Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE QUÉBEC

 

N° :

2009-10-02(C)

 

DATE :

11 mars 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Maurice Soulard, C.d’A.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

M. Denis Drouin, C.d’A.Ass.,

courtier en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

LISE RENAUD, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 1er mars 2010, le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait à Québec pour procéder à l’audition sur sanction dans le dossier no 2009-10-02(C);

[2]           La syndic était représentée par Me Jean-Pierre Morin de l’étude Dunton Rainville et l’intimée était absente, malgré une convocation en bonne et due forme;

[3]           Le 18 décembre 2009, l’intimée fut reconnue coupable des accusations suivantes :

 

DOSSIER TRANSPORT 2ABG :

 

1.     Entre le 18 janvier 2007 et le 1er novembre 2007, a fait défaut de placer les intérêts de son client Transport 2ABG avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant que les crédits ci-après détaillés et appartenant à son assuré soient débités du compte-client et crédités au compte « mauvaises-créances » du cabinet, à savoir :

 

a.     Le ou vers le 18 janvier 2007, à la suite d’un avenant à une police d’assurance automobile de Transport 2 AGB générant un crédit de 4 025,70 $ au compte-client, a permis quatre transferts totalisant 2 004,90 $ créditant le compte « mauvaises créances » du cabinet;

 

b.    Le ou vers le 2 mai 2007, à la suite d’un avenant à une police d’assurance des entreprises de Transport 2 ABG générant un crédit de 474,15 $ au compte-client, a permis deux transferts totalisant 474,15 $ créditant le compte « mauvaise-créance » du cabinet;

 

c.     Le ou vers le 1er novembre 2007, à la suite d’un avenant à une police d’assurance automobile de Transport 2 ABG générant un crédit de 3 602,55 $ au compte-client, a permis cinq transferts totalisant 3 602,55 $ créditant le compte « mauvaises-créances » du cabinet;

 

le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

DOSSIER TRANSPORT CLAUDE DION

 

2.     Le ou vers le 27 novembre 2007, a fait défaut de placer les intérêts de son client Transport Claude Dion avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant qu’une somme de 1 681,86 $ créditée au compte-client de Transport Claude Dion soit débitée du compte-client et créditée aux comptes débiteurs de Guy Boivin et Ginette Caron pour 1 012,61 $ et de Marilyne Couture pour 397,85 $, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

DOSSIER GESTION M.D.S.

 

3.     Entre le 13 juillet 2006 et le 7 décembre 2006, a fait défaut de placer les intérêts de son client Gestion M.D.S. avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant que les crédits ci-après détaillés et appartenant à son assuré soient débités du compte-client et crédités au compte « mauvaises-créances » du cabinet, à savoir :

 

a.     Le ou vers le 13 juillet 2006, alors que le compte-client de Gestion M.D.S. était au crédit d’une somme de 211,49 $, a permis que le dit compte soit débité de cette somme en faveur du compte « mauvaises-créances » du cabinet;

 

b.    Le ou vers le 7 décembre 2006, alors que le compte-client de Gestion M.D.S. était au crédit d’une somme de 377,70 $, a permis que le dit compte soit débité de cette somme en faveur du compte « mauvaises-créances » du cabinet;

 

le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

 

 

 

DOSSIER DONAT DESCHESNE LTÉE

 

4.     Le ou vers le 15 septembre 2006, a fait défaut de placer les intérêts de son client Donat Deschesne ltée avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant qu’une somme de 55,59 $ créditée au compte-client de Donat Deschesne ltée soit débitée dudit compte et créditée au compte « mauvaises-créances » du cabinet, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

DOSSIER STÉPHANE HUARD

 

5.     Le ou vers le 23 août 2006, a fait défaut de placer les intérêts de son client Stéphane Huard avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant qu’une somme de 409,70 $ créditée au compte-client de Stéphane Huard soit débitée dudit compte et créditée par deux transferts au compte « mauvaises-créances » du cabinet, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

DOSSIER TRANSPORT MIGUEL PETIGUAY

 

