Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

 

CANADA                                                                     

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

N° :

2009-12-06(C)

 

DATE :

2 août 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien

Président

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Richard Giroux, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

 

c.

 

CAROLE FETHERSTON, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Partie intimée

 

______________________________________________________________________

 

                           DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET

DE NON-ACCESSIBILITÉ DU NOM DES ASSURÉS ET DE TOUT RENSEIGNEMENT LES CONCERNANT ET GÉNÉRALEMENT DE TOUS LES RENSEIGNEMENTS NOMINATIFS CONTENUS DANS LES PIÈCES DÉPOSÉES

(Art. 142 du Code des professions)

_____________________________________________________________________

 

 

 

[ 1 ]        Le 28 juin 2010, le Comité se réunit afin de procéder à l’audition du dossier en l’espèce.

[ 2 ]        Le syndic est représenté par Me Claude G. Leduc et l’intimée est présente et représentée par Me Michel Gendron.

[ 3 ]        Dès le début de l’audition, le procureur du syndic annonce au Comité qu’une entente est intervenue entre les parties et que l’intimée entend plaider coupable à une plainte amendée qui regroupera l’ensemble des chefs contenus dans la plainte originale.

[ 4 ]        Le procureur du syndic demande donc au Comité de reporter l’audition au lendemain afin de lui permettre de préparer et déposer cette plainte amendée. Le Comité fait droit à cette demande.

[ 5 ]        Le 29 juin 2010, le procureur du syndic dépose de consentement avec le procureur de l’intimée la plainte amendée annoncée la veille, laquelle ne comporte qu’un (1) seul chef divisé en trois (3) sous-paragraphes, qui se lit comme suit :

« 1. Durant le mois d’avril 2008, à titre de dirigeante et responsable du cabinet Gestion GroupAssurance inc., a mis en place, utilisé ou toléré des politiques ou usages ou façons de faire par lesquels son cabinet, ses employés, mandataires et représentants en assurance de dommages, de façon générale et en particulier dans les cas de 58 assurés, ont manqué à leurs obligations professionnelles envers les clients, faisant en sorte que :

A) ce ne soit pas un représentant en assurance de dommages qui recueille personnellement les renseignements nécessaires permettant d’identifier les besoins des clients, le tout en contravention avec l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

B) ce soit un tiers, soit le représentant d’un concessionnaire automobile avec lequel son cabinet était en relation, qui discute et obtienne les consentements pour vérifier des renseignements personnels se trouvant au Fichier central des sinistres automobiles et auprès d’agences de crédit, alors que le cabinet ne s’occupait qu’à obtenir des cotations de prime d’assurances, le tout en contravention avec l’article 37 (3) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

C) ces derniers ne vérifiaient pas auprès des clients si ceux-ci avaient donné un consentement libre et éclairé au représentant du concessionnaire automobile avec qui le cabinet était en relation avant de procéder à la vérification des renseignements concernant ces clients se trouvant au Fichier central des sinistres automobiles et auprès d’agences de crédit, le tout en contravention avec l’article 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

L'intimée s'étant ainsi rendue passible pour les infractions ci-haut mentionnées des sanctions prévues à l'article 156 du Code des professions. »

[ 6 ]        L’intimée, par l’entremise de son procureur, a enregistré un plaidoyer de culpabilité sur ladite plainte et lorsque questionnée par le président du Comité, cette dernière a reconnu les faits mentionnés à la plainte.

[ 7 ]        Considérant le plaidoyer de culpabilité et les représentations du procureur de l’intimée, séance tenante, le Comité a déclaré l’intimée coupable du chef no 1 A), B) et C) de la plainte amendée.

[ 8 ]        Par la suite, les parties se sont déclarées disposées à soumettre immédiatement au Comité des représentations communes sur sanction. À la demande de Me Leduc et de consentement avec le procureur de l’intimée, Me Gendron, une ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non-accessibilité du nom des assurés et de tout renseignement les concernant fut émise séance tenante par le Comité de discipline, le tout en conformité avec les articles 142 et 154 du Code des professions.

[ 9 ]        Cette ordonnance s’avérait nécessaire considérant les nombreux renseignements nominatifs que l’on retrouve dans les pièces documentaires déposées par le procureur de syndic.

