Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

N° :

2009-09-01(E)

 

 

DATE :

16 mars 2011

 

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Élaine Savard, expert en sinistre

Membre

M. Claude Gingras, expert en sinistre

Membre

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CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

BENOIT MAYER, expert en sinistre

Partie intimée

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DÉCISION SUR SANCTION

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[1]   Le 25 février 2011, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition sur sanction dans le dossier no 2009-09-01(E);

[2]   La syndic était représentée par Me Claude G. Leduc et l’intimé par Me Gaëtan H. Legris;

[3]   Le 10 juin 2010, l’intimé a été reconnu coupable des infractions suivantes :

Chef no 1 :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 1 pour avoir contrevenu, pour la période du 26 avril 2007 au 23 janvier 2008, à l’article 59(12) de l’ancien Code de déontologie des experts en sinistre (1999 G.O.Q. 2, 4138) et pour la période du 24 janvier 2008 au 18 février 2008 pour avoir contrevenu à l’article 58(14) du nouveau Code de déontologie des experts en sinistre (R. Q C-D-9.2, R.1.02.1);

 

Chef no 2 :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 48 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q. C-D-9.2) et à l’article 2 de l’ancien Code de déontologie des experts en sinistre (1999 G.O.Q. 2, 4138);

Chef no 3:

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 3 pour avoir contrevenu, pour la période du 21 février 2007 au 23 janvier 2008, aux articles 2 et 59(1) de l’ancien Code de déontologie des experts en sinistre (1999 G.O.Q. 2, 4138) et pour la période du 24 janvier 2008 au 18 février 2008 pour avoir contrevenu aux articles 2 et 58(1) du nouveau Code de déontologie des experts en sinistre (R. Q C-D-9.2, R.1.02.1) plus particulièrement :

        En faisant défaut d’agir et de rendre compte avec diligence aux assurés ;

        En faisant défaut de soumettre rapidement aux assurés une offre de règlement reçue de l’assureur La Capitale le 12 janvier 2008 ;

        En faisant défaut de donner suite aux demandes et instructions des assurés en regard de leurs biens laissés dans leur jardin, des frais de transport par taxi pour leurs enfants, de leur réclamation en regard des factures d’électricité, et de la perte de leur chien, à la suite de l’incendie de leur résidence survenu le 6 février 2007 ;

Chef no 5:

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 5 pour avoir contrevenu aux articles 2 et 44 du nouveau Code de déontologie des experts en sinistre (R. Q C-D-9.2, R.1.02.1);

 

[4]   Essentiellement, la preuve a démontré que l’intimé a permis à M. Lefebvre d’agir comme expert en sinistre sans être dûment certifié (chef no 1);

[5]   De plus, la plainte lui attribue la responsabilité de certaines fautes commises par ses employés et mandataires (chefs nos 2 et, 3 et 5);

[6]   À la décharge de l’intimé, il y a lieu de souligner que celui-ci fut acquitté des chefs nos 4 et 6 et des reproches formulés aux 5e et 6e paragraphes du chef no 3;

[7]   Brièvement résumé, la preuve a démontré que le traitement des réclamations du couple Adam a trainé en longueur pour diverses raisons, sans toutefois qu’il soit possible d’attribuer entièrement la responsabilité de ce retard à l’intimé et son mandataire, M. Lefebvre;

[8]   Il est toutefois clair que M. Lefebvre par son laxisme a contribué à une partie de ce délai;

[9]   C'est à la lumière de cette trame factuelle que sera analysée et décidée de la sanction qui devra être imposée à l’intimé;

 

I.        Preuve sur sanction

[10]     L’intimé a témoigné afin de souligner les circonstances atténuantes suivantes :

           Il a pris acte des reproches formulés contre lui et il compte amender sa conduite;

           Il a déjà pris les mesures nécessaires afin d’apporter les correctifs qui s’imposent pour éviter la répétition des infractions;

           Il a modifié ses contrats et mis en place un nouveau logiciel pour la tenue du temps;

           Depuis le 1er août 2008, M. Lefebvre a régularisé sa situation auprès de l’AMF;

 

II.       Argumentation

  

2.1       Par la syndic

[11]     Me Leduc informe le Comité que les parties recommandent conjointement les sanctions suivantes :

     Chef no 1 : une amende de 2 000 $;

     Chef no 2 : une amende de 1 000 $;

     Chef no 3 : une amende de 3 000 $;

     Chef no 5 : une amende de 1 500 $;

Total :                                       7 500 $;

 

[12]     Au soutien de ces sanctions, il souligne les circonstances aggravantes suivantes :

     La durée des infractions;

     La gravité objective des infractions;

     L’antécédent disciplinaire de l’intimé[1];

[13]     De plus, Me Leduc réfère le Comité de discipline aux précédents suivants :

     Chambre de l’assurance de dommages c. Angelone, 2005, CanLII 63898 (QC C.D.C.H.A.D.);

     Chambre de l’assurance de dommages c. Beauregard, 2008, CanLII 62039 (QC C.D.C.H.A.D.);

     Chambre de l’assurance de dommages c. Gingras, 2005, CanLII 57479 (QC C.D.C.H.A.D.);

     Rioux c. Morin, 2003, CanLII 57230 (QC C.D.C.S.F.);

     Décision no. 2010-PDG-0090, Bulletin de l’A.M.F., 11 juin 2010, vol. 7, no.23 p. 109 à 114;