6.     Le ou vers le 13 juillet 2006, a fait défaut de placer les intérêts de son client Miguel Petiguay avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant qu’une somme de 188 $ créditée au compte-client de Miguel Petiguay soit débitée dudit compte et créditée par un transfert au compte « mauvaises-créances » du cabinet, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

DOSSIER LOCATION NGR

 

7.     Le ou vers le 3 juillet 2007, a fait défaut de placer les intérêts de son client Location NGR avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant qu’une somme de 367,50 $ créditée au compte-client de Location NGR soit débitée dudit compte et créditée par deux transferts au compte « mauvaises-créances » du cabinet, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

DOSSIER CONSTRUCTION B.C. ROBERTSON

 

8.     Entre le 7 décembre 2006 et le 12 juin 2007, a fait défaut de placer les intérêts de son client Construction B.C. Robertson avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant que les crédits ci-après détaillés et appartenant à son assuré soient débités du compte-client et crédités au compte « mauvaises-créances » du cabinet, à savoir :

 

a.     Le ou vers le 7 décembre 2006, alors que le compte-client de Construction B.C. Robertson était au crédit d’une somme de 168 $, a permis que ledit compte soit débité de cette somme en faveur du compte « mauvaises-créances » du cabinet;

 

b.    Le ou vers le 12 juin 2007, alors que le compte-client de Construction Robertson était au crédit d’une somme de 44 $, a permis que ledit compte soit débité de cette somme en faveur du compte « mauvaises-créances » du cabinet;

 

le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

DOSSIER GESTION JMB

 

9.     Le ou vers le 12 septembre 2007, a fait défaut de placer les intérêts de son client Gestion JMB avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant qu’une somme de 274,40 $ créditée au compte-client de Gestion JMB soit débitée dudit compte et créditée par un transfert au compte « mauvaises-créances » du cabinet, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

DOSSIER DANIELLE PAUL

 

10.  Le ou vers le 10 octobre 2007, a fait défaut de placer les intérêts de sa cliente Danielle Paul avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant qu’une somme de 822 $ créditée au compte-client de Danielle Paul soit débitée dudit compte et créditée par deux transferts au compte « mauvaises-créances » du cabinet, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

DOSSIER TRANSPORT R. LAROUCHE ET FILS

 

11.  Le ou vers le 12 septembre 2007, a fait défaut de placer les intérêts de son client Transport R. Larouche et fils avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant qu’une somme de 150 $ créditée au compte-client de Transport R. Larouche et fils soit débitée dudit compte et créditée par un transfert au compte « mauvaises-créances » du cabinet, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

DOSSIER GÉRARD LAPRISE

 

12.  Le ou vers le 2 mai 2007, a fait défaut de placer les intérêts de son client Gérard Laprise avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant qu’une somme de 265,61 $ créditée au compte-client de Gérard Laprise soit débitée dudit compte et créditée par deux transferts au compte « mauvaises-créances » du cabinet, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

 

DOSSIER POURVOIRIE MONT-VALIN INC.

 

13.  Le ou vers le 12 septembre 2007, a fait défaut de placer les intérêts de sa cliente Pourvoirie Mont-Valin inc. avant les siens ou ceux du cabinet Cyrille Taillon, assurances ltée auprès duquel elle était alors rattachée, en permettant qu’une somme de 88,75 $ créditée au compte-client de Pourvoirie Mont-Valin inc. soit débitée dudit compte et créditée par deux transferts au compte « mauvaises-créances » du cabinet, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 19, 37 et 37.5 dudit code.

