Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

N° :

2008-02-01(C)

2008-02-02(C)

 

DATE :

17 novembre 2008

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville

Président

Mme Francine Normandin, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

LORRAINE SHEEHAN, courtier en assurance de dommages des particuliers

et

FRANCINE SHEEHAN, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Parties intimées

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

ORDONNANCE DE NON PUBLICATION, DE NON DIFFUSION ET DE NON ACCESSIBILITÉ À TOUT RENSEIGNEMENT DE NATURE FINANCIÈRE CONCERNANT L’ASSURÉE SUIVANT L’ART. 142 DU CODE DES PROFESSIONS

______________________________________________________________________

[1]   Le 8 mai 2008, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition commune des plaintes nos. 2008-02-01(C) et 2008-02-02(C);

[2]   L’audition de ces plaintes s’est échelonnée sur plusieurs journées, soit les 8 mai 2008, 6 août 2008, 13 août 2008, et le 29 septembre 2008.

[3]   L’intimée Lorraine Sheehan fait l’objet d’une plainte (no. 2008-02-01(C)) comportant cinq (5) chefs d’accusation, lesquels se lisent comme suit :

 

 

1.         Le ou vers le 7 novembre 2006, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux et exercé ses activités de courtier en assurance de dommages des particuliers avec négligence en obtenant la signature de l’assurée, Mme J... L..., pour la résiliation de son contrat d’assurance habitation numéro [...] avec L’Unique Assurances générales inc., et en transmettant ou permettant que soit transmis, le jour même, à l’assureur, la demande de résiliation de ce contrat sans obtenir préalablement une confirmation d’assurance auprès d’un autre assureur, créant ainsi préjudice à Mme L... au sujet de l’incendie de sa résidence survenu le 14 novembre 2006, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 37(1) et 37(6) dudit code;

 

2.         Entre le ou vers le 7 novembre 2006 et le ou vers le 15 novembre 2006, a exercé ses activités de courtier en assurance de dommages des particuliers avec négligence en demandant à l’assureur Jevco d’émettre une police d’assurance habitation en faveur de la résidence de Mme J... L..., sise au [...] à ville A, sans tenir compte des conditions d’acceptation de cet assureur, n’effectuant aucun suivi auprès de l’assureur relativement à ce nouveau contrat, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et l’article 37(1) dudit code;

 

3.         Le ou vers le 7 novembre 2006, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en signant et en remettant ou permettant que soit remise à Mme J... L..., à titre de note de couverture auprès de Jevco, une proposition d’assurance différente de la soumission reçue de cet assureur, et ce, alors qu’elle n’avait pas l’autorisation de lier ce dernier, créant ainsi faussement chez Mme L... l’impression d’être dûment assurée auprès de Jevco tel que décrit à la proposition, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 15, 37(1), 37(6) et 37(7) dudit code;

 

4.         Le ou vers le 2 novembre 2006, a fait des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire en erreur l’assureur Jevco en n’indiquant pas à même la proposition transmise pour Mme J... L... :

 

-    la date réelle d’expiration du contrat L’Unique no [...],

-    une mention concernant le refus de L’Unique de demeurer au risque et sa volonté de résilier son contrat en cours de terme dans les jours à venir,

 

le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 9, 15, 27, 29 et 37(7) dudit code;

 

5.         Entre le ou vers le 17 décembre 2005 et le ou vers le 14 novembre 2006, a été négligente dans sa tenue de dossier en faisant défaut d’inscrire au dossier de l’assurée Mme J... L..., l’ensemble de ses démarches et interventions notamment la teneur des conversations téléphoniques relatives à ce dossier auprès de l’assurée et du Groupe Jetté, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, la Loi sur la distribution de produits et services financiers, le Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (Règlement no 9), notamment l’article 37(1) dudit code, les articles 85 à 88 de la loi et les articles 12 et 21 dudit règlement.

 

[4]   Quant à l’intimée Francine Sheehan, la plainte no. 2008-02-02(C) lui reproche deux chefs d’accusation, à savoir :

1.         Le ou vers le 7 novembre 2006, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux lors de la signature par Mme J... L... d’une proposition d’assurance dont copie a été  remise à celle-ci, à titre de note de couverture auprès de l’assureur Jevco, alors que ni elle ni madame Lorraine Sheehan n’avaient l’autorisation de lier cet assureur, créant ainsi faussement chez Mme L... l’impression d’être dûment assurée auprès de Jevco, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 15, 37(1), 37(6) et 37(7) dudit code;

2.         Entre le ou vers le 7 novembre 2006 et le ou vers le 6 mars 2007, a été négligente dans sa tenue de dossier en faisant défaut d’inscrire au dossier de l’assurée J... L..., ses démarches et interventions notamment la teneur des conversations téléphoniques relatives à ce dossier auprès de l’assureur Jevco, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, la Loi sur la distribution de produits et services financiers, le Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (Règlement no 9), notamment l’article 37(1) dudit code, les articles 85 à 88 de la loi et les articles 12 et 21 dudit règlement.

 

[5]   Au moment des auditions, la syndic était représentée par Me Nathalie Lelièvre et les intimées étaient représentées par Me Laurent Nahmiash;

[6]   D’entrée de jeu, les parties ont indiqué au Comité que l’audition des deux plaintes serait commune;

[7]   De plus, les pièces de la partie plaignante ont été déposées de consentement, soit les pièces P-1 à P-12 :

 

P-1 A :     Attestation de qualité et fiche informatique de Lorraine Sheehan;

 

 

P-1 B :     Attestation de qualité et fiche informatique de Francine Sheehan;

 

 

P-2 A :     Lettre de M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, à Mme J... L... en date du 21 décembre 2006;

 

 

P-2 B :     En liasse, lettre de Mme J... L... en date du 4 janvier 2006 reçue au bureau du syndic le 9 janvier 2007 accompagnée des documents suivants :

 

i)       feuillet relevé des opérations,

ii)      proposition d’assurance habitation Jevco en date du 7 novembre 2006 portant les signatures de Mme J... L... et Lorraine Sheehan,

iii)   reçus au nom de Mme L... en date des 7 et 15 novembre 2006,

iv)   calendrier de versements de Primaco au nom de Mme J... L...,

v)    lettre à Citi Financière de L’Unique Assurances Générales inc. en date du
8 novembre 2006,

vi)   calendrier de versements de Primaco au nom de Mme J... L...,

vii)  relevé de L’Unique concernant un chèque à l’ordre de Mme J... L...,

viii) lettre de Mme Hélène Rufiange à Mme J... L... en date du 29 novembre 2006 et les documents l’accompagnant,

ix)   notes manuscrites de Mme J... L... en date du 20 novembre 2006,

x)    document intitulé Assurance habitation, Conditions particulières, police d’assurance habitation no [...] auprès de L’Unique en date du 8 novembre 2006,

xi)   rapport de remise de propriété du Service d’incendie de Repentigny,

xii)  correspondance relative à une mise en demeure de Mme J... L... à Jevco et Jetté Picard et Associés;

 

 

P-2 C :     Lettre réponse de Mme L... reçue au bureau du syndic le 4 juin 2007 accompagnée des documents suivants :

 

i)     document intitulé Assurance habitation, Conditions particulières, police d’assurance habitation no [...] auprès de L’Unique en date du 8 novembre 2006 (1 page),

ii)    proposition d’assurance habitation Jevco en date du 7 novembre 2006 portant les signatures de Mme J... L... et Lorraine Sheehan,

iii)   relevé annuel de compte de prêt hypothécaire de Mme J... L... auprès de Xceed en date du 2 janvier 2007,

iv)   relevés de compte de Mme J... L... auprès de la Caisse populaire Desjardins de Repentigny (4 pages),

v)    calendrier de versements de Primaco au nom de Mme J... L...;

 

 

P-2 D :     En liasse, télécopies de Mme J... L... à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date des :

 

i)     5 février 2007,

ii)    22 février 2007,

iii)   11 mars 2007,

iv)   1er avril 2007,

v)    16 avril 2007,

vi)   16 mai 2007,

vii)  11 juillet 2007,

viii) 30 juillet 2007;

 

P-2 E :     En liasse, résumés ou notes de conversations téléphoniques entre M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, ou Mme Carole Chauvin, syndic, et Mme J... L..., en date des 20 décembre 2006, 5, 19, 22 et 23 février, 12 mars, 2 avril, 19 avril, 10 mai, 28 mai, 20 juin, 3 juillet, 1er août, 31 octobre 2007, 8 janvier et 7 février 2008;

 

 

P- 3 A :    En liasse, lettres de M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, à Mme Lorraine Sheehan et Mme Francine Sheehan, en date des

 

i)     18 mai 2007,

ii)    11 juin 2007;

 

 

P-3 B :     Lettre de Mme Francine Sheehan à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 20 juin 2007 reçue au bureau du syndic le 21 juin 2007 accompagnée des documents suivants :

 

i)     lettre réponse de Mme Lorraine Sheehan à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint,

ii)    lettre réponse de Mme Francine Sheehan à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint,

iii)   copie du dossier d’assurance habitation de Jetté Picard et Associés inc. pour l’assurée, Mme J... L..., à compter du 17 décembre 2005 jusqu’au 18 mai 2007;

 

 

P-3 C :     En liasse, télécopies de M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, à Mmes Francine et Lorraine Sheehan, en date des :

 

i)     9 novembre 2007,

ii)    16 novembre 2007;

 

 

P-3 D :     Télécopie de Mme Francine Sheehan à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 19 novembre 2007 accompagnée des documents suivants :

 

i)     lettre réponse de Mme Lorraine Sheehan à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 19 novembre 2007,

ii)    autorisation portant la signature de Mme J... L... en date du 7 novembre 2006;

iii)   lettre réponse de Mme Francine Sheehan à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 19 novembre 2007,

 

 

P-3 E :     Lettre de Mme Francine Sheehan à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 19 novembre 2007 accompagnée d’une autorisation portant la signature de Mme J... L... en date du 7 novembre 2006;

 

 

P-3 F :     Télécopie de Mme Lorraine Sheehan à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 20 novembre 2007 accompagnée d’une note de conversation téléphonique en date du 2 novembre 2006;

 

 

P-3 G :     Télécopie de M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, à Mme Francine Sheehan, en date 19 novembre 2007;

 

 

P-3 H :     Télécopie de Me Mélanie Jacques à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 21 novembre 2007;

 

 

P-3 I :      Lettre de Mme Carole Chauvin, syndic, à Mmes Francine et Lorraine Sheehan, en date du 11 janvier 2008;

 

 

P-3 J :     En liasse, résumés de conversation téléphonique entre M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, et Mme Lorraine Sheehan en date des 15 juin, 8 et 20 novembre 2007;

 

 

