Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

Canada

PROVINCE DE QUÉBEC

 

NO :

2010-04-01(C)

 

DATE :

1er octobre 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme France Laflèche, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Carl Hamel, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

PATRICE DESROCHERS, autrefois courtier en assurance de dommages des entreprises et actuellement inactif et sans mode d’exercice

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-ACCESSIBILITÉ DE TOUT RENSEIGNEMENT NOMINATIF ET FINANCIER CONCERNANT LES ASSURÉS ET PLUS PARTICULIÈREMENT LES PIÈCES P-3,   P-4(A) ET P-13;

 

[1]       Le 9 septembre 2010, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait afin de procéder à l’audition de la plainte no 2010-04-01(C);

[2]       La partie plaignante était alors représentée par Me Claude G. Leduc et la partie intimée était présente mais non représentée, ayant choisi de se défendre seule;

[3]       D’entrée de jeu, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des quatre (4) chefs d’accusation;

[4]       Le Comité prit alors acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur les trois (3) premiers chefs d’accusation et réserva sa décision quant au quatrième chef d’accusation en raison d’une question d’ordre juridictionnel;

[5]       Essentiellement, la plainte reproche à l’intimé d’avoir :

 

Infractions criminelles :

 

1.     Le 25 septembre 2006 a été déclaré coupable d’infractions criminelles ayant un lien avec l'exercice de la profession, le tout en contravention avec l’article 149.1 du Code des professions;

 

            Dans le dossier de l’assurée Q.T. inc. :

 

2.     Depuis le 1er mars 2003, directement ou par l’entremise de Gestion de Risques Desrochers & associés, s’est approprié sans droit ou a utilisé à des fins autres que celles pour lesquelles elle lui avait été confiée dans l’exercice de sa discipline une somme de 9 467.44 $ qui lui a été remise par P. S. INC. en paiement de primes d’assurance commerciale pour l’assurée Q.T. inc., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 37 (1) et 37 (8) dudit code;

 

            Dans le dossier de l’assuré H.G. inc. :

 

3.     Le ou vers le 10 novembre 2003, dans le dossier de l’assuré H.G. inc., a participé à la confection d'un document qu'il savait être faux en falsifiant la signature d’une représentante de l’assuré H.G. inc. sur une lettre du 10 novembre 2003, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 37 (9) dudit code;

 

L’entrave :

 

4.     Depuis le mois de novembre 2009, a fait défaut de répondre aux demandes de renseignements contenues dans une correspondance du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages du 6 novembre 2009 et réacheminée le 3 décembre 2009, laquelle lui était adressée sur sa conduite professionnelle pour des événements survenus du 1er novembre 2001 au 31 mars 2004, entravant ainsi le travail d'enquête dudit syndic, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 et 342 de la loi et les articles 34 et 35 dudit code.

 

L'intimé s'étant ainsi rendu passible pour les infractions ci-haut mentionnées des sanctions prévues à l'article 156 (c) du Code des professions.

 

 

I.        Preuve par la syndic

 

[6]       Suite au plaidoyer de culpabilité, la preuve fut déposée de consentement, laquelle était composée des pièces documentaires suivantes :

Pièce P-1 :     Attestation de Mme Carole Chauvin, syndic de la Chambre de l’assurance de dommages concernant M. Patrice Desrochers;

 

Pièce P-2 :     Notes de la rencontre du 8 février 2010 et documents reçus de M. Deslauriers;

 

Pièce P-3 :     En liasse, copie des communications et interventions du bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages avec l’intimé Patrice Desrochers;

Pièce P-4 :     Dossier du client Q. T. inc.;

 

Pièce P-5 :     Dossier du client H. G. inc.;

 

Pièce P-6 :     Dossier du client F. inc.;

 

Pièce P-7 :     Dossier du client G. B. inc.;

 

Pièce P-8 :     Dossier du client P. B. inc.;

 

Pièce P-9 :     Dossier du client # Canada inc;

 

Pièce P-10 :   Plumitifs des dossiers criminels de l’intimé portant les numéros 505‑01‑054019-050 et 505-01-060670-060;

 

Pièce P-11 :   Copie conforme des dénonciations criminelles et plaidoyer de culpabilité déposés à l’encontre de l’intimé dans les dossiers portant les numéros 505-01-054019-050 et 505-01-060670-060;

 

Pièce P-12 :   Copie conforme des décisions et sanctions judiciaires rendues à l’encontre de l’intimé concernant les infractions criminelles dont il a été reconnu coupable.

 

 

[7]       À cette première série de documents, d’autres pièces furent déposées de consentement, soit :

Pièce P-4(A) :    Copie des chèques de l’assuré;

Pièce P-13 :      Copie des relevés bancaires de l’assuré.

[8]       D’autre part, vu les renseignements financiers contenus aux diverses pièces documentaires, le Comité ordonne la non-publication, la non-diffusion et la non-accessibilité de tout renseignement nominatif et  financier concernant les assurés;

 

II.         Argumentation

            2.1       Notes liminaires

[9]       Malgré le plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur le quatrième chef d’accusation, celui-ci pose problème puisqu’au moment de la date de l’infraction, l’intimé n’était pas membre en règle de la Chambre de l’assurance de dommages (ci-après, «ChAD»);

[10]    Suivant la preuve administrée, il appert que l’intimé a cessé d’exercer à compter du 1er avril 2004;

[11]    Or, les demandes de renseignements (P-3) à la source du quatrième chef d’accusation ont été acheminées à l’intimé le 6 novembre 2009 et le 3 décembre 2009, soit alors qu’il n’était plus membre de la ChAD;

