Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2013-05-01(E)

 

DATE :

Le 19 novembre 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Président

M. Pierre David, expert en sinistre

Membre

M. Gilles Babin, expert en sinistre

Membre

______________________________________________________________________

 

NICOLAS SEMENOFF

Partie plaignante

 

c.

 

NICOLAS MARCOUX, expert en sinistre

Partie intimée

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR LA REQUÊTE EN REJET D’UNE PLAINTE PRIVÉE

FONDÉE SUR L’ARTICLE 143.1 C.P.

______________________________________________________________________

 

 

 

[ 1 ]        Le 16 mai 2013, le plaignant Nicolas Semenoff dépose une plainte privée à l’encontre de l’intimé Nicolas Marcoux, expert en sinistre auprès de la firme Indemnipro.

[ 2 ]        Cette plainte, qui comporte neuf (9) pages, décrit les événements qui ont fait suite à une réclamation d’assurance présentée par M. Semenoff à son assureur Lloyd’s relativement à un sinistre qui serait survenu le 27 avril 2011.

[ 3 ]        Le 12 juillet 2013, lors d’une conférence de gestion, les procureurs de l’intimé ont annoncé qu’ils avaient l’intention de présenter une requête pour rejet de la plainte de M. Semenoff.

[ 4 ]        Lors de cette conférence de gestion, il fut convenu entre les parties que la requête pour rejet de même que les autorités à l’appui de celle-ci seraient signifiées au plaignant par courriel et que M. Semenoff, qui réside présentement en France, assisterait à la présentation de cette requête via une vidéo conférence Skype.

[ 5 ]        Le 11 septembre 2013, le Comité a entendu les représentations des parties. L’intimé était représenté par Me Louis-Philippe Constant, assisté de Gabrielle Trottier Prud’homme, stagiaire. Le plaignant, M. Semenoff, qui se représente lui-même, a assisté à l’audition via Skype.

[ 6 ]        Selon l’intimé, la plainte privée de M. Semenoff est irrecevable et devrait être rejetée pour les motifs suivants :

           Il s’agit d’une plainte abusive, frivole et manifestement mal fondée qui doit être rejetée sommairement comme le prévoit l’article 143.1 du Code des professions, notamment parce que le plaignant a été déclaré quérulent par la Cour supérieure;

 

            La plainte est incompréhensible et il en résulte que le droit à une défense pleine et entière de l’intimé est compromis;

 

           Le Comité n’a pas juridiction pour entendre cette plainte considérant les conclusions recherchées par le plaignant;

 

           Le plaignant n’a pas respecté certaines exigences procédurales, plus particulièrement son obligation de divulguer la preuve et d’assortir sa plainte d’un affidavit.

 

 

I- L’ARGUMENTATION DE L’INTIMÉ

[ 7 ]        À l’appui de sa requête pour rejet et particulièrement quant au volet de sa requête fondée sur l’article 143.1 du Code des professions, l’intimé prétend que la plainte privée du plaignant est abusive et frivole en raison du fait que M. Semenoff le poursuit en discipline sur la base des mêmes faits pour lesquels il a déjà été poursuivi devant la Cour supérieure du district de Joliette[1].

[ 8 ]        Dans ce dossier, M. Semenoff réclamait de l’intimé et d’autres défendeurs, dont notamment les Lloyd’s de Londres et Indemnipro inc., des dommages-intérêts de plus de 20 millions de dollars en raison d’agissements reliés au règlement du sinistre du 27 avril 2011.

[ 9 ]        Le 22 janvier 2013, l’honorable juge Claude Auclair, J.C.S., déclarait M. Semenoff plaideur quérulent au sens de l’article 84 du Règlement de procédure civile de la Cour supérieure et rejetait la requête introductive d’instance entre autres quant à l’intimé, la Llyod’s de Londres et Indemnipro inc.

[ 10 ]      Le juge ordonne également à M. Semenoff de ne pas déposer quelque procédure ou demande en justice aux greffes de la Cour supérieure et de la Cour du Québec sans avoir obtenu au préalable l’autorisation du juge en chef du tribunal concerné. 

