Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2008-04-01 (E)

 

DATE :

  29 janvier 2009

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LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville

Président

Mme Élaine Savard, expert en sinistre

Membre

M. Michel Barcelo, expert en sinistre

Membre

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CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Plaignante-Requérante

c.

 

MICHEL GUERTIN, expert en sinistre

Intimé-Intimé

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DÉCISION INTERLOCUTOIRE

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[1]       Le 7 janvier 2009, le Comité de discipline s’est réuni pour entendre une «demande en rejet de deux documents» présentée par la syndic à l’encontre de deux rapports d’experts produits par l’intimé;

[2]       Ces documents  sont :

             (A)  une opinion rédigée par Mme Claudette Boivin, traductrice et conseillère   indépendante en communications datée du 10 novembre 2008 et ;

            (B)  une opinion de M. René Laberge, évaluateur, datée du 22 octobre 2008 ;

[3]       Essentiellement, la syndic plaide que ces deux documents ne sont pas admissibles à titre de rapports d’experts, aux motifs que :

          (A)  ils ne rencontrent pas le critère de la pertinence et ;

            (B)  ils n’aideront en rien le Comité de discipline dans sa prise de discision ;

[4]       Bref, selon la syndic, ces deux documents ne peuvent être acceptés, ni déposés comme rapports d’experts, puisqu’ils ne répondent pas aux critères établis par la jurisprudence;

[5]       De son côté, l’intimé plaide que ces deux documents sont essentiels pour assurer sa défense pleine et entière, et qu’ils sont pertinents aux deux chefs d’accusation;

 

I.             Argumentation

1.1   Par la syndic

[6]        Au soutien de ses prétentions, Me Leduc a produit une série de jurisprudence soit :

         R. c. Howard [1989] 1R.C.S 1337;

         R. c. Mohan  [1994] 2 R.C.S 9;

         Tremblay c. St-David-de Falardeau REJB. 2003-39603 (C.S);

         Côté c. Gagnon EYB 2005-82704 (C.S);

         Parizeau c. Sylvestre AZ-99021925 (C.S);

[7]       Brièvement résumé, la syndic plaide que :

         Les deux expertises sont trop générales et ne visent pas spécifiquement les deux chefs d’accusation;

         Leurs auteurs ne semblent pas avoir les qualifications nécessaires pour se prononcer sur les questions visées par la plainte;

 

           1.2   Par l’intimé

[8]         Me Legris, au nom de l’intimé, plaide:

(A)  Que le droit à une défense pleine et entière (article 144 du Code des professions) permet à l’intimé de déposer ces deux rapports, sous réserve de la valeur probante que voudra bien leur accorder le Comité ;

(B)    Que l’objet de ces expertises est directement relié aux deux chefs d’accusation;

 

II.            Analyse et décision

2.1       Le droit à une défense pleine et entière

[9]       La jurisprudence1 impose au Comité de discipline, l’obligation de protéger le droit à une défense pleine et entière tel que reconnu à l’intimé par l’article 144 du Code des professions (L.R.Q.c.C-26);

[10]    Toutefois, ce droit ne doit pas être interprété comme la reconnaissance du droit à une défense idéale2;

[11]    Enfin, l’intimé a le droit de recourir à tous les moyens légaux (article 143 du Code des professions) pour assurer sa défense (article 144 du Code des professions), et le Comité de discipline a l’obligation de juger avec équité3;

[12]    De plus, le Comité, étant un organisme quasi-judicaire, est tenu d’agir de façon impartiale, indépendante et de suivre les règles d’équité procédurale4 ;

[13]    Cela étant dit, la requête de la syndic sera examinée à la lumière des principes fondamentaux ci-haut décrits;

 

2.2       L’admissibilité en preuve des documents contestés

[14]    Quoique les documents proposés en preuve par l’intimé ne soient pas d’une évidente pertinence, à prime abord, ils peuvent toutefois apporter un éclairage différent que celui proposé par la syndic et, en ce sens, ils sont pertinents pour l’intimé et ils s’inscrivent dans le droit à une défense pleine et entière dont celui-ci doit bénéficier suivant l’article 144 du Code des professions.

[15]    De plus, tel que le rappelait la Cour Suprême dans l’affaire Baker5, les règles d’équité procédurale impose au décideur l’obligation d’accorder à la personne visée par sa décision, la possibilité de présenter son point de vue de façon complète ainsi que tous les éléments de preuve qu’elle estime devoir être considérés par le décideur;

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[1]    Brunet c.  Barreau du québec, REJB.2003-50679 (C.A) ;

    Choinière c. Avocats, [2003] QCTP 124 (T.P.);

3     Archambault c. Avocats [1996] D.D.O.P 157 (T.P);

4     Finney c.Barreau du Québec [2004] 2 R.C.S. 17;

5     Baker c. Canada (Ministre de la cityennté et de l’immigration) [1999] 2 R.C.S 817;

 