[12]    Suivant la partie plaignante, puisque les demandes de renseignements visent la conduite de l’intimé au moment où celui-ci exerçait la profession et que ceux-ci portent sur des événements survenus entre le 1er novembre 2001 et le 31 mars 2004, alors le Comité aurait juridiction sur cette infraction;

 

2.2          Les prétentions de la poursuite

[13]    Dans un argumentaire très élaboré auquel étaient jointes des autorités[1], la poursuite plaide que le Comité a juridiction sur la personne de l’intimé, même si celui-ci n’est plus membre de la ChAD;

[14]    Brièvement résumés, les arguments plaidés par la poursuite au soutien de sa thèse sont les suivants :

1)       Les renseignements recherchés concernent des activités professionnelles et des événements survenus alors que l’intimé était membre en règle de la ChAD;

2)       Les mêmes activités professionnelles ont donné lieu à des accusations criminelles pour lesquelles l’intimé a plaidé coupable le 25 septembre 2006 et  fut sanctionnées le 19 septembre 2007, soit bien après avoir cessé d’exercer, le 1er avril 2004;

3)       L’intimé a fait défaut d’informer en temps opportun la ChAD de ses condamnations criminelles;

4)       L’intimé a volontairement cessé d’être membre de la ChAD;

 

[15]    Au soutien de ses arguments, la syndic plaide également :

1)       Que le mandat de la ChAD est d’assurer la protection du public à titre «d’organisme de contrôle et de surveillance»;

2)       Qu’à défaut d’avoir juridiction sur les entraves commises par un ex-membre, la ChAD manquerait à son devoir d’assurer la protection du public;

3)       Qu’un professionnel ou même un ex-professionnel conserve en tout temps l’obligation de répondre à son syndic de ses faits et gestes posés alors qu’il était membre en règle;

4)       Qu’à défaut d’avoir compétence sur les actes d’un ex-membre, la syndic se retrouve sans aucun recours et la protection du public est à toutes fins pratiques inexistante;

 

[16]    Enfin, la syndic, à l’appui de ses arguments, rappelle les principes d’interprétation suivants :

      Les lois professionnelles sont d’ordre public[2] et doivent s’interpréter de façon à faire primer les intérêts du public sur les intérêts privés;

      Elles doivent recevoir une interprétation large et libérale afin de favoriser l’accomplissement de leur objet, soit la protection du public;

      La définition de la faute disciplinaire est suffisamment large pour englober des actes qui, à proprement dit, ne constituent pas «l’exercice de la profession»[3];

 

[17]    À ces principes d’interprétation, la partie plaignante ajoute les arguments suivants :

1)       La seule manière pour la syndic de remplir efficacement sa mission d’assurer la protection du public consiste à lui donner accès à toutes les informations concernant les gestes passés ou présents d’un professionnel;

2)       Tout manquement professionnel fondé ou non sur un texte législatif ou réglementaire doit entraîner une sanction disciplinaire[4];

3)       Les infractions criminelles reprochées au chef no 1 sont en lien direct avec l’exercice de la profession et en conséquence, la syndic est autorisée à les enquêter et à les déférer au Comité de discipline sans égard au fait que l’intimé a cessé d’être membre de la ChAD depuis le 1er avril 2004, le tout suivant l’article 149.1 du Code des professions (ci-après, «C. prof.»);

[18]    L’argument juridictionnel fondé sur l’article 149.1 C. prof. vaut la peine de s’y attarder puisque la partie plaignante y voit une confirmation de la juridiction du Comité sur le quatrième chef de la plainte, même lorsque l’infraction est commise par un ex-membre de la ChAD;

[19]    Plus précisément, la partie plaignante plaide :

1)       Que l’article 149.1 C.prof. permet à la syndic, par le biais de l’article 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (ci-après, «LDPSF»), de déférer au Comité de discipline toute condamnation criminelle concernant un acte ayant «un lien avec l’exercice de la profession» et, par surcroît, de l’enquêter et donc, en cas d’entrave, de déférer au Comité le défaut de répondre de l’intimé;

2)       Que l’article 149.1 C. prof. n’est pas assujetti à une période de temps et, par conséquent, l’obligation de répondre à la syndic ne serait pas sujette à une limitation temporelle, ni même la juridiction du Comité, puisqu’un ex-membre devrait répondre d’une infraction d’entrave devant le Comité concernant des accusations criminelles commises alors qu’il était membre en règle;

[20]    Enfin, la partie plaignante extrapole à partir des principes développés dans l’arrêt Paquette[5] concernant l’application extra territoriale des codes de déontologie pour conclure que la compétence des comités de discipline n’est pas non plus limitée dans le temps;

[21]    Finalement, la partie plaignante plaide que l’intimé a l’obligation de répondre à la syndic et que ce défaut de répondre est intimement lié aux autres infractions et qu’en conséquence, l’accusation d’entrave doit être aussi décidée par le même Comité;

 

III.      Analyse et décision

          3.1          La question d’ordre juridictionnel

[22]    Le Comité estime que la question juridictionnelle devra être divisée en deux sous-questions, pour fins d’analyse :

1)        Un ex-membre de la ChAD est-il tenu de répondre aux demandes de renseignements de la syndic?

2)       Le Comité de discipline de la ChAD a-t-il compétence sur une infraction d’entrave commise par un ex-membre?