[ 11 ]      Dans son jugement, le juge Auclair s’exprime ainsi quant aux procédures de M. Semenoff :

« [51] Bien sûr, la requête introductive d’instance a un certain fondement, soit un litige qui pourrait déterminer s’il y a couverture ou non pour les meubles volés et, si oui, y a-t-il eu fausse réclamation donnant droit à l’assureur de nier toute réclamation potentielle?

[52] Toute la requête introductive d’instance principale de M. Semenoff de même que ses procédures pour faire déclarer les défendeurs plaideurs vexatoires démontrent qu’en plus des sommes exorbitantes réclamées et non justifiées – tel les 10 millions $ à l’égard de chacun des experts en sinistre – démontrent que la témérité de M. Semenoff n’a pas de fin.

[53] De plus, après avoir été informé par le juge Trudel – dans le dossier de l’Agence du Revenu du Québec – de faire signifier ses procédures en bonne et due forme, M. Semenoff persiste d’assouvir sa vengeance en inondant le dossier d’une quantité de « quasi procédures » qui, les unes et les autres, n’ont pour effet que d’entretenir la confusion plutôt que d’éclairer un tribunal consciencieux et méticuleux. Les règles du code ne sont pas respectées et M. Semenoff continue de déposer documents après documents, parfois de la même date, parfois portant des heures différentes, avec des variations dans les textes.

[54] Ce comportement doit être sanctionné. Fixer un cautionnement pour les frais judiciaires dans la présente affaire ne règlerait rien car M. Semenoff a admis ne pas avoir d’argent ni aucun bien au Québec et les frais judiciaires dans la présente affaire seraient considérables, compte tenu des montants réclamés : 1 % sur 20 millions $ équivaut à un mémoire de frais judiciaires de plus de 200 000 $. Ordonner un cautionnement ramènerait les parties devant le Tribunal dans quelques semaines, vu l’aveu de M. Semenoff de son incapacité financière.

[55] La justice, malheureusement, n’a pas de ressources illimitées. Trop de justiciables de bonne foi attendent leur tour à la Cour. Il est temps de leur consacrer nos énergies.

[56] Il y a lieu d’accueillir l’avis ré-ré-amendé de dénonciation d’un moyen préliminaire des défendeurs Lloyd’s of London Assureur, Christina Patsouras, Deborah Moor et Sean Murphy ainsi que la requête ré-amendée en rejet d’action et pour faire déclarer le demandeur Nicolas Semenoff plaideur quérulent.

[57] Vu les conclusions auxquelles le Tribunal en arrive, toutes les requêtes de M. Nicolas Semenoff seront rejetées, ce dernier ne s’étant pas présenté mais ayant plutôt envoyé des lettres pouvant servir d’argumentation. »

 

[ 12 ]      Selon l’intimé, la déclaration de quérulence prononcée par la Cour supérieure dans un dossier judiciaire où la trame factuelle est la même que celle dont serait saisi le Comité fait en sorte que la plainte privée dans le présent dossier est abusive, frivole et manifestement mal fondée.

[ 13 ]      En plus de fonder sa demande de rejet sur le jugement susdit, l’intimé soutient devant le Comité que la plainte privée du plaignant est incompréhensible et que l’intimé ne peut se défendre adéquatement puisqu’il n’est pas informé de ce qu’on lui reproche.

[ 14 ]      L’intimé appui sa prétention sur cette question en référant le Comité aux décisions rendues par les Conseils de discipline du Barreau et du Collège des Médecins dans les affaires de Bédard c. Lemieux[2] 2011 QCCDBQ 083 et Toelanie c. Libman[3]. Pour l’intimé, la plainte privée ne fait pas référence à des faits ou gestes reprochables qui se seraient déroulés à un moment suffisamment circonscrit dans le temps. Bref, la plainte de M. Semenoff ne serait pas conforme aux exigences de l’article 129 du Code des professions.

