Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Nos :

2009-04-02 (C)

2009-04-03 (C)

 

DATE :

7 juillet 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Marc-Henri Germain, C. d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Benoît Ménard, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Plaignante

c.

 

PIERRE TREMBLAY, courtier en assurance de dommages

 

ET

HUMBERTO JUAN RIVAROLA, C. d’ A.Ass., courtier en assurance de dommages

 

Intimés

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 22 juin 2009, le Comité de discipline se réunissait pour procéder à l’audition conjointe des plaintes nos 2009-04-02 (C) et 2009-04-03 (C);

[2]           La syndic était représentée par Me Jean-Pierre Morin et les intimés, ayant renoncé à leur droit à un avocat, se représentaient seuls;

[3]           Les faits reprochés aux intimés sont les suivants :

Pour Pierre Tremblay (2009-04-02 (C)) :

1-    Entre le 24 juillet 2006 et le 23 avril 2008, a exercé ses activités de courtier en assurance de dommages de façon négligente en faisant défaut de demander au courtier de première ligne, M. Humberto Juan Rivarola, de lui transmettre de nouveau la proposition concernant une police d’assurance requise par M. Renzo Pena, Mme Vanina Saez, Mme Ana Maria Franquera et Mme Raquel Pena pour assurer l’immeuble situé au 243, rue des Écores, à Laval, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

2-    Entre le 24 juillet 2006 et le 23 avril 2008 a exercé ses activités de courtier en assurance de dommages de façon négligente et incompétente et a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en laissant l’immeuble situé au 243, rue des Écores, à Laval, sans protection d’assurance pendant toute cette période, alors qu’il savait qu’une police était requise et devait savoir qu’il n’y en avait aucune en vigueur, le tout en contravention notamment aux dispositions de l’article 16, alinéa 2, de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, ainsi qu’aux articles 26, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

3-    Entre le 24 juillet 2006 et le 23 avril 2008, a fait défaut de rendre compte de l’exécution du mandat confié par M. Renzo Pena, Mme Vanina Saez, Mme Ana Maria Franquera et Mme Raquel Pena et a fait défaut d’agir avec transparence en ne les informant pas qu’aucune police n’avait été émise pendant cette période pour protéger leur propriété sise au 243, rue des Écores, à Laval, alors qu’il savait que la propriété était sans protection, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 25 et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

4-    Le ou vers le 15 novembre 2007, a de nouveau exercé ses activités de courtier en assurance de dommages de façon négligente et a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en remettant à M. Renzo Pena, Mme Vanina Saez, Mme Ana Maria Franquera et Mme Raquel Pena une lettre ainsi qu’une note de couverture confirmant que la compagnie d’assurance Aviva émettrait une police d’assurance devant couvrir la propriété sise au 243, rue des Écores, à Laval, alors qu’il n’a entrepris aucune démarche auprès d’Aviva pour ce faire, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 9, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

5-    Le ou vers le 23 avril 2008, a fait défaut de donner à la compagnie d’assurance Aviva les renseignements qu’il avait à son dossier à l’effet que l’immeuble situé au 243, rue des Écores, à Laval, était sans protection depuis le 30 mai 2006 et qu’un vol y était survenu le 20 juillet 2006, le tout en contravention notamment aux dispositions de l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

 

6-    Entre le 24 juillet 2006 et le 23 avril 2008, a, dans sa tenue de dossier, exercé ses activités de courtier en assurance de dommages de façon négligente en faisant défaut d’inscrire ses démarches et interventions, notamment la teneur des communications téléphoniques relatives au dossier M. Renzo Pena, Mme Vania Saez, Mme Ana Maria Franquera et Mme Raquel Pena, la nature précise et exacte des interventions effectuées et leur confirmation, ainsi que les suivis, le tout en contravention notamment avec les dispositions des articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (Règlement no 9) ainsi que les articles 2 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

 

 

7-    Entre le 25 avril 2008 et le 5 mars 2009, a fait défaut de remettre à M. Renzo Pena, Mme Vania Saez, Mme Ana Maria Franquera et Mme Raquel Pena copie de la quittance qu’ils ont signée, alors qu’il s’était engagé à le faire, le tout en contravention notamment aux dispositions de l’article 26.1 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