[ 10 ]      Ci-après une liste des pièces déposées, lesquelles sont assujetties le cas échéant, à l’ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non-accessibilité susdite :

Pièce P-1 :     Attestation de madame Carole Chauvin, syndic de la Chambre de l’assurance de dommages, concernant madame Carole Fetherston;

Pièce P-2 :     Copie d’une lettre du Bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages adressée à Mme Carole Fetherston, datée du 6 mars 2009;

Pièce P-3 :     En liasse, copie des communications et interventions entre le Bureau du syndic de la Chambre de l’assurance de dommages et Mme Carole Fetherston de Gestion GroupAssurance;

Pièce P-4 :     Copie d’un résumé de la rencontre tenue le 20 novembre 2009;

Pièce P-5 :     Dossier d’assurance automobile de l’assurée G.B., pour la période de couverture comprise entre le 15 avril 2008 au 15 avril 2009, avec la compagnie d’assurance Aviva, portant le numéro A20971604LPA;

Pièce P-6 :     Dossier d’assurance automobile de l’assuré M.-È.B., pour la période de couverture comprise entre le 17 avril 2008 au 17 avril 2009, avec la compagnie d’assurance Aviva, portant le numéro A20971686LPA; (pièce C-11)

Pièce P-7 :     Dossier d’assurance automobile de l’assurée P.B., pour la période de couverture comprise entre le 18 avril 2008 au 18 avril 2009, avec la compagnie d’assurance Aviva, portant le numéro A20972003LPA;

Pièce P-8 :     Dossier d’assurance automobile de l’assurée M.B., pour la période de couverture comprise entre le 21 avril 2008 au 21 avril 2009, avec la compagnie d’assurance Aviva, portant le numéro A20971874LPA;

Pièce P-9 :     Dossier d’assurance automobile de l’assuré S.B., pour la période de couverture comprise entre le 22 avril 2008 au 22 avril 2009, avec la compagnie d’assurance Aviva, portant le numéro A20972380LPA;

Pièce P-10 :  Dossier d’assurance automobile de l’assuré G.C., pour la période de couverture comprise entre le 23 avril 2008 au 23 avril 2009, avec la compagnie d’assurance Aviva, portant le numéro A20972650LPA;

Pièce P-11 :  Dossier d’assurance automobile de l’assuré C.M., pour la période de couverture comprise entre le 4 avril 2008 au 4 avril 2009, avec la compagnie d’assurance Aviva, portant le numéro A20969533LPA;

Pièce P-12 :  Dossier d’assurance automobile de l’assuré J.C., pour la période de couverture comprise entre le 2 avril 2008 au 2 avril 2009, avec la compagnie d’assurance Aviva, portant le numéro A20969532LPA;

Pièce P-13 :  Dossier d’assurance automobile de l’assuré J.P., pour la période de couverture comprise entre le 23 avril 2008 au 23 avril 2009, avec la compagnie d’assurance Aviva, portant le numéro A20972856LPA;

Pièce P-14 :  Dossier d’assurance automobile de l’assuré M.-È.B., pour la période de couverture comprise entre le 24 avril 2008 au 24 avril 2009, avec la compagnie d’assurance Aviva, portant le numéro A20972905LPA;

Pièce P-15 :  En liasse, dossiers de 48 assurés.

[ 11 ]      Le Comité a par la suite entendu les représentations des parties sur sanction.

I.          Représentations communes sur sanction

[ 12 ]      Les procureurs des parties déclarent au Comité que les parties se sont entendues sur la recommandation suivante, soit l’imposition d’une amende globale de 14 000 $, plus les déboursés, répartie comme suit :

o         6 000 $ quant au sous-paragraphe A) du chef no 1;

o         4 000 $ quant au sous-paragraphe B) du chef no 1;

o         4 000 $ quant au sous-paragraphe C) du chef no 1.

[ 13 ]      Selon les procureurs, il s’agit d’une sanction qui est juste et raisonnable dans les circonstances.

[ 14 ]      Suite aux plaidoiries des deux parties, le Comité a avisé celles-ci que le présent dossier serait pris en délibéré et qu’une décision écrite sur culpabilité et sanction serait rendue sous peu.

[ 15 ]      Le Comité examinera donc les principes applicables en matière de sanction.

II.         Analyse et décision

[ 16 ]      L’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers stipule :

« 27.   Un représentant en assurance doit recueillir personnellement les renseignements nécessaires lui permettant d’identifier les besoins d’un client afin de lui proposer le produit d’assurance qui lui convient le mieux. »

[ 17 ]      Cet article doit être lu conjointement avec l’article 28 de la même loi, lequel prévoit :

 

« 28.   Un représentant en assurance doit, avant la conclusion d'un contrat d'assurance, décrire le produit proposé au client en relation avec les besoins identifiés et lui préciser la nature de la garantie offerte.

 

Il doit, de plus, indiquer clairement au client les exclusions de garantie particulières compte tenu des besoins identifiés, s'il en est, et lui fournir les explications requises sur ces exclusions.»