 

 

II.         Argumentation

 

[1]           Me Morin, expose au comité le stratagème ayant permis à l’intimée de bonifier ses commissions et son boni de fin d’année;

 

[2]           Essentiellement, l’intimée transférait des crédits accumulés au compte-client de certains assurés pour acquitter des comptes dus par d’autres clients ou pour effacer des mauvaises créances;

 

[3]           Ces transferts illégaux lui permettaient d’augmenter ses commissions de même que son boni de fin d’année;

 

[4]           La culpabilité de l’intimée étant fondée sur l’article 19 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, Me Morin produit diverses jurisprudences portant sur des cas semblables, soit les affaires :

 

         Wheeler, 2009 CanLII 49413;

 

         Fillion, 2000 CanLII 21181;

 

         Lacroix, 2004 QCTP 54;

 

         Wishnousky, 2006 CanLII 59845;

 

         Bisaillon, 2009 CanLII 20047;

 

         Karkar, 2009 QCCDBQ 23;

 

[5]           Suivant la preuve au dossier de même qu’en se fondant sur certaines des décisions ci-haut mentionnées, la syndic suggère les sanctions suivantes;

 

         Une amende de 1 000 $ par chef;

 

         Une suspension temporaire de six (6) mois;

 

         Une limitation d’exercice consistant en une interdiction d’agir dans la gestion des primes des assurés;

 

[6]           À cela s’ajoute la publication d’un avis dans un journal local et le paiement de tous les frais;

 

 

III.        Analyse et décision

 

 

a)         Infractions à caractère économique

 

 

[7]           Essentiellement, la plainte reproche à l’intimée d’avoir privilégié à 13 reprises ses intérêts financiers au détriment de ceux de ces clients, par divers transferts illégaux des crédits accumulés au compte-client de certains assurés.

 

[8]           Tel que le soulignait le Tribunal des professions dans l’affaire Garneau[1], il est inacceptable pour un professionnel d’utiliser l’argent de ses clients pour le détourner à son avantage;

 

[9]           Dans l’affaire Lacroix, le Tribunal des professions rappelle certains principes concernant la notion de conflits d’intérêts :

 

[38]            Traitant plus spécifiquement des manquements à l'obligation d'indépendance et des conflits d'intérêts du professionnel dans l'exercice de ses activités professionnelles, l'auteur Sylvie Poirier écrit, dans son ouvrage La discipline professionnelle au Québec (Éd. Blais, 1998) (p. 51):

 

Les professionnels doivent faire preuve d'objectivité et d'indépendance dans l'exercice de leurs activités professionnelles. Les membres de certaines professions encore plus que les autres ont une obligation très stricte de ne pas se placer en situation de conflit d'intérêt ou même d'apparence de conflit d'intérêts.  Ils doivent placer les intérêts de leurs clients au-dessus de leurs propres intérêts dans les actes qu'ils posent et dans les conseils qu'ils fournissent à titre professionnel.

 

[39]            Dans la cause Notaire c. Lemieux, (2002 D.D.O.P. 134 ), où il s'agissait d'emprunts d'argent faits à un client, le Comité de discipline des notaires conclut:

QUE [Madame] était cliente [du notaire].  Madame a eu recours aux services et conseils [du notaire] au cours des quelques années précédant la première "convention" et ce, à quelques reprises; elle recherchait un "notaire" afin de prêter des sommes d'argent garanties par hypothèque à des taux supérieurs au marché; [le notaire] agissait à l'intérieur de son cadre professionnel, à son étude, et il rédigeait en des termes référant à sa profession.

 

[40]            Dans Notaires c. Legault, ( AZ-50110996 ), le Comité de discipline des notaires se prononce sur l'omission d'un notaire, dans le cadre d'un prêt d'argent, de sauvegarder son indépendance professionnelle alors qu'il agissait à titre de notaire instrumentant et que la transaction était faite à son bénéfice personnel.  La preuve ayant établi que le notaire avait agi comme notaire et conseiller des parties - dont une société à l'égard de laquelle il venait tout juste de céder ses intérêts personnels - le Comité conclut que celui-ci ne pouvait ainsi sauvegarder son indépendance.  Il ajoute d'ailleurs que le consentement des parties ne saurait couvrir la perte d'indépendance personnelle du notaire ni l'autoriser à agir tel qu'il l'a fait (par. 74).