 

3.1.1      Le cas particulier de l’ex-membre

[23]    Suivant les enseignements de la Cour suprême dans l’affaire Pharmascience[6], toute personne, qu’elle soit membre ou non d’un ordre professionnel, doit répondre aux demandes de renseignements formulées par un syndic;

[24]    À cet égard, il sied de reproduire certains passages pertinents de ce jugement :

 

« 37  Dans ce contexte, on doit s’attendre à ce que les personnes dotées non seulement du pouvoir mais aussi du devoir d’enquêter sur la conduite d’un professionnel disposent de moyens suffisamment efficaces pour leur permettre de recueillir toutes les informations pertinentes afin de déterminer si une plainte doit être portée.  Comme on l’a vu, le Code des professions attribue à un fonctionnaire indépendant, le syndic, la charge d’enquêter et de se prononcer sur la nécessité de déposer une plainte devant le comité de discipline. Le juge Dalphond, alors à la Cour supérieure, décrivait clairement le rôle capital dévolu par le législateur à cet acteur dans Parizeau c. Barreau du Québec, [1997] R.J.Q. 1701, p. 1708 :

 

La clé de voûte au niveau du contrôle de la profession est le syndic, qui joue un double rôle : celui d’enquêteur doté de pouvoirs importants (art. 122 du code) et celui de dénonciateur ou plaignant devant le comité de discipline (art. 128 du code).

 

38  L’importance de ce « double rôle » doit nécessairement guider l’interprétation de l’art. 122.  Le dépôt d’une plainte devant le comité de discipline peut constituer l’aboutissement de l’enquête du syndic.  Pour le professionnel en cause, ce seul dépôt entraîne parfois des conséquences graves pour sa réputation et pour l’exercice de ses activités professionnelles.  Pour agir avec efficacité, mais dans le souci et le respect des droits de tous les intéressés durant son enquête, le syndic doit être en mesure d’exiger les documents et renseignements pertinents de toute personne et non seulement d’un professionnel, comme le conclut la Cour d’appel.  L’obtention de renseignements en possession de tiers paraît souvent essentielle à la conduite efficace de l’enquête du syndicBien que seul le professionnel accusé d’une infraction déontologique puisse éventuellement être cité devant le comité de discipline les situations susceptibles de provoquer des plaintes disciplinaires impliqueront fréquemment une tierce partie, d’une manière ou d’une autre.

39  L’infraction pour laquelle certains pharmaciens font l’objet d’une enquête en l’espèce, i.e. « recevoir [. . . un] avantage, ristourne ou commission » (art. 3.05.06 du Code de déontologie), ne fait pas exception.  L’avantage est reçu d’une autre personne.  Un processus d’enquête concernant la commission d’une infraction devrait donc logiquement prévoir l’assujettissement des tiers.  D’autres exemples illustrent cette nécessité.  Un syndic pourrait avoir besoin d’obtenir des renseignements d’une infirmière ou d’un préposé, témoins de certains événements, afin de déterminer si une plainte pour harcèlement sexuel doit être portée contre un médecin.  L’enquête d’un syndic pourrait exiger l’accès à des renseignements détenus par une banque ou un comptable sur l’utilisation dérogatoire d’un compte en fidéicommis par un avocat. 

 

c)   Les inconvénients de l’interprétation de Pharmascience

 

40  Pharmascience prétend qu’une interprétation large de l’art. 122 et des pouvoirs d’enquête du syndic rendrait inutiles certaines des fonctions du comité de discipline.  Son raisonnement se résume en quelques propositions.  En vertu des art. 146 et 147 C. prof., le comité de discipline peut assigner et contraindre des témoins.  Il a le droit également d’exiger la production de documents.  Selon Pharmascience, si l’on reconnaît au syndic le pouvoir d’exiger d’un tiers des documents lors de l’enquête, « le rôle inquisitoire du comité de discipline ferait double emploi avec les fonctions d’un syndic ».

 

41  À mon avis, cet argument ne tient pas compte de la situation des membres d’un ordre professionnel dans le contexte de l’application de l’art. 122 et dans le déroulement d’une procédure disciplinaire depuis l’ouverture d’un dossier par le syndic jusqu’à la décision du comité de discipline.  À l’égard des professionnels, l’exercice des fonctions du syndic et du comité de discipline peut entraîner des interventions successives.  Le syndic exerce d’abord des pouvoirs d’enquête pour déterminer s’il y a matière à plainte.  En cas de dépôt d’une plainte, le comité de discipline tient ensuite des audiences au cours desquelles il examine le bien-fondé de la plainte.  À chaque étape, une enquête a lieu, mais dans un cadre juridique différent et pour des fins distinctes.

 

42  Sur le plan de l’équité de l’ensemble de la procédure disciplinaire ainsi que de la protection des droits et de la réputation de tous les intéressés, on comprend difficilement les avantages que présenterait la position défendue par Pharmascience selon laquelle l’obtention de documents ou d’informations de tiers ne deviendrait possible qu’après le dépôt d’une plainte disciplinaire devant le comité de discipline.  Il semble de loin préférable, spécialement pour le professionnel en cause, de permettre au syndic qui effectue l’enquête d’accéder à l’ensemble des renseignements nécessaires avant qu’un processus contradictoire devant un tribunal administratif soit enclenché.  À cet égard, le fait que le comité de discipline soit doté de pouvoirs d’instruction ne signifie aucunement qu’il faille interpréter restrictivement les moyens dont dispose le syndic dans la conduite de son enquête.  Ces deux instances jouent des rôles différents et complémentaires : en effet, la qualité de la preuve présentée devant le comité de discipline est grandement tributaire de l’efficacité de l’enquête du syndic.  En ce sens, l’interprétation que préconise Pharmascience favorisait le dépôt de plaintes hâtives et même inutiles devant le comité de discipline.  Il est dans l’intérêt de tous de s’assurer qu’un syndic qui dépose une plainte disciplinaire connaisse en détail les reproches adressés au professionnel et dispose d’une preuve complète.  Les exigences d’équité procédurale contenues dans  la loi prévoient d’ailleurs l’obligation de communiquer cette preuve au professionnel. 