[ 15 ]      De plus, le Comité n’aurait pas juridiction pour entendre et disposer de la plainte privée en raison des conclusions suivantes qui sont recherchées par M. Semenoff, à savoir :

« PAR CES MOTIFS

ORDONNER QUE :

Déclarer les experts comme harcelant et menaçant intimidant vs le code de déontologie et non respect de la déontologie des Experts du Québec.

Les paiements de deux pertes vols par effractions au total et au complet. »

 

[ 16 ]      En terminant son argumentation, l’intimé soumet que le plaignant aurait fait défaut de divulguer la preuve qu’il entend faire valoir à l’appui de sa plainte,  contrairement au régime de communication de la preuve établi dans l’arrêt Stinchcombe, et aussi que le plaignant n’aurait pas appuyé sa plainte de son serment, contrairement à l’article 127 du Code des professions. L’intimé soutient que ces défauts justifient le rejet de la plainte.

II- L’ARGUMENTATION DU PLAIGNANT

[ 17 ]      Quant à M. Semenoff, celui-ci relate de manière décousue certains faits qui ne constituent pas une véritable contestation de la requête pour rejet. Toutefois, il expose que lorsqu’il a rencontré l’intimé en date du 28 juin 2011, ce dernier lui aurait dit d’un ton menaçant et agressif : « Croyez vous avoir gagné la loterie. » Le même jour, l’intimé lui aurait également dit que son dossier pouvait être enterré et qu’il ne serait jamais payé.

[ 18 ]      M. Semenoff rajoute qu’il trouve que l’attitude de l’intimé dans le cadre du règlement de sa réclamation était tout à fait inacceptable et que le comportement de l’intimé n’avait qu’un seul but, décourager l’assuré.  


III- ANALYSE ET DÉCISION

1.         Est-ce que la plainte privée est abusive, frivole et manifestement mal fondée au sens de l’article 143.1 du Code des professions ?

[ 19 ]      Le Comité considère que le contexte de la présente plainte diffère totalement de la situation qui prévalait en Cour supérieure lorsque le juge Auclair a rendu sa décision déclarant le plaignant plaideur quérulent.

[ 20 ]      En effet, au Québec, les professionnels œuvrant dans le domaine de l’assurance sont encadrés par la Loi sur la distribution de produits et services financiers. Cette loi et les règlements adoptés en vertu de celle-ci, dont le Code de déontologie des experts en sinistre, ont pour unique raison d'être la protection du public.

[ 21 ]      Cet encadrement législatif et règlementaire vise notamment à prévenir tout préjudice qui pourrait être causé à un assuré. Dans le contexte d’une instance disciplinaire et plus particulièrement en l’espèce, le Comité a le devoir de s’assurer que le public est protégé et que l’intimé a droit à une défense pleine et entière.  

[ 22 ]      La Comité fonde son raisonnement sur le jugement rendu par le Tribunal des professions dans Landry c. Rondeau[4]. Dans cette affaire, devant le Conseil de discipline du Barreau, l’avocat Landry a vu sa plainte privée rejetée sommairement par le président suppléant en vertu de l’article 143.1 du Code des professions.

[ 23 ]      Voici ce que le Tribunal des professions écrit sur la question principale soulevée par le pourvoi, soit le caractère bien fondé ou non du rejet sommaire de la plainte en vertu de l’article 143.1 du Code des professions :

« [22] L'article 143.1 permet à une partie de demander au président du Conseil, à titre préliminaire, de qualifier une plainte de manifestement mal fondée, frivole ou abusive et d'en obtenir le rejet ou de l'assujettir à des conditions.

[23] Ce mécanisme représente l'un des filtres prévus par le législateur pour limiter les poursuites déontologiques qui ne reposent sur aucun fondement et qui nuisent, tant au professionnel, qu'à l'administration de la justice, si elles ne sont pas interrompues de façon précoce dans le processus judiciaire. La témérité de certains plaignants peut également être réfrénée par la possibilité d'une condamnation aux déboursés, en cas de rejet de la plainte d'un plaignant privé, si le professionnel est acquitté de tous les chefs de la plainte et que le Conseil juge la plainte abusive, frivole ou manifestement mal fondée, suivant l'article 151, alinéa 2 du Code.

