Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

N° :

2009-10-01(C)

 

DATE :

11 novembre 2009

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Francine Normandin, C. d’A.Ass.,

courtier en assurance de dommages

Membre

M. Ian Cytrynbaum, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

PIERRE FECTEAU, courtier en assurance de dommages

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR REQUÊTE EN RADIATION PROVISOIRE ET SUR CULPABILITÉ

 

 

[1]           Le 6 novembre 2009, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition d’une requête en radiation provisoire jointe à la plainte no 2009-10-01(C);

[2]        La syndic était représentée par Me Nathalie Lelièvre et l’intimé par Me Michel Beauregard;

 

[3]        D’entrée de jeu, les procureurs informèrent le Comité que l’intimé avait l’intention de consentir à l’émission de l’ordonnance de radiation provisoire et qu’il plaiderait coupable aux quatre chefs d’accusation qui lui sont reprochés dans la plainte no 2009-10-01(C);

 

I.          Remarques préliminaires

 

[4]        Préalablement à l’audition, le Président faisait parvenir une lettre aux deux procureurs les informant d’un problème délicat concernant le fait que l’intimé était représenté par un avocat de l’étude Dunton Rainville;

 

 

[5]        En effet, Me Jean-Pierre Morin, également membre de l’étude Dunton Rainville, représente régulièrement le bureau du syndic, tant devant le Comité de discipline que devant les Tribunaux supérieurs et il y a donc un danger qu’un problème de loyauté ou d’indépendance professionnelle puisse survenir[1];

 

[6]        Dans le présent cas, l’intimé a choisi d’être représenté par un avocat de l’étude Dunton Rainville et la poursuite, par Me Lelièvre de l’étude Pouliot Caron;

 

[7]        Devant cette situation particulière et afin de dissiper tout doute quant au choix du procureur par l’intimé, celui-ci fut assermenté afin que le Comité puisse vérifier de vive voix sa compréhension des enjeux entourant cette délicate question;

 

[8]        Il appert du témoignage de l’intimé que :

           

-       son procureur, Me Beauregard, l’a informé de cette délicate situation dès le début du mandat;

 

-       malgré cela, il désire continuer avec Me Beauregard en qui il a pleinement confiance;

 

-       il insiste pour conserver son avocat.

 

[9]        Bref, l’intimé a clairement exprimé qu’il ne désirait pas qu’on lui retire son avocat qu’il avait personnellement choisi et en qui il avait pleinement confiance;

 

[10]      C’est en tenant compte des motifs exprimés par l’intimé que son procureur fut autorisé à continuer à le représenter et, plus particulièrement, en raison :

 

-       du droit de l’intimé au libre choix de son avocat;

 

-       du consentement libre et éclairé de l’intimé, lequel fut clairement informé de cette situation.

 

[11]      Mais il y a plus, le Comité a également pris en considération le fait que l’intimé ne contestait pas les accusations et qu’il avait l’intention de consentir à l’ordonnance de radiation provisoire;

 

[12]      Dans le cas contraire, en présence d’une contestation des procédures, le Comité n’aurait pas permis que l’intimé puisse continuer d’être représenté par Me Beauregard;

 

[13]      En effet, permettre au procureur de l’intimé de contre-interroger un client régulier de l’étude Dunton Rainville aurait porté atteinte au devoir de loyauté de l’avocat[2].

 

[14]      D’autre part, le fait d’empêcher le contre-interrogatoire du poursuivant aurait brimé le droit de l’intimé à une défense pleine et entière[3].

 

[15]      Cette interdiction aurait également porté atteinte au droit de l’intimé d’être représenté par un avocat indépendant[4];

 

[16]      Devant une situation aussi inextricable, le Comité n’aurait eu droit choix que de déclarer Me Beauregard inhabile à représenter l’intimé et nous aurions été dans l’obligation d’ordonner à M. Fecteau de se constituer un nouveau procureur avant même de débuter l’audition de la requête en radiation provisoire et/ou de la plainte;

 

[17]      Cependant, le consentement de l’intimé à l’émission de l’ordonnance de radiation provisoire et son plaidoyer de culpabilité démontrent clairement sa volonté de ne pas contester les accusations et de mettre un terme final aux procédures disciplinaires sans égard au procureur qui le représente;

