Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DES DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

N° :

2009-11-03(A)

 

 

DATE :

13 octobre 2010

 

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Gracia Hamel, agent  en assurance de dommages

Membre

Mme Diane D. Martz, agent en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre d’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

FRANÇOIS  CARON, C,d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]       Le 20 septembre 2010, le Comité de discipline de la Chambre procédait à l’audition sur sanction dans le dossier no 2009-11-03(A);

[2]       Me Claude G. Leduc agissait pour la partie plaignante et Me Anne A. Laverdure assurait la défense de l’intimé;

[3]       Le 1er mars 2010, l’intimé fut reconnu coupable de l’infraction suivante :

1.         Du 1er avril 2004 au 8 novembre 2007, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession en élaborant avec un agent à l’emploi de la Capitale assurances générales, M. Gaétan Brien, un processus lui permettant de réclamer et obtenir une rémunération pour des services professionnels non rendus, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et l’article 37(13) dudit code;

[4]       L’audition sur sanction fut alors fixée de consentement au 19 avril 2010 pour finalement être reportée au 21 juin 2010 et ensuite au 20 septembre 2010;

 

I.        Preuve sur sanction

[5]       De consentement, Me Leduc déposa les pièces suivantes :

 

PIÈCE P-1A :   Attestation du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages et dossier du représentant Gaétan Brien;

 

PIÈCE P-1B :   Attestation du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages et dossier du représentant François Caron;

 

PIÈCE P-2 :      En liasse, communications et interventions du bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages avec  Gaétan Brien et/ou son procureur Me Bernard Côté;

 

PIÈCE P-3 :      En liasse, communications et interventions du bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages avec l’intimé François Caron et/ou son procureur Me Anne Laverdure;

 

PIÈCE P-4 :      En liasse, copie des communications et interventions du bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages avec La Capitale assurances générales inc.;

 

PIÈCE P-5 :      En liasse, copie des communications et interventions du bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages avec McCarthy Tétrault, procureurs de La Capitale assurances générales inc.

 

[6]       Brièvement résumée, la preuve démontre que :

                L’intimé aurait mis en place un stratagème avec un collègue, M. Gaétan Brien[1] dans le but de lui permettre de bénéficier illégalement de commissions totalisant environ 40 000  $;

[7]       En l’espèce, lorsque M. Brien préparait une soumission pour une police d’assurance sur des appels entrants, il contactait l’intimé Caron juste avant de finaliser la vente pour que celui-ci inscrive son code d’agent à rémunérer de façon à obtenir sa commission;

[8]       Les deux agents, M. Caron et M. Brien, ont été congédiés au moment de la découverte de leurs agissements par leur employeur;

[9]       Une poursuite civile s’ensuivit et finalement celle-ci fut réglée hors cour pour un montant de 19 000  $ (pièce I-2);

[10]    Suivant le témoignage de l’intimé cette somme de 19 000 $ se compose de deux montants, une première somme de 9 000 $ représentant un prêt de La Capitale et une somme de 10 000 $ représentant le remboursement des commissions perçues en trop;

[11]    De plus, l’intimé a témoigné pour établir certaines circonstances atténuantes dont notamment :

                 Son âge (60 ans);

                Son expérience professionnelle et sa carrière sans tache depuis 37 ans de pratique;

                Son repentir et l’absence de risque de récidive;

                Son implication dans sa communauté par diverses activités bénévoles (pièces I-3 et I-4);

                Le stress subi par lui et sa famille à la suite de son congédiement et aux procédures dont il a été l’objet;

                Ses faibles moyens financiers.

[12]    De plus, l’intimé a également insisté sur sa collaboration à l’enquête du syndic et son plaidoyer de culpabilité dès sa première comparution devant le Comité;

[13]    Enfin, l’intimé désire obtenir un délai de paiement de 24 mois, lequel pourrait débuter vers le 15 mars 2012, soit après le paiement de sa dette envers La Capitale;

[14]      L’intimé demande aussi une dispense de publication en plaidant l’effet dévastateur qu’aurait une publication sur ses activités bénévoles et professionnelles, puisque celui-ci exerce en région.

 

II.         Argumentation

           2.1        Par la syndic

[15]    Me Leduc, au nom de la syndic, réclame une amende de 5 000 $ et une radiation temporaire de 3 mois;

[16]    A l’appui de ses prétentions, il insiste sur les circonstances aggravantes suivantes :

                La gravité objective de l’infraction;

                La durée et le caractère répétitif de l’infraction;

                Le montant des sommes reçues soit environ 40 000 $;

                La protection du public.

 

2.2       Par l’intimé

[17]    Me Laverdure plaide au nom de l’intimé les circonstances atténuantes suivantes:

                L’absence de préjudice pour le public puisqu’à son avis aucun assuré n’a été lésé par les agissements de l’intimé;

                Le plaidoyer de culpabilité de son client;

                Le remboursement des sommes;

                L’âge de l’intimé et sa carrière professionnelle de 37 ans sans aucune plainte disciplinaire;

                Sa collaboration à l’enquête du syndic;

                Le repentir de l’intimé et l’absence de risque de récidive.