[24] L'article 143.1 est ainsi libellé :

143.1. Le président du conseil ou le président suppléant peut, sur requête, rejeter une plainte qu'il juge abusive, frivole ou manifestement mal fondée ou l'assujettir à certaines conditions.

[25] Ce pouvoir dévolu au président du Conseil est analogue à celui exercé par les tribunaux de droit commun qui permet de sanctionner les abus de procédure, en vertu de l'article 54.1 du Code de procédure civile (C.p.c.). Cette disposition vise à prévenir l'utilisation abusive des tribunaux et favorise le respect de la liberté d'expression en proscrivant, entre autres, les poursuites – bâillons.

[26] Certes, l'article 54.1 C.p.c. confère des pouvoirs plus larges d'intervention que l'article 143.1 du Code, mais les critères jurisprudentiels développés, concernant l'interprétation de la notion d'abus et de procédure manifestement mal fondée, sont pertinents. Il en est de même de la jurisprudence développée sous l'ancien article 75.1 C.p.c. qui utilisait la même terminologie que l'article 143.1 du Code.

[27] Cette jurisprudence permet de dégager certains paramètres pour l'application de la sanction de rejet dans le cadre d'une procédure sommaire. Dans Aliments Breton (Canada) inc. c. Bal Global Finance Canada Corporation, la Cour d'appel rappelle la nécessité d'agir avec une grande prudence à l'égard d'une demande de rejet à une étape préliminaire des procédures. Ce n'est qu'en présence d'une situation manifeste d'abus que ce pouvoir peut être utilisé. Plusieurs décisions de la Cour d'appel du Québec ont réitéré ce principe.  Dès qu'une preuve contradictoire est possible, l'affaire doit être tranchée après avoir entendu l'ensemble de la preuve.

[28] La preuve soumise devant le président suppléant, notamment l'extrait des notes sténographiques d'une audition tenue devant le juge Michel Richard, J.C.S. le 1er juin 2005, démontre que des témoins affirment que les propos ont été prononcés par l'intimé.

[29] À cet égard, le président suppléant considère ces témoignages au paragraphe [89] de la décision :

« L'examen des témoignages des clients et témoins de l'incident présumé est loin de répondre à ces exigences de sérieux, de clarté et de forte probabilité. »

[30] Avec égard, le rôle du président suppléant à cette étape des procédures n'était pas d'évaluer la preuve et de se prononcer sur l'absence de forte probabilité. La tâche de trancher la plainte et de déterminer si le plaignant parviendra à atteindre le degré de preuve pour conclure à une faute déontologique appartient au conseil de discipline qui entendra l'ensemble de la preuve. »

(Nos soulignements)

[ 24 ]      Plus loin dans ce jugement du Tribunal des professions, la Cour nous réfère à l’arrêt Guimont c. RNC Média inc. (CHOI-FM)[5] dans lequel la Cour d’appel du Québec se prononce sur l’incidence de recours multiples initiés par un justiciable qui ont été rejetés dans le cadre d’une requête pour rejet fondée sur l’article 54.1 C.p.c.

[ 25 ]      Ci-après l’extrait pertinent :

« [17] Il est vrai que l'appelant a intenté de nombreux recours depuis 2001 et qu'aucun n'a été accueilli. Il faut toutefois préciser qu’une première poursuite contre la Ville de Québec l’a été en raison de la courte prescription qui s’applique aux municipalités, alors que celle contre la personne qui a porté plainte contre lui pour agression sexuelle, en 2001, a simplement été abandonnée puisqu’elle a fait cession de ses biens. De toute façon, le fait que des recours aient préalablement échoué n'a pas pour effet que celui qui est l'objet du présent appel est automatiquement manifestement mal fondé. »

(Nos soulignements)

[ 26 ]      Le Comité est d’avis que le principe émis par la Cour d’appel dans l’arrêt susdit s’applique intégralement à la présente affaire et que la prudence exige que la plainte de M. Semenoff ne soit pas rejetée sommairement au motif que des recours fondés sur les mêmes faits ont préalablement été rejetés par la Cour supérieure.

