Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DES DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2007-12-02 (C)

 

DATE :

28 mars 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville

Président

M. Benoît Ménard, C.d’A.Ass.

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

ISABELLE DESROCHERS, courtier en assurance de dommages

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 6 mars 2008, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition de la présente plainte disciplinaire déposée par la syndic contre l’intimée;

[2]           Les infractions reprochées à l’intimée se lisent comme suit :

 

Assuré M. Marc Di Martella

 

 

1.      Entre août 2006 et octobre 2006, a fait des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur M. Di Martella, lui laissant croire qu’elle payait la prime du renouvellement de sa police d’assurance automobile émise par AXA sous le numéro 8321069, pour la période du 24 avril 2006 au 24 avril 2007, alors que telle prime ne fut acquittée qu’en fin novembre 2006, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 15, 37 (5) et 37 (7) dudit code;


 

2.      Entre août 2006 et octobre 2006, a agi de façon malhonnête en demandant à Mme Annick Deslauriers, alors courtier responsable du dossier de M. Di Martella, de ne pas poster à celui-ci les états de compte concernant le paiement de la prime du renouvellement de sa police d’assurance automobile émise par AXA, sous le numéro 8321069, le laissant dans l’ignorance que la prime n’était pas acquittée et que des frais de retard s’accumulaient, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 19, 37 (1) et 37 (5) dudit code;

 

 

 

Assurés M. Veysel Kaylan et Pizza Maximum inc.

 

 

3.      Le ou vers le 13 juin 2006, s’est appropriée pour ses fins personnelles, la somme de 1 938,41 $ en encaissant un chèque de M. Veysel Kaylan pour le paiement d’une prime d’assurance et en omettant de remettre ladite somme au cabinet AssurExperts Forget inc., le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi, les articles 37 (5) et 37 (8) dudit code;

 

 

4.      Le ou vers le 15 août 2006, s’est appropriée pour ses fins personnelles, la somme de 2 000 $ en encaissant un chèque de M. Veysel Kaylan pour le paiement d’une prime d’assurance et en omettant de remettre ladite somme au cabinet AssurExperts Forget inc., le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 37 (5) et 37 (8) dudit code;

 

 

5.      Au cours du mois d’octobre 2006, a agi de façon malhonnête en faisant signer à M. Veysel Kaylan, propriétaire de Pizza Maximum inc., sous de faux prétextes, sans lui expliquer les conséquences de ces signatures des formulaires de résiliation pour les polices d’assurances suivantes :

      Assurance automobile émise par L’Union Canadienne sous le no 8931706

      Assurance habitation émise par L’Union Canadienne sous le no 8926358

      Assurance combinée commercial émise par Missisquoi sous le no 4942254

      Assurance combinée commercial émise par Missisquoi sous le no 4942281

 

le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 9, 37 (1), 37 (5) et 37 (6) dudit code;

 

 

6.      Entre les mois d’avril 2006 et octobre 2006, a été négligente dans sa tenue de dossier en faisant défaut d’inscrire ses démarches et interventions, notamment la teneur des communications et rencontres avec M. Veysel Kaylan, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers, le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages et le Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (Règlement no 9), notamment les articles 85 à 88 de la loi, les articles 2 et 37 (1) dudit code et les articles 12 et 21 dudit règlement;

 

 


Assurée Mme Isabelle Desrochers

 

 

7.      Au cours des mois d’octobre et novembre 2006, a agi de façon malhonnête envers Garanties Privilège inc., en lui laissant faussement croire qu’elle achetait, en date du 27 octobre 2006, un véhicule d’occasion de marque Honda Civic (2004), au prix de 12 000 $, transmettant un faux contrat d’achat à cet effet, afin de pouvoir bénéficier d’une garantie de remplacement émise par Garanties Privilège inc., sous le no AE‑102112, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 15, 37 (1), 37 (7) et 37 (9) dudit code;

 

