Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE QUÉBEC

 

N° :

2009-12-01(C)

 

DATE :

Le 15 avril 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Francine Tousignant, C.d’A.Ass.,

courtier en assurance de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,

courtier en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

 

c.

 

FRANK CIANCIULLI, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 18 mars 2010, le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte no 2009-12-01(C);

[2]           La syndic était représentée par Me Claude G. Leduc et l’intimé par Me Carolyne Mathieu;

[3]           D’entrée de jeu, Me Mathieu, au nom de son client, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des chefs d’accusation suivants :

 

1.               Le ou vers le 19 août 2004, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession de représentant en assurance de dommages en souscrivant d’une part à titre d’assuré, et d’autre part, via son cabinet Assurances Cianciulli & associés inc. à titre de preneur, une police d’assurance-vie universelle auprès de AXA Assurances inc. d’un capital assuré de 750 000 $ dans le but notamment de toucher une partie de la commission à laquelle aurait droit le représentant en assurance de personnes, Luc Deguire et/ou Les Assurances Luc Deguire inc., pour avoir agi à titre d’intermédiaire, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 9, 10(2), 14 et 37 dudit code;

2.               Aux mois de février et mars 2005, ainsi qu’aux mois de mai et octobre 2006, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession de représentant en assurance de dommages en encaissant quatre (4) chèques totalisant la somme de 11 000 $, tirés du compte du cabinet Les Assurances Luc Deguire inc., dans le but de recevoir un montant provenant d’un partage de commissions autrement que par son cabinet Assurances Cianciulli & associés inc., le tout en contravention avec les articles 16 et 24 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 9, 37 et 37(1) dudit code;

3.               Depuis le mois de mars 2007, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession de représentant en assurance de dommages en déclarant à AXA Assurances inc., le ou vers le 3 mars 2007 et en maintenant par la suite avoir des revenus insuffisants pour conserver la protection d’assurance à un capital assuré de 750 000$ tel que prévu à la police d’assurance portant le numéro V06,172,302 et demandant de la réduire à son minimum, alors qu’il souscrivait auprès d’un autre assureur, Financière Manuvie/La compagnie d’Assurance-vie Manufacturers, une nouvelle police pour un capital assuré de 1 000 000$, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 27, 37, 37(1), 37(7) et 37(9) dudit code;

4.               Le ou vers le 28 février 2007, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession de représentant en assurance de dommages en souscrivant d’une part à titre d’assuré et d’autre part, via son cabinet Assurances Cianciulli & associés inc. à titre de preneur, une police d’assurance-vie universelle auprès de Financière Manuvie / La compagnie d’Assurance-vie Manufacturers d’un capital assuré de 1 000 000 $ dans le but notamment de toucher une partie de la commission à laquelle aurait droit le représentant en assurance de personnes Luc Deguire et/ou Groupe Empresa inc. pour avoir agi à titre d’intermédiaire, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 9, 10(2), 14 et 37 dudit code;

 

 

5.               Le ou vers le 23 août 2007 et le ou vers le 6 mars 2008, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession de représentant en assurance de dommages en fabriquant des factures adressées à Groupe Empresa inc. mentionnant faussement des honoraires professionnels dus dans le but de recevoir un montant provenant d’un partage de commissions, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 9, 37, 37(1), 37(9) et 37(13) dudit code.

[4]           L’intimé fut donc déclaré coupable, séance tenante, des cinq (5) chefs d’accusation qui lui sont reprochés dans la plainte;

 

I.          Les faits

[5]           La preuve a démontré que l’intimé fut approché, en 2004, par M. Luc Deguire, représentant en assurance de personnes, lequel voulait accroître sa clientèle en s’associant avec l’intimé;

[6]           M. Deguire suggéra alors à l’intimé que cette entente d’entraide mutuelle pourrait consister en un échange de bons services entre les deux partenaires;

[7]           M. Deguire laissant miroiter à l’intimé que celui-ci pourrait servir sa clientèle en matière d’assurance de dommages et que d’autre part, l’intimé pourrait référer ses clients à M. Deguire pour leur assurance-vie;