[ 27 ]      Ce premier moyen ne sera donc pas retenu par le Comité.

2.         Est-ce que la plainte privée de M. Semenoff est incompréhensible ?

[ 28 ]      L’intimé plaide aussi que la plainte est incompréhensible et non conforme aux exigences de l’article 129 du Code des professions. Ce second moyen ne sera pas maintenu pas le Comité pour les motifs suivants :

[ 29 ]      Bien que la plainte consiste essentiellement en une litanie d’énoncés de faits et d’arguments généraux relativement à l’insatisfaction du plaignant dans le traitement de sa réclamation, une lecture attentive de cette plainte permet au lecteur d’y déceler des reproches de nature déontologique.

[ 30 ]      En effet, au paragraphe 9, deuxième et troisième alinéas de la page 3 de la plainte, M. Semenoff reproche à l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie des experts en sinistre.

[ 31 ]      Plus précisément, à cet endroit, le plaignant reproche à l’intimé de ne pas avoir assuré un suivi convenable de son dossier entre le 7 mai et le 28 juin 2011.

[ 32 ]      Or, l’article 14 du Code de déontologie prévoit qu’en pratique l’expert en sinistre  ne doit pas être à la remorque de ses clients, il doit être proactif et doit devancer les besoins d’information du consommateur[6].

[ 33 ]      À la page 4 de la plainte, paragraphe 11, M. Semenoff reproche à l’intimé d’avoir été agressif et menaçant en lui disant le 28 juin 2011 : « Vous vous croyez ou ?..... CROYEZ Vous que vous avez gagné à la loterie?..... Le défendeur prenant un ton agressif et menaçant ». À cette même date, l’intimé aurait également dit au plaignant : « Si vous continuez à poser des questions vous ne serez jamais payé et l’on va enterrer votre dossier. ».

[ 34 ]      Au paragraphe 12, page 4 de la plainte, en date du 4 juillet 2011, lors d’un entretien téléphonique, l’intimé aurait déclaré au plaignant : « Si vous continuez à m’écrire des emails je vais non seulement enterrer votre dossier et le mettre sous la pile et ou le donner à un collègue qui va recommencer le tout à zéro. »

[ 35 ]      À la page 7, paragraphes 15 et 18, le ou vers le 15 septembre 2011, l’intimé aurait refusé de remettre au plaignant des documents (factures) lui appartenant, de même qu’une copie de la déclaration faite par M. Semenoff à l’intimé[7]. Le plaignant considère que dans les circonstances, l’intimé aurait enfreint les dispositions de l’article 44 de son Code de déontologie.

[ 36 ]      Le Comité est donc d’avis que la plainte n’est pas incompréhensible et que l’on peut y voir, tel que susdit, quatre (4) chefs distincts que l’on peut facilement rattacher à des manquements au Code de déontologie des experts en sinistre. Ces chefs sont suffisamment clairs et les faits énoncés situent les circonstances dans le temps.

[ 37 ]      Afin de diviser la plainte de M. Semenoff en quatre (4) chefs tel que susdit, le Comité se fonde sur l’arrêt de la Cour d’appel du Québec rendu dans l’affaire de Brunet c. Comité de discipline du Barreau et Lebel[8].  Dans ce litige disciplinaire fondé sur une plainte privée logée par madame Lebel, l’appelant demandait à la Cour d’appel qu’il lui soit reconnu le droit d’obtenir une ordonnance à l’effet que la plainte mentionne les dispositions législatives ou règlementaires précises qui lui sont reprochées d’avoir violées.

[ 38 ]      Or, en première instance devant la Cour supérieure, le premier juge, alors saisi d’une demande de révision judiciaire, avait identifié dans la plainte des agissements pouvant constituer des manquements déontologiques et avait ainsi divisé la plainte privée dirigée contre l’appelant en quatre (4) chefs. En appel, la Cour d’appel est venue à la conclusion que cette façon de procéder ne violait pas le droit à une défense pleine et entière de l’appelant.