P-3 K :     En liasse, résumés de conversation téléphonique entre M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, et Mme Francine Sheehan en date des 6 juin, 8, 12 ,16 et 19 novembre 2007;

 

 

P-4 A :    En liasse, lettre de M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, à Mme Diane Asselin, Directrice Jevco, en date du 18 mai 2007, lettre de celle-ci en date du 24 mai 2007, lettre de Me Marie-Claude Cantin à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 13 juin 2007 accompagnée des documents suivants :

 

i)     lettre réponse de Mme Diane Asselin, directrice Jevco, à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint,

ii)    dossier d’assurance de Jevco concernant Mme J... L...;

 

 

P-4 B :    Lettre de Me Marie-Claude Cantin à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 18 juin 2007 accompagnée du document suivant :

 

i)     télécopie de Mme Lorraine Sheehan à Jevco en date du 7 novembre 2006;

 

 

P-4 C :    Lettre de Mme Diane Asselin, directrice Jevco, à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 29 novembre 2007;

 

 

P-4 D :    En liasse, résumés de conversations téléphoniques entre M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, et Mme Diane Asselin en date des 4, 5 octobre, 20, 27 et 30 novembre 2007;

 

 

P-5 A :    En liasse, lettre de Mme Danielle Létourneau, conseillère technique, L’Unique Assurances Générales inc., à M. Jean-Sébastien Houle, en date du 28 juin 2007 accompagnée des documents suivants :

 

i)     réponses de Mme Danielle Létourneau, conseillère technique, L’Unique Assurances Générales inc., à la lettre de  M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint,

ii)    lettre M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, à Mme Lynne Pouliot, L’Unique Assurances Générales inc. en date du 18 mai 2007,

iii)   copie du dossier de souscription de L’Unique Assurances Générales inc. pour l’assurée, Mme J... L..., pour la période du 8 février 2005 au 28 juin 2007;

 

 

P-5 B :    En liasse, résumés de conversations téléphoniques entre M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, et Mme Danielle Létourneau, conseillère technique, L’Unique Assurances Générales inc., en date du 8 janvier 2008;

 

 

P-6 A :    En liasse, lettre de M. Marc Tremblay, expert en sinistre, à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 20 juin 2007 accompagnée des documents suivants :

 

i)     lettre réponse à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint,

ii)    dossier de réclamation pour Mme J... L...;

 

 

P-6 B :    Résumé d’une conversation téléphonique entre M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, M. Marc Tremblay en date du 6 juin 2007;

 

 

P-7 A :    En liasse, lettre réponse de M. Jean-Pierre Lasalle reçue au bureau du syndic le 26 juin 2007 accompagnée des documents suivants :

 

i)     déclaration solennelle de M. Luc Beaulieu,

ii)    copie d’un chèque à l’ordre de Mme J... L... en date du 14 février 2007,

iii)   extrait des normes de souscription de L’Unique Assurances Générales inc.,

iv)   dossier d’assurance de Groupe Jetté Assurances inc. concernant l’assurée, Mme J... L...;

 

 

P-7 B :    Résumés de conversations téléphoniques entre M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, et Mme Louise Naud, directeur Assurances, Groupe Jetté Assurances inc. en date des 28 mai et 5 juin 2007;

 

 

P-8 A :     Lettre réponse de Mme Lisianne Couture, Dave Rochon assurances à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, reçu au bureau du syndic le 6 décembre 2007 accompagnée du document suivant :

 

i)     déclaration solennelle de Mme Céline Perron en date du 30 novembre 2007;

 

 

P-8 B :    Résumé de conversations téléphoniques entre M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, et Mme Lisianne Couture, Dave Rochon assurances, en date du 29 novembre 2007;

 

 

P-9 A :    En liasse, télécopies de lettres réponses de Mme Claude Paré, Pafco, à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date des 28 novembre et 3 décembre 2007;

 

 

P-9 B :    Résumé de conversation téléphonique entre M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, et Mme Claude Paré, Pafco, en date du 28 novembre 2007;

 

 

P-10 :      Télécopie de M. Benoît Barbeau, vice-président Primaco, à M. Jean-Sébastien Houle, enquêteur adjoint, en date du 30 mai 2007;

 

 

P-11 :      En liasse, lettre et télécopie de Mme Hélène Rufiange, analyste, Autorité des marchés financiers, à Mme Carole Chauvin, syndic, en date des 29 novembre et 4 décembre 2006 et les documents les accompagnant;

 

P-12 :      En liasse, copie de la politique type intitulée « Les notes au dossier » de la Chambre de l’assurance de dommages et copie de l’outil de travail offert aux membres de la Chambre de l’assurance de dommages sur le site Internet  intitulé « Relevé des conversations »;

 

[8]   Les pièces fournies par la partie intimée, soit les pièces I-1 à I-11, ont également été déposées de consentement, soit :

 

I-1 :         Index des immeubles pour la propriété de J... L...;

 

I-2 :         Acte de garantie hypothécaire immobilière du 10 novembre 2003 de la Caisse populaire d’économie Desjardins;

 

I-3 :         Acte de garantie hypothécaire immobilière du 20 juin 2005 de Simon Théorêt;

 

I-4 :         Acte de garantie hypothécaire immobilière du 27 janvier 2005 de Citifinancière Canada inc.;

 

I-5 :         Acte d’hypothèque immobilière du 1er août 2006 de XCEED Mortgage Corporation;

 

I-6 :         Acte de garantie hypothécaire immobilière du 25 octobre 2006 de Citifinancière Canada inc.;

 

I-7 :         Copie d’un compte de taxes daté du 1er juillet 2005;

 

I-8 :         Relevé annuel de compte de prêt hypothécaire XCEED;

 

I-9 :         Reçus du paiement de Citifinancière et document intitulé «Renseignements importants de Citifinancière»;

I-10 :       Dossier de René White et de Lucie Beaucage chez Jetté Picard;

 

I-11 :       Document annoté par les représentants de JEVCO entre le 6 novembre 2006 et le 11 novembre 2006;

 

 

 

1.            Preuve de la syndic

[9]   La partie plaignante débuta sa preuve en faisant entendre l’assurée, Mme J... L...;

[10]        Mme L... précise que Mme Lorraine Sheehan était son courtier en assurance de dommages depuis 1998;

[11]        Quant à Mme  Francine Sheehan, celle-ci est intervenue pour sa police JEVCO (chef no. 1 de la plainte no. 2008-02-02(C)), tandis que Mme Lorraine Sheehan s’occupait de l’assurance habitation pour sa résidence sur la rue A;

[12]        Depuis 1998, elle était assurée avec la compagnie d’assurance L’Unique et sa dernière police d’assurance, d’une durée d’une année, se terminait en février 2007 pour une prime de 401 $ par année;

[13]        Brièvement résumée, la situation vécue par Mme L... est la suivante;

[14]        Le 6 novembre 2006, Mme Lorraine Sheehan lui téléphone pour lui mentionner que L’Unique Assurances générales inc. a  l’intention de procéder, dans les jours qui suivent, à l’annulation de sa police d’assurance habitation vu la présence de créanciers hypothécaires «non standards»;

[15]        Le 7 novembre 2006, elle rencontre Mme Lorraine Sheehan, laquelle lui demande de signer une demande de résiliation afin d’éviter de subir une annulation de la part de la compagnie L’Unique puisqu’alors elle deviendra, suivant Mme Lorraine Sheehan, non assurable;

[16]        À la même date, elle signe une proposition adressée à l’assureur JEVCO (p. 53 de P-3b) et les intimées lui expliquent alors que cette nouvelle police sera identique à celle qu’elle détenait auparavant avec L’Unique;

[17]        Lors de la même rencontre, Mme L... fait un premier versement de 60 $  (p. 17 de P-2b) et un autre de 270 $ pour le 15 novembre 2006 (p. 7 de P-2b) et, finalement, le reste de la prime sera payé par des versements mensuels de 113,73 $   (p. 10 de P-2b);

[18]        Elle quitte alors le bureau des intimées avec en main sa proposition d’assurance et son reçu (p. 17 de P-2b);

[19]        Le 14 novembre 2006, sa résidence est entièrement détruite par un incendie et le feu s’est même propagé à la résidence de l’un de ses voisins qui lui réclame aujourd’hui un montant de 81 098,88 $ (p. 2 de P-2d);

[20]        Dès le lendemain de l’incendie, soit le 15 novembre 2006, elle communique avec les intimées et elle parle alors à Mme Francine Sheehan qui lui aurait dit : «Inquiète-toi pas, tu es assurée.»;

[21]        Il y a lieu de souligner que Mme L... avait également tenté, de son propre chef, de se trouver une assurance habitation en faisant affaires avec son courtier en assurance de dommages pour son automobile.

[22]        Ce courtier n’a pas été en mesure de trouver une assurance habitation à Mme L... en raison de la présence de deux créanciers hypothécaires non standards, soit XCEED (pièce I-5) et la Citifinancière (pièce I-6);

[23]        Le contre-interrogatoire du témoin a permis d’établir que :

           Une première hypothèque de 75 000  $ fut consentie par la Caisse populaire à Mme L... lors de l’achat de sa maison (pièce I-1);

           Le 27 janvier 2005, un deuxième prêt hypothécaire d’un certain «Simon Théorêt» (pièce I-3) fut enregistré sur l’immeuble, et ce, avec un taux de 16%;

           Mme L... n’avait pas dévoilé personnellement, ni à son assureur, ni à son courtier, cette deuxième hypothèque car, dans son esprit, il appartenait au notaire instrumentant d’aviser ceux-ci;

           Le 20 juin 2005, une nouvelle hypothèque visant à consolider ses dettes (pièce I-4) lui fut consentie par la Citifinancière pour un montant de 32 542,14$. Cette nouvelle hypothèque visait à rembourser la deuxième hypothèque et à couvrir les frais d’enterrement de sa mère;

           Le 1er août 2006, elle prenait une nouvelle hypothèque, cette fois-ci avec XCEED (pièce I-5) pour un montant de 133 800 $ afin d’acquitter sa première hypothèque qui était due à la Caisse populaire, de même que la deuxième hypothèque due à Citifinancière;

           Encore une fois, selon ses dires, il appartenait à son notaire de notifier la compagnie d’assurance L’Unique de cette nouvelle hypothèque;

           Le 25 octobre 2006, la Citifinancière lui octroyait un autre prêt de 11 000 $ garanti par hypothèque (pièce I-6);

           À la même époque, en octobre 2006, l’intimée Lorraine Sheehan lui aurait dit que la compagnie L’Unique ne voulait plus l’assurer car elle considérait qu’elle était devenue un risque en raison de la présence de ses hypothèques non standards;

[24]        Le contre-interrogatoire a également démontré que l’intimée Lorraine Sheehan aurait dit à Mme L... que si sa police d’assurance avec la compagnie L’Unique était annulée, elle ne serait plus assurable;

