Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2013-12-06 (E)

 

DATE :

12 mai 2014

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président

Mme Élaine Savard, L.L.B., FPAA, expert en sinistre

Membre

M. Claude Gingras, expert en sinistre

Membre

 

 

 

SYLVIE POIRIER, ès qualités de syndic ad hoc de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

 

c.

 

CLAUDINE FLEURENT, expert en sinistre (5A)

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

 

[1]       Le 20 mars 2014, le Comité a entendu la plainte portant le no 2013-12-06 (E) à l’encontre de l’intimée.

 

[2]       Me Sylvie Poirier était présente et l’intimée, également présente, se représentait seule.

 

[3]       Dès le début de l’audition, le procureur de la plaignante avisa le Comité que l’intimée entendait plaider coupable à la plainte qui comporte un seul chef et que les parties auraient une recommandation commune sur sanction à soumettre au Comité.

 

 

 

I.          La plainte et le plaidoyer de culpabilité

 

[4]       L’intimée est visée par le chef d’accusation suivant, à savoir :

 

1.   À Montréal ou ses environs, entre les mois de mars 2005 et le 29 août 2008, a agi comme expert en sinistres dans environ 45 dossiers de règlements de sinistres en assurance de dommages des entreprises, une catégorie de discipline pour laquelle elle ne détenait pas la certification requise, le tout en contravention avec les articles 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, l’article 9 al. 2 [devenu 10 al.1] du Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant [D. 99.07.08, 99-07-06, c. D-9.2, r. 7] et les articles 2 et 28 [devenus 2 et 26] du Code de déontologie des experts en sinistre [c. D-9.2, r. 1.02, r. 1.02.1 et r. 4];

 

L’intimée s'étant ainsi rendue passible pour les infractions ci-haut mentionnées des sanctions prévues à l'article 156 (c) du Code des professions.

 

[5]       L’intimée a reconnu les faits mentionnés à la plainte et déclara qu’elle entendait enregistrer un plaidoyer de culpabilité.

 

[6]       Séance tenante, le Comité a pris acte de son plaidoyer et l’intimée fut déclarée coupable.

 

 

II.         Preuve sur sanction

 

[7]       Les parties ont déposé de consentement mutuel les pièces suivantes :

 

       P-1 en liasse : un courriel de l’intimée à Me Poirier exposant les périodes durant lesquelles l’intimée a été absente du travail en raison d’invalidité de courte et de longue durées et une lettre de Desjardins Assurances confirmant lesdites périodes d’invalidité;

 

       P-2 en liasse : le dossier représentant de l’intimée et l’attestation du droit de pratique de L’AMF.

 

[8]       Ces pièces démontrent que l’intimée a été en invalidité pour des périodes prolongées entre le 23 mai 2005 et le 13 janvier 2008.

 

[9]       Or, la plainte vise la période du mois de mars 2005 au mois d’août 2008, soit essentiellement la même période de temps que les périodes où l’intimée était en invalidité et absente du travail. 

 

III.        Recommandation commune sur sanction

 

[10]    Me Poirier explique au Comité que les parties se sont entendu sur la sanction suivante, à savoir :

 

       Chef no 1 : une réprimande.

 

[11]     Me Poirier explique au Comité que durant une période de 41 mois l’intimée a été en invalidité et donc absente de son travail pendant un peu plus de 18 mois.

 

[12]    Me Poirier représente au Comité que l’état de santé de l’intimée faisait en sorte qu’elle était très vulnérable et qu’elle ne pouvait pas, dans un tel contexte, refuser les dossiers d’entreprises qui lui étaient imposés par son employeur.

 

[13]    De plus, sa maladie a fait en sorte qu’elle n’a pas pu s’inscrire à l’examen de certification (5A) avant le 4 mars 2009, même si elle avait commencé à étudier la matière en 2005.

 

[14]    Selon Me Poirier, l’intimée est de nouveau en arrêt de travail et aurait été éprouvée par le processus disciplinaire engagé contre elle. Toujours suivant la partie poursuivante, il s’agit d’une situation particulière où une amende serait punitive puisque l’intimée vit présentement une situation personnelle difficile et aurait des ressources financières limitées.

 

[15]    Les procédures disciplinaires auraient fait prendre conscience à l’intimée de ses obligations déontologiques.

 

[16]    Bref, dans un objectif de réhabilitation, une réprimande serait la sanction la plus appropriée.

 

[17]     L’intimée est en accord avec la sanction et insiste d’expliquer au Comité les circonstances qui ont fait en sorte qu’elle a agi au-delà de sa certification.

 

IV.       Analyse et décision

 

A)        La recommandation commune

 

[18]    Dans les circonstances de cette affaire, le Comité considère que la suggestion commune des parties doit être clémente compte tenu de la situation singulière de l’intimée.

 

[19]    Bien qu’il s’agisse d’une faute sérieuse, le Comité vient à la conclusion que l’intimée ne pouvait pas, compte tenu d’un état de vulnérabilité résultant de sa maladie, se prémunir et se défendre à l’encontre de l’imposition de dossiers d’entreprises par son employeur.

 

[20]    Bien plus, le Comité a été à même de constater lors de l’audition la fragilité de l’intimée.

 

[21]    Le Comité est d’opinion que la sanction dans les circonstances est taillée sur mesure pour l’intimée[1] et qu’une amende serait punitive et contraire à l’objectif du droit disciplinaire.

 

 

B)       Décision

 

[22]    Pour les motifs ci-haut énoncés, la recommandation commune formulée par les parties sera entérinée sans réserve par le Comité. En effet, les problèmes de santé auxquels fait face l’intimée constituent un facteur atténuant dont le Comité se doit de tenir compte[2].

 

[23]    Cette sanction prend également en considération plusieurs autres facteurs atténuants dont l’intimée doit bénéficier, notamment :

 

      Son lien de subordination avec son employeur et le fait qu’il était difficile pour elle de refuser lesdits dossiers;

 

      Le fait que les dossiers d’entreprises lui étaient imposés;

 

      Sa situation personnelle difficile et ses ressources limitées;

 

      La bonne foi de l’intimée et son absence d’intention malhonnête;

 

      Le dépôt d’un plaidoyer de culpabilité à la première occasion;

 

      L’obtention d’une certification (5A) par l’intimée et l’absence de risque de récidive;

 

      Sa collaboration au processus disciplinaire et son absence d’antécédent disciplinaire.

 

[24]    Quant aux frais, vu les circonstances particulières du présent dossier et l’absence de représentations des parties à ce sujet, le Comité n’imposera pas de frais en l’espèce.

 

 

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

DÉCLARE l’intimée coupable du chef no1 pour avoir contrevenu à l’article 13 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef d’accusation;

IMPOSE à l’intimée une réprimande;

LE TOUT, sans frais.

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

Mme Élaine Savard, L.L.B., FPAA, expert en sinistre

Membre        

 

 

 

____________________________________

M. Claude Gingras, expert en sinistre

Membre

 

Me Sylvie Poirier

Procureur de la partie plaignante

 

Mme Claudine Fleurent (personnellement)

Partie intimée

 

 

Date d’audience: 20 mars 2014

 



[1] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), au paragraphe 37.

[2]  Cloutier c. Ingénieurs forestiers, 2004 QCTP 036, aux paragraphes 33 et suivants.

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