[18]    Me Laverdure suggère une amende se situant entre 2000 $ et 3000 $ et plaide que l’amende est préférable à la radiation temporaire;

[19]    Dans l’hypothèse où une radiation temporaire serait imposée, Me Laverdure requiert une dispense de publication. À cet égard, la procureure plaide la prise de conscience de l’intimé et sa volonté de s’amender. À son avis, la publication ne serait pas nécessaire puisqu’aucun client n’a été lésé par les agissements de l’intimé;

Enfin, Me Laverdure conclut qu’une radiation d’une durée d’un mois est amplement suffisante pour assurer la protection du public et qu’il n’y a pas lieu de punir outre mesure l’intimé;

III.        Analyse et dispositif

[20]    Pour les motifs ci-après exposés, le Comité considère que l’intimé devra être sanctionné par l’imposition d’une amende de 5 000 $ et d’une radiation temporaire d’une durée de  trente (30) jours;

[21]    Parmi les circonstances aggravantes justifiant cette sanction, le Comité a tenu compte de :

                La gravité objective de l’infraction ;

                La durée et le caractère répétitif des infractions reprochées;

                L’importance des sommes détournées soit environ 40 000 $;

                La protection du public.

[22]    D’autre part, le Comité tient à souligner que les compagnies d’assurances font également partie du public au même titre que les individus;

[23]    De plus, le Comité considère que le remboursement de la somme de 19 000 $ doit être nuancé puisque celle-ci est composée d’un prêt de 9 000 $ qui devait de toute façon être remboursé par l’intimé, sans égard aux circonstances de son congédiement; 

[24]     Par contre, plusieurs circonstances atténuantes militent en faveur de l’intimé soit :

                Son âge (60 ans);

                Son plaidoyer de culpabilité;

                Son implication dans sa communauté;

                Sa longue carrière (37ans) sans aucun antécédent disciplinaire.

[25]    Tenant compte de ces circonstances, le Comité estime qu’une radiation temporaire de trente (30) jours sera suffisante pour assurer la protection du public et souligner le caractère répréhensif des actes posés par l’intimé;

[26]    Quant au montant de 5 000 $, celui-ci reflète adéquatement la gravité objective de l’infraction et il tient compte également du remboursement partiel par l’intimé;

[27]    Pour ce qui est de la dispense de publication, celle-ci sera refusée, pour les motifs ci-après exposés;

[28]    Suivant la décision du tribunal des professions dans l’affaire Rousseau[2];

 [80]  Il sied de rappeler que l'objectif poursuivi par la publication d'un avis d'une décision imposant une radiation temporaire, est d'informer le public qui a recours aux services d'un professionnel en particulier ainsi que tous les autres membres de la même profession, que le type de reproches formulés dans une affaire donnée est considéré comme une infraction grave et qu'un tel manquement aux obligations déontologiques ne peut être toléré et qu'il ne le sera pas.

[81]  Le Tribunal a indiqué à plusieurs reprises [49] que ce ne sera qu'en présence de circonstances très exceptionnelles que la publication ne sera pas ordonnée.

[82]  L'appelant n'a pas démontré que de telles circonstances existent dans son cas. En effet, le législateur ne prévoit pas d'exception pour les professionnels exerçant en région. De plus, l'atteinte à la réputation que "pourrait" provoquer la publication de la décision est la même pour tous les professionnels soumis au Code des professions, à la loi constituant chaque Ordre et aux règlements adoptés en vertu de ceux-ci.

[83]  Par contre, s'il y a risque d'"atteinte à la réputation", comme le suggère ici l'appelant, n'en est-il pas lui-même l'instigateur ou le seul responsable? N'est-ce pas lui et lui seul qui a enfreint son code de déontologie et qui a décidé de ne pas se préoccuper de la pente du terrain où seraient les installations sanitaires de sa cliente malgré les exigences strictes du règlement adopté en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement?

[84]  Enfin, il sied de préciser que la publication de la décision n'est pas une sanction ni en conséquence une punition. Il s'agit plutôt d'une modalité de la décision comme le soulignait en ces termes le juge Anatole Lesyk  j.c.s., dans la cause Chénier[50] :

«Conséquemment, le Comité de discipline possédait à ce moment, le pouvoir d'assortir sa décision de conditions et modalités relativement à la sanction.

En 1988, le législateur a explicité ce qu'il entendait par les termes "conditions et modalités" en ajoutant après le mot "impose" ce qui suit :

"Notamment la publication d'un avis de la décision dans un journal circulant dans le lieu où le professionnel exerce principalement sa profession."

Conséquemment, la publication d'un avis de la décision disciplinaire dans un journal constitue pour le législateur une modalité de la sanction.

Comme précédemment signalé, l'objectif poursuivi par le Code des professions est la protection du public et la publicité des sanctions disciplinaires constitue un mécanisme visant à assurer la protection du public comme le prévoit l'article 23 du Code des professions.»               (nos soulignements)

 

[29]    Pour ces motifs, la dispense de publication sera refusée, et la publication d’un avis de radiation temporaire sera ordonnée;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITE DE DISCIPLINE :

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

                    une amende de 5 000 $ ;

 

                    une radiation temporaire du certificat de l’intimé pour une période de 30 jours, débutant à l’expiration du délai d’appel;

 

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel un avis de la présente décision, les frais d’une telle publication étant à la charge de l’intimé.

 

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés incluant les frais de publication de l’avis de radiation temporaire ;

ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour acquitter le montant de l’amende et des frais, ceux-ci devant être payés en douze (12) versements mensuels et égaux, le premier commençant le 31e jour suivant la fin de sa période de radiation temporaire. 

 

_________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du Comité de discipline

 

_________________________________Mme Gracia Hamel, agent en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

______________________________

Mme Diane D. Martz, agent en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur du syndic

 

 

Me Anne. A. Laverdure

Procureure de l’intimé

 

Date d’audience :

20 septembre 2010

 



[1]     Chambre d’assurance de dommages c. Brien, 2010 CanLII 12844 (QC. C.D.C.H.A.D.)

[2]    Rousseau c. Ingénieurs [2005] QCTP.41

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