 

8.      Depuis janvier 2007, a entravé directement, ou indirectement, le travail du syndic, notamment en tardant à répondre à ses demandes, en remettant, pour une raison ou une autre, une rencontre prévue avec le syndic et l’enquêteur, en le trompant, dans une lettre en date du 12 avril 2007, par de fausses déclarations à l’effet qu’elle avait acheté d’une amie de sa sœur, au début de décembre 2006, un véhicule de marque Honda (2004), au prix de 12 000 $, qu’elle avait ensuite remisé ce véhicule puis l’avait revendu en février 2007, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 34, 34.1 et 35 dudit code;

 

L’intimée s’est ainsi rendue passible, pour les infractions ci-haut mentionnées, des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions.

 

[3]           Lors de l’audition, la syndic était représentée par Me Nathalie Lelièvre et l’intimée se représentait seule;

[4]           D’entrée de jeu, l’intimée enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’encontre de tous les chefs d’accusation mentionnés à la plainte disciplinaire;

[5]           En conséquence, le Comité de discipline, après avoir pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée, déclara cette dernière coupable des infractions reprochées et les parties procédèrent alors à l’audition sur sanction;

 

I.          Preuve sur sanction

 

A.        Par la syndic

 

[6]           Me Lelièvre, pour et au nom de la partie plaignante, déposa de consentement les pièces documentaires suivantes, soit :

P-1       Attestation de qualité et fiche informatique de Isabelle Desrochers;

P-2       En liasse, plainte de Michel Forget à la Chambre de l’assurance de dommages en date du 23 octobre 2006 concernant Isabelle Desrochers et résumé d’une conversation téléphonique entre Me Karine Lizotte, enquêteur, et Michel Forget en date du 30 octobre 2006;

P-3       En liasse, correspondance et résumés de conversations téléphoniques entre Me Karine Lizotte, enquêteur, Mme Carole Chauvin, syndic, et M. Michel Forget à savoir : Lettre de Me  Karine Lizotte, enquêteur, à Michel Forget en date du 31 octobre 2006 et réponse de celui-ci le 7 novembre 2006 ainsi que les documents l’accompagnant, télécopies de Michel Forget à Me Karine Lizotte en date des 5, 8 décembre 2006 et 25 mai 2007, lettre de Michel Forget à Me Karine Lizotte en date du 8 février 2007 en réponse à la lettre de Me Lizotte du 19 janvier 2007 et les documents l’accompagnant, lettre réponse de Michel Forget à Me Karine Lizotte du 8 mai 2007 et les documents l’accompagnant,  résumés de conversation téléphonique en date des 28 novembre, 5 décembre 2006, 10 et 17 janvier , 22 et 25 mai 2007;

P-4       En liasse, lettre de Nicole Carrière de AXA Assurances à Me Karine Lizotte, enquêteur, en date du 31 janvier 2007 en réponse à la lettre de Me Lizotte du 19 janvier 2007 à Richard Lagacé et les documents l’accompagnant ainsi que le résumé d’une conversation téléphonique en date du 30 janvier 2007;

P-5       En liasse, lettres réponse de Alexandre Longpré à Me Karine Lizotte, enquêteur, en date des 26 janvier et 23 avril 2007, résumé d’une conversation téléphonique en date du 26 avril 2007 et transcription d’une conversation téléphonique entre Marc Di Martella et Alexandre Longpré en date du 17 octobre 2006;

P-6       En liasse, résumé d’une rencontre entre Carole Chauvin, syndic, Me Karine Lizotte, enquêteur, et Veysel Kaylan en date du 24 janvier 2007, copies des chèques numéros 0250, 0291 et 0327 de Pizza Maximum inc. et Veysel Kaylan, lettre de Me Karine Lizotte, enquêteur, à Veysel Kaylan, en date du 19 janvier 2007, signée par ce dernier le 24 janvier 2007, lettre de Me Karine Lizotte, enquêteur, à Veysel Kaylan, en date du 18 avril 2007, résumés de conversations téléphoniques entre Me Karine Lizotte, enquêteur, et Veysel Kaylan en date des 23 janvier et 15 juin 2007;