Pour Humberto Juan Rivarola (2009-04-03 (C)) :

 

     1-   Entre le 25 mai 2006 et le 23 avril 2008, a exercé ses activités de courtier en assurance de dommages de façon négligente et a fait défaut d’exécuter avec transparence le mandat confié par ses clients M. Renzo Pena, Mme Vanina Saez, Mme Ana Maria Franquera et Mme Raquel Pena, de voir à ce que l’immeuble situé au 243, rue des Écores, à Laval, nouvellement acquis par ses clients soit protégé en vertu d’un contrat d’assurance propriétaire-occupant, n’assurant aucun suivi de sa prétendue demande de protection, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 25, 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

     2-    Entre le 25 mai 2006 et le 23 avril 2008, a fait défaut de rendre compte de l’exécution du mandat confié par ses clients M. Renzo Pena, Mme Vanina Saez, Mme Ana Maria Franquera et Mme Raquel Pena, en ne les informant pas qu’aucune police n’avait été émise pendant cette période pour protéger leur propriété sise au 243, rue des Écores, à Laval, alors qu’il savait ou aurait dû savoir que les clients étaient sans protection, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 26 et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

      3-   Entre le 25 mai 2006 et le 23 avril 2008, a, dans sa tenue de dossier, exercé ses activités de courtier en assurance de dommages de façon négligente en faisant défaut d’inscrire ses démarches et interventions, notamment la teneur des communications téléphoniques relatives au dossier de ses clients M. Renzo Pena, Mme Vania Saez, Mme Ana Maria Franquera et Mme Raquel Pena, la nature précise et exacte des interventions effectuées et leur confirmation, ainsi que les suivis, le tout en contravention notamment avec les dispositions des articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (Règlement no 9) ainsi que les articles 2 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

[4]           L’intimé, Pierre Tremblay, enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des chefs 1, 2, 3, 4 et 6 et fut déclaré coupable, séance tenante.

[5]           D’autre part, la syndic demanda l’autorisation de retirer les chefs 5 et 7 vu l’impossibilité de présenter une preuve au soutien desdits chefs, laquelle demande fut accordée sur le champ;

[6]           Pour sa part, l’intimé Rivarola plaida coupable aux trois (3) chefs d’accusation qui lui étaient reprochés et le Comité prit acte de son plaidoyer;

[7]           Une courte preuve sur sanction fut administrée par les parties et des représentations communes furent alors présentées au Comité;

I.          PREUVE SUR SANCTION

            A)         Par la syndic

[8]           Me Morin déposa, de consentement, les pièces suivantes :

 

P-1 :           Attestation de certification et fiche signalétique de Pierre Tremblay ;

 

P-2 :           Attestation de certification et fiche signalétique de Humberto Juan Rivarola;

 

P-3 :           Lettre de plainte privée de l’Autorité des marchés financiers du 9 juin 2008 et échange de courriels du mois de mai 2008;

 

P-4 :           Résumés de conversations téléphoniques entre l’enquêteur de la Chambre, Mme Luce Raymond, Mme Carole Chauvin, syndic, et M. Renzo Pena en date des 2 et 30 juillet 2008;

 

P-5 :           Lettre réponse de Me Daniel Paré, notaire, à l’enquêteur de la Chambre, Mme Luce Raymond, en date du 20 mars 2009, accompagnée de ses réponses manuscrites en date du 20 mars 2009  et copie de la note de couverture du 25 mai 2006 transmise par télécopieur;

 

P-6 :           Lettre de Mme Luce Raymond, enquêteur, à Me Carole Perron d’Aviva en date du 7 novembre 2008;

 

P-7 :           Lettre réponse de Me Carole Perron d’Aviva en date du 5 décembre 2008 accompagnée en liasse des copies de police Aviva et notes informatiques au dossier;

 

P-8 :           Lettre de Mme Luce Raymond, enquêteur, à M. Jean Laroche, directeur général de Promutel Associés en date du 7 novembre 2008;

 

P-9 :           Lettre de M. Jean Laroche, directeur général de Promutuel Associés, en date du 1erdécembre 2008 en réponse à la demande de Mme Luce Raymond, enquêteur avec en liasse les documents suivants :