 

[41]            Dans l'affaire Normand c. Médecins, (1994 D.D.C.P. 269), un médecin avait obtenu trois prêts de sa patiente âgée.  Le Comité de discipline a jugé que le médecin:  «ne pouvait ignorer que ses gestes constituaient un conflit d'intérêts, gestes qu'il a répétés à trois reprises, même s'ils étaient rapprochés dans le temps; il a obligé sa patiente à le poursuivre en justice tout en continuant à être médecin traitant, perpétuant, ainsi, le conflit d'intérêts ».

 

[42]            En l'espèce, la preuve démontre que l'appelant a accompli des actes professionnels que peut poser un CMA; de plus, aucune preuve n'établit que l'appelant avait prévenu ses clients qu'il n'agirait pour eux qu'en sa qualité de C.A..

 

[43]            Si l'appelant ne rendait pas et ne voulait pas rendre de services comme CMA, pourquoi s'est-il inscrit à cet ordre en 1981 et a-t-il continué de payer ses cotisations annuelles pendant deux décennies?  Sa déclaration annuelle faite à l'Ordre des CMA établit la nature des services rendus à sa clientèle; celle-ci correspond à celle que peut rendre tout CMA (P-2, d.c. pp. 66-71); en aucun temps avant le dépôt de la plainte, il n'a prétendu qu'il ne posait pas des actes de CMA.  Étant établi que les services rendus tombent dans le champ de pratique des CMA, l'appelant devait prouver de façon prépondérante qu'il n'agissait pas alors comme comptable en management accrédité.  Il ne peut ainsi fragmenter les actes faisant partie de champs de pratique communs aux CMA et aux C.A.

 

[44]            L'adhésion à un ordre professionnel est libre.  L'appartenance à un ordre procure des avantages, entre autres:  l'utilisation du titre réservé ou exclusif, la notoriété, la crédibilité professionnelle et la confiance du public, mais elle comporte aussi un encadrement auquel doit se soumettre tout membre, notamment les contrôles du syndic et le cas échéant les interventions du Comité de discipline; le paiement de cotisations annuelles ou spéciales; l'assurance responsabilité; la conciliation et l'arbitrage de compte; le respect d'un code déontologique.  Un professionnel ne peut se prévaloir des avantages de l'appartenance à un ordre et en refuser les inconvénients ou obligations. Il faut conclure que l'appelant agissait en tant que membre des CMA puisqu'il a rendu aux six clients concernés par la plainte des services publics relevant également de cet ordre.

 

(nos soulignements)

 

[10]        Bref, l’exercice d’une profession n’est pas un droit absolu, mais un privilège dont la contrepartie imposée au professionnel est de respecter, en tout temps et en toutes circonstances, les obligations prescrites par le législateur[2];

 

b)         Circonstances aggravantes et atténuantes

 

 

[11]        Parmi les facteurs objectifs et particulièrement aggravants dans le présent dossier, le comité tiendra compte des suivants :

 

         La gravité objective des infractions;

 

         La mise en péril de la protection du public;

 

         Les montants transférés illégalement;

 

         La durée des infractions (juillet 2006 à novembre 2007);

 

         Le caractère répétitif des infractions reprochées, lesquelles concernent 13  clients différents;

 

         Le fait que les infractions portent atteintes à l’essence même de la profession;

 

[12]        Concernant l’importance pour l’intimée d’établir, par preuve prépondérante, l’existence de certaines circonstances atténuantes, il y a lieu de citer, encore une fois, l’affaire Lacroix :

 

[104]       La radiation temporaire d'un an imposée par le Comité de discipline se serait avérée acceptable n'eut été des circonstances atténuantes et des mesures prises par l'appelant pour que les clients ne subissent aucun préjudice.  Il serait injuste de ne pas réduire la sanction en tenant compte des facteurs déjà énumérés applicables en l'espèce.  Le Tribunal réduit à six mois la radiation à imposer[3].