P-7       En liasse, lettre de Francine David de La Compagnie d’assurance Missisquoi à Me Karine Lizotte, enquêteur, en date du 26 janvier 2007 en réponse à la lettre de Me Lizotte du 19 janvier 2007 et les documents l’accompagnant;

P-8       En liasse, lettre de Lucie Devin de L’Union Canadienne compagnie d’assurances à Me Karine Lizotte, enquêteur, en date du 5 février 2007 et les documents l’accompagnant en réponse à la lettre de Me Lizotte à Martine Cloutier du 19 janvier 2007;

P-9       En liasse, lettre réponse de Kimberly Benoit de ING Assurance à Me Karine Lizotte, enquêteur, du 23 avril 2007 et les documents l’accompagnant;

P-10     Télécopie de Pierre Boisvert de AssurExperts inc. à Carole Chauvin, syndic, en date du 29 mai 2007;

P-11     En liasse, lettre de Réal Breton à Me Karine Lizotte, enquêteur, en date du 4 mai 2007 en réponse à la lettre de Me Lizotte du 18 avril 2007 et des documents tirés du site Internet de Garanties Privilège inc. en date du 9 mai 2007;

P-12     En liasse, lettre de Lisette Girard de ING Assurance à Me Karine Lizotte, enquêteur, en date du 4 mai 2007 en réponse à la lettre de Me Lizotte du 18 avril 2007 et les documents l’accompagnant;

P-13     En liasse, résumé d’une conversation téléphonique entre Me Karine Lizotte, enquêteur, et Nathalie Côté en date du 17 janvier 2007 et lettre réponse de Nathalie Côté, expert en sinistre au cabinet Morin, Bourget et Denys experts en sinistre inc. à Me Karine Lizotte, enquêteur, du 11 avril 2007 ainsi que les documents l’accompagnant;

P-14     En liasse, résumés de conversations et de messages téléphoniques en date des 24 janvier, 12 et 14 février, 2 et 5 mars, 17 avril, 27 avril, 8, 9, 25, 28 et 29 mai, 5, 6, 12, 14, 21 et 29 juin , 3 et 9 juillet  2007, lettres de Me Karine Lizotte, enquêteur, à Isabelle Desrochers en date des 14 et 23 février 2007, lettres réponses de Isabelle Desrochers à Me Karine Lizotte, enquêteur, en date des 7 mars et 1er mai 2007 et les documents les accompagnant;

P-15     En liasse, copie de la politique type intitulée « Les notes au dossier » de la Chambre de l’assurance de dommages  et copie de l’outil de travail offert aux membres de la Chambre de l’assurance de dommages sur le site Internet  intitulé « Relevé des conversations »;

P-16     En liasse, lettre de Me Karine Lizotte, enquêteur, à Lise Rioux en date du 18 avril 2007 et réponse de celle-ci à Me Lizotte le 4 mai 2007;

P-17     En liasse, lettre de Christine Lachance de la Société de l’assurance automobile du Québec à Me Karine Lizotte, enquêteur, en date du 26 novembre 2007 accompagnée de l’historique complet d’un véhicule pour la période du 1er janvier 1979 au 23 novembre 2007;

P-18     En liasse, lettre de Anne-Marie Beaudoin de l’Autorité des marchés financiers à Carole Chauvin, syndic, en date du 13 juin 2007 et les documents l’accompagnant;

 

[7]           Au cours de l’audition, d’autres pièces documentaires furent également produites de consentement, soit les pièces :

 

P-7(a)   Notes au contrat;

 

P-12(a)  En liasse, télécopie de ING Assurances et documents manquants pour le dossier 050-06041-001, perte du 01-10-06;

 

P-13(a)  Télécopie des experts en sinistre Morin, Bourget & Denys concernant la police AE-102112 émise par Garanties Privilège inc.