[25]        Finalement, l’intimée Lorraine Sheehan aurait dit, le 6 novembre 2006, à Mme L... que la compagnie JEVCO acceptait de la couvrir mais pour une prime de 1 300 $;

[26]        Par la même occasion, Mme  Lorraine Sheehan lui aurait fait part de ses nombreuses démarches pour lui trouver une nouvelle compagnie d’assurance tout en lui mentionnant que celles-ci avaient été particulièrement difficiles et finalement qu’il n’y avait que la compagnie JEVCO qui était prête à l’assurer;

[27]        Il fut également mis en preuve que le 25 octobre 2006, Mme L... prenait une nouvelle hypothèque de 11 755 $ (pièce I-6) afin de procéder à des rénovations sur sa maison. Cette nouvelle hypothèque comportait un taux d’intérêt annuel de 19%;

[28]        Elle mentionne avoir informé Mme Lafortune du courtier Vézina de cette nouvelle hypothèque;

[29]        À un certain moment  du contre-interrogatoire, le procureur des intimées a tenté de contre-interroger Mme L... en se fondant sur des interrogatoires avant défense provenant du dossier civil opposant les parties;

[30]        Un tel procédé ne fut pas autorisé par le Comité vu la confidentialité des interrogatoires hors cour, tel que déterminé par la  Cour suprême du Canada dans l’affaire Lac d’Amiante[1];

[31]        En effet, les intimées, pour pouvoir utiliser des interrogatoires tenus hors cour, se devaient d’obtenir de la Cour supérieure une autorisation visant à être levés de leur obligation de confidentialité, tel que le déterminait l’honorable Kevin Downs dans l’affaire Girard c. CBC[2];

[32]        Ne l’ayant pas fait, le Comité ne pouvait permettre leur utilisation en contre-interrogatoire;

[33]        Enfin, le contre-interrogatoire a démontré que la proposition (p. 17 de P-2c) signée par Mme L... et acheminée à la compagnie d’assurance JEVCO n’indiquait qu’un seul créancier hypothécaire, soit XCEED. Mme L... explique qu’il s’agit d’une erreur et réitère qu’elle avait fourni cette information aux intimées;

[34]        Comme deuxième témoin, M. Luc Beaulieu fut entendu par le Comité;

[35]        M. Beaulieu est le courtier souscripteur pour le Groupe Jetté et il représente l’assureur L’Unique;

[36]        M. Beaulieu indique que le Groupe Jetté est une compagnie de gestion qui représente divers assureurs et qu’il a le pouvoir de lier les assureurs sous certaines conditions;

[37]        Il confirme que le cabinet Jetté Picard dont font partie les intimées peut placer des risques avec L’Unique mais qu’il doit passer par le Groupe Jetté;

[38]        Le 12 octobre 2006, il reçoit une demande de supprimer deux créanciers hypothécaires pour remplacer ceux-ci par le créancier hypothécaire XCEED (p. 18 de P-7a);

[39]        Vu les normes de souscription (p. 11 de P-7a) auxquelles il est tenu, voyant qu’il y a plus de deux créanciers hypothécaires et qu’il s’agit de créanciers non standards, il demande alors aux intimées de faire signer à l’assurée une autorisation pour une enquête de crédit (p. 29 de P-7a);

[40]        Le 27 octobre 2006, il fait parvenir par télécopie à la compagnie L’Unique le formulaire de consentement dûment signé (p. 20 de P-7a);

[41]        Le 30 octobre 2006, Mme Brochu, de la compagnie L’Unique, lui mentionne alors que l’assureur a l’obligation de sortir du risque vu le rapport de crédit;

[42]        C’est alors qu’il appelle l’intimée Lorraine Sheehan pour lui dire que l’assureur L’Unique désire se retirer du dossier et que, par conséquent, la cliente devra signer une demande d’annulation d’ici une semaine à défaut de quoi la compagnie d’assurance L’Unique enclenchera le processus d’annulation;

[43]        Le 7 novembre 2006, il reçoit la demande d’annulation dûment signée par Mme L... et le 8 novembre 2006, il inscrit au dossier cette annulation effective le 7 novembre 2006;

[44]        En contre-interrogatoire, le témoin précise que le problème provenait principalement de la présence d’un créancier non standard, soit XCEED, tout en mentionnant qu’il n’était pas au courant du créancier hypothécaire «Simon Théorêt»;

[45]        Comme troisième témoin, le Comité a entendu Mme Nancy Brochu, souscripteur à l’emploi de la compagnie L’Unique;

[46]        Essentiellement, Mme Brochu a confirmé le témoignage de M. Beaulieu, à savoir que la présence d’un créancier non standard et d’un rapport de crédit comprenant une mauvaise cote de crédit ont amené la compagnie L’Unique à se retirer du dossier;

[47]        En conséquence, Mme L... ne répondait plus au seuil minimal d’assurabilité;

[48]        Le témoin précise par ailleurs qu’elle n’était pas au courant de l’hypothèque consentie par la Citifinancière (pièce I-6) le 25 octobre 2006 au montant de 11 500 $;

[49]        Dans tous les cas, la présence d’un deuxième créancier non standard ne faisait qu’aggraver la situation;

[50]        Comme quatrième témoin, le Comité a entendu Mme Diane Asselin, directrice adjointe au contrôle de la qualité chez JEVCO;

[51]        Ce témoignage démontre que les intimées n’avaient pas fait parvenir à JEVCO un dossier complet (voir P-4). De plus, le témoin a confirmé avoir reçu de l’autre courtier de Mme L..., soit du Groupe Vézina, une demande de soumission le 7 novembre 2006;

[52]        Enfin, le témoin insiste sur le fait que l’émission du contrat d’assurance est toujours sujette à l’approbation de crédit;

[53]        Ainsi, dans le présent cas, elle n’a pas reçu l’autorisation dûment signée et c’est pour cela que le contrat d’assurance n’avait pas été émis (p. 17 de P-4a);

[54]        Finalement, ce n’est que le 15 novembre 2006, soit après l’incendie, que l’intimée Francine Sheehan lui fait parvenir le document (voir pp. 23 et ss. de P-4a et p. 31);

[55]        Quoiqu’il en soit, le témoin précise que si elle avait été dûment informée que la compagnie d’assurance L’Unique avait demandé de se retirer du risque au moment de la réception de la proposition, il est clair que JEVCO aurait refusé d’assurer;

[56]        D’ailleurs, c’est le 15 novembre 2006 que JEVCO apprend ces deux éléments et refuse alors d’assurer;

[57]        Le 20 novembre 2006, l’assureur JEVCO confirme qu’il maintient son refus d’assurer (voir p. 35 de P-4a);

[58]        Selon son témoignage, elle était confrontée à de fausses déclarations, soit l’omission de déclarer que l’assureur L’Unique désirait se retirer du dossier, en plus de faire face à des réticences puisqu’elle avait de la difficulté à obtenir l’autorisation dûment signée par la cliente;

[59]        À cet égard, elle réfère le Comité aux normes de souscriptions de JEVCO (pp. 18 et 19 de P-4a);

[60]        En contre-interrogatoire, il fut démontré que, dès le 2 novembre 2006, l’intimée Lorraine Sheehan informait JEVCO de la présence d’un créancier non standard et d’une hypothèque au montant de 133 800 $ au taux de 8,40% (p. 9 de P-4a) et que le 7 novembre 2006, la soumission du Groupe Vézina indiquait aussi la présence de deux créanciers et que l’assureur L’Unique désirait se retirer du dossier;

[61]        Le témoin précise que même si le Groupe Vézina l’avait indiqué, elle constate toutefois que le cabinet Jetté Picard n’avait pas fait cette mention dans sa soumission;

[62]        Par contre, elle reconnaît que même si deux employés différents ont pu travailler sur les deux soumissions, il est clair que ses employés ont travaillé avec les mêmes documents et ils avaient donc tous deux les mêmes renseignements (P-4a);

[63]        Comme cinquième témoin, le Comité a entendu, le 6 août 2008, Mme Sabrina Hadjloum, souscripteur chez JEVCO;

[64]        Elle confirme avoir reçu, le 2 novembre 2006, une demande de cotation par télécopieur (pièce P-4a, pp. 9, 16 et 17), elle comprenait que c’était une matière urgente puisque la police expirait le lendemain (pièce P-4a, p. 9);

[65]        Par contre, le tout était sujet à la vérification du crédit de l’assurée et à la réception d’une copie du RCT;

[66]        Elle confirme que l’autorisation d’enquête de crédit (pièce P-4a, p. 31) était une condition essentielle et en contre-interrogatoire elle reconnaît finalement avoir discuté avec les courtiers (pièce P-4a, pp. 9 et 10) et déclare que les notes manuscrites apparaissant à cette pièce documentaire résulte de diverses conversations téléphoniques;

[67]        En résumé, elle se souvient que la situation était urgente mais ne peut se souvenir si Mme Lorraine Sheehan lui avait parlé de l’assureur L’Unique ou de la situation financière particulière de Mme L...;

[68]        Enfin, elle explique le délai  entre la réception de la soumission et le traitement du dossier, vers le 7 novembre 2006, par le fait qu’il s’agissait d’un créancier non standard et qu’elle devait recevoir des instructions de son supérieur, M. Martin Lloyat;

[69]        En contre-interrogatoire, elle précise également que la vérification de crédit n’est pas nécessairement essentielle mais, en présence d’un créancier non standard, c’est habituellement une condition requise par JEVCO;

[70]        Ainsi, suite à la réception du rapport de crédit, soit que le montant de la prime d’assurance sera augmenté ou que le montant assurable sera diminué;

[71]        Elle reconnaît, par ailleurs, que les personnes qui sont dans l’obligation de recourir à des créanciers non standards constituent habituellement des risques de crédit non standards;

[72]        Elle précise également qu’à son avis, la cotation n’était pas acceptable parce qu’il manquait le RCT mais se voit dans l’obligation de reconnaître qu’on aurait informé Mme Sheehan de cette condition que le 15 novembre 2006, soit après l’incendie;

[73]        Finalement, comme septième témoin, le Comité a entendu la syndic, Mme Carole Chauvin;

[74]        Son témoignage a servi essentiellement à démontrer que les notes au dossier étaient incomplètes. Même si on voyait certaines interventions, il n’y a pas de résumé des conversations ni de détails concernant les interventions;

[75]        Elle insiste sur les normes de la tenue de dossiers que l’on retrouve à la pièce P‑ 12, lesquelles étaient disponibles au moment des infractions reprochées aux intimées;

[76]        La preuve est alors close pour la partie plaignante;