[8]           Après quelques rencontres, M. Deguire propose à l’intimé de souscrire à une police d’assurance-vie (chef numéro 1) et lui suggère alors un stratagème pour réduire le coût des primes en lui mentionnant qu’ils pourront partager la commission (chef numéro 2);

[9]           Ce stratagème se répète une deuxième fois (chef numéro 4) en 2007, en souscrivant une nouvelle police d’assurance-vie auprès d’une autre compagnie d’assurance et un nouveau partage de commission (chef numéro 5) intervient entre les parties;

[10]        Préalablement à la souscription de la deuxième police d’assurance-vie, l’intimé a fait réduire sur la première police d’assurance-vie le "capital-décès au minimum afin de réduire la prime au minimum" (p.100 de P-5) en déclarant faussement ne pas avoir suffisamment de revenu pour conserver une protection d’assurance-vie aussi importante (p.113 de P-5);

[11]        Suivant l’intimé, M. Deguire le rassurait constamment sur la légalité de ce processus en alléguant leur qualité de courtiers en assurance et qu’ils pouvaient donc se partager la commission;

[12]        Dans les faits, le Comité estime plutôt que l’intimé a fait preuve d’une grande imprudence pour ne pas dire d’une forme d’aveuglement volontaire;

[13]        À la décharge de l’intimé, la preuve a démontré que ce dernier a toujours été très impliqué dans sa communauté en faisant du bénévolat auprès de divers organismes;

[14]        L’intimé a également exprimé son sincère repentir et sa volonté de s’amender;

 

II.         Recommandations communes

[15]        D’un commun accord, les deux procureurs ont suggéré d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

 

                Chef numéro 1 : une amende de trois mille (3 000 $) dollars;

                Chef numéro 2 : une réprimande;

                Chef numéro 3 : une amende de deux mille cinq cents (2 500 $) dollars;

                Chef numéro 4 : une amende de quatre mille (4 000 $) dollars;

                Chef numéro 5 : une amende de deux mille cinq cents (2 500 $) dollars;

 

[16]        Les parties considèrent que la protection du public ne sera pas mieux assurée par l’imposition d’une radiation;

[17]        De plus, la sanction suggérée tiendrait compte, de l’avis des parties, du fait quil s’agit d’un acte isolé commis à l’occasion de l’exercice de la profession et n’ayant pas de lien direct avec l’exercice de la profession;

 

 

III.        Analyse et décision

 

 

a)         Notes liminaires

 

[18]        Tel que le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Royer c. Rioux[1], l’objectif de la sanction disciplinaire n’est pas de punir le professionnel mais de corriger un comportement fautif[2];

[19]        De plus, la jurisprudence enseigne qu’à moins de circonstances exceptionnelles, la recommandation commune formulée par les parties suite à de sérieuses et intenses négociations, doit être respectée par le Comité[3];

[20]        Le Comité de discipline considère que les recommandations communes des parties sont à la limite de ce qui constitue, en l’espèce, une sanction juste et raisonnable;

[21]        Toutefois, pour les motifs ci-après exposés, les recommandations communes seront entérinées quant au montant global des amendes (12 000 $) mais ce montant sera réparti d’une façon différente en tenant compte :

 

                     D’une part, des infractions commises à l’occasion de l’exercice de la profession (chefs 1, 3 et 4);

                     Et d’autre part, des infractions ayant un lien direct avec l’exercice de la profession (chefs 2 et 5);

 

 

b)         À l’occasion de l’exercice de la profession (Chefs 1, 3 et 4)

 

[22]        Le Comité de discipline considère que les chefs numéros 1, 3 et 4 n’ont pas de lien direct avec l’exercice de la profession, ce qui ne veut pas dire toutefois que les agissements de l’intimé n’ont pas porté atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession;

[23]        Par ailleurs, tel que le soulignait le Tribunal des professions dans l’affaire Nowodworski[4], même si un geste ne fait pas partie des actes réservés à un professionnel, le Comité conserve compétence sur les gestes reprochés si la commission de ceux-ci affecte la crédibilité du professionnel;