 

(nos soulignements)

     

[25]    Cela étant dit, doit-on conclure pour autant que l’infraction d’entrave commise par un «tiers» doit être poursuivie devant le Comité de discipline de l’ordre professionnel duquel relève le syndic;

[26]    Avec égard pour l’opinion contraire, le Comité estime qu’il n’a pas juridiction pour les motifs ci-après exposés;

 

3.1.2.     L’entrave commise par un tiers

[27]    De façon préliminaire, le Comité tient à souligner qu’il y a lieu de distinguer entre, d’une part, l’obligation de répondre aux demandes de renseignements imposées à toute personne, qu’elle soit membre ou non de la ChAD et, d’autre part, la procédure suivant laquelle cette infraction pourra être sanctionnée;

[28]    D’ailleurs, même l’arrêt Pharmascience[7] reconnaît que les infractions d’entrave commises par un tiers doivent être poursuivies suivant l’article 188 C. prof. et relèvent donc de la juridiction de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, tel qu’il appert des passages suivants :

 

52   La procédure qui sanctionne le refus d’un tiers de communiquer des documents au syndic met en jeu plusieurs dispositions du Code des professions, notamment ses art. 114, 122, 188 et 191.  L’article 114 établit l’interdiction générale de refuser de transmettre un document nécessaire à la poursuite d’une enquête disciplinaire.  Le dernier paragraphe de l’art. 122 précise que cette interdiction s’applique aux demandes du syndic.  L’article 188 prévoit que toute personne contrevenant à l’une des dispositions du Code des professions commet une infraction.  Par l’effet combiné des art. 122 et 188, un tiers qui refuse de transmettre les documents réclamés par le syndic commet donc une infraction passible d’une amende d’au moins 600 $ et d’au plus 6 000 $.  En cas de répétition de toute infraction pénale prévue au Code des professions et après que des poursuites pénales aient été intentées, l’art. 191 permet au procureur général ou, après autorisation de ce dernier, à un ordre professionnel d’obtenir une injonction interlocutoire, et par la suite finale, afin de faire cesser la commission de l’infraction.[8]

 

(nos soulignements)

 

[29]    Dans le même ordre d’idées, la juge Abella, dissidente quant à l’octroi de l’injonction, conclut tout de même qu’il s’agit d’une infraction à l’article 188 C. prof. :

82  En toute déférence, j’estime également qu’en l’espèce une injonction ne peut être prononcée sans le consentement du procureur général.  Le mécanisme d’exécution prévu par le Code se dégage de l’interaction entre les art. 114, 122, 188 et 191.  L’article 114, dont il est mentionné expressément qu’il s’applique à la procédure établie à l’art. 122, interdit à un professionnel de refuser de fournir les documents demandés en vertu du Code.  Selon l’article 188, toute personne qui contrevient à une disposition du Code commet une infraction.  Par l’effet conjugué de ces articles, commet une infraction tout tiers qui refuse de fournir des documents au syndic dans le cadre d’une enquête fondée sur l’art. 122.  Le procureur général peut ainsi intenter des poursuites pénales en vertu de l’art. 191 [9]

(nos soulignements)

 

[30]    Compte tenu des enseignements de la Cour suprême, peut-on conclure que le Comité a juridiction sur ce type d’infraction?

 

3.2          La compétence du Comité

[31]    La compétence du Comité est déterminée par l’article 346 de la LDPSF, lequel édicte :

 

346. Une plainte peut être déposée contre une personne qui n'est plus titulaire d'un certificat délivré par l'Autorité ou qui n'est plus inscrit à titre de représentant en épargne collective ou en plans de bourses d'études si, au moment de l'infraction reprochée, elle était titulaire d'un tel certificat ou était inscrite à ce titre.

 

[32]    À la lecture de l’article 346 de la LDPSF, on constate que la loi reconnaît une certaine compétence au Comité sur les agissements fautifs d’un ex-membre mais celle-ci est assujettie à une condition très précise :

      L’ex-membre devenu un «tiers» par le passage du temps doit avoir été «au moment de l’infraction reprochée» titulaire d’un certificat ou être inscrit à ce titre.

[33]    Le Comité a déjà eu l’occasion de se pencher sur un cas semblable dans l’affaire Boudreault[10] et ce, dans les termes suivants :

[13]  Le Comité est d’avis que même si l’intimé n’a pas renouvelé son certificat de courtier, lequel expirait le 31 janvier 2008, il demeure néanmoins qu’il était dûment certifié au moment où les actes reprochés auraient été commis et, en conséquence, le Comité estime qu’il a entièrement juridiction sur l’intimé suivant l’article 346 L.D.P.S.F.;

[14] D’ailleurs, sur ce point, la jurisprudence du Comité est constante [1];

[15] À cet égard, il convient de citer les dispositions législatives pertinentes :  

342.  Nul ne peut entraver le travail d’un enquêteur, notamment en l’induisant en erreur.

 

346.  Une plainte peut être déposée contre une personne qui n’est plus titulaire d’un certificat délivré par l'Autorité si, au moment de l’infraction reprochée, elle était titulaire d’un tel certificat.

