu’il s’agit essentiellement d’une affaire où les versions sont contradictoires et qui repose sur une question de crédibilité des témoins.

[13]       Pour les motifs ci-après exposés, le Comité est du même avis.

 

IV.        Analyse et décision

 

A.            Le droit applicable

[14]       Les articles 16 et 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (L.R.Q., c. D-9.2) (ci-après « la Loi ») prévoient ce qui suit :

« Art. 16.  Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients. Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

 

Art. 27. Un représentant en assurance doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convient le mieux. »

[15]       Les dispositions du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages applicables à la présente affaire sont les suivantes :

« Art. 9.  Le représentant en assurance de dommages ne doit pas négliger les devoirs professionnels reliés à l'exercice de ses activités; il doit s'en acquitter avec intégrité.

 

 Art. 25.  Le représentant en assurance de dommages doit exécuter avec transparence le mandat qu'il a accepté.

 

 Art. 26.   Le représentant en assurance de dommages doit, dans les plus brefs délais, donner suite aux instructions qu'il reçoit de son client ou le prévenir qu'il lui est impossible de s'y conformer. Il doit également informer son client lorsqu'il constate un empêchement à la continuation de son mandat.

 

Art. 37.   Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d'agir à l'encontre de l'honneur et de la dignité de la profession, notamment :

 

1°    d'exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente;

 

(…)

 

 4°    de faire défaut de rendre compte de l'exécution de tout mandat; » 

 

B.           Le fardeau de la preuve

[16]       Le fardeau de preuve qui repose sur la partie poursuivante requiert une preuve claire, sérieuse et sans ambiguïté.

[17]       Ce principe jurisprudentiel a été bien défini par le Tribunal des professions dans l’affaire Osman c. Médecins[1], où l’on peut lire :

 «Le procureur du Docteur Osman a raison lorsqu’il affirme la nécessité d’une preuve claire, convaincante et de haute qualité, pour asseoir un jugement de culpabilité relativement à une plainte disciplinaire de la gravité de celle qui pèse contre son client.

(…)

Il n’y a pas lieu de créer une nouvelle charge de preuve. Il importe toutefois de rappeler que la prépondérance, aussi appelée balance des probabilités, comporte des exigences indéniables. Pour que le syndic s’acquitte de son fardeau, il ne suffit pas que sa théorie soit probablement plus plausible que celle du professionnel. Il faut que la version des faits offerts (sic) par ses témoins comporte un tel degré de conviction que le Comité la retient et écarte celle de l’intimé parce que non digne de foi. »

[18]       Dans la présente affaire, le Comité est d’avis que c’est la version des faits de M. Lanthier qui n’est pas digne de foi.

[19]       Après avoir délibéré, le Comité vient à la conclusion que la preuve testimoniale et documentaire présentée par la partie poursuivante à l’appui des violations allégués aux chefs nos 1 et 2 a) ne démontrent pas de manière suffisamment concluante la commission par l’intimé desdites infractions.

[20]       Au surplus, le Comité ne croit pas la version de M. Lanthier lorsqu’il dit à l’audition qu’il a mentionné à M. Habib qu’il y avait un deuxième propriétaire pour la propriété à Chertsey, soit M. Boulanger.

[21]       Le Comité croit qu’il est beaucoup plus probable que M. Lanthier ne savait pas à ce moment que M. Boulanger interviendrait à la vente et l’hypothèque en raison du fait que M. Lanthier ne se qualifierait pas seul pour l’obtention du prêt hypothécaire.

[22]       Il en va de même pour la question de l’assurance des biens personnels.

[23]       M. Lanthier ne sait pas si M. Habib lui a posé des questions sur ses biens personnels tandis que l’intimé est catégorique, M. Lanthier ne voulait pas assurer ses biens personnels à Chertsey.

[24]       Cette preuve non concluante jumelée avec le solide témoignage de l’intimé  convainc le Comité que l’intimé n’a pas enfreint le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[25]       En fait, en l’absence d’une preuve claire et convaincante de la part de la partie poursuivante et à la lumière de la version de l’intimé, le Comité ne peut conclure autrement.

C.           Décision

[26]       En conséquence de ce qui précède, le Comité conclut à la non culpabilité de l’intimé sur les chefs nos 1 et 2 a) de la plainte ré-ré amendée.

[27]       Le Comité considère que l’intimé ne pouvait faire plus dans les circonstances.


PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

DÉCLARE l’intimé Gabriel Michel Habib coupable des chefs nos 2 b), 3, 4 et 5 de la plainte ré-ré amendée no 2013-03-01(C);

 

ACQUITTE l’intimé Gabriel Michel Habib sur les chefs nos 1 et 2 a) de la plainte ré-ré amendée no 2013-03-01(C);

 

DEMANDE au Secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

 

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Président du comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.

courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Laurence El fatih

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me Sonia Paradis

Procureur de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

26 septembre 2013

 



[1] 1994 D.D.C.P. 257. (T.P.)

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