2.            Preuve en défense

[77]        En défense, les intimées ont fait entendre comme premier témoin M. Martin Lloyat, directeur adjoint à la souscription pour JEVCO;

[78]        Ce témoin reconnaît qu’il y avait, à l’époque, un certain délai de traitement dans les demandes de soumission même si en pratique les souscripteurs tentaient de respecter un délai de 24 heures;

[79]        Pour les nouvelles affaires, le délai pouvait même s’étendre de deux à trois semaines;

[80]        Il précise qu’en novembre 2006, il n’y avait rien d’inusité, cependant, plusieurs de ses souscripteurs étaient en formation;

[81]        Il réitère la déclaration qu’il a produite à la syndic (pièce P-4a, p. 5);

[82]        Enfin, il mentionne que la présence d’un créancier non standard n’entraîne pas nécessairement une enquête de crédit et une approbation par un superviseur notamment, lorsque l’assuré bénéficie d’un emploi stable;

[83]        Toutefois, dans le présent dossier, la présence d’un créancier non standard jointe à un emploi non stable pour l’assurée nécessitait, à son avis, une enquête de crédit;

[84]        Par contre, il confirme que ce n’est que le 15 novembre 2006 qu’il a reçu l’autorisation de procéder à une enquête de crédit;

[85]        Enfin, il est important de noter que le témoin affirme que les clients avec des créanciers non standards ne présentent pas nécessairement de mauvais rapports de crédit et, surtout, qu’il n’y a aucune norme écrite pour juger d’un crédit acceptable ou non, à cet égard, il se fie uniquement aux barèmes que l’on peut retrouver au rapport de crédit;

[86]        Il est également important de noter que la soumission du Groupe Vézina du 7 novembre 2006 (p. 14 de P-4a) ne lui a pas été soumise pour approbation;

[87]        D’ailleurs, entre le 7 et le 14 novembre 2006, personne ne lui a parlé de la soumission Vézina et il n’y a aucune note ou analyse à cet égard;

[88]        Quant à la réclamation de Mme L... et plus particulièrement de son refus, il reconnaît que la lettre de refus (p. 173 de P-3b) ne fait pas référence à l’enquête de crédit;

[89]        Comme autre témoin en défense, le Comité a entendu Mme Linda Léonard, souscripteur chez JEVCO;

[90]        Elle confirme qu’il n’y a aucun délai particulier pour répondre à une soumission mais qu’habituellement il s’agit d’un délai entre 24 et 48 heures et que, par ailleurs, un délai de cinq jours n’est pas hors du commun;

[91]        Enfin, elle reconnaît avoir reçu la soumission Vézina (p. 14 de P-4a) le 7 novembre 2006 et que celle-ci n’indiquait aucun motif d’urgence;

[92]        D’ailleurs, le 9 novembre 2006, elle a traité cette soumission et c’est alors qu’elle a réalisé qu’il y avait déjà une autre soumission en provenance de l’intimée Sheehan;

[93]        Elle explique au Comité les différences entre les deux soumissions;

[94]        Ainsi, dans la soumission Vézina (p. 14 de P-4a), on déclare deux créanciers non standards pour un total de 144 800 $ et surtout on déclare (p. 15 de P-4a) que l’assurée «ne rencontre pas les normes de L’Unique»;

[95]        Dans la soumission Jetté-Picard (p. 28 de P-4a), on fait référence à un seul créancier non standard pour un montant de 133 800 $ et on ne mentionne pas les problèmes avec l’assureur L’Unique;

[96]        Par contre, le témoin reconnaît qu’elle ne sait pas si Jetté Picard était informé de la présence d’un deuxième créancier hypothécaire;

[97]        Enfin, elle confirme avoir reçu un appel de Mme Sheehan, le 15 novembre 2006, sans toutefois être en mesure d’indiquer laquelle des deux intimées et, dans tous les cas, elle n’a pas pris de notes de cette conversation téléphonique;

[98]        Comme autre témoin en défense, le Comité a entendu l’intimée, Mme Lorraine Sheehan (chefs nos. 1 à 5 de la plainte no. 2008-02-01);

[99]        Elle explique que depuis l’année 2000, elle s’occupait de l’assurée, Mme L..., laquelle avait déjà eu plusieurs maisons;

[100]     Elle tient à préciser que l’assurée, Mme L..., ne lui a jamais dévoilé la présence d’une hypothèque de deuxième rang, ni à elle-même, ni à la compagnie d’assurance L’Unique;

[101]     Par contre, le prêt (I-4) lui a été dévoilé mais beaucoup plus tard;

[102]     D’ailleurs, Mme Sheehan, dès qu’elle fut informée de ce nouveau prêt, a procédé, sans tarder, à un envoi à l’assureur L’Unique (p. 37 de pièce P-3b) après en avoir été dûment informée par le notaire Lebrun, le 20 mars 2006;[3]

[103]     Dans tous les cas, l’assureur L’Unique savait que la Citifinancière était créancière sur l’immeuble (p. 107 de P-3b);

[104]     D’ailleurs, L’Unique voulait avoir des précisions (p. 106, de P-3b) et voulait une autorisation de vérifier le crédit, laquelle fut signée le 28 mars 2006 (p. 104 de P-3b);

[105]     L’Unique a accepté ce deuxième créancier le 24 avril 2006 (p. 100 de P-3b);

[106]     Le 1er août 2006, un nouveau prêt hypothécaire est contracté auprès de la compagnie XCEED (pièce I-5);

[107]     D’ailleurs elle avait été avisée de cette hypothèque par le notaire Lebrun le 12 octobre 2006;

[108]     Ainsi XCEED devenait premier créancier en remplacement de la Caisse populaire, le 3 octobre 2006 (p. 96 de P-3b);

[109]     Le 12 octobre 2006, elle avise l’assureur L’Unique (p. 87 de P-3b) qui lui demande alors une nouvelle autorisation de vérification de crédit (p. 88 de P-3b);

[110]     Le 28 octobre 2006, Mme L... signe le formulaire d’enquête de crédit (p. 92 de P-3b) et l’intimée le fait parvenir à L’Unique à la même date (p. 91 de P-3b);

[111]     Le 30 octobre 2006, M. Beaulieu de l’assureur L’Unique l’informe alors qu’il désire se retirer du risque, vu la présence d’un créancier non standard. Il aurait alors précisé à Mme Sheehan qu’il était préférable que Mme L... se retire volontairement plutôt que de se retrouver avec une annulation d’une compagnie d’assurance dans son dossier;

[112]     L’intimée avise Mme L... de cette problématique et c’est alors qu’elle tente de replacer le risque avec des compagnies spécialisées dans le sous standard;

[113]     Après diverses démarches, elle communique avec JEVCO, le 2 novembre 2006 (p. 80 de P-3b) et leur envoie une télécopie leur signalant qu’il y a urgence puisque l’assurance se termine le 3 novembre 2006, soit le délai supplémentaire qui lui avait été accordé par M. Beaulieu de L’Unique;

[114]     Par la même occasion, elle téléphone à JEVCO et parle à Mme Sabrina Hadjloum et lui donne les mêmes informations qu’aux autres, à savoir qu’il y a présence d’un créancier non standard et que sa cliente n’a pas un très bon crédit;

[115]     Mme Hadjloum  lui demande alors de faire parvenir sa soumission (p. 78 de P‑3b) en lui disant de ne pas indiquer de nom en particulier mais de simplement mentionner qu’il s’agit d’une matière urgente afin que celle-ci soit traitée dans les meilleurs délais;

[116]     Le 3 novembre 2006, elle rappelle d’ailleurs Mme Hadjloum pour accélérer les choses et elle en profite pour rappeler alors M. Beaulieu de L’Unique qui lui accorde un délai supplémentaire jusqu'au 7 novembre 2006;

[117]     Le 7 novembre 2006 (p. 56 de P-3b), elle est informée par JEVCO de leur cotation, laquelle comprend cependant des conditions;

[118]     Elle informe immédiatement sa cliente, Mme L..., pour lui indiquer les conditions imposées par JEVCO et, surtout, le montant de la prime de 1 173 $;

[119]     C’est alors que Mme L... lui aurait mentionné être dans l’impossibilité de payer une prime aussi élevée surtout que son ancienne prime d’assurance était d’environ 400 $;

[120]     Mme L... lui aurait alors mentionné qu’il n’y avait pas qu’une seule compagnie d’assurance et qu’elle avait donc l’intention de magasiner pour trouver un meilleur prix;

[121]     D’ailleurs, lors d’une rencontre au bureau de l’intimée, le 7 novembre 2006, la cliente, Mme L..., annule volontairement l’assurance L’Unique tout en spécifiant qu’elle ne veut pas JEVCO puisque c’est trop cher à 1 173 $;

[122]     Au cours de la même rencontre, l’autre intimée, Mme Francine Sheehan, intervient dans la discussion pour convaincre Mme L... d’accepter la cotation sujet à l’approbation de crédit;

[123]     C’est alors qu’elles ont préparé une proposition d’assurance (p. 53 à 55 de P‑3b);

[124]     La cliente a signé la proposition et Mme Lorraine Sheehan lui aurait expliqué que ce n’était qu’une demande, sans que le risque soit garanti;

[125]     Elle aurait également demandé à Mme L... de signer une nouvelle autorisation de crédit (p. 31 de P-4a), même si c’était sa troisième en neuf mois;

[126]     Elle prétend avoir clairement expliqué à la cliente que ce n’était pas une assurance mais simplement une demande d’assurance;

[127]     Elle tient à préciser au Comité qu’elle ne fut jamais informée par la cliente de la présence d’un deuxième créancier hypothécaire;

[128]     De toute façon, elle avait confiance d’être capable d’assurer Mme L... puisque JEVCO était spécialisée dans le non standard;

[129]     D’ailleurs, cette croyance raisonnable était fondée sur le fait que JEVCO avait déjà accepté des cas semblables et certains autres encore plus problématiques (voir I ‑10) en provenance de son bureau;

[130]     Elle a donc dit à Mme L... qu’elle serait probablement acceptée;

[131]     Toutefois, la cliente trouvait la prime particulièrement élevée, donc elle tenait à magasiner sa prime d’assurance;

[132]     D’après l’intimée, Mme L... acceptait de prendre le risque de se retrouver sans assurance vu la prime trop élevée puisqu’elle payait autrefois 400 $ et qu’on lui demandait maintenant presque 1 200 $;

[133]     En conséquence, l’intimée a conclu que la cliente a signé la demande d’annulation de la police d’assurance L’Unique en toute connaissance de cause (p. 42 de P-3b);

[134]     En contre-interrogatoire, elle reconnaît avoir demandé à la cliente de payer d’avance un certain montant sur la prime d’assurance de JEVCO tout en précisant qu’elle savait que cette police d’assurance ne devait pas entrer en vigueur avant le 7 novembre 2006;