 

[18]      Cela étant dit, le Comité peut maintenant se pencher sur la demande de radiation provisoire et sur les accusations;

 

II.         La plainte

 

[19]      L’intimé fait face à quatre chefs d’accusation dont le libellé est le suivant :

 

 

1.  Entre le 1er novembre 2007 et le 31 décembre 2008, a agi à l'encontre de l'honneur et la dignité de la profession de courtier en assurance de dommages en permettant, en toute connaissance de cause, que des certificats de garantie de remplacement soient émis par plusieurs concessionnaires automobiles auprès de leurs clients, pour des périodes de garantie de plus de 36 mois alors qu’ils n’étaient pas informés que seulement les 36 premiers mois étaient assurés, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 37, 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 


2.  Entre le 1er novembre 2007 et environ le mois de mai 2009, a volontairement fait défaut de rendre compte à ses distributeurs et incidemment aux concessionnaires automobiles, que les certificats de garantie de remplacement vendus par ces derniers n'étaient plus assurés par Travelers, laissant ainsi ces derniers dans l'ignorance de ce fait, faisant défaut de placer les intérêts des assurés et ceux de tout client avant les siens ou ceux de Hampstead Cameron inc. ou de Corporation financière Primelink, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 19, 37(4), 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

3.  Entre le ou vers le mois de mars 2008 et le ou vers le mois d’octobre 2008, a effectué des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d'induire en erreur des concessionnaires automobiles en émettant et signant des polices d’assurance de responsabilité contractuelle  à l'effet que l'assureur Travelers assurait les certificats de garantie de remplacement émis par ces concessionnaires automobiles auprès de leurs clients, alors que tel n'était pas le cas, le contrat le liant à Travelers étant expiré depuis le 1er novembre 2007, usant ainsi de procédés déloyaux, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 15, 27, 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

4.  Entre le 1er janvier 2009 et le mois de mai 2009, a agi à l'encontre de l'honneur et la dignité de la profession de courtier en assurance de dommages en permettant, en toute connaissance de cause, que des certificats de garantie de remplacement soient émis par plusieurs concessionnaires automobiles auprès de leurs clients, alors qu'ils n’étaient pas informés qu’aucun assureur était au risque, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 37, 37(5) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

L’intimé s’est ainsi rendu passible, pour les infractions ci-haut mentionnées, des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions;

 

 

 

 

 

[20]      Tel que déjà mentionné, l’intimé a choisi, en toute connaissance de cause, d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité à l’encontre de la plainte;

 

[21]      Il fut donc déclaré coupable, séance tenante, des quatre chefs d’accusation et les représentations sur sanction furent fixées au 26 novembre 2009;

 

III.        La demande de radiation provisoire

 

[22]      La plainte étant accompagnée d’une demande de radiation provisoire, l’intimé a également choisi d’y consentir librement vu son plaidoyer de culpabilité;

 

[23]      Les motifs à l’appui de la demande de radiation provisoire sont clairement exprimés dans l’affidavit déposé et signé par la syndic et, plus particulièrement, dans les paragraphes suivants :

 

 

3.    J’ai rencontré l’intimé qui m’a admis notamment :

 

a.            qu’à compter du 1er novembre 2007 ni lui ni personne d’autre de ses compagnies n’avait le pouvoir de lier l’assureur Travelers Guarantee Company of Canada;

 

b.            qu’il n’a informé ni les distributeurs ni les concessionnaires automobiles qui distribuaient les certificats de garantie de remplacement au nom de Travelers que cet assureur s’était retiré en novembre 2007 et qu’en conséquence des certificats de garantie de remplacement ont été émis par lesdits concessionnaires à leurs clients sans qu’ils ne sachent que l’assureur Travelers ne couvrait plus ladite garantie;

 

c.            qu’il n’a pas non plus informé les distributeurs et les concessionnaires du fait qu’entre le 1er novembre 2007 et le 31 décembre 2008, l’assureur Lombard n’avait accepté de couvrir les certificats de garantie que pour une période de 36 mois et qu’en conséquence les concessionnaires ont continué à émettre des certificats de garantie de remplacement pour des périodes excédant 36 mois;