[16]    Enfin, il est bien établi que le Comité n’est pas autorisé à suppléer à l’absence de preuve par expert6;

[17]    L’expert demeurant la personne la plus apte à renseigner ou à éclairer le Comité sur un ou des points particuliers7;

[18]    Évidemment, le Comité n’est pas lié par la preuve par expert et il demeure maître de sa décision;

[19]    Comme tout autre témoin, le Comité peut accepter son témoignage en tout ou en partie ou le rejeter totalement8;

 

2.3       La recevabilité de la requête

[20]    Le Comité estime qu’il est prématuré de décider immédiatement de la pertinence et de la valeur probante de ces deux documents;

[21]    Le Comité est d’opinion que seul l’audition des témoins et le dépôt de toute la preuve documentaire permettront d’établir la véritable valeur probante de cette preuve et la façon dont ces deux rapports s’inscrivent dans la recherche de la vérité9;

[22]    En conséquence, ces documents pourront être déposés comme rapport d’expert, et Mme Boivin et M. Laberge pourront témoigner sous réserve, évidemment que leur qualité d’expert soit établi et reconnu par le Comité;

[23]    Il y a lieu de rappeler que le Comité n’est jamais lié par aucune expertise et que même en l’absence d’une contre-expertise, il peut choisir de ne pas retenir le rapport d’expertise, sujet à motiver sa décision;

[24]    Ce principe fut réaffirmé à plusieurs reprises par les tribunaux, mais s’il ne fallait en retenir qu’un seul exemple, alors le Comité privilégie l’exposé de M. le juge Gendreau de la Cour d’appel dans l’affaire Charpentier10 :

 

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6     Dupéré-Vanier c. Psychologues [2001] D.D.O.P. 397 (T.P);

7     Vincent c. Dentistes [2004] D.D.O.P. 301 (T.P);

8     Roberge c. Bolduc [1991] 1 R.C.S 374;

9     Voir par.11de l’affaire Tremblay c. St-David-de Falardeau REJB 2003-39603 (C.S);

10    Charpentier c. Compagnie d’assurance. Standard life [2001] CanLii 14578 (QCCA);

 

 

« [20] Cela dit, le témoignage du témoin ordinaire est une preuve au même titre que celui de l’expert. Le juge doit donc la recevoir comme telle, en évaluer la légalité, l’utilité et la force probante comme il le ferait pour toutes les autres. Il peut donc lui accorder un poids plus ou moins grand selon le contexte de son analyse. Cela découle du principe général que l’ai évoqué plus tôt suivant lequel le juge est le maître des faits. Dès lors, de la même manière qu’il peut rejeter une expertise, il peut donner à une preuve profane un rôle prédominant  ou négligeable.

 

   [21] Je conclus donc que le juge a le devoir d’examiner toute la preuve pour former son opinion et que, dans le cadre de son analyse, il peut retenir ou rejeter tout témoignage, qu’il soit scientifique ou ordinaire, et doit déterminer l’importance relative des preuves qu’il retient pour dégager sa conclusion. Il n’y a donc aucune preuve qui soit, par définition, prioritaire ou qui doit être privilégiée.»

 

[25]    De plus, le Comité estime qu’il risque de mettre en péril11 le bon déroulement de l’audition en rejetant une preuve, de façon préliminaire, sans avoir eu l’occasion de voir de quelle manière celle-ci s’inscrit dans l’ensemble du dossier, alors que cette même preuve pourrait se révéler pertinente à la fin de l’audition;

 

[26]    A cet égard, le Comité réserve à la partie plaignante, son droit de présenter une ou des contre-expertises, si elle estime que la valeur probante de ces documents et des témoignages de leurs auteurs justifient une telle contre-preuve, après l’audition des témoins de la défense;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

-       REJETTE la requête de la syndic;

-       RÉSERVE à la syndic tous ses droits mais plus particulièrement :

         Son droit de contester la qualification des experts;

         Son droit de contre-interroger lesdits experts;

         Son droit de produire une ou plusieurs contre-expertises;

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11        La violation de la règle "audi alteram partem" constitue un cas d’excès de compétence qui permet à la Cour supérieure d’annuler la décision ou les procédures ainsi entachés d’illégalité, surtout dans les cas où le tribunal inférieur a refusé de permettre la présentation d’une preuve essentielle pour la défense;

-       U.Q.T.R   c. Larocque [1993] l.R.C.S.47l;

-       Guimont c. Petit [1996] R.D.J 95 (C.A)

 

-       FIXE l’audition de la plainte aux 20 et 21 mai 2009;

-       LE TOUT, frais à suivre;

 

 

 

 

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Me Patrick de Niverville

Président du comité de discipline

 

 

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Mme Élaine Savard, expert en sinistre

Membre du comité de discipline

 

 

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M. Michel Barcelo, expert en sinistre

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la plaignante-requérante

 

Me Gaëtan  H. Legris

Procureur de l’intimé-intimé

 

Date d’audience :

7 janvier 2009

 

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