[135]     Elle prétend toutefois avoir précisé à Mme L... que le tout était sujet à l’approbation du crédit;

[136]     Enfin, elle admet et reconnaît que le 7 novembre 2006, elle n’a pas transféré à JEVCO l’autorisation pour l’enquête de crédit, laquelle fut acheminée à JEVCO après le sinistre, soit le 15 novembre 2006 (voir chefs nos. 2 et 3);

[137]     D’ailleurs, elle savait qu’il s’agissait d’une condition de JEVCO;

[138]     En contre-interrogatoire, elle reconnaît également que ses différentes interventions et, plus particulièrement, ses conversations téléphoniques avec M. Beaulieu ne sont pas inscrites à son dossier (chef no. 5) et que certaines d’entre elles ne se retrouvent pas dans la déclaration solennelle de ses différentes interventions qu’elle a fait parvenir à la syndic (p. 21 de P-3b);

[139]     Finalement, comme autre témoin en défense, l’intimée Francine Sheehan fut également entendue par le Comité;

[140]     Elle confirme que depuis l’année 2000, c’est sa sœur Lorraine qui prenait en charge les dossiers de Mme L...;

[141]     Quant aux événements du 7 novembre 2006, elle explique au Comité qu’à travers la porte de son bureau, elle entendait Mme L... crier qu’elle ne voulait pas d’assurance, que c’était trop cher;

[142]     Elle s’est alors dirigée vers le bureau de sa sœur pour s’entretenir directement avec Mme L... en présence de Lorraine;

[143]     Mme L... trouvait que JEVCO était beaucoup trop cher et les intimées, tout en rappelant à Mme L... l’importance d’être assurée, surtout en cas de sinistre, ont informé la cliente qui, en plus, venait d’annuler l’assureur L’Unique, qu’elle se devait de signer une proposition d’assurance;

[144]     Cependant, elles n’auraient jamais dit à Mme L... qu’elle était assurée puisqu’il était convenu que celle-ci était conditionnelle à l’enquête de crédit;

[145]     Le 15 novembre 2006, soit le lendemain de l’incendie, la cliente se présente, en état de panique, à son bureau en lui annonçant «J’ai passé au feu et j’ai pas d’assurance.»;

[146]     Elle prépare alors un avis de sinistre (p. 176 de P-3b) et tente de rassurer la cliente tant bien que mal;

[147]     Elle constate alors qu’il n’y a pas de numéro de police d’assurance mais n’est pas inquiète outre mesure puisqu’elle sait qu’il y a toujours un certain délai entre les deux procédures;

[148]     Elle téléphone alors à Mme Linda Léonard pour lui dire que c’est urgent puisque la proposition datait du 7 novembre 2006 et qu’il venait d’y avoir un incendie le 14 novembre 2006 et qu’elle s’apprêtait donc à lui faire parvenir immédiatement un avis de sinistre;

[149]     Lors, de sa conversation avec cette dernière, celle-ci prétend ne pas avoir en sa possession les documents requis. Elle retourne donc toute la documentation à JEVCO;

[150]     Cependant, elle admet devant le Comité avoir alors constaté que l’autorisation d’enquête de crédit n’avait pas été acheminée le 7 novembre 2006;

[151]     Pour terminer, Mme Léonard lui mentionne que le dossier sera remis à son directeur, M. Lloyat;

[152]     À la même date, elle communique de nouveau avec Mme L... pour lui dire qu’elle attend des nouvelles de JEVCO et elle apprend alors que M. Marc Tremblay est l’ajusteur mandaté par JEVCO;

[153]     D’ailleurs, le 16 novembre 2006, M. Marc Tremblay aurait dit à Mme L... que c’est L’Unique qui devrait payer et qu’il n’avait jamais vu auparavant un cas semblable;

[154]     Le 17 novembre 2006, elle rappelle chez JEVCO et elle a d’ailleurs pris des notes à ce sujet que l’on retrouve à la pièce I-12;

[155]     Ces notes (chef no. 2) ayant été classées dans son dossier «réclamations», d’où le fait qu’elles n’ont pas été transmises au Bureau de la syndic;

[156]     Le 20 novembre 2006, elle parle à Mme Asselin de JEVCO qui lui dit que la cotation est sujette à une approbation de crédit et qu’elle n’est donc pas encore effective;

[157]     Elle tient toutefois à préciser au Comité que personne du cabinet JEVCO, entre le 7 novembre et le 15 novembre 2006, ne l’a avisée qu’il manquait des documents ou qu’il y avait deux créanciers non standards;

[158]     En contre-interrogatoire, elle reconnaît que les notes que l’on retrouve à la pièce I-12 n’ont jamais été transmises au Bureau de la syndic mais elle précise qu’il y avait un imbroglio en raison de différentes opinions juridiques[4] quant à la confidentialité ou non de ces notes (chef no. 2);

[159]     Dans tous les cas, entre le 20 novembre 2006 et le 6 mars 2007, elle n’a jamais eu d’autres conversations téléphoniques avec Mme L... et même si cette dernière rappelait à son bureau, elle refusait de lui parler sur ordre de ses assureurs en responsabilité professionnelle;

[160]     Elle reconnaît toutefois avoir parlé, à au moins une occasion, à Mme L... au cours du mois de décembre 2006 afin de lui suggérer de continuer à payer ses primes dans l’espoir que finalement JEVCO accepte la proposition d’assurance;

[161]     Enfin, elle admet et reconnaît qu’il y a eu erreur puisque les documents auraient dû être envoyés le 7 novembre 2006, soit l’autorisation d’enquête de crédit et le RCT, par le fait même, elle corrobore l’admission, sur le même sujet, de l’autre intimée, Mme Lorraine Sheehan;

[162]     Comme dernier témoin en défense, le Comité a entendu Mme Danielle Létourneau, conseillère technique chez L’Unique;

[163]     Essentiellement, ce témoignage a permis d’établir :

1)    qu’en octobre 2006, L’Unique, a reçu une demande pour remplacer les deux créanciers hypothécaires par un seul créancier, soit X-CEED (I-5);

2)    qu’ils ont alors demandé un rapport de crédit, lequel s’est avéré insatisfaisant;

3)    qu’ils ont annoncé aux intimées, leur intention de se retirer du risque tout en accordant un délai de grâce avant d’enclencher la procédure d’annulation;

[164]     Le contre-interrogatoire a permis de démontrer que la présence d’un seul créancier non standard comme le prêteur «Théoret» aurait dû normalement entraîner le déclenchement de la procédure d’annulation;

 

 

3.            Motifs et dispositif

 

3.1        La rencontre du 7 novembre 2006

 

[165]     Le chef no. 3 de la plainte no. 2008-02-01 (C) reproche à l’intimée Lorraine Sheehan d’avoir créer faussement chez sa cliente l’impression d’être dûment assurée auprès de JEVCO, en lui remettant à titre de note de couverture, une proposition d’assurance différente de la soumission reçue de JEVCO alors qu’elle n’avait pas l’autorisation de lier cet assureur;

[166]     Pour sa part, le chef no. 1 de la plainte no. 2008-02-02 (C) reproche à l’intimée Francine Sheehan d’avoir créer faussement chez sa cliente l’impression d’être assurée auprès de JEVCO, pour des motifs semblables;

[167]     Dans les deux cas, on reproche essentiellement aux intimées d’avoir, lors de la rencontre du 7 novembre 2006, fait défaut d’agir en conseiller consciencieux et d’avoir créé chez Mme L..., une fausse impression d’être dûment assurée;

[168]     La preuve a démontré que le 7 novembre 2006 :

1)    Mme Lorraine Sheehan a demandé à Mme L... de signer une proposition d’assurance auprès de JEVCO;

2)    que Mme L... a effectué un premier versement de 60 $ (p. 17 de P-2b) et un autre de 270 $ pour le 15 novembre 2006 (p. 7 de P-2b) et s’est engagée à payer le reste de la prime par versements mensuels de 113,73 $ (p. 10 de P-2b);

3)    qu’on lui remet alors la proposition d’assurance et un reçu (p. 17 de P-2b);

4)    que les intimées n’avaient pas l’autorité de lier l’assureur JEVCO;

5)    pour sa part, Mme Lorraine Sheehan, prétend avoir informé la cliente des conditions de la soumission et du fait que la nouvelle police d’assurance était sujette à l’approbation de crédit;

6)    enfin, les intimées avaient confiance d’être en mesure d’assurer Mme L... puisque JEVCO avait déjà accepté certains de leurs clients dont les dossiers étaient aussi peu reluisants que celui de Mme L... (voir I-10);

[169]     Sur ce dernier point, il demeure néanmoins que l’autorisation pour l’enquête de crédit n’a été acheminée à JEVCO que le 15 novembre, donc sous ce seul chapitre on peut conclure que les intimées ont été négligentes;

[170]     Donc, même en admettant que les intimées ont effectivement dit à Mme L... qu’elle n’était pas assurée tant que l’enquête de crédit n’aurait pas été effectuée, il reste tout de même que Mme Lorraine Sheehan, n’a pas fait parvenir, en temps utile, l’autorisation d’enquête de crédit;

[171]     Mais, il y a plus, au mois de décembre 2006 l’intimée Mme Lorraine Sheehan aurait, lors d’une conversation téléphonique avec Mme L..., conseillé à cette dernière de continuer de payer ses primes, dans l’espoir que JEVCO accepte la proposition d’assurance;

[172]     Tant la poursuite que la défense reconnaît qu’il s’agit d’une question de crédibilité et que le Comité ne peut se contenter de préférer le témoignage de l’une ou l’autre des parties [5];

[173]     Seule une preuve claire et convaincante peut entraîner la culpabilité des intimées [6];

[174]     En l’espèce, le Comité est convaincu de la culpabilité des intimées sur les chefs 1 et 3, pour les motifs ci-après exposés;

[175]     Au-delà du témoignage de Mme L..., plusieurs documents démontrent qu’il est plus que probable que celle-ci était sous l’impression d’être dûment assurée;

[176]     Premièrement, on lui fait signer une demande de résiliation de son contrat d’assurance;

[177]     Au même moment, on lui fait signer un contrat de financement pour la nouvelle prime d’assurance (p. 10 de P-2b);

[178]     Elle verse un premier montant de 60 $ (p. 17 de P-2b) et un autre de 270 $ pour le 15 novembre 2006 (p.7 de P-2b);

[179]     Elle signe une proposition adressée à l’assureur JEVCO (p. 53 de P-3b);

[180]     Les deux intimées lui rappellent l’importance d’être dûment assurée, et ce, même si elle désire, entre temps, magasiner pour tenter de dénicher une assurance à moindre coût;

[181]     On lui remet alors une proposition d’assurance et un reçu pour son premier versement (p. 17 de P-2b);