 

[8]           La procureure de la syndic a fait entendre divers témoins à l’appui des chefs d’accusation, cependant, il ne sera pas nécessaire de reprendre tous et chacun de ces témoignages puisque, tel que l’a rappelé à plusieurs reprises le Tribunal des professions, le dépôt d’un plaidoyer de culpabilité, en droit disciplinaire, constitue par le professionnel une reconnaissance de tous les faits qui lui sont reprochés et du fait qu’ils constituent une faute déontologique[1] ;

[9]           Brièvement résumée, cette preuve testimoniale a démontré que l’intimée a emprunté une somme d’argent à titre personnel à l’un de ses clients et qu’elle s’est engagée à lui rembourser ce montant en payant son renouvellement d’assurance-automobile (chef no. 1);

[10]        Par contre, ayant tardé à respecter ses engagements, elle a intercepté les états de compte adressés au client afin que celui-ci ne soit pas au courant que la prime n’avait pas été entièrement acquittée (chef no. 2);

[11]        Finalement, c’est le cabinet de l’intimée qui a dû payer la prime d’assurance-automobile laquelle fut par la suite remboursée par l’intimée en deux versements, soit les 30 novembre et 4 décembre 2006;

[12]        Quant aux chefs nos. 3 et 4, l’intimée avait demandé à son client de payer ses primes d’assurance en faisant des chèques à son nom personnel;

[13]        Cependant, elle n’a jamais remis ces chèques à son cabinet et les a encaissés personnellement et s’est ainsi approprié l’argent de son client;

[14]        D’ailleurs, son client a dû malheureusement payer une deuxième fois ses primes d’assurance vu l’appropriation de ces montants par l’intimée;

[15]        Mais il y a plus, l’intimée a fait signer au même client des demandes d’annulation de police d’assurance sans lui expliquer clairement les conséquences de tels actes (chef no. 5);

[16]        Enfin, toujours pour le même client, l’intimée aurait eu une tenue de dossier négligente en faisant défaut d’inscrire ses démarches et interventions auprès de ce dernier (chef no. 6);


[17]        La preuve a également démontré qu’en plus des deux cas d’appropriation mentionnés aux chefs nos. 3 et 4, l’intimée aurait agi de façon malhonnête envers «Garantie Privilège inc.» en lui faisant faussement croire qu’elle achetait un véhicule d’occasion de marque Honda Civic 2004 au prix de 12,000$ en transmettant un faux contrat d’achat à cet effet, afin de pouvoir bénéficier d’une garantie de remplacement (chef no. 7);

[18]        Finalement, l’intimée aurait entravé, directement et indirectement, le travail de la syndic par diverses fausses représentations (chef no. 8);

 

B.        Par l’intimée

 

[19]        Après avoir été dûment assermentée, l’intimée a témoigné pour sa défense;

[20]        D’entrée de jeu, elle a reconnu ses erreurs et, plus particulièrement, elle prétend avoir mêlé amitié et travail et s’en excuse profondément auprès de ses ex-clients;

[21]        Elle déclare également qu’elle comprend que la gravité des infractions entraînera une suspension de son permis et de fortes amendes pour lesquelles, d’ailleurs, elle demande un délai de paiement vu sa situation financière;

[22]        Elle indique au Comité qu’elle est séparée de son ex-conjoint avec lequel il y a eu un certain litige quant à la garde des enfants et, à cet égard, l’argent qu’elle s’est approprié aurait, suivant ses dires, servi à payer ses frais d’avocat pour ce litige matrimonial;

[23]        Suite à sa démission de chez son ancien employeur survenue à la fin d’octobre 2006, elle travaille maintenant chez INVESSA comme courtier en assurance de dommages depuis le 22 novembre 2006;