 

-            courriel du 22 septembre 2006 de Mme Ginette Dupuis à M. Pierre Tremblay;

-            Copie de 26 propositions d’assurance problématiques entre Promutuel et le cabinet Courtiers Multi Plus inc.;

 

-            Contrat d’agence entre Promutuel et Courtiers Multi Plus inc. du 13 décembre 2005;

 

P-10 :         Lettre de Mme Luce Raymond, enquêteur, à M. Jean-Jacques Després de Courtiers Multi Plus inc. en date du 15 août 2008;

 

P-11 :         Lettre réponse de M. Jean-Jacques Després à Mme Luce Raymond, enquêteur, en date du 3 septembre 2008;

 

P-12 :         Lettre réponse de M. Jean-Jacques Després à Mme Luce Raymond, enquêteur, en date du 19 novembre 2008 avec en liasse les documents suivants :



-            Réponses manuscrites de M. Jean-Jacques Després à la lettre de Mme Luce Raymond, enquêteur, en date du 7 novembre 2008;

 

-            Contrat de producteur entre le cabinet et M. Humberto Juan Rivarola du 22 mai 2002;

 

-            Guides de souscription 2002 auto et habitation;

 

-            Contrat d’agence entre Promutuel et Courtiers Multi Plus inc. du 13 décembre 2005;

 

P-13 :         Lettre réponse M. Humberto Juan Rivarola en date du 24 novembre 2008 accompagnée en liasse du dossier complet de M. Rivarola concernant l’immeuble situé au 243, rue des Écores, à Laval;

 

P-14 :         Lettre réponse de M. Pierre Tremblay à Mme Carole Chauvin, syndic, en date du 3 septembre 2008 avec en liasse, ses réponses manuscrites, copie complète du dossier du client M. Renzo Pena et ses explications complémentaires;

 

P-15 :         Lettre réponse de M. Pierre Tremblay, en date du 26 novembre 2008, avec copie d’un chèque personnel de M. Tremblay au montant de 3 087 $ à l’ordre de Mme Vanina Saez et M. Renzo Pena en date du 25 avril 2008;

 

P-16 :         Échange de courriels entre Mme Luce Raymond, enquêteur, et M. Pierre Tremblay en date du 20 mars 2009 et copie du formulaire d’ouverture de dossier du cabinet Courtiers Multi Plus inc.;

 

P-17 :         Résumé d’une rencontre tenue le 5 mars 2009 entre Messieurs Pierre Tremblay, Humberto Juan Rivarola et Jean-Jacques Després et Mesdames Luce Raymond, enquêteur et Mme Carole Chauvin, syndic;

 

 

 

 

[9]           Brièvement résumés, les faits à l’origine des dossiers sont les suivants :

         En mai 2006, les clients de l’intimé Rivarola achètent une nouvelle maison et confient le mandat à celui-ci de leur fournir une couverture d’assurance propriétaire-occupant;

         À la même époque, M. Rivarola transmet à la Promutuel, par courriel, la proposition d’assurance sans toutefois assurer un suivi de son dossier;

         Le 24 juillet 2006, les clients sont l’objet d’un vol par effraction et c’est alors que les parties constatent que la police d’assurance n’a jamais été émise;

         Dans les faits, les clients demeureront sans protection d’assurance durant presque deux (2) ans, soit de mai 2006 à avril 2008;

         La réclamation des clients fut payée par l’intimé Tremblay le 25 avril 2008, par un chèque personnel de 3 087 $ et une police d’assurance fut finalement émise en faveur des clients.

            B)         Par les intimés

[10]        L’intimé Tremblay invita les membres du Comité à prendre connaissance de sa déclaration assermentée transmise au syndic le 3 septembre 2008 (pages 9 et 10 de P-14);

[11]        À l’époque des faits reprochés, il semble que plusieurs propositions d’assurance transmises à la Promotuel ne lui sont jamais parvenues en raison d’un problème de gestion du courrier électronique;

[12]        Dès que la situation fut constatée, les parties, conjointement avec la Promotuel, ont mis en place une nouvelle procédure pour la transmission des propositions à l’assureur;