[182]     En présence d’autant d’éléments factuels, il est raisonnable de croire qu’un consommateur ait pu avoir l’impression d’être dûment assuré, vu le comportement des intimées;

[183]     Mais, il y a plus, les intimées ont été grossièrement négligentes en faisant signer une demande de résiliation avant même d’avoir replacé le risque auprès d’un autre assureur;

[184]     De plus, alors que l’intimée Lorraine Sheehan prétend avoir mentionnée à la cliente que la police était sujette à l’approbation de crédit, elle néglige d’expédier l’autorisation à l’assureur JEVCO;

[185]     L’autorisation d’enquête de crédit ne sera acheminée à JEVCO qu’après l’incendie, soit le 15 novembre 2006;

[186]     Enfin, on peut sérieusement s’interroger sur la version des intimées qui prétendent, d’une part, ne pas avoir dit à Mme L... qu’elle était assurée et qui, d’autre part, lui ont demandé de payer un premier versement de 60 $ et un autre de 270 $, en plus de lui avoir fait signer un contrat de financement pour le solde;

[187]     Les intimées ont clairement manqué à leur devoir de conseil et ont été négligentes dans le traitement du dossier d’assurance de Mme L...;

[188]     Pour l’ensemble de ces motifs, le Comité déclare l’intimée Lorraine Sheehan coupable du chef no. 3 et l’intimée Mme Francine Sheehan coupable du chef no. 1;

 

3.2        La tenue de dossier

 

[189]     Le chef no. 5 de la plainte no. 2008-02-01 (C) reproche à l’intimée Mme Lorraine Sheehan, d’avoir fait défaut de tenir son dossier suivant les règles prescrites pour la période du 17 décembre 2005 au 14 novembre 2006, et ce, en regard du Groupe Jetté;

[190]     Dans le cas de l’intimée, Mme Francine Sheehan, le chef no. 2 de la plainte no. 2008-02-02 (C) lui reproche sensiblement les mêmes faits, mais pour la période du 7 novembre 2006 au 6 mars 2007 et, plus particulièrement, en regard de l’assureur JEVCO;

[191]     La preuve au soutien de ces deux chefs est particulièrement simple;

[192]     La syndic a démontré que les notes au dossier étaient incomplètes. Ainsi, malgré le fait que certaines interventions puissent avoir été notées, il n’y avait aucun résumé des conversations téléphoniques, ni aucun détail concernant les diverses interventions effectuées par les intimées;

[193]     De plus, les normes de tenue de dossier furent déposées sous la cote P-12;

[194]     L’intimée Lorraine Sheehan a même admis en contre-interrogatoire que certaines de ses interventions n’ont pas été notées au dossier, ni ses conversations téléphoniques avec M.Beaulieu du Groupe Jetté;

[195]     Quand au chef no. 2, l’intimée Francine Sheehan a reconnu que ses interventions et ses conversations téléphoniques n’avaient pas été notées au dossier, mais dans un autre dossier intitulé «réclamations» (I-12);

[196]     Ces notes (I-12) n’ont pas été transmises au syndic sur recommandations des procureurs de son assureur responsabilité [7];

[197]     La preuve de ses éléments factuels, jointe aux admissions des intimées, démontrent clairement la commission des infractions mentionnées aux chefs nos 5 et 2;

[198]     Les intimées seront donc reconnues coupable d’avoir fait défaut de tenir leur dossier suivant les règles prescrites;

 

3.3        Les autres infractions

 

[199]     La plainte no. 2008-02-01 (C) reproche à l’intimée Lorraine Sheehan, trois autres infractions, soit les chefs nos 1, 2 et 4;

A.           Pour le chef no. 1

[200]     Essentiellement, le chef no. 1 reproche à Mme Lorraine Sheehan d’avoir manqué à son devoir de conseil et d’avoir été négligente :

1)    En faisant signer à sa cliente, une demande de résiliation sans avoir replacé le risque auprès d’un autre assureur.

2)    En créant ainsi un préjudice à sa cliente, dont la résidence fut incendiée le 14 novembre 2006.

[201]     Le préjudice subit par la cliente, fut clairement démontré par la perte de sa résidence familiale et toutes les conséquences qui en ont découlées;

[202]     Ainsi, Mme L... en plus de se retrouver sans domicile, a perdu son seul bien en capital en plus d’être poursuivi par ses voisins pour les dommages causés à leur propriété (p. 2 de P-2d), pour un montant de 81 098,88 $;

[203]     Enfin, depuis le 19 septembre 2008, elle fait l’objet d’une requête en délaissement forcé (I-13);

[204]     Bref, la preuve du préjudice fut clairement établie par la partie poursuivante;

[205]     Mais, il y a plus, l’intimée a clairement manqué à son devoir de conseil et a été négligente en exposant Mme L... à un découvert d’assurance immédiat, sans avoir replacé le risque;

[206]     Le Comité estime que l’intimée a manqué à ses devoirs déontologiques, en procédant à l’annulation de la police d’assurance L’Unique sans avoir, déjà en mains, une alternative, c’est là une règle élémentaire de prudence;

[207]     D’ailleurs, Mme Sheehan a reconnu dans sa déclaration au syndic qu’il s’agissait bien de la règle applicable, en l’espèce (p.3 de P-3b);

[208]     En défense, on a prétendu que Mme L..., n’était pas assurable vu sa situation financière et son dossier de crédit peu reluisant;

[209]     De ces faits, la défense conclut qu’il était impossible de replacer le risque chez un autre assureur;

[210]     Par contre, du même coup, on prétend que les intimées avaient bon espoir de replacer le risque chez JEVCO, laquelle avait déjà accepté des cas plus graves (I-10) que celui de Mme L...;

[211]     La défense prétend également que la demande de résiliation fut signée de façon «libre et volontaire» par la cliente;

[212]     Suivant la preuve administrée l’annulation par L’Unique fut présentée à Mme L... sous un éclairage tellement négatif et catastrophique, qu’on peut s’interroger sur le caractère «libre et volontaire» de cette signature;

[213]     La défense a même prétendu qu’il n’était pas certain que, même en l’absence d’une demande de résiliation, L’Unique n’aurait pas annulée «ab initio» la police d’assurance;

[214]     En l’espèce, il ne s’agit que de pure spéculation fondée sur des hypothèses non démontrées;

[215]     Un fait demeure néanmoins établi, en obtenant la signature de l’assurée pour la résiliation de l’assurance et, en transmettant celle-ci sans obtenir une confirmation pour un autre contrat, l’intimée a fait preuve de négligence et a manqué à son devoir de conseil;

[216]     Pour ces motifs, l’intimée Lorraine Sheehan, sera reconnue coupable du chef no. 1;

B.           Pour le chef no. 2

[217]     Le chef no. 2 reproche à l’intimée d’avoir été négligente en n’effectuant aucun suivi auprès de l’assureur;

[218]     La preuve a démontré que l’autorisation d’enquête de crédit était une condition essentielle pour JEVCO;

[219]     Il en était de même pour le RCT, soit la valeur de reconstruction;

[220]     Or, ces deux documents ne sont parvenus chez JEVCO qu’après l’incendie, soit le 15 novembre 2006;

[221]     L’intimée a admis en contre-interrogatoire qu’elle n’avait pas transmis à JEVCO l’autorisation pour l’enquête de crédit et que celle-ci n’avait été expédiée par télécopieur que le 15 novembre 2006, quant au RCT, il faut souligner à la décharge de l’intimée, que ce document ne lui fut demandé que le 15 novembre selon le témoignage de Mme Hadjloum;

[222]     Par contre, vu la preuve et les admissions de l’intimée, celle-ci sera reconnue coupable du chef no. 2;

C.   Pour le chef no. 4

[223]     Le chef no. 4 reproche à l’intimée Lorraine Sheehan d’avoir tenté d’induire en erreur l’assureur JEVCO, en omettant d’indiquer à la proposition certaines informations;

[224]     En défense, on prétend que ces informations se retrouvaient de toute façon sur la soumission du Groupe Vézina;

[225]     D’ailleurs, Mme Asselin, directrice chez JEVCO, a reconnu en contre-interrogatoire que même s’il s’agissait de deux soumissions différentes ses employés ont travaillé avec les mêmes documents et ils avaient donc les renseignements nécessaires (P-4a);

[226]     Dans les circonstances, le Comité estime que l’assureur JEVCO n’a pas été induit en erreur, il manque donc la preuve d’un élément essentiel;

[227]     Pour ces motifs, l’intimée Lorraine Sheehan, sera acquittée du chef no. 4;

 

4.    Conclusions

[228]     Le Comité tient à rappeler que sa juridiction se limite à décider du bien-fondé ou non des accusations disciplinaires sans égard à la responsabilité civile des divers intervenants dans le dossier de Mme L...;

[229]     Il appartiendra aux tribunaux civils de déterminer la part de responsabilité de tous et chacun, le recours disciplinaire étant autonome des recours de nature civile[8];

 

Par ces Motifs, le Comité de discipline :

 

Dans le cas de Mme Lorraine Sheehan ( plainte no. 2008-02-01 (C))

 

Pour le chef no. 1 :

 

[230]     Déclare l’intimée coupable du chef no. 1 et d’avoir contrevenu aux articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[231]     Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

 

Pour le chef no. 2 :

 

[232]     Déclare l’intimée coupable du chef no. 2 et d’avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[233]     Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers;

 

Pour le chef no. 3 :

 

[234]     Déclare l’intimée coupable du chef no. 3 et d’avoir contrevenu aux articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[235]     Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et sur l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

Pour le chef no. 4 :

 

[236]     Acquitte l’intimée du chef no. 4

 

Pour le chef no. 5 :

 

[237]     Déclare l’intimée coupable du chef no. 5 et d’avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (Règlement no 9);

[238]     Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions alléguées au chef no. 5;

 

Dans le cas de Mme Francine Sheehan (plainte no. 2088-02-02 (C))

 

Pour le chef no. 1 :

 

[239]     Déclare l’intimée coupable du chef no. 1 et d’avoir contrevenu aux articles 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[240]     Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions alléguées au chef no. 1;

 

Pour le chef no. 2 :

 

[241]     Déclare l’intimée coupable du chef no. 2 et d’avoir contrevenu à l’article  21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (Règlement no 9);

[242]     Prononce un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions alléguées au chef no. 2;

 

Pour les deux dossiers :

 

[243]     Prononce, dans les deux dossiers, une ordonnance de non publication, de non diffusion et de non accessibilité à tout renseignement nominatif et plus particulièrement de tout document ou renseignement de nature financière concernant l’assurée, le tout suivant l’article 142 du Code des professions;

[244]     Le tout, frais à suivre

 

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville

Président du Comité de discipline

 