 [16] Tel qu’il appert de l’article 346 de la LDPSF, la détention d’un certificat valide au moment où l’infraction est commise est suffisante pour donner pleine juridiction au Comité;

[17]  Il en serait autrement toutefois si l’intimé n’était plus, au moment de l’entrave, titulaire d’un certificat;

[18]  En effet, le Comité de discipline n’aurait plus alors aucune juridiction sur l’intimé puisque celui-ci ne serait pas titulaire d’un certificat à la date de commission de l’infraction;

[19]  Dans ce cas particulier, le Comité estime, sans en décider formellement, qu’il y a lieu de se référer alors aux dispositions pénales de la loi, le comité n’ayant pas juridiction sur une personne qui n’était pas titulaire d’un certificat au moment de l’infraction reprochée, celle-ci devant être considérée, de l’avis du Comité, comme étant un «tiers»;

(nos soulignements)

 

[34]    Il est vrai que le Comité aborde cette question «sans en décider formellement»[11], cependant, cette décision demeure d’actualité, à moins d’un amendement législatif;

[35]    En effet, il est de jurisprudence constante[12] qu’un tribunal statutaire ne peut pas s’attribuer à lui-même une juridiction qu’il n’a pas;

[36]    D’ailleurs, si le Comité se trompe dans l’interprétation de la disposition législative qui circonscrit sa compétence, sa décision sera alors sujette à la révision judiciaire[13];

 

3.2.1      La disposition attributive de compétence (art. 346 L.D.P.S.F.)

[37]    L’article 346 de la LDPSF accorde au Comité une certaine juridiction sur les anciens membres de la ChAD à la condition «qu’au moment de l’infraction reprochée» ceux-ci aient été titulaires d’un certificat ou inscrits à ce titre;

[38]    Or, «au moment de l’infraction reprochée», soit l’entrave, l’intimé n’était plus membre de la ChAD;

[39]    La syndic plaide à l’encontre de cette restriction législative plusieurs arguments de droit qui peuvent être résumés en trois (3) principaux moyens, soit :

1)       Les lois professionnelles doivent recevoir une interprétation large et libérale visant à permettre l’accomplissement de leur objet, soit la protection du public;

2)       Le mandat de protection du public accordé à la ChAD et à son syndic exige que la juridiction du Comité puisse s’exercer sur toutes les fautes commises par des ex-membres, incluant le défaut de répondre survenu après la fin de leur appartenance à la ChAD.;

3)       «L’infraction reprochée» concerne autant les anciens dossiers de l’intimé que l’entrave et, en conséquence, l’intimé reste soumis à la juridiction du Comité;

 

3.2.1.1   L’interprétation large et libérale

[40]    Il est bien établi que les lois professionnelles sont d’ordre public et qu’elles doivent s’interpréter de façon à faire primer les intérêts du public sur les intérêts privés[14];

[41]    D’ailleurs, ce principe fut réitéré en 2008 par la Cour d’appel dans une affaire concernant la Chambre de l’assurance de dommages[15];

[42]    Par contre, en matière de protection du public, l’obligation imposée aux chambres professionnelles doit être mitigée par son corollaire, soit l’obligation de traiter équitablement[16] ceux dont le gagne-pain est placé entre leurs mains et il n’y a aucun avantage à faire prévaloir l’une de ces fonctions sur l’autre[17];

[43]    Mais il y a plus, la compétence du Comité de discipline se limite à celle qui est espressément prévu à la loi[18];

[44]    À ce sujet, les auteurs Villeneuve, Dubé et Hobday écrivent :

La juridiction d’un comité de discipline, telle que prescrite à l’article 116, se fonde essentiellement sur une plainte logée à l’encontre d’un professionnel pour une infraction à la réglementation de l’ordre, notamment au code de déontologie applicable, ou à la suite d’une infraction à la loi, en l’occurrence le Code des professions, ou à la loi particulière constituant l’ordre professionnel. Il s’agit là de la compétence attribuée au comité de discipline. Cette compétence peut s’exercer également par voie de plainte même si le professionnel n’est plus membre de l’ordre, pour autant que l’infraction ait été commise alors qu’il était membre de son ordre professionnel. En raison du caractère particulier du droit disciplinaire émanant du Code des professions, auquel la jurisprudence a souvent attribué le qualificatif de droit sui generis, il a même été considéré qu’un professionnel était poursuivable devant son comité de discipline même pour un acte dérogatoire commis par le professionnel à l’étranger.[19]

(nos soulignements)

[45]    Le Comité de discipline est donc un tribunal statutaire dont la compétence est limitée par sa loi constitutive[20];

 

[46]    En application de ce principe, le comité de discipline n’est pas autorisé:

 

1)       À condamner le professionnel à des dommages exemplaires[21];

 

2)       À ordonner un examen psychiatrique[22];

 

3)       À ordonner la tenue d’une inspection professionnelle contre l’intimé[23];

 

4)       À condamner l’intimé à payer des dommages-intérêts en faveur du plaignant ou d’une victime[24];

 

5)       À imposer au professionnel un stage de perfectionnement[25] : son pouvoir se limitant à une simple recommandation;

 

6)       À réviser ou rétracter ses décisions, sauf en respectant les paramètres imposés par le Code des professions[26];

 

[47]    Bref, comme toute autre créature émanant du corps législatif, le Comité doit exercer ses pouvoirs et ses prérogatives dans les limites fixées par le législateur;

 

[48]    De la même façon, certaines activités ou fonctions ne sont pas assujetties à la compétence du Comité de discipline :

 

      Politiciens : Barreau du Québec c. Wagner, [1968] B.R. 235

 

      Homme d’affaires : Ingénieurs c. Lévy, [1991] D.D.C.P. 278 (T.P.)

 

      Président de syndicat : Perreault c. Denturologistes, [1992] D.D.C.P. 249 (T.P.)

 

      Président de comité de discipline: Rocheleau c. Lafrance, [1996] D.D.O.P. 156 (T.P.)