[13]        M. Tremblay exerce dans le domaine de l’assurance depuis trente (30) ans, il s’agit de sa première plainte disciplinaire et il regrette sincèrement les inconvénients causés aux clients de M. Rivarola;

[14]        M. Rivarola, pour sa part, a tenu à souligner au Comité que sa clientèle est composée majoritairement de personnes dont la langue première est l’espagnol ou le portugais et qu’il est le seul courtier de première ligne en mesure de leur assurer un service adéquat;

[15]        Il admet ne pas avoir réagi dans un délai normal en laissant ses clients sans couverture d’assurance durant une période de deux (2) ans;

[16]        Il souhaite éviter une radiation, car ses clients se retrouveront sans courtier puisqu’il est propriétaire unique et qu’il n’a pas encore trouvé un acheteur pour sa clientèle malgré le fait qu’il désire se retirer maintenant qu’il est âgé de soixante-cinq (65) ans;

[17]        Il suggère plutôt une supervision, mais la syndic et lui ne s’entendent pas sur l’étendue de cette supervision;

[18]        À cet égard, plusieurs documents sont déposés en preuve, soit :

I-1 :      Lettre de M. Després;

I-2 :      Déclaration de M. Rivarola;

I-3 :      Échange de courriels entre les parties;

I-4 :      Engagement de supervision (projet).

[19]        Il ressort de cette preuve documentaire :

         Que la syndic exige une supervision étroite de tous les actes professionnels posés par M. Rivarola;

         Que M. Després, président de Courtiers Multi Plus Inc., n’a pas le temps ni le personnel nécessaire pour assurer une supervision quotidienne de tous les actes posés par l’intimé Rivarola;

         Que M. Rivarola n’a pas de relève pour assurer un suivi adéquat de sa clientèle espagnole et portugaise;

 

II.         ARGUMENTATION

 

            A)         Dans le cas de l’intimé Tremblay :

[20]        Me Morin suggère, pour l’intimé Tremblay, les sanctions suivantes :

         Chef no 1: une amende de 600 $;

         Chefs nos 2, 3 et 4 : une suspension temporaire de trois (3) mois ;

         Chef no 6: une amende de 1 000 $.

[21]        La syndic suggère également que l’intimé Tremblay soit condamné aux frais de publication de l’avis de suspension en plus de tous les déboursés;

[22]        Il y a lieu de préciser qu’il s’agit d’une recommandation commune dans le cas de l’intimé Tremblay;

[23]        Au soutien de cette proposition, Me Morin dépose plusieurs précédents jurisprudentiels, soit :

         Chauvin c. Le Vaguerèze [2004] CanLii 66414 (QC C.D.C.H.A.D.);

         Chauvin c. Bernard [2007] CanLii 26743 (QC C.D.C.H.A.D.) confirmée par [2008] QC C.Q.) 9077 (CanLii);

[24]        Enfin, Me Morin souligne certains facteurs atténuants en faveur de l’intimé Tremblay :

      Dès le début de l’enquête, M. Tremblay a reconnu sa                              responsabilité;

      Il a plaidé coupable à la première occasion;

      Il a personnellement indemnisé les assurés;

      Il s’agit d’une première infraction en trente (30) ans de  pratique;

      Au moment des faits reprochés, l’épouse de M. Tremblay était gravement malade et il devait prendre soin d’elle.

[25]        M. Tremblay regrette profondément les inconvénients causés à ses clients et il a pris les moyens nécessaires pour éviter la répétition de tels gestes;

[26]        Pour M. Rivarola, la situation est un peu plus complexe et on ne peut qualifier celle-ci de recommandations communes;

[27]        La syndic suggère pour le dossier de M. Rivarola les sanctions suivantes :

Chef no 1 : une amende de 6 000 $;

Chef no 2 : une amende de 6 000 $;

Chef no 3 : une amende de 1 000 $.