__________________________________

Mme Francine Normandin, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

__________________________________

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

Me Nathalie Lelièvre

Procureure de la partie plaignante

 

Me Laurent Nahmiash

Procureur de la partie intimée

 

Dates d’audiences :

8 mai 2008

6 août 2008

13 août 2008

29 septembre 2008

 

 


COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

N° :

2008-02-01(C)

2008-02-02(C)

 

DATE :

9 mars 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Francine Normandin, C.d’A.Ass.

courtier en assurance de dommages

Membre

 

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A., courtier

en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

LORRAINE SHEEHAN, courtier en assurance de dommages des particuliers

et

FRANCINE SHEEHAN, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Parties intimées

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

ORDONNANCE DE NON PUBLICATION, NON DIFFUSION ET DE NON ACCESSIBILITÉ À TOUT RENSEIGNEMENT DE NATURE FINANCIÈRE CONCERNANT L’ASSURÉE SUIVANT L’ART. 142 DU CODE DES PROFESSIONS

______________________________________________________________________

[1]  Le 25 février 2009, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition sur sanction dans les dossiers nos 2008-02-01(C) et 2008-02-02(C);

[2]  Le 17 novembre 2008, l’intimée Lorraine Sheehan, (plainte no 2008-02-01(C)) fut reconnue coupable de quatre infractions, soit :

 

 

1.       Le ou vers le 7 novembre 2006, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux et exercé ses activités de courtier en assurance de dommages des particuliers avec négligence en obtenant la signature de l’assurée, Mme J... L..., pour la résiliation de son contrat d’assurance habitation numéro [...] avec L’Unique Assurances générales inc., et en transmettant ou permettant que soit transmis, le jour même, à l’assureur, la demande de résiliation de ce contrat sans obtenir préalablement une confirmation d’assurance auprès d’un autre assureur, créant ainsi préjudice à Mme L... au sujet de l’incendie de sa résidence survenu le 14 novembre 2006, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 37(1) et 37(6) dudit code;

 

2.       Entre le ou vers le 7 novembre 2006 et le ou vers le 15 novembre 2006, a exercé ses activités de courtier en assurance de dommages des particuliers avec négligence en demandant à l’assureur Jevco d’émettre une police d’assurance habitation en faveur de la résidence de Mme J... L..., sise au [...] à ville A, sans tenir compte des conditions d’acceptation de cet assureur, n’effectuant aucun suivi auprès de l’assureur relativement à ce nouveau contrat, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et l’article 37(1) dudit code;

 

3.       Le ou vers le 7 novembre 2006, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en signant et en remettant ou permettant que soit remise à Mme J... L..., à titre de note de couverture auprès de Jevco, une proposition d’assurance différente de la soumission reçue de cet assureur, et ce, alors qu’elle n’avait pas l’autorisation de lier ce dernier, créant ainsi faussement chez Mme L... l’impression d’être dûment assurée auprès de Jevco tel que décrit à la proposition, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 15, 37(1), 37(6) et 37(7) dudit code;

 

4.       (ACQUITTÉE)

 

5.       Entre le ou vers le 17 décembre 2005 et le ou vers le 14 novembre 2006, a été négligente dans sa tenue de dossier en faisant défaut d’inscrire au dossier de l’assurée Mme J... L..., l’ensemble de ses démarches et interventions notamment la teneur des conversations téléphoniques relatives à ce dossier auprès de l’assurée et du Groupe Jetté, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, la Loi sur la distribution de produits et services financiers, le Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (Règlement no 9), notamment l’article 37(1) dudit code, les articles 85 à 88 de la loi et les articles 12 et 21 dudit règlement.

 

[3]  Quant à l’intimée Francine Sheehan,  (plainte no. 2008-02-02(C)) celle-ci fut reconnue coupable des deux chefs suivants :

 

 

 

1.       Le ou vers le 7 novembre 2006, a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux lors de la signature par Mme J... L... d’une proposition d’assurance dont copie a été  remise à celle-ci, à titre de note de couverture auprès de l’assureur Jevco, alors que ni elle ni madame Lorraine Sheehan n’avaient l’autorisation de lier cet assureur, créant ainsi faussement chez Mme L... l’impression d’être dûment assurée auprès de Jevco, le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 16 de la loi et les articles 15, 37(1), 37(6) et 37(7) dudit code;

2.       Entre le ou vers le 7 novembre 2006 et le ou vers le 6 mars 2007, a été négligente dans sa tenue de dossier en faisant défaut d’inscrire au dossier de l’assurée J... L..., ses démarches et interventions notamment la teneur des conversations téléphoniques relatives à ce dossier auprès de l’assureur Jevco, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, la Loi sur la distribution de produits et services financiers, le Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (Règlement no 9), notamment l’article 37(1) dudit code, les articles 85 à 88 de la loi et les articles 12 et 21 dudit règlement.

 

[4]  Au moment de l’audition sur sanction, la syndic était représentée par Me Nathalie Lelièvre et les intimées étaient représentées par Me Laurent Nahmiash;

 

 

I.        Preuve sur sanction

 

[5]  Les parties ont présenté une courte preuve sur sanction;

[6]  D’une part, la syndic a témoigné pour établir que :

 

    Mme Lorraine Sheehan a obtenu son certificat de courtier en octobre 2003 après avoir bénéficié de droits acquis en vertu de l’article 547 L.D.P.S.F.

 

    Enfin, les personnes ayant obtenu leur certificat par le biais de l’art. 547, n’ont pas eu à subir d’examens de qualification, ni de stage professionnel.

 

[7]  De cette preuve, la syndic conclut que l’intimée Lorraine Sheehan pourrait bénéficier d’une formation supplémentaire en suivant le cours C-130 :

« Le courtier et l’agent d’assurance : compétences élémentaires ».

[8]  Elle suggère donc au comité de recommander au Conseil d’administration de la Chambre d’imposer à l’intimée Lorraine Sheehan l’obligation de compléter avec succès le cours C-130.

[9]  Pour leur part, les intimées ont témoigné afin d’établir certaines circonstances atténuantes.

[10]      Premièrement, Mme Lorraine Sheehan, a expliqué qu’elle était dans le domaine de l’assurance depuis le mois d’avril 1998, et qu’il s’agissait de sa première plainte disciplinaire.

[11]      De plus, il fut établi que les intimées avaient modifié leurs méthodes de travail afin d’éviter la répétition des événements qui ont conduit à la présente plainte.

[12]      Quant à Mme Francine Sheehan, celle-ci exerce depuis 30 ans et elle est devenue courtier en 1989, il s’agit donc d’une première plainte en 20 ans de certification.

 

II.         Argumentation

 

A.        Par la syndic :

 

[13]      Me Lelièvre, réclame au nom de la syndic l’imposition des sanctions suivantes :

 

       Lorraine Sheehan :           chef 1 :           2 000 $

                                     chef 2 :           1 000 $

                                                             chef 3 :           1 200 $

                                                             chef 5 :              600 $

                         

 

       Francine Sheehan :          chef 1 :           1 200 $

chef 2 :              600 $

 

[14]      Dans le cas particulier de Mme Lorraine Sheehan, elle suggère aussi de lui imposer de suivre le cours C-130.

[15]      Enfin, elle insiste pour le plein paiement des déboursés, vu la décision sur culpabilité.

[16]      À l’appui de ses prétentions, Me Lelièvre a soumis une série de décisions  disciplinaires portant sur des cas semblables.

[17]      Essentiellement, elle plaide que la gravité objective du chef no 1 commande l’imposition d’une forte amende en se fondant sur le principe de l’exemplarité et celui de la dissuasion générale.

[18]      Elle souligne que si l’on considère que chaque disposition règlementaire constitue une infraction, alors il ne s’agit que d’une amende de 1 000 $ pour chaque infraction visée par le chef no 1.

[19]      Enfin, la syndic insiste sur la gravité des deux manquements reprochés dans le chef no 1, soit d’une part, d’avoir exercé de manière négligente et d’autre part, d’avoir manqué à son devoir de conseil, le tout ayant entraîné un découvert d’assurance.

[20]      Sur la gravité intrinsèque de cette faute, Me Lelièvre cite l’affaire Slimani :.[9]

« [8]     La couverture d’assurance sur un immeuble constitue l’essence même de la profession de courtier d’assurance.  En négligeant, de procurer à son client la couverture requise, l’intimé a fait preuve d’un manquement grave à ses obligations professionnelles. »

[21]      Suivant la procureure, en manquant à ce devoir élémentaire, l’intimée Lorraine Sheehan a fait courir un risque à la cliente, lequel risque s’est avéré fatal, vu l’incendie survenu en l’absence d’une couverture d’assurance.

[22]      Quant au chef no 2, Me Lelièvre rappelle l’importance d’assurer un suivi adéquat des dossiers-clients afin d’éviter une situation semblable à celle vécue par Mme L....

[23]      Pour le chef no 3, la syndic réitère les mêmes arguments que ceux concernant le chef no 1 et insiste sur l’importance du devoir de conseil d’où la suggestion d’une amende de 1 200  $.

[24]      Enfin, la tenue déficiente du dossier (chef no 5) commande selon la poursuite l’imposition d’une amende de 600 $.

[25]      Quant à l’intimée, Francine Sheehan, la syndic, pour les mêmes motifs demande une amende de 1 200 $ pour le chef no 1 et une amende de 600 $ pour le chef no 2.

 

 

B.  Par les intimées

 

[26]      Me Nahmiash, aux noms des intimées, plaide qu’une simple réprimande serait suffisante comme sanction sur chacun des chefs à l’exception du chef no 1 de la plainte contre Mme Lorraine Sheehan, dont la gravité objective pourrait commander l’imposition de l’amende minimale alors en vigueur soit 600 $.[10]

[27]      À l’appui de ses prétentions, le procureur des intimées insiste sur certaines circonstances atténuantes, soit :

 

      L’ abandon par les intimées de l’assurance sous-standard;

                                    

      La modification de leurs méthodes de travail;

 

      L’absence de risque de récidive.

 

[28]      Le procureur ajoute que le principe de la pluralité des sanctions[11] exige que le Comité fasse preuve de clémence en évitant d’imposer une sanction accablante aux intimées, vu leur statut d’employée à faible revenu.

[29]      De plus, les intimées insistent pour que les frais soient partagés à part égale, vu le rejet du chef no 4.

[30]      Enfin, Me Nahmiash fait les distinctions qui s’imposent quant aux précédents jurisprudentiels cités par la poursuite, en insistant particulièrement sur le cas Angelone[12] dont la feuille de route était parsemée de diverses infractions et de nombreuses plaintes et enquêtes, alors que les intimées n’ont aucun antécédents disciplinaires.

[31]      Finalement, à l’instar de la poursuite, Me Nahmiash dépose une série de jurisprudence, dont notamment les affaires Baker de Nobile[13] et Quici[14].