             

      Membre d’un comité d’arbitrage :      Chao c. White, [2004] QCTP 23

 

      Régisseur à la Régie du logement :   Daher c. Pothier, [2001] D.D.O.P. 27

 

      Inspecteur à la C.S.S.T : Bélanger c. Ingénieurs [2010] QCTP 100, par. 79 à 82

 

      Commissaire à la C.R.T. : Dubé c. Cloutier, [2007] QCCDBQ 31

 

 

[49]    Le Comité s’est même interrogé sur le cas particulier des policiers à la retraite;

 

[50]    Dans le cas des policiers, la disposition attributive de compétence est différente mais à l’instar de l’article 346 de la LDPSF, la loi exige que les actes aient été commis alors que le policier était en exercice;

 

[51]    À cet égard, on consultera avec intérêt les décisions suivantes :

 

                Lebeau c. Comité de déontologie policière du Québec, [1999] CanLII 13670 (QCCA);

 

                Comité de déontologie policière du Québec c. Dance, [2000] CanLII 6387 (QCCA);

 

                Millette c. Comité de déontologie policière, [2000] CanLII 6831 (QCCA);

 

                Millette c. Comité de déontologie policière, EYB 1995-28983 (C.S.);

 

 

[52]    Suite à ces jugements, la Loi sur la police (L.R.Q., c. P-13.1) fut modifiée afin de clairement prévoir le cas des policiers démissionnaires ou retraités (art. 151) en limitant toutefois la juridiction aux actes commis alors que le policier exerçait ses fonctions;

 

[53]    Dans le même ordre d’idées, le Comité a également examiné le cas particulier des juges démissionnaires ou retraités;

 

[54]    À l’examen de la jurisprudence du Conseil de la Magistrature du Québec, on constatera que cette question fut l’objet de plusieurs décisions :

 

                Côté c. Hodge, [1989] CanLII 147 (QCCM);

 

                Gobeil c. Léveillé, [1990] CanLII 811 (QCCM);

 

                Sainte-Foy (Ville de) c. Jessop, [1996] CanLII 596 (QCCM);

 

                Fraternité des policiers et policières de Montréal c. Plante, [2005] CanLII 3239 (QCCM);

 

                Kahnawake Social and Community Services c. Ruffo, [2006] CanLII 22662 (QCCM);

 

                Gagné c. Pinard, [2008] CanLII 14896 (QCCM);

 

 

[55]    Finalement, le Conseil de la Magistrature du Québec, dans deux décisions récentes, concluait au maintien de sa compétence même après la démission ou la retraite du juge concerné :

 

                Charest c. Alary, [2008] CMQC 87 (CanLII);

 

                Saba c. Alary, [2008] CMQC 43 (CanLII);

 

 

[56]    Par contre, et encore une fois, cette compétence ne s’exerçait que sur des actes commis alors que le juge était en fonction;

 

[57]    En conclusion, la jurisprudence sur le sujet est constante et ne souffre d’aucune exception, l’acte reproché doit avoir été commis alors que la personne était en fonction;

 

[58]    Dans le cas de l’intimé, l’entrave survient plus de cinq (5) ans après l’abandon de son certificat;

 

 

3.2.1.2   La protection du public

 

[59]    Au nom de la protection du public, le Comité de discipline peut-il interpréter son mandat (art. 346 de la LDPSF) de manière à englober tous les actes commis par les ex-membres?

 

[60]    Au détriment de la thèse soutenue par la partie plaignante, les tribunaux supérieurs ont répondu par la négative à cette question;

 

[61]    Suivant la jurisprudence canadienne[27], les impératifs imposés par la protection du public ne permettent pas de passer outre «aux conditions et restrictions législatives qui circonscrivent l’exercice de la compétence du Comité de discipline» afin de tenter d’assujettir des ex-membres de la profession à sa juridiction disciplinaire;

 

 

3.2.1.3   «L’infraction reprochée»

 

[62]    Dans sa plaidoirie, la syndic tente de tirer un argument du fait que les renseignements recherchés concernent des infractions criminelles ayant un lien avec l’exercice de la profession;

 

[63]    De plus, puisque ceux-ci concernent des événements survenus entre novembre 2001 et mars 2004, la syndic considère que l’intimé demeure assujetti à la juridiction du Comité et qu’il doit répondre à ses demandes de renseignements;

 

[64]    Cet argument confond, d’une part, l’obligation de répondre au syndic et, d’autre part, les moyens de sanctionner le défaut de répondre;

 

[65]    L’article 346 de la LDPSF est particulièrement clair et ne nécessite aucune interprétation autre que littérale dans le cas présent :

 

1)       L’entrave est survenue entre novembre et décembre 2009;

 

2)       «Au moment de l’infraction reprochée», c’est-à-dire au moment où l’entrave est survenue, l’intimé n’était plus un membre de la ChAD mais un «tiers»;

 

[66]    Malgré une brillante plaidoirie par le procureur de la syndic, il demeure néanmoins que le Comité n’a aucune juridiction sur «l’infraction reprochée» au quatrième chef d’accusation;

 

[67]    Par contre, il faut souligner que la syndic n’est pas non plus sans recours, tel que l’indiquait la Cour suprême dans l’affaire Pharmascience[28];

 

 

3.3          La compétence de la Cour du Québec

 

3.3.1      La véritable infraction

 

[68]    Les articles 340, 342 et 343 de la LDPSF accordent de vastes pouvoirs d’enquête au syndic de la ChAD, lesquels édictent :

 

340. L'enquêteur peut:

 

 1° avoir accès, à toute heure raisonnable, à tout établissement d'un cabinet, d'un représentant autonome, d'une société autonome et d'un courtier en épargne collective ou en plans de bourses d'études inscrit conformément au titre V de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1);

 

 2° examiner et tirer copie des livres, registres, comptes, dossiers et autres documents du cabinet, du représentant autonome, de la société autonome et du courtier en épargne collective ou en plans de bourses d'études inscrit conformément au titre V de la Loi sur les valeurs mobilières;

 

 3° exiger tout document relatif à leurs activités.