[28]        En plus des amendes, la syndic insiste pour que M. Rivarola soit sujet à une limitation d’exercice;

[29]        Cette limitation d’exercice prendrait la forme d’une supervision quotidienne de tous et chacun des actes professionnels de l’intimé Rivarola par un courtier en assurance de dommages ayant au moins dix (10) ans d’expérience[1];

[30]        La durée de la limitation d’exercice serait d’une période minimale de 12 mois;

[31]        Me Morin souligne que l’intimé a déjà fait l’objet de deux (2) condamnations disciplinaires (voir P-2), soit :

         En 1994, pour négligence en s’appropriant notamment l’argent d’un client et pour avoir fait défaut d’agir en conseiller consciencieux, il fut alors condamné à verser des amendes totalisant 7 000 $;

         En 2000, pour avoir fait défaut de rendre compte de l’exécution de son mandat. Le Comité lui imposa alors une amende de 1 000 $ et recommanda l’imposition d’un cours de perfectionnement.

[32]        Me Morin précise que les fortes amendes et la période de limitation de douze (12) mois ont pour objet d’éviter une radiation à M. Rivarola afin de permettre à sa clientèle allophone de pouvoir continuer à obtenir ses services, à défaut de quoi, la syndic aurait plutôt suggéré une suspension de douze (12) mois;

[33]        Pour sa part, M. Rivarola souligne au Comité qu’il accepte la suggestion des amendes mais qu’il ne peut consentir à une limitation d’exercice aussi sévère que celle suggérée par la syndic;

[34]        À cet égard, il réfère le Comité à la lettre de M. Després (pièce I-1) et aux conditions et modalités suggérées par celui-ci;

[35]        En aucun cas lui sera-t-il possible de se soumettre à des conditions aussi astreignantes que celles proposées par la syndic puisqu’il n’est pas en mesure de trouver un superviseur apte à assurer cette lourde responsabilité;

[36]     En dernier lieu, M. Rivarola réitère son intention de vendre sa clientèle et de prendre sa retraite mais sujet à une supervision suivant les conditions exposées par M. Després dans sa lettre du 8 juin 2009 (pièce I-1) :

«  Nous avons pensé à ce qui suit : initialement, nous réitérons à M. Rivarola les diverses politiques de notre propre bureau. Il s’agit de procédures que nous imposons à nos propres employés. Nous pourrons revoir avec M. Rivarola les communiqués plus récents et pertinents adressés aux producteurs.

De plus, compte tenu du travail déjà accompli par des employés de M. Rivarola lesquels nous n’aurons pas à superviser comme tel si ce n’est l’étude des propositions présentées aux assureurs, nous analyserons aussi celles provenant de M. Rivarola pour qu’elles soient complètes et remises avec diligence de même que les demandes d’avenant. Nous ferons aussi en sorte que le travail de ses employés occupe une place plus grande dans le Cabinet de M. Rivarola. Nous pourrions auditer au hasard des dossiers pour nous assurer que les lettres de fin de mandat sont effectuées, que des lettres d’accompagnement, notamment pour confirmations de protections réduites, s’il y a lieu sont effectuées. Nous pourrons faire les mêmes vérifications que pour un employé. Nous pourrions aussi nous assurer que les couvertures disponibles et/ou pertinentes ont été offertes lors de nouvelles affaires ou lors de changements. Nous pourrions vérifier les états de compte pour déceler les erreurs s’il y a lieu, vérifier que les crédits sont remboursés aux assurés. En ce qui concerne l’une des fautes reprochées, nous insisterons sur le fait de prendre des notes à l’écran pour résumer des conversations ou entrevues. Nous mettrons aussi l’accent sur la bonne tenue du dossier physique. Vous comprendrez que l’utilisation du personnel de M. Rivarola et/ou la nôtre est implicite à notre démarche. »

[37]        Enfin, M. Rivarola s’engage à prendre tous les moyens nécessaires pour éviter la répétition d’une telle situation;

III.        ANALYSE ET DÉCISION

 

            3.1 Dans le cas de l’intimé Tremblay

[38]        Le Comité considère que les recommandations communes suggérées par les parties, dans le dossier de M. Tremblay, sont justes et raisonnables et qu’elles reflètent adéquatement les circonstances particulières du dossier;

[39]        En effet, celles-ci tiennent compte des circonstances atténuantes propres au cas de M. Tremblay, soit :

         Une pratique professionnelle sans tache durant trente (30) ans;

         L’indemnisation des clients;

         Un plaidoyer de culpabilité dès la première occasion;

         La mise en place de nouvelles procédures afin d’éviter la répétition de tels gestes.