 

(nos soulignements)

 

[13]        Vu l’absence de l’intimée tant au niveau de l’audition de la plainte qu’à l’étape des représentations sur sanction, le comité n’a pu identifier que deux circonstances atténuantes, soit :

 

         L’absence d’antécédent disciplinaire;

 

         Le remboursement des sommes détournées;

 

 

[14]        Concernant le remboursement, il faut préciser que celui-ci fut effectué par l’employeur de l’intimée, laquelle a pris par la suite, certains arrangements avec son ex-employeur pour s’acquitter de sa dette en plusieurs versements;

 

[15]        L’évaluation de ces différents facteurs servira à guider le comité pour la fixation d’une sanction juste et raisonnable qui reflète les circonstances particulières du présent dossier;

 

 

c)         Objectifs de la sanction

 

 

[16]        La sanction ayant comme premier objectif d’assurer la protection du public, elle doit satisfaire aux critères de dissuasion et d’exemplarité[4];

 

[17]        En matière d’infractions à critère économique, lesquelles portent atteintes directement au degré de confiance que le public accorde à la profession, le critère d’exemplarité prend toute son importance;

 

[18]        Ce type d’infraction exige en conséquence, une sanction permettant d’atteindre un objectif légitime de dissuasion générale afin d’éviter que d’autres membres de la profession soient tentés d’adopter le même genre de comportement[5];

 

[19]        De l’avis du comité, seule une suspension d’une année permettra d’atteindre cet objectif d’exemplarité et de dissuasion;

 

[20]        À cette suspension, s’ajoutera une amende de 1 000 $ par chef afin de tenir compte du caractère économique des infractions reprochées;

 

 

d)         Limitation d’exercice

 

 

[21]        Le paragraphe (g) de l’article 156 du Code des professions permet au comité d’imposer à l’intimée une limitation du droit d’exercer des activités professionnelles;

 

[22]        Le caractère répétitif des infractions de même que l’absence quasi-totale de circonstances atténuantes, porte le comité à conclure que seule une limitation permanente d’exercice permettra d’assurer la protection du public dans le cas de l’intimée;

 

[23]        Cette limitation prendra la forme d’une interdiction totale de gérer les comptes-clients;

 

 

e)         Publication d’un avis

 

 

[24]        La fonction principale de la Chambre de l’assurance de dommages étant d’assurer la protection du public[6], l’absence de publication dans le présent dossier irait à l’encontre de cet objectif de protection du public;

 

[25]        Le nombre de clients lésés par les agissements de l’intimée, de même que la durée des infractions militent en faveur de la  publication d’un avis ne serait-ce que pour dissuader d’autres membres de la profession qui seraient tentés d’agir de la sorte.

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

 

IMPOSE à l’intimée, les sanctions suivantes :

 

                    Une amende de 1 000 $ sur chacun des chefs d’accusation pour un total de 13 000 $;

 

                    Une suspension temporaire d’une année sur chacun des chefs d’accusation, à être purgée de façon concurrente.

 

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée avait son domicile professionnel un avis de la présente décision, les frais d’une telle publication étant à la charge de l’intimée.

 

IMPOSE à l’intimée une limitation permanente d’exercice consistant en une interdiction d’agir directement ou indirectement dans la gestion des comptes-clients.

 

DÉCLARE que la limitation permanente d’exercice s’appliquera à compter de la reprise par l’intimée de ses activités professionnelles.

 

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés, y compris les frais de publication de l’avis de suspension temporaire et de limitation permanente d’exercice.

 

ACCORDE à l’intimée un délai de douze (12) mois pour acquitter le montant des  amendes et des déboursés calculé à compter de la signification de la présente décision.

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

__________________________________

M. Maurice Soulard, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

__________________________________

M. Denis Drouin, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

Me Jean-Pierre Morin, avocat

Procureur de la partie plaignante

 

 

Madame Lise Renaud

Partie intimée, (absente et non-représentée)

 

Date d’audience :

1er  mars 2010

 



[1] [2002] QCTP 068

[2] David c. Denturologistes [2000] QCTP 65

[3] Op.cit.note 1, par. 104

[4] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC C.A.)

[5] Carthaway Ressources Corp. (Re) 2004 CSC 26 (CanLII)

[6] Art. 312 L.D.P.S.F. (L.R.Q. c. D-9.2)

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