 

 

342. Nul ne peut entraver le travail d’un enquêteur, notamment en l’induisant en erreur.

 

Accessibilité aux documents.

 

343. Les documents, livres, registres, comptes et dossiers qu’un syndic ou l’enquêteur peut requérir doivent lui être fournis quelles que soient la nature de leur support et la forme sous laquelle ils sont accessibles.

 

 

[69]    Ces dispositions ont été analysées par le Comité de discipline dans l’affaire Fecteau[29] :

 

[11]      La fonction première du syndic de la Chambre est d’enquêter (Art. 329 L.D.P.S.F.);

 

[12]      À cet égard, il possède d’importants pouvoirs d’enquête (Art. 340) sans nécessité d’obtenir un mandat de perquisition[1];

 

[13]      Il peut exiger de toute personne qui a la garde, la possession ou le contrôle de livres, registres, comptes, dossiers et autres documents de lui en donner, sur demande, communication et de lui en faciliter l’examen (Art. 340 in fine);

 

[14]      La mission de la Chambre de l’assurance de dommages étant d’assurer la protection du public (art. 312). Les dispositions de la Loi sont d’ordre public et toute interprétation doit faire primer les intérêts du public sur les intérêts privés[2];

 

[15]      Cela étant dit, l’enquête du syndic ne se termine pas avec le dépôt de la plainte devant le Comité de discipline;

 

[16]      Tel que le soulignait la Cour suprême dans l’affaire Pharmascience[3], à chaque étape du processus disciplinaire, une enquête a lieu mais dans un cadre juridique différent et pour des fins distinctes[4];

 

[17]      Le pouvoir d’enquête du syndic s’étend également aux tiers et non seulement aux professionnels visés par l’enquête[5];

 

[18]      La syndic de la Chambre pourrait même exiger l’accès à des renseignements détenus par une banque ou un comptable[6];

 

[19]      Mais il y a plus, ces pouvoirs d’enquête s’exercent sans nécessité de recourir à l’assignation du tiers[7], il suffit que le syndic en exprime la demande;

 

[20]      D’ailleurs, les articles 340, 342 et 343 L.D.P.S.F. sont particulièrement clairs : les documents, livres, registres, comptes ou dossiers recherchés doivent lui être fournis sur demande;

 

[21]      Bref, la syndic de la Chambre, de par le seul effet de la Loi, a accès à tous les documents requis sans qu’il soit nécessaire de procéder à l’obtention d’un bref de subpoena duces tecum à l’encontre d’un tiers[8];

 

(Références omises)

 

 

[70]    Suivant l’article 342 de la LDPSF, il est clair que toute personne, qu’elle soit membre ou non de la ChAD, doit obligatoirement collaborer à l’enquête du syndic;

 

[71]    Mais il y a plus, les articles 468(2) et 469.1 de la LDPSF imposent à toute personne l’obligation de répondre aux demandes de renseignements prévues par la loi :

 

468. Commet une infraction, quiconque:

 

 (…)

 

 2° ne fournit pas, dans le délai fixé, un renseignement ou un document exigé par la présente loi ou par ses règlements;

 

 

469.1. Quiconque fournit, de quelque manière que ce soit, des informations fausses ou trompeuses à l'Autorité, à un assuré, à un client ou à toute autre personne, à l'occasion d'activités régies par la présente loi ou par ses règlements, commet une infraction.

 

 

[72]    À la lecture de l’article 468(2) de la LDPSF, on constate que «quiconque» refuse de fournir, dans le délai fixé, un renseignement ou un document exigé par la présente loi (art. 340, 342 et 343), commet une infraction;

 

[73]    De la même manière, «quiconque» fournit des informations fausses ou trompeuses «à toute personne» (ce qui inclut le syndic d’une chambre), commet une infraction à l’article 469.1 de la LDPSF;

 

[74]    En conséquence, contrairement à ce qui fut plaidé lors de l’audience, cette infraction ne restera pas impunie et la syndic n’est pas sans recours;

 

[75]    De plus, la loi (art. 335) prévoit même que le syndic peut échanger des renseignements personnels avec l’Autorité des marchés financiers (ci-après, «l’AMF») pour réprimer toute infraction à ladite loi;

 

[76]    En conséquence, il suffisait de signaler à l’AMF le refus de répondre de l’intimé afin que des procédures pénales puissent être intentées contre lui pour cause d’entrave;

 

[77]    Le Comité est parfaitement conscient des délais inhérents à ce type de poursuite mais cela ne l’autorise pas pour autant à s’arroger une compétence que la loi ne lui reconnaît pas;

 

 

3.3.2      Les sanctions

 

[78]    Suivant l’article 485 de la LDPSF, le contrevenant s’expose, pour des infractions prévues aux articles 468 et 469.1 de la LDPSF à une amende minimale de 5 000 $ et à une amende maximale de 1 000 000 $ et, en cas de récidive, les amendes sont portées au double;

 

[79]    Il faut également souligner que l’injonction constitue un recours utile pour obtenir les informations recherchées[30];

 

 

 

3.3.3      Le poursuivant

 

[80]    Selon l’article 492 de la LDPSF, la poursuite peut être intentée par l’AMF, dans ce cas, l’amende lui appartiendra;

 

[81]    En vertu de l’article 9(3) du Code de procédure pénale (L.R.Q., c. C-25.1), la poursuite devra être autorisée par un juge (art. 10 C.p.p.) ayant compétence dans le district judiciaire où le poursuivant peut intenter la poursuite (art. 142);

 

 

 

3.3.4      Le  tribunal compétent

 

[82]    Suivant les articles 79, 80 et 82 de la Loi sur les tribunaux judiciaires (L.R.Q., c. T-16), les infractions pénales relèvent de la compétence exclusive des juges affectés à la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec :

 

79. La Cour du Québec est une cour de première instance ayant compétence en matière civile, criminelle et pénale ainsi que dans les matières relatives à la jeunesse.