[24]        Elle prétend devant le Comité que son nouvel employeur est au courant des faits de la présente plainte tout en soulignant toutefois qu’elle n’a pas fait  mention de tous les détails;

[25]        En contre-interrogatoire, elle reconnaît que chez son nouvel employeur, elle a encore accès directement à ses clients et même qu’elle reçoit des chèques ou de l’argent comptant de ceux-ci pour le paiement de leurs primes d’assurance;

[26]        Enfin, elle reconnaît ne pas avoir remboursé M. Kaylan (chefs nos. 3 et 4) mais s’engage à le faire à compter de novembre 2008, date à laquelle elle considère que sa situation financière lui permettra d’effectuer ce remboursement;

II.         Représentations sur sanction

 

A.        Par la syndic

 

[27]        Me Lelièvre demande au Comité de tenir compte de la gravité objective des infractions et suggère, en conséquence, les sanctions suivantes, soit :

Chef no. 1 :                une amende de 1,000$

Chef no. 2 :                une amende de 1,000$

Chefs nos. 3 et 4 :     une radiation temporaire de six (6) mois, de même qu’une ordonnance de remboursement en faveur du client

Chef no. 5 :                 une radiation temporaire de six (6) mois et une amende de 2,000$

Chef no. 6 :                 une amende de 1,000$

Chef no. 7 :                 une radiation temporaire de six (6) mois

Chef no. 8 :                 une amende de 1,000$

 

[28]        À l’appui de ses prétentions, la syndic, en plus de déposer diverses jurisprudences, souligne pour chacun des chefs d’accusation plusieurs circonstances qu’elle estime plus aggravantes que d’autres;

[29]        Ainsi, pour les chefs d’appropriation, soit les chefs nos. 3 et 4, Me Lelièvre plaide qu’il ne s’agit pas d’un acte isolé, l’appropriation s’étant déroulée à deux occasions différentes, et les montants ont été obtenus sous de faux prétextes;

[30]        À cela, il y a lieu d’ajouter l’absence de remboursement au client, sans compter le préjudice causé à ce dernier, le client ayant dû payer à deux reprises ses primes d’assurance;

[31]        La procureure de la syndic insiste également sur le caractère prémédité des infractions mentionnées aux chefs nos. 3, 4 et 7 de la plainte;

[32]        À son avis, il y a lieu de souligner le fait que le chef no. 7 dénote un comportement foncièrement malhonnête, tant comme individu que comme courtier;

[33]        D’autre part, cette infraction intervient peu de temps après que son employeur ait découvert le pot aux roses démontrant ainsi que l’intimée n’a pas su saisir l’occasion de faire preuve de repentir. Au contraire, elle a répété le même type de comportement malhonnête;

[34]        En effet, la preuve (p. 22 de P-13) indique que l’intimée a reçu une indemnité de 5,872.61$ suite à ses fausses représentations pour un véhicule qui ne lui a jamais appartenu;

[35]        De l’avis de Me Lelièvre, il s’agit d’un facteur aggravant puisque l’intimée, au lieu de modifier son comportement après avoir été démasquée par son employeur, a choisi de continuer d’agir de la même façon;

[36]        Dans le même ordre d’idée, elle a tenté d’induire en erreur la syndic (chef no. 8) en inventant une histoire pour justifier son comportement;

[37]        Pour l’ensemble de ces motifs, la syndic réclame une sanction exemplaire afin d’éviter la répétition de tels gestes;

 

B.        Par l’intimée

 

[38]        L’intimée reconnaît que la gravité objective des infractions justifie une radiation de six (6) mois. Par contre, elle plaide que sa situation financière ne lui permet pas d’acquitter des amendes aussi importante et tout en reconnaissant qu’il y a lieu de rembourser son client, elle souligne qu’elle ne pourra le faire qu’à compter de novembre 2008;

[39]        Enfin, elle demande au Comité de lui accorder un délai de 12 mois pour acquitter le montant des amendes et des frais;