 

III.        Analyse et décision

 

A.         Les faits reprochés

[32]      La gravité objective des faits reprochés aux intimées ne fait aucun doute, puisqu’il est de l’essence  même de la profession de procurer à son client une couverture d’assurance ou de maintenir celle en vigueur jusqu’à son remplacement, afin d’éviter un découvert d’assurance.

[33]     
La preuve a révélé que l’intimée Lorraine Sheehan a fait preuve d’imprudence en demandant l’annulation de la couverture d’assurance (chef no 1) alors en vigueur chez l’Unique assurances avant même d’avoir reçu une confirmation que ce risque avait été replacé chez un autre assureur.

[34]      Il était de son devoir d’agir avec compétence et professionnalisme et surtout d’agir en «conseiller consciencieux» en éclairant sa cliente sur ses droits et ses obligations, en lui fournissant tous les renseignements utiles ou nécessaires avant la prise d’une décision aussi fondamentale.

[35]      Le Comité s’interroge, encore aujourd’hui, sur l’empressement de l’intimée Lorraine Sheehan à demander l’annulation de la police d’assurance, vu les dispositions de l’article 2477 C.c.Q.

[36]      En effet, malgré les menaces réelles ou appréhendées de la part de l’assureur l’Unique de procéder à la résiliation de la police, la cliente aurait bénéficiée d’un délai supplémentaire de 15 jours, n’eut été de l’envoi intempestif de l’avis de résiliation.

[37]      À cet égard, il sied de citer le texte intégral de l’article 2477 C.c.Q.

« Art. 2477. L’assureur peut résilier le contrat moyennant un préavis qui doit être envoyé à chacun des assurés nommés dans la police. La résiliation a lieu quinze jours après la réception du préavis par l’assuré à sa dernière adresse connue.

Le contrat d’assurance peut être aussi être résilié sur simple avis écrit donné à l’assureur par chacun des assurés nommés dans la police.  La résiliation a lieu dès la réception de l’avis.

Les assurés nommés dans la police peuvent toutefois confier à un ou plusieurs d’entre eux le mandat de recevoir ou d’expédier l’avis de résiliation. »

[38]      Ainsi, compte tenu, des délais postaux et du délai prescrit de 15 jours, Mme L... aurait même bénéficié de presque trois semaines pour se trouver une nouvelle police d’assurance.

[39]      Bref, l’imbroglio juridique ayant résulté de cette imprudence et les nombreuses difficultés financières subies par la cliente auraient pu être évitées.

[40]      D’ailleurs, ce n’est que le 30 octobre 2006 que Mme Brochu de la compagnie l’Unique mentionne à M. Beaulieu, souscripteur au Groupe Jetté, que l’assureur a l’intention de sortir du risque, vu le rapport de crédit peu reluisant.[15]

[41]      Ainsi, au lieu d’annuler unilatéralement le 7 novembre 2006, sur les conseils de l’intimée Lorraine Sheehan, la cliente aurait pu bénéficier d’un délai minimal de 15 jours et même plus, en comptant les délais inhérents au service postal.

[42]      Par conséquent, le Comité considère que la gravité objective de l’infraction reprochée au chef no 1 commande l’imposition d’une forte amende qui va bien au-delà de l’amende minimale alors en vigueur au moment des faits reprochés.

[43]      Cependant, afin de déterminer une sanction juste et raisonnable, le Comité devra examiner les circonstances aggravantes  et atténuantes propres au dossier.

 

B.        Circonstances aggravantes et atténuantes

 

[44]      Parmi les circonstances aggravantes dont le Comité tiendra compte soulignons les suivantes :

 

    Gravité objective de l’infraction;

         

    Lien direct de l’infraction avec l’exercice de la profession;

 

    Les conséquences des actes commis;

 

    L’exemplarité;

 

    La dissuasion générale;

 

    La mise en péril de la protection du public.

 

 

[45]      Quant aux circonstances atténuantes dont le comité fera bénéficier les intimées, soulignons les suivantes :

 

    L’absence d’antécédents disciplinaires;

                                    

    La volonté de s’amender;

    La mise en place de nouvelles méthodes de travail;

 

    Le caractère isolé de l’infraction en regard d’une longue carrière sans tâche;

 

    La collaboration à l’enquête du syndic;

 

    Leur situation financière.

 

 

[46]      En soupesant ces différents facteurs et en les plaçant en perspective, selon les circonstances particulières du présent dossier, le Comité estime qu’une amende de  2 000 $ sur le chef no 1 permettra d’assurer la protection du public et répondra au caractère dissuasif et exemplaire, tout en respectant le principe, suivant lequel, le professionnel doit pouvoir se réhabiliter de façon positive puisque l’objectif de la sanction n’est pas de punir ce dernier mais vise plutôt à corriger un comportement fautif.[16]

C.  La globalité des sanctions

 

[47]      Enfin, le Comité tiendra compte également de la globalité des sanctions afin d’éviter d’imposer aux intimées une sanction accablante, vu le nombre de chefs d’accusation et le coût des déboursés inhérents à la tenue de l’audition disciplinaire qui s’est déroulée sur plusieurs journées.

[48]      En conséquence, les sanctions imposées seront les suivantes :

 

       Dans le cas de Lorraine Sheehan :

 

                                                              chef 1 :           une amende de 2 000 $;

                                     chef 2 :           une amende de 6 00 $;

chef 3 :           une amende de 600 $ et une réprimande;

                                                              chef 5 :           une réprimande;

                          

       Dans le cas de Francine Sheehan :      

 

chef no 1 :       une amende de 600 $ et une réprimande

chef no 2 :      une réprimande


D.  Le cours C-130

 

[49]      Vu le caractère isolé de l’infraction, le Comité estime qu’il ne sera pas nécessaire de recommander au Conseil d’administration de la Chambre l’imposition d’un cours de perfectionnement à l’intimée Lorraine Sheehan.

[50]      Le Comité est d’avis que les deux intimées tireront une leçon de leur simple présence devant le Comité de discipline ainsi que de la saga judiciaire résultant de leur manque de prudence dans le traitement du dossier d’assurance de Mme L....

[51]      En conséquence, il est à prévoir que les intimées éviteront à l’avenir de répéter les mêmes erreurs sans qu’il soit nécessaire de leur imposer un cours pour leur rappeler leurs obligations professionnelles.

E.  Les déboursés

 

[52]      Le Comité estime qu’il ne possède pas suffisamment d’éléments factuels pour s’écarter de la règle habituelle suivant laquelle la partie qui succombe doit supporter les frais de la cause.

[53]      L’acquittement sur un seul chef d’accusation, portant, par ailleurs, sur des faits collatéraux à l’objet principal de la plainte, ne justifie pas, à lui seul, un partage des frais.

 

 

IV.        Conclusions

 

[54]      Pour l’ensemble de ces motifs, le Comité imposera aux intimées les sanctions ci-après indiquées :

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

[55]      IMPOSE à l’intimée Lorraine Sheehan les sanctions suivantes :

 

Chef no 1 :

 

    une amende  1 000 $ pour  l’infraction visée à l’art. 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages;

 

    une amende de 1 000 $ pour l’infraction visée à l’art. 37 (6) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages.

 

 

Chef no 2 :

 

    une amende de 600 $.

 

 

Chef no 3 :

 

    une amende de 600 $ pour l’infraction visée à l’art. 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages;

 

    une réprimande pour l’infraction visée à l’art. 37 (6) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages.

 

 

Chef no 5 :

 

    une réprimande.

[56]      IMPOSE l’intimée Francine Sheehan les sanctions suivantes :

 

Chef no 1 :

 

    une amende de 600 $ pour  l’infraction visée à l’art. 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages;

 

    une réprimande pour l’infraction visée à l’article 37 (6) du Code de déontologie des représentants en assurances de dommages;

 

 

Chef no 2 :

    une réprimande.

[57]      CONDAMNE les intimées au paiement de tous les débours.

[58]      ACCORDE aux intimées un délai de 90 jours pour acquitter le montant des amendes et des débours calculés à compter de la signification des présentes.

[59]      RÉITÈRE l’ordonnance de non-publication, non diffusion et de non accessibilité à tout renseignement de nature financière concernant l’assurée suivant l’art. l42 C. prof.

 

 


 

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

__________________________________

Mme Francine Normandin, C.d’A.Ass.

Courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

__________________________________

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A.

Courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Nathalie Lelièvre

Procureure de la partie plaignante

 

Me Laurent Nahmiash

Procureur des parties intimées

 

Date d’audience :

25 février 2009

 

 

 

 



[1]     Lac d’Amiante du Québec Ltée c. 2858-0702 Québec inc., [2001] 2 R.C.S. 743;

[2]     Girard c. CBC, Cour supérieure no. 500-17-014008-034, 1er novembre 2005, l’honorable Kevin Downs, j.c.s.;

[3] Il est à noter que Me Lebrun n’était pas le notaire instrumentant sur cette hypothèque (I-4) il y a donc erreur sur le nom du notaire.

[4] Sur une question semblable voir l’affaire Denturologistes c. Picard [2008] Q.C.T.P. 149

[5] Osman c. Médecins [1994] D.D.C.P. 257 (T.P.)

[6] Gingras c. Chambre de l’assurance de dommages, 2006 Q.C.C.Q. 288

[7] Il est à noter, qu’une telle excuse ne constitue pas une défense à une accusation d’entrave au travail du syndic, voir à ce sujet, Denturologistes c. Picard [2008] Q.C.T.P. 149

[8] Feldman c. Barreau, 2004 Q.C.T.P. 71

[9]. Chauvin c. Slimani, [2003] CanLii 540 606 (QC. C.D.C.C.H.A.D.)

[10]..L’amende minimale est passée de 600 $ à 1 000 $ le 4 décembre 2007, soit après la date de commission des infractions (art. 156(c) tel que modifié par L.Q. 2007,c.25).

[11]. Kenny c. Dentistes [1993] D.D.C.P. 214 (T.P.) p. 222.

[12] Chauvin c. Angelone [2005] Canlii 57462 (QC. C.D.C.H.A.D.) décision sur sanction du 16 septembre 2005.

[13]. Chauvin c. Baker de Nobile [2008] Canlii 15000 (QC. C.D.C.H.A.D.)

[14]. Chauvin c. Quici, plainte no 2007-10-02 (c) décision sur sanction du 17 décembre 2008.

 

[15]. Voir les paragraphes 34 à 49 de la décision sur culpabilité du 17 novembre 2008.

[16]. S. Poirier « La discipline professionnelle au Québec, principes législatifs jurisprudentiels et aspects pratiques » Les Éditions Yvon Blais, 1998, aux pp. 173 et 174.

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