 

La cour ou ses juges siègent également en matière administrative ou en appel dans les cas prévus par la loi.

 

80. La Cour du Québec comporte 3 chambres: la chambre civile, la chambre criminelle et pénale et la chambre de la jeunesse.

 

82. En matière criminelle et pénale, la Cour a compétence, dans les limites prévues par la loi, à l'égard des poursuites prises en vertu du Code criminel (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-46), du Code de procédure pénale (chapitre C-25.1) ou de toute autre loi.

 

Cette compétence est exercée notamment par les juges affectés à la chambre criminelle et pénale.

 

 

[83]    De toute évidence, le Comité n’a pas juridiction sur «l’infraction reprochée», laquelle fut commise «au moment» où l’intimé n’était plus un membre de la ChAD.

 

 

3.4          Conclusions

 

[84]    Pour l’ensemble de ces motifs, le Comité se déclare sans juridiction pour condamner l’intimé sur le quatrième chef et ce, malgré son plaidoyer de culpabilité;

 

[85]    Par conséquent, en l’absence d’une quelconque juridiction pour condamner ou acquitter l’intimé, le Comité n’a d’autre choix que de prononcer un arrêt des procédures sur le quatrième chef d’accusation;


PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur les chefs nos 1, 2 et 3;

DÉCLARE l’intimé coupable des infractions reprochées aux chefs nos 1, 2 et 3;

ORDONNE un arrêt conditionnel des procédures sur le chef no 4;

ÉMET une ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non-accessibilité de tout renseignement nominatif et financier concernant les assurés et plus particulièrement les pièces P-3, P-4(A) et P-13;

FIXE les représentations sur sanction au 12 octobre 2010.

LE TOUT frais à suivre.

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du Comité de discipline

 

__________________________________

Mme France Laflèche, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

__________________________________

M. Carl Hamel, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

M. Patrice Desrochers, intimé se représentant seul

 

Date d’audience :

9 septembre 2010

 



[1]    Voir les notes infrapaginales nos 2, 3, 4 et 6;

[2]    Pauzé c. Gauvin, [1954] R.C.S. 15;

     Fortin c. Chrétien, [2001] 2 R.C.S. 500;

     Côté c. Rancourt, [2004] 3 R.C.S. 248;

     Pharmascience c. Binet, [2006] 2 R.C.S. 513;

[3]    Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441 (CanLII);

     Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, 1992 CanLII 3299 (QCCA);

[4]    Paquette c. Comité de discipline des médecins, 1995 CanLII 5215 (QCCA);

[5]    Op. cit., note 4;

[6]    Pharmascience c. Binet, [2006] 2 R.C.S. 513;

[7]    Ibid.;

[8]    Op. cit., notes 2 et 6, par. 52;

[9]    Ibid, par. 82;

[10]   Chauvin c. Boudreault, [2008] CanLII 19077 (QC C.H.A.D.);

[11]   Chauvin c. Boudreault, op. cit., note 10, par. 19;

[12]   Alliance des professeurs catholiques de Montréal c. Quebec Labour Relation Board, [1953] 2 R.C.S. 140, p. 155; Voir également la jurisprudence citée aux notes infrapaginales nos 20 à 27;

[13]   U.E.S. Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, pp. 1086 à 1088;

[14]   Voir la jurisprudence citée sous la note 2;

[15]   Chauvin c. Beaucage, [2008] QCCA 922 (CanLII), par. 82;

[16]   Kane c. Conseil d’administration de l’U.C.B., [1980] 1 R.C.S. 1105;

[17]   Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301, p. 315;

[18]   Biron c. Taillefer, [2002] QCTP 38, par. 10;

     Desjardins c. Avocats, [2006] QCTP 48, par. 38;

     McMahon Distributeur pharmaceutique c. Pharmaciens, [2007] QCTP 93;

[19]   Villeneuve, Dubé, Hobday. Précis de droit professionnel, Éditions Yvon Blais inc., p. 95;

[20]   Maurice c. Priel, [1989] 1 R.C.S. 1023;

[21]   Biron c. Taillefer, [2002] QCTP 38;

[22]   Infirmières et infirmiers c. Gravel, [1994] D.D.O.P. 226 (T.P.);

[23]   Bérubé c. Psychologues, [2002] D.D.O.P. 315 (T.P.);

[24]   Feldman c. Barreau, [2004] QCTP 71;

[25]   Cadrin c. Psychologues, [1997] D.D.O.P. 354 (T.P.);

[26]   Anglehart c. Avocats, [2004] QCTP 101;

[27]   Ross c. B.C. Psychological Assn., [1987] CanLII 2481 (BCCA);

     Hughes c. New-Brunswick Denturist Society, [1991] CanLII 5781 (NBQB);

     Gardner c. Law Society of B.C., [1991] CanLII 1157 (BCCA);

     Maurice c. Priel, [1989] 1 R.C.S. 1023;

[28]   Op., cit., note 6, par. 52;

[29]   Chambre de l’assurance de dommages c. Fecteau, 2009 CanLII 72969 (QC CD CHAD)

[30]   Pharmascience c. Binet, op. cit., note 6;

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