[40]      D’autre part, la suspension de trois (3) mois suggérée pour les chefs nos 2, 3 et 4 reflète la gravité objective des infractions reprochées et assure adéquatement la protection du public;

[41]      Pour ces motifs, les recommandations communes des parties dans le dossier Tremblay seront acceptées par le Comité;

 

3.2 Dans le cas de l’intimé Rivarola

A)         La parité des sanctions

[42]      Suivant le principe de la parité des sanctions, le Comité doit imposer aux professionnels ayant été reconnus coupables d’une même faute une sanction semblable sauf si les conditions particulières d’un cas exigent une sanction différente[2];

[43]      Le Comité estime  que le cas de M. Rivarola exige une sanction plus forte compte tenu qu’il agissait à titre de courtier de première ligne et qu’il était de son devoir d’assurer un suivi adéquat de ses dossiers;

[44]      D’ailleurs, les représentations de la syndic de même que celles de M. Rivarola reflètent les conditions particulières du dossier de l’intimé;

[45]      Par contre, les parties divergent d’opinion quant à l’étendue de la limitation d’exercice;

 

            B)         Circonstances aggravantes et atténuantes

 

[46]      Parmi les facteurs objectifs et aggravants dont le Comité tiendra compte, soulignons les suivants :

         La gravité objective des infractions;

         La mise en péril de la protection du public;

         Les antécédents disciplinaires de l’intimé Rivarola;

         La durée des infractions;

         Le lien direct entre les infractions et l’exercice de la profession;

         Les conséquences des actes commis;

         L’exemplarité;

         La gradation des sanctions;

 

[47]      Parmi les facteurs atténuants, le Comité retiendra les suivants :

         Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé dès sa première comparution devant le Comité;

         Sa collaboration à l’enquête de la syndic;

         Son âge;

         Sa volonté de s’amender;

         Son repentir et ses regrets clairement exprimés lors de l’audition;

 

C)  Objectifs de la sanction

 

[48]      Il est bien établi que la sanction a comme premier objectif d’assurer la protection du public et qu’elle doit, d’autre part, satisfaire aux critères de dissuasion et d’exemplarité[3] sans punir, outre mesure, le professionnel concerné[4];

[49]      Devant les circonstances particulières du dossier de l’intimé Rivarola, le Comité estime que la supervision suggérée par M. Rivarola, telle que décrite dans la lettre de M. Després (pièce I-1), n’est pas suffisante pour assurer adéquatement la protection du public;

[50]      Il y a lieu de rappeler que la Chambre de l’assurance de dommages a pour principale fonction d’assurer la protection du public[5];

[51]      À cet égard, malgré toute la sympathie que le Comité peut éprouver pour le cas de l’intimé Rivarola, il se doit de faire primer les intérêts du public sur les intérêts économiques de l’intimé[6];

[52]      À cet égard, il est clair que devant l’impossibilité de trouver un superviseur apte à assurer une surveillance de tous les instants sur la pratique professionnelle de l’intimé, que seules une radiation ou une suspension pourront assurer, pour l’avenir, la protection du public;

[53]      Cependant, afin de permettre, d’une part, aux clients de l’intimé de se replacer auprès d’un autre courtier et, d’autre part, à l’intimé de se trouver une relève ou même un éventuel acheteur, le Comité, tel que lui permet l’article 158(4) du Code des professions, rendra sa décision exécutoire dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la signification de celle-ci;

 

            D)  Les sanctions pour l’intimé Rivarola

 

[54]      Rappelons que la syndic suggérait, qu’à défaut d’une limitation d’exercice de douze (12) mois, que l’intimé Rivarola devait se voir imposer une radiation d’une année;

[55]      Or, à moins de faire fi du principe de la parité des sanctions[7], le Comité n’est pas à l’aise avec l’idée d’imposer à M. Rivarola une suspension d’une durée quatre (4) fois plus longue que celle imposée à M. Tremblay pour les mêmes infractions;

[56]      Par contre, les antécédents disciplinaires de l’intimé Rivarola ainsi que sa position de courtier de première ligne pour ses clients justifient l’imposition d’une sanction plus sévère;

[57]      Cette sanction ne doit pas toutefois être accablante ni trop sévère au point de devenir déraisonnable et injuste;

[58]      Dans les circonstances, le Comité s’inspirera de la décision Bernard[8] laquelle fut confirmée en appel[9];

[59]      En l’espèce, l’intimée Bernard avait été radiée pour une période de six (6) mois pour des infractions semblables[10].