[ 39 ]      Le Comité se considère donc bien fondé de procéder de la même façon et de diviser la plainte en autant de chefs qu’il est en mesure d’identifier, le tout afin de restreindre le débat aux manquements déontologiques allégués qui peuvent être identifiés dans la plainte.

[ 40 ]      Cette manière d’instruire la plainte vise à protéger le droit à une défense pleine et entière de l’intimé et aura aussi pour effet de circonscrire le débat et ainsi éviter tout dérapage.  

[ 41 ]      Tel qu’annoncé, le Comité estime donc que ce moyen doit faillir et que la plainte de M. Semenoff n’est pas informe.

3.         Est-ce que le Comité a juridiction ?

[ 42 ]      En l’espèce, nous sommes d’avis que le simple fait qu’une partie des conclusions recherchées par M. Semenoff soit illégale ne crée pas un état de fait pouvant justifier l’absence de juridiction du Comité.

[ 43 ]      Bref, le Comité conserve juridiction pour se prononcer sur la question à savoir si des manquements déontologiques ont été commis, même si certaines demandes de M. Semenoff excèdent sa compétence.

[ 44 ]      En conséquence, le Comité considère qu’il a compétence pour entendre la plainte telle que ci-dessus divisée.

[ 45 ]      Ce troisième moyen est rejeté. 

4.         Est-ce que les irrégularités procédurales de la plainte privée justifient son rejet ?

[ 46 ]      L’intimé plaide que la preuve au soutien de la plainte ne lui aurait pas été divulguée et que la plainte n’est pas assermentée comme le prévoit l’article 127 du Code des professions.

[ 47 ]      Sur le premier point, il ressort du dossier, et plus particulièrement des courriels transmis par M. Semenoff au greffe du Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages, que tous les documents que le plaignant a en sa possession relativement à cette affaire ont été transmis à l’intimé et qu’ils ont également été déposés au dossier du greffe.

[ 48 ]      Quant à l’absence d’affidavit, à la dernière page de la plainte, on peut y lire que M. Semenoff aurait été assermenté le 9 février 2013 devant M. Michel Leroy, agent de sûreté, à Biscarrosse, France. Ainsi, prima facie, il appert que ladite plainte aurait été assermentée et l’intimé n’a présenté aucune preuve visant à établir le contraire.

[ 49 ]      De plus, considérant la  jurisprudence suivant laquelle la rédaction d’une plainte est dépourvue de tout formalisme, le Comité ne voit pas comment il pourrait conclure que l’affidavit donné à l’appui de la plainte devrait être assujetti à un formalisme excessif[9].

[ 50 ]      Pour tous les motifs ci-devant exposés, le Comité considère que la requête en rejet de la plainte est mal fondée en droit. En conséquence, elle sera rejetée.

[ 51 ]       PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

            REJETTE la requête pour rejet de la plainte présentée par l’intimé Nicolas Marcoux;

 

            CONVOQUE les parties à une conférence de gestion afin de fixer l’audition au fond de la plainte sur les quatre (4) chefs mentionnés dans la présente décision.          

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Président du Comité de discipline

 

 

 

__________________________________

M. Pierre David, expert en sinistre

Membre du Comité de discipline

 

 

 

__________________________________

M. Gilles Babin, expert en sinistre

Membre du Comité de discipline

 

 

 

M. Nicolas Semenoff

Partie plaignante

 

Me Louis-Philippe Constant

Procureur de l’intimé

 

 

Date d’audience :

Le 11 septembre 2013

 



[1] Dossier numéro 705-17-004473-128 des dossiers de la Cour supérieure.

[2] 2011 QCCDBQ 083.

[3] Dossier 24-04-00601, décision du 6 juin 2005.

[4] 2012 QCTP 121.

[5] 2012 QCCA 563 (26 mars 2012)

[6] Chauvin c. Soucy et al. 2011-08-01(E) et 2011-08-02 (E).

[7]  Voir également la page 8 de la plainte, paragraphe 19, deuxième alinéa.

[8] 500-05-039531-981, le 19 novembre 2003.

[9] Voir à ce sujet Chauvin c. Bédard 2007-10-05 (C), 26 mai 2008.

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