[24]        À titre d’exemple, les chefs 1 et 4 reprochent à l’intimé, d’avoir d’une part, souscrit à une police d’assurance-vie à titre d’assuré et, d’autre part, à titre de preneur par le biais de son cabinet, le tout dans le but de toucher une commission;

[25]        Quant au chef numéro 3, celui-ci reproche à l’intimé d’avoir fait une fausse déclaration à une compagnie d’assurance-vie concernant ses capacités financières;

[26]        Dans les circonstances, il est difficile de conclure que ces gestes (chefs 1, 3 et 4) n’ont aucun lien avec l’exercice de la profession, le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ont été commis à l’occasion de celle-ci (chefs 1 et 4) et qu’ils portent gravement atteinte à la crédibilité de l’intimé (chef 3) en tant que professionnel du domaine de l’assurance;

[27]        Concernant ces questions, il sied de reprendre les enseignements du Tribunal des professions dans l’affaire Nowodworski[5];

[28]           Le Tribunal des professions, de même que d'autres tribunaux, ainsi que divers comités de discipline ont tiré des conclusions similaires et affirmé que la compétence du Comité de discipline d'un ordre professionnel n'est pas limitée à l'examen d'actes réservés.

[29]           Ainsi, dans l'affaire Jean Coutu c. Tribunal des professions, l'honorable Pierrette Rayle, J.C.S., déclare :

«Le requérant plaide de plus que la dualité de sa pratique – professionnelle et commerciale – est reconnue par les tribunaux et que ce fait l'autorise à continuer à vendre un produit non interdit.  Il cite les arrêts (…) et ajoute que, dans la mesure où les gestes reprochés se passent à l'extérieur de l'officine, l'ordre professionnel n'a aucune compétence pour dicter la conduite de ses membres. (…)

Il est exact que la dualité du rôle du pharmacien est reconnue par nos tribunaux.  Toutefois, aucun de ces jugements ne suggère que le pharmacien, dans ses activités commerciales, est autorisé à vendre des produits mettant en danger la santé du public que son ordre professionnel a mission de protéger.  (…)

Même lorsqu'il s'adonne à des activités commerciales, le pharmacien conserve son sarrau de professionnel de la santé.  Il n'est pas pharmacien ou commerçant.  Il est l'un et l'autre.  L'essence de la dualité.»[10]

[30]           Il est manifeste, en rapport avec le jugement Coutu précité, que la vente de produits du tabac, dans le cadre d'activités commerciales d'un pharmacien, ne fait pas partie des actes réservés.  Pourtant, les tribunaux ont tour à tour confirmé la compétence du comité de discipline.

[31]           Dans Notaires c. Laurier, l'on a reproché au professionnel son comportement dans le cadre d'une transaction impliquant la vente de valeurs mobilières; il a prétendu, devant le Comité de discipline, ne pas avoir agi à titre de notaire.  Le Comité est d'opinion contraire :

«Toutefois, nous ne croyons pas non plus le témoignage de l'intimé lorsqu'il soutient ne pas avoir agi comme notaire dans le cadre de cette transaction.  L'ensemble de la preuve, mis à part son témoignage, est à l'effet contraire : la transaction en question a eu lieu à son bureau, il a préparé la lettre de souscription, l'argent de M. Lacroix lui a été versé à son ordre en fiducie, il a préparé un reçu à cet effet pour Lacroix et l'argent de ce dernier fut déposé dans son compte In Trust.»[11]

[32]           Avec raison, le Comité de discipline conclut alors que le professionnel a agi comme notaire même s'il ne s'agissait pas d'un acte réservé.

[33]           Le lien entre l'exercice de la profession et les agissements d'un professionnel est parfois ténu, mais cela n'empêche pas qu'il s'agisse d'agissements sur lesquels le Comité de discipline a compétence.  Ainsi, le Tribunal des professions affirme ce qui suit en rapport avec une radiation imposée en vertu de l'article 55.1 du Code des professions qui exige un lien avec l'exercice de la profession :

«Il ne s'agit pas de savoir si les gestes fautifs ont été commis à l'occasion de l'exercice de la profession, mais de vérifier, entre autres, s'ils touchent à l'essence même de la profession, à la raison d'être de celle-ci.