 

III.        Analyse et décision

 

A.        Le plaidoyer de culpabilité

 

[40]        Rappelons qu’en matière d’appropriation, l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité constitue une reconnaissance du caractère malhonnête des gestes posés et de l’intention coupable nécessaire à la commission d’une telle infraction[2];

[41]        Cependant, soulignons, à la décharge de l’intimée, que son plaidoyer de culpabilité fut enregistré dès la première date d’audition et, en conséquence, il s’agit d’un facteur atténuant;

 

B.        Les circonstances aggravantes et atténuantes

 

[42]        Parmi les circonstances aggravantes dont le Comité tiendra compte lors de l’imposition de la sanction, soulignons, pour les chefs nos. 3 et 4, le caractère répétitif de ces infractions;

[43]        Comme autre facteur aggravant, il y a lieu de noter le caractère particulièrement malhonnête du comportement reproché au chef no. 7 de la plainte puisque l’intimée, alors qu’elle venait d’être démasquée par son employeur, a choisi, au lieu de se ressaisir, de commettre une autre infraction du même type, lui permettant ainsi d’empocher illégalement une indemnité de 5,827.61$ (p. 22 de la pièce P-13);

[44]        Enfin, l’ensemble des chefs d’accusation, de même que la preuve administrée, démontre une insouciance totale de la part de l’intimée quant à ses obligations déontologiques;

[45]        À cet égard, le Comité tient à souligner le caractère impératif de l’article 16 de la Loi qui impose à tous les courtiers d’agir de façon honnête et professionnelle;

[46]        Parmi les circonstances atténuantes dont le Comité tiendra compte, soulignons les suivantes :

  Le dépôt d’un plaidoyer de culpabilité dès la première occasion;

  Le jeune âge de l’intimée;

  Ses difficultés matrimoniales;

  Sa situation financière précaire;

  Sa volonté de s’amender telle que clairement exprimée lors de son témoignage devant le Comité;

  L’absence d’antécédents disciplinaires;

  La gradation des sanctions;

  Le contexte des infractions;

  Le manque d’expérience de l’intimée;

 

[47]        En plus des circonstances atténuantes ci-haut énumérées, le Comité tiendra compte également de la globalité des sanctions[3] afin d’éviter d’imposer à l’intimée une sanction accablante;

 

C.        Ordonnance de remboursement

 

[48]        Suivant l’article 156 du Code des professions, le Comité peut ordonner le remboursement des sommes détournées;

[49]        Il y a lieu de préciser que la précarité de la situation financière de l’intimée ne constitue pas un empêchement à l’imposition d’une telle ordonnance, tel que le déterminait le Tribunal des professions dans l’affaire Notaires c. Garneau[4];

[50]        Par contre, vu le repentir exprimé par l’intimée et son engagement de rembourser son client lésé à compter du mois de novembre 2008, le Comité tiendra compte de ce délai puisque la présente décision entraînera de nombreuses répercussions financières pour l’intimée;

 

D.        Limitation d’exercice

 

[51]        Compte tenu des chefs nos. 3, 4, 5 et 7, le Comité considère que la protection du public ne peut être dûment assurée qu’en donnant un volet éducatif à la présente sanction;


[52]        En conséquence, conformément à l’article 156(g) du Code des professions, l’intimée sera soumise à une limitation d’exercice consistant en une supervision de tous et chacun de ses actes professionnels pour une période de six (6) mois par un courtier ayant au moins 10 ans d’expérience, ledit superviseur devant faire rapport à la syndic, tous les 45 jours, de l’évolution de la pratique de l’intimée;

[53]        Vu la période de radiation temporaire de six (6) mois imposée à l’intimée, cette limitation d’exercice ne sera exécutoire qu’à compter de la remise en vigueur de son certificat;

 

E.        Publication d’un avis

 