[ 18 ]      Les sous-paragraphes B) et C) du chef no 1, quant à eux, réfèrent aux articles 37 (1) et 37 (3) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, qui se lisent :

« 37.  Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d'agir à l'encontre de l'honneur et de la dignité de la profession, notamment:

 

  1°    d'exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente;

 (…)

  3°    de tenir compte de toute intervention d'un tiers qui pourrait avoir une influence sur l'exécution de ses devoirs professionnels au préjudice de son client ou de l'assuré; »

[ 19 ]      Le Comité est d’avis que ces dispositions vont au cœur de l’exercice de la profession de courtier en assurance de dommages. Il s’agit en effet de dispositions, particulièrement les articles 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, qui visent à s’assurer que le client sera non seulement convenablement servi par son courtier mais également bien informé par celui-ci de la garantie d’assurance obtenue.

[ 20 ]      Dans cette affaire, le Comité retient ce qui suit :

o      la preuve révèle clairement que ce sont des tiers, soit des représentants de concessionnaires automobiles, qui obtenaient les renseignements du client pour obtenir une soumission d’assurance automobile auprès du cabinet Gestion GroupAssurance inc. opéré par l’intimée;

o      il s’agissait d’un système qui a été implanté par l’intimée afin de pouvoir assurer au cabinet de l’intimée un important volume d’affaires en assurance automobile;

o      les renseignements obtenus de la part des représentants des concessionnaires automobiles auraient été vérifiés par des courtiers d’assurance du cabinet de l’intimée, dont notamment Madame Isabelle Guilbault;

o      l’intimée et les courtiers de son cabinet n’auraient pas agi de façon malhonnête;

o      aucune preuve n’a été présentée établissant que des clients auraient été lésés par ce système.  

[ 21 ]      Il est de jurisprudence constante qu’à moins de circonstances exceptionnelles, une suggestion commune doit être entérinée par le Comité sauf dans la mesure où celle-ci ne soit déraisonnable au point de discréditer l’administration de la justice.

[ 22 ]      Ainsi, le Comité est d’avis qu’il doit suivre les recommandations communes des parties en l’espèce dans la mesure où elles s’avèrent raisonnables.[1]

[ 23 ]      La sanction suggérée, soit une amende globale de 14 000 $, nous semble appropriée à la gravité objective de l’infraction reprochée et elle tient compte des circonstances particulières du dossier.

[ 24 ]      Pour ces motifs, celle-ci sera entérinée par le Comité.

[ 25 ]      En effet, le Comité est d’avis que la sanction suggérée aura un effet dissuasif à l’endroit de l’intimée. Rappelons que le rôle du Comité n’est pas de punir l’intimée, mais plutôt de voir à la protection du public. C’est pourquoi le Comité, après avoir délibéré, retient la suggestion commune des parties.

[ 26 ]      En tenant compte de ce qui précède, le Comité soumet que la recommandation commune constitue une sanction qui est raisonnable compte tenu des circonstances propres à ce dossier et ce, après avoir pris en considération et fait l’évaluation de tous les facteurs tant aggravants qu’atténuants[2].

III.           Conclusion

[ 27 ]      Vu ce qui précède, le Comité considère qu’il se doit d’imposer la sanction recommandée par les parties en l’espèce.

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

 

            PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

 

 

DÉCLARE l’intimée coupable du chef d’accusation no 1 A), B) et C) de la plainte amendée;

 

 

IMPOSE à l’intimée la sanction suivante sur le chef d’accusation no 1 pour lequel elle a été reconnue coupable, soit le paiement d’une amende globale de 14 000 $, répartie comme suit :

 

-           6 000 $ quant au sous-paragraphe A) du chef no 1;

-           4 000 $ quant au sous-paragraphe B) du chef no 1;

-           4 000 $ quant au sous-paragraphe C) du chef no 1.

 

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés et frais.

 

ACCORDE à l’intimée un délai de 90 jours pour acquitter les déboursés, frais et amendes, calculé à compter de la date de signification de la présente décision.

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Daniel M. Fabien

Président du Comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Richard Giroux, C.d’A.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la plaignante

 

Me Michel Gendron

Procureur de l’intimée

 

 

Dates d’audience :

28 et 29 juin 2010

 



[1]    Charlebois c. Le Comité de surveillance de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, REJB 1999-16036, à la page 6.       

[2]     BERNARD, P. La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions, dans « Développement récent en déontologie, droit professionnel et disciplinaire », S.F.P.B.Q., 2004, 2006, pp. 71 et ss.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.