Compte tenu du rôle de l'avocat, de sa fonction au sein de l'administration de la justice, être trouvée coupable de complot en vue de commettre un acte criminel et de fraude envers le gouvernement a certainement un lien avec l'exercice de la profession, si ténu soit-il.»[12]

[34]           La doctrine est également conforme à cette interprétation :

«En raison de la préservation de la confiance du public envers la profession, il n'est pas nécessaire de prouver qu'un acte fautif a été perpétré dans l'exercice de la profession, ou à l'occasion de l'exercice de la profession.»[13]

[35]           L'auteur est d'avis que la compétence du Comité de discipline est acquise si le simple statut de professionnel est en cause, en contribuant à la commission de l'infraction, ou si la «crédibilité en tant que professionnel est sérieusement entachée par la perpétration de l'acte fautif.»[14]

[36]           À cet égard, le Comité déclare, avec justesse :

«La déclaration produite par la défense démontre que l'intimé a rendu des services de consultation à titre d'ingénieur, qu'il a rendu ses services et qu'ils sont toujours impayés.

(…)

L'utilisation des termes «questions relatives» par l'autorité législative, permet de constater que la portée de cette disposition ne peut être limitée aux actes réservés.  Le sens usuel du mot relatif appelle une telle conclusion.

Or la question des honoraires professionnels d'un ingénieur présente manifestement un rapport avec les actes d'ingénierie posés par celui-ci.»[15]

[37]           Le Comité se réfère alors à la décision Tribunal – podiatre – I où il est écrit :

«L'exercice d'une profession ne consiste pas uniquement dans la dispensation des services professionnels au patient, mais il inclut également les actes accessoires et auxiliaires et ce, notamment ceux qui aux yeux du public en sont un corollaire, naturel et logique.»[16]

[38]           Le Comité ajoute également :

«Afin de mener à bien sa mission de protection du public, l'Ordre a sur l'exercice de la profession d'ingénieurs un large contrôle qui ne se limite pas aux actes réservés.»[17] (Nos soulignements)

[28]        En conséquence, le comité sanctionnera les chefs 1, 3 et 4 en tenant compte de leur nature particulière;

 

c)        Lien direct avec l’exercice de la profession

[29]        Quant aux chefs 2 et 5, de l’avis du Comité de discipline ceux-ci ont un lien direct avec l’exercice de la profession;

[30]        Le chef numéro 2, reproche à l’intimé d’avoir participé à un partage de commission en contravention de l’article 24 L.D.P.S.F. lequel prescrit :

24. Un représentant qui agit pour le compte d’un cabinet ou d’une société autonome ne peut recevoir un montant provenant d’un partage de commissions que par ce cabinet ou cette société.

1998, c. 37, a.24.

[31]        Pour sa part, le chef numéro 5 reproche à l’intimé d’avoir fabriqué une fausse facture d’honoraires professionnels contrevenant ainsi à l’article 37(13) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[32]        Dans les deux cas, il s’agit d’infractions qui touchent directement à la profession de courtier en assurance de dommages;

 

d)         Circonstances aggravantes et atténuantes

[33]        Le Comité considère que le montant global des amendes suggérées par les parties reflète l’ensemble des circonstances aggravantes et atténuantes qu’il est habituellement nécessaire d’examiner pour déterminer la sanction juste, raisonnable et appropriée au cas particulier de l’intimé[6];

[34]        Parmi les facteurs objectifs et particulièrement aggravants que l’on retrouve dans le présent dossier, le Comité retiendra les suivants :

         La gravité objective des infractions;

[35]        Parmi les circonstances atténuantes qui militent en faveur de l’intimé, soulignons les suivantes :

         L’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité, dès la première occasion;

         L’absence d’antécédent disciplinaire;

         Une volonté clairement exprimée de s’amender;

         Le repentir et la prise de conscience de l’intimé;

         Les excellentes chances de réhabilitation de l’intimé;

         L’âge de l’intimé, (59 ans);

         Le contexte dans lequel les infractions ont été commises;

[36]        L’ensemble de ces facteurs commande au Comité de respecter la volonté exprimée par les parties dans leurs recommandations communes, sujet à répartir le montant des amendes suivant la gravité intrinsèque des infractions;