[54]        La principale fonction de la Chambre de l’assurance de dommages étant d’assurer la protection du public, notamment par le biais de la discipline et de la déontologie, l’absence de publication dans le présent dossier irait à l’encontre de cet objectif de protection du public;

[55]        En conséquence, il sera ordonné à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier un avis de radiation temporaire et de limitation d’exercice, conformément au Code des professions;

 

IV.       Conclusions

 

[56]        Le Comité tient à souligner que la gravité objective des infractions reprochées à l’intimée aurait dû normalement entraîner des sanctions beaucoup plus sévères que celles qui seront imposées à cette dernière, cependant, son jeune âge, de même que son repentir exprimé lors de son témoignage, militent en faveur de sa réhabilitation et, en conséquence, le Comité tiendra compte, d’une part, des impératifs de la protection du public et, d’autre part, accordera à l’intimée la possibilité de se réhabiliter en lui imposant l’obligation d’être supervisée par un courtier d’expérience;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

[57]        PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

[58]        DÉCLARE l’intimée coupable de tous les chefs d’accusation qui lui sont reprochés dans la présente plainte;

[59]        IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

 

Chef no. 1 :               une radiation temporaire d’un mois

Chef no. 2 :               une radiation temporaire d’un mois

Chef no. 3:                une amende de 1,000$ et une radiation temporaire de six (6) mois

Chef no. 4 :               une amende de 1,000$ et une radiation temporaire de six (6) mois

Chef no. 5 :               une amende de 2,000$ et une radiation temporaire de six (6) mois 

Chef no. 6 :               une réprimande

Chef no. 7 :               une radiation temporaire de six (6) mois

Chef no. 8 :               une radiation temporaire d’un mois

 

[60]        DÉCLARE que les périodes de radiation imposées sur les chefs nos. 1, 2, 3, 4, 5, 7 et 8 seront purgées de façon concurrente;

[61]        IMPOSE à l’intimée, sur les chefs nos. 3, 4, 5 et 7, une limitation d’exercice de six (6) mois consistant en une supervision de tous et chacun de ses actes professionnels par un courtier en assurance de dommages ayant au moins 10 ans d’expérience, ledit superviseur devant faire rapport à la syndic, à tous les 45 jours, de l’évolution de la pratique de l’intimée;

[62]        DÉCLARE que la limitation d’exercice imposée sur les chefs nos. 3, 4, 5 et 7 sera exécutoire à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée;

[63]        ORDONNE à l’intimée, conformément à l’article 156(d) du Code des professions de rembourser à M. Veysel Kaylan les sommes de 1,938.41$ et de 1,000$, pour un total de 2,938.41$ payable en 12 versements égaux et mensuels débutant le 1er novembre 2008;

[64]        ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier dans un journal circulant dans le lieu où l’intimée a son domicile professionnel un avis de la présente décision;

[65]        CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés, y compris les frais de publication de l’avis de radiation temporaire et de limitation d’exercice;

[66]        ACCORDE à l’intimée un délai de 12 mois pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculé à compter de la signification de la présente décision;

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville

Président du comité de discipline

 

__________________________________

M. Benoît Ménard, C.d’A.Ass.

Membre du comité de discipline

 

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M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Nathalie Lelièvre

Procureure de la partie plaignante

 

Mme Isabelle Desrochers,

Partie intimée se représentant seule

 

Date d’audience :

6 mars 2008

 



[1]     Pivin c. Inhalothérapeutes, [2002] QCTP 032;

      Psychologues c. Fortin, (2004) QCTP 051;

      Duquette c. Médecins, [2005] QCTP 059, confirmé par la Cour d’appel : voir Duquette c. Gauthier, [2007] QCCA 863;

[2]     Tribunal – Avocats – 5, [1987] D.D.C.P. 251;

[3]     Brochu c. Médecins, [2002] QCTP 2 (CanLII);

[4]     [2002] QCTP 068 (CanLII);

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