 

d.            qu’après le 1er janvier 2009, des certificats de garantie de remplacement ont été émis alors même qu’aucun assureur n’était au contrat;

 

e.            qu’il y aurait environ 900 certificats de garantie de remplacement émis, pour lesquels il n’y a aucun assureur;

 

4.    J’ai des motifs de demander la radiation provisoire de l’intimé;

 

5.    Les comportements de l’intimé, tels que reprochés à la présente plainte, en plus d’être directement prohibés par la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, compromettent gravement la protection du public;

 

6.    Les infractions à la plainte, telles que reprochées, sont contraires aux règles élémentaires de l’exercice de la profession de courtier en assurance de dommages et démontrent un irrespect total du rôle de représentant en assurance de dommages;

 

7.    Les infractions telles que reprochées à la plainte mettent en péril la protection du public en ce qu’elles font état notamment que l’intimé a choisi clairement de privilégier ses intérêts économiques plutôt que les intérêts des assurés ou des clients;

 

8.    Les infractions telles que reprochées à la plainte démontrent que l’intimé a manqué de probité envers les distributeurs, les assurés et les clients en leur cachant délibérément des faits essentiels en lien avec la couverture dont ils croyaient bénéficier;

 

9.    Un tel comportement de la part d’un courtier d’assurance en plus d’être inquiétant dans la perspective de la protection du public, va à l’encontre de l’essence même de cette profession;

 

(Nos soulignements)

 

 

[24]      En conséquence, une ordonnance de radiation provisoire et immédiate sera émise :

 

-       vu le consentement de l’intimé;

 

-       vu l’affidavit non contredit de la syndic;

 

-       vu la gravité des infractions, lesquelles sont de nature telle que la protection du public risque d’être compromise si l’intimé continue à exercer sa profession.

 

IV.        Publication d’un avis

 

 

[25]      L’article 133 du Code des professions prévoit que le Comité de discipline doit, lors de la décision imposant une radiation provisoire, décider si le secrétaire du Comité fait publier ou non dans un journal local un avis de cette décision;

 

 

[26]      Il doit de plus décider du paiement des frais de cette publication, soit par le professionnel, soit par l’Ordre, ou ordonner que les frais soient partagés entre eux;

 

 

[27]      Dans les circonstances, le Comité est d’avis que le caractère public des auditions du Comité de discipline (article 142 C.P.) et la finalité du droit disciplinaire[5] justifient que le public soit informé des décisions rendues, pour sa protection;

 

 

[28]      En conséquence, le Comité ordonnera également la publication d’un avis en conformité avec le cinquième alinéa de l’article 133 C.P.;

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

 

DÉCLARE l’intimé coupable des quatre chefs d’accusation de la plainte no 2009-10-01(C);

 

PREND ACTE du consentement de l’intimé à l’émission d’une ordonnance de radiation provisoire;

ORDONNE la radiation provisoire et immédiate du certificat de l’intimé émis par l’Autorité des marchés financiers portant le no 112070 jusqu’à la décision finale du Comité de discipline imposant la sanction;

 

ORDONNE au secrétaire du Comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé avait son domicile professionnel et dans tout autre lieu où l’intimé pourrait exercer sa profession;

 

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction pour le 26 novembre 2009;

 

LE TOUT, frais à suivre, sauf les frais de publication de l’avis de radiation provisoire lesquels seront à la charge de l’intimé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

 

__________________________________

Mme Francine Normandin, C. d’A. Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Ian Cytrynbaum, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Nathalie Lelièvre

Procureure de la partie plaignante

 

 

 

 

 

Me Michel Beauregard

Procureur de la partie intimée

 

 

 

Date d’audience :

6 novembre 2009

 

 

 

 

 

 



[1] Voir les articles 3.00.01, 3.06.05 et 3.06.07 (2) du Code de déontologie des avocats (R.Q., c. B-1, r.1).

 

[2]           Articles 3.00.01, 3.05.17, 3.06.01, 3.06.02 et 3.06.07 du Code de déontologie des avocats (R.Q., c. B-1, r.1).

[3] Article 144 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

[4] Article 3.03.04 (e) et 3.06.05 du Code de déontologie des avocats (R.Q., c. B-1, r.1).

[5] Chauvin c. Beaucage [2008] QCCA 922.

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