 

e)        Le sérieux des recommandations

[37]        Mais il y a plus, même si le Comité de discipline considère que les amendes suggérées par les parties sont à la limite du raisonnable, il doit tout de même tenir compte du sérieux des recommandations communes, lesquelles résultent d’intenses négociations entre les parties;

[38]        C’est ainsi que le Tribunal des professions, dans l’affaire Roy[7], écrivait :

«Il demeure dans l’obligation du Comité de motiver sa décision de ne pas donner suite à l’entente. Une grande attention doit être accordée à des représentations communes. C’est en première ligne, le syndic qui a la mission d’assurer la protection du public. C’est lui qui a une connaissance approfondie du dossier et qui en connaît des éléments qui ne seront pas nécessairement présentés au Comité. Surtout si, comme en l’instance, le processus d’audition a été interrompu par un plaidoyer de culpabilité. Il faut également souligner que les parties ne se sont pas contentées d’exposer leur suggestion, mais qu’elles l’ont motivée en exposant que, selon elles, cette suggestion rencontrait les critères applicables, savoir ...» (p. 10)

[39]        Il y a lieu de souligner également certains autres passages pertinents de l’affaire Roy :

«Le syndic alors expose que précédemment à la dernière audition devant le Comité, les parties se sont rencontrées avant d’élaborer des recommandations communes. Ces recommandations lui apparaissent raisonnables en ce qu’elles rencontrent la finalité du droit disciplinaire, satisfont les critères de dissuasion et d’exemplarité et tiennent compte de la gravité objective des fautes.» (p. 6)

 

«Le syndic souligne sa connaissance approfondie du dossier et rappelle que le Comité n’a pas connaissance des faits visés par les infractions sur lesquels aucune audience n’a été tenue.» (p. 7)

 

«Le syndic se déclare satisfait de l’attitude actuelle du professionnel, son engagement à cesser ses procédés déviants, la longue période de radiation provisoire et le fait que les suggestions communes n’amènent pas une réintégration immédiate à la pratique.» (p. 7)

 

«Il cite la jurisprudence récente du Tribunal disant qu’il faut considérer l’individu devant le Comité, à l’époque où il s’y trouve. Les facteurs aggravants et atténuants sont rappelés.» (p. 7)

 

[40]        Voilà autant de motifs justifiant le présent Comité de discipline d’entériner les recommandations communes formulées par les parties, même si ces dernières peuvent paraître particulièrement clémentes, vu la gravité objective des infractions;

 

f)         L’exemplarité positive

[41]        Mais, il y a plus, suite au témoignage de l’intimé et au repentir exprimé par ce dernier, le Comité tiendra compte du principe de l’exemplarité positive telle que développé par le Tribunal des professions dans l’affaire Blanchette[8];

[42]        Reprenant ce principe de l’exemplarité positive, le Tribunal des professions écrivait, dans l’affaire Roy :

 

«Cette sanction a également l’avantage, dans les circonstances du cas, de ne pas sanctionner le professionnel autrement que pour l’assurance de la protection du public; elle reconnaît que les fautes de l’appelant, quoique leur gravité soit très sérieuse, ne constituent pas les fautes les plus odieuses qui soient, elle permet à un professionnel sur le chemin de la réhabilitation de redevenir utile à la société, …» (p. 13)

 

[43]        Dans le même ordre d’idée, le Tribunal des professions dans l’affaire Brochu[9],  déclarait:

 

«[70] En l’espèce, la sanction imposée n’est pas appropriée ni juste, eu égard aux faits prouvés et à la gravité des manquements déontologiques. Le Comité a mal effectué le dosage qui s’impose. Il a omis de tenir compte de l’évolution positive de l’appelant. Ce dernier s’est repris en mains tant au plan personnel que professionnel. Le Comité a davantage mis l’accent sur l’infraction que sur celui qui a perpétré l’infraction. Il a certes voulu donner à la sanction un caractère dissuasif auprès des autres professionnels, mais ce faisant, il a occulté les facteurs atténuants propres à l’appelant.»  