[60]      En conséquence, l’intimé Rivarola se verra imposer les sanctions suivantes :

            Chef no 1 : une suspension temporaire de six (6) mois;

            Chef no 2 : une suspension temporaire de six (6) mois;

            Chef no 3 : une amende de 1 000 $.

 [61]     Les périodes de suspension temporaire seront purgées de façon concurrente et entreront en vigueur dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivants la signification de la décision;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

         Dans le cas de l’intimé Tremblay :

 

[62]    AUTORISE le retrait des chefs nos 5 et 7 de la plainte no 2009-04-02 (C);

[63]    PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité sur les chefs nos 1, 2, 3, 4 et 6;

[64]    DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 1, 2, 3, 4 et 6;

[65]    IMPOSE à l’intimé Pierre Tremblay les sanctions suivantes :

          Chef no 1 : une amende de 600 $;

          Chef no 2 : une suspension temporaire de trois (3) mois;

          Chef no 3 : une suspension temporaire de trois (3) mois;

          Chef no 4 : une suspension temporaire de trois (3) mois;

          Chef no 6 : une amende de 1 000 $.

[66]    DÉCLARE que les périodes de suspension imposées sur les chefs nos 2, 3 et 4 seront purgées de façon concurrente;

[67]    ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel un avis de la présente décision;

[68]    CONDAMNE l’intimé au paiement de 50 % des déboursés mais à 100 % des frais de publication de son avis de suspension temporaire;

[69]    ACCORDE à l’intimé un délai de quatre-vingt-dix (90) jours pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculé à compter de la signification de la présente décision;

 

         Dans le cas de l’intimé Humberto Juan Rivarola :

 

[70]    PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

[71]    DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 1, 2, 3;

[72]    IMPOSE à l’intimé Humberto Juan Rivarola les sanctions suivantes :

Chef no 1 : une suspension temporaire de six (6) mois;

Chef no 2 : une suspension temporaire de six (6) mois;

Chef no 3 : une amende de 1 000 $.

[73]    DÉCLARE que les périodes de suspension imposées sur les chefs nos 1 et 2 seront purgées de façon concurrente;

[74]    ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel un avis de la présente décision;

[75]    CONDAMNE l’intimé au paiement de 50 % des déboursés mais à 100 % des frais de publication de son avis de suspension temporaire;

[76]    ACCORDE à l’intimé un délai de quatre-vingt-dix (90) jours pour acquitter le montant des amendes et déboursés calculés à compter de la signification de la présente décision;

[77]    DÉCLARE que la suspension temporaire de six (6) mois imposée à l’intimé Rivarola sera exécutoire le 90e jour suivant la signification de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C. d’A.A., A.V.A.,
courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Benoît Ménard, C. d’A.Ass.,

courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-Pierre Morin

Procureur de la plaignante

 

M. Pierre Tremblay

M. Humberto Juan Rivarola

(se représentant seuls)

Intimés

 

Date d’audience :

22 juin 2009

 



[1] Voir à titre d’exemple l’affaire Chauvin c. Desrochers [2008] CanLii 15293 (Qc C.D.C.H.A.D.)

[2] Saine c. Médecins [1998] D.D.O.P. 268 (T.P.)

   Ingénieurs c. Plante [1992] D.D.C.P. 254 (T.P.)

[3] Pigeon c. Daigneault [2003] R.J.Q. 1090 (C.A.)

[4] Royer c. Chambre de la Sécurité Financière REJB 2004-69042

[5] Chauvin c. Beaucage [2008] QCCA 922 (CanLii), par. 80 et ss.

[6] Ibid.

[7] Supra note 2.

[8] [2007] CanLii 26743 (QC C.D.C.H.A.D.).

[9] [2008] QC C.Q. 9077 (CanLii)

[10] Ibid., voir chefs nos. 1, 10 et 17.

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