 

[44]        Pour les mêmes motifs, le Comité estime que la sanction n’a pas à être punitive dans le cas particulier de l’intimé et que celle-ci doit plutôt s’inscrire dans un processus visant sa réhabilitation professionnelle;

[45]        De plus, la preuve démontre que l’intimé est très impliqué dans sa communauté et cet élément positif doit être souligné par le Comité;

g)         La globalité des sanctions

[46]        Le Comité considère également que le principe de la globalité des sanctions milite en faveur de l’approbation des recommandations communes formulées par les parties;

[47]        À cet égard, le Tribunal des professions, dans l’affaire Kenny[10], mentionnait que l’addition des sanctions ne doit pas devenir accablante pour l’intimé :

«Quant à la globalité ou à la totalité des amendes imposées sur les neuf chefs d’accusation de la plainte, soit 18,500$, il doit être analysé par le Comité de discipline. Ce dernier doit regarder si cette globalité ou totalité ne constitue pas une sanction accablante, même si les sanctions imposées sur chacun des chefs peuvent par ailleurs apparaître justes, appropriées et proportionnées, dans les circonstances.» 

[48]        Ce principe fut également repris par le Tribunal des professions dans l’affaire Chénier c. Comptables agréés[11];

[49]        Ainsi, en considérant le total des amendes soit douze mille (12 000 $) dollars, le Comité conclut que les recommandations communes formulées par les parties peuvent être considérées comme étant justes, raisonnables et appropriées à l’ensemble des circonstances de la présente affaire;

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

            PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé.

 

 

            DÉCLARE l’intimé coupable :

 

Chef numéro 1 : D’avoir contrevenu à l’article 10(2) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

                              

                               Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutient du chef numéro 1;

 

Chef numéro 2 : D’avoir contrevenu à l’article 24 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers.

 

                               Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutient du chef numéro 2;

 

Chef numéro 3 : D’avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

                              

                               Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutient du chef numéro 3;

 

Chef numéro 4 : D’avoir contrevenu à l’article 10(2) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

                              

                               Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutient du chef numéro 4;

 

Chef numéro 5 : D’avoir contrevenu à l’article 37(13) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

                              

                               Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutient du chef numéro 5;

 

 

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

 

                     Chef numéro 1 : une amende de mille (1 000 $) dollars;

 

                     Chef numéro 2 : une amende de trois mille (3 000 $) dollars;

 

                     Chef numéro 3 : une amende de deux mille (3 000 $) dollars;

 

                     Chef numéro 4 : une amende de deux mille (2 000 $) dollars;

 

                     Chef numéro 5 : une amende de trois mille (3 000 $) dollars;

 

 

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés.

 

 

ACCORDE à l’intimé un délai de dix (10) mois pour acquitter le montant des  amendes et des déboursés calculé à compter de la signification de la présente décision.

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

 

__________________________________

Mme Francine Tousignant, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

Me Claude G. Leduc, avocat

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me Carolyne Mathieu

Procureure de la partie intimée

 

Date d’audience :

18 mars 2010

 



[1]     C.Q. no. 500-02-119213-036, 8 juin 2004;

[2]     Duplantie c. Notaires, [2003] QCTP 105;

[3]     Malouin c. Notaires, [2002] QCTP 015; voir aussi Matthieu c. Dentistes, [2004] QCTP 027 et Jovanovic c. Médecins, [2005] QCTP 020;

[4]     Nowodworski c. Ingénieurs, 2001 QCTP 5 (CanLII)

[5]     Ibid

[6]     Pigeon c. Daigneault, [2003] IIJCan 32934 (QCCQ); voir au même effet Schrier c. Tribunal des professions, [2004] IIJCan 22825 (QCCA);

[7]     Roy c. Médecins [1998] QCTP 1735

[8]     Blanchette c. Psychologues, [1996] D.D.O.P. 325 (T.P.);

[9]     Brochu c. Médecins, [2002] QCTP 002;

[10]    Kenny c. Corporation professionnelle des dentistes [1993] D.D.C.P. 214 (T.P.);

[11]    [1998] D.D.O.P. 238 (T.P.), p. 248;

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