[14]     Essentiellement, Me Leduc rappelle la gravité objective des infractions et la durée particulièrement longue de certaines des infractions (chefs nos 1 et 3);

 

2.2       Par l’intimé

[15]     Au nom de l’intimé, Me Legris confirme qu’il s’agit d’une recommandation commune des parties;

[16]     De plus, Me Legris souligne les circonstances atténuantes suivantes :

           L’absence de lien entre les présentes infractions et la condamnation antérieure de l’intimé;

           Le repentir exprimé par l’intimé;

           L’absence du risque de récidive vu les modifications apportées par l’intimé à ses méthodes de travail;

[17]     Finalement Me Legris remet au Comité une copie du jugement rendu par la Cour du Québec dans le litige opposant l’intimé au couple Adam[2];

[18]     Ce jugement conclut que l’expert Lefebvre s’est acquitté de sa tâche avec professionnalisme et intégrité[3] et que le cabinet de l’intimé n’a commis aucune faute dans l’exécution de son mandat[4] ni aucune négligence[5];

[19]     Soulignons que ce dossier a été plaidé et jugé avant que la décision sur culpabilité n’ait été rendue;

[20]     Par contre, il est bien établi que les recours disciplinaires et civils sont totalement distincts[6] et que les obligations déontologiques ne sont pas jugées suivant les mêmes règles que le droit civil[7];

[21]     Cela étant dit, Me Legris plaide également qu’au moment où le mandat fut accordé à M. Lefebvre celui-ci était dûment certifié, ce qui constitue en l’espèce une circonstance atténuante;

 

 

III.      Analyse et décision

[22]     Le comité tiendra compte qu’il s’agit d’une recommandation commune, mais modifiera certaines des sanctions proposées tout en respectant le montant global de 7 500 $;

[23]     Le présent dossier doit être analysé à la lumière des circonstances aggravantes suivantes :

     Le lien direct des infractions avec l’exercice de la profession;

     La gravité objective des infractions;

[24]     D’autre part, plusieurs circonstances atténuantes seront considérées par le comité soit :

     L’absence de lien direct entre le présent dossier et la condamnation antérieure de l’intimé;

     Le repentir exprimé par l’intimé;

     Les excellentes chances de réhabilitation de l’intimé;

     L’absence du risque de récidive;

[25]     L’ensemble de ces facteurs sera soupesé au moment d’imposer à l’intimé une sanction sur chacun des chefs d’accusation dont il fut reconnu coupable sous réserve du montant global de 7 500 $ recommandé par les parties;

 

3.1       Chef no 1 (contribué à l’exercice illégal)

[26]     L’intimé fut reconnu coupable d’avoir permis à M. Lefebvre d’agir à titre d’expert en sinistre alors que ce dernier n’était rattaché à aucun cabinet inscrit auprès de l’AMF et que son certificat était inactif (chef no 1);

[27]     Les parties suggèrent l’imposition d’une amende de 2 000 $ pour le chef no 1;

[28]     Le comité estime plutôt qu’une amende de 2 500 $ permettra de rencontrer les objectifs fixés par la jurisprudence, soit la protection du public et aura un effet dissuasif sur les autres membres de la profession ainsi que sur l’intimé;

[29]     À cet égard, le comité considère que l’intimé a fait preuve d’imprudence et d’aveuglement volontaire, alors qu’il avait été dûment informé par l’AMF des problèmes de certification de M. Lefebvre (pièce P-22);

[30]     De plus, il s’agit d’une pratique qui doit être dénoncée et sérieusement réprimée, pour ces motifs, l’intimé sera condamné à une amende de 2 500 $ sur le chef no 1;

 

3.2       Chef no 2 (contrat de services)

[31]     À l’instar des parties, le comité considère qu’il s’agit d’une infraction technique et qu’une amende minimale de 1 000 $ est suffisante pour couvrir cette situation, surtout si l’on considère que l’intimé a modifié ses conventions d’honoraires depuis la décision sur culpabilité;

 

 

3.3       Chef no 3 (Défaut d’agir avec professionnalisme)

[32]     À l’égard du chef d’accusation no 3, l’intimé fut reconnu responsable des gestes commis par son mandataire, M. Lefebvre, soit d’avoir fait défaut :

     D’agir et de rendre compte avec diligence aux assurés;

     De soumettre rapidement aux assurés une offre de règlement reçue de l’assureur;

     De donner suite aux demandes et instructions des assurés concernant certains postes de leur réclamation;

[33]     Le comité considère que ces reproches doivent être modulés en tenant compte du fait que M. Lefebvre ne peut être tenu entièrement responsable des délais survenus dans le dossier des assurés;

[34]     Une grande part des délais a été causée par l’attitude adoptée par M. Asselin, l’expert en sinistre à l’emploi de l’assureur;

[35]     Une autre partie du délai s’explique par la complexité du dossier et finalement par le caractère exhaustif et très détaillé de la réclamation des assurés;

[36]     Bref, il est impossible d’attribuer à l’intimé et à son mandataire la totalité des causes de retard dans le traitement de la réclamation;

[37]     Il s’agit d’une circonstance atténuante qui doit être considérée pour établir la sanction qui sera imposée à l’intimé sur ce chef d’accusation;

[38]     Pour ces motifs, le Comité estime que la sanction suggérée par les parties reflète adéquatement l’ensemble des circonstances particulières du présent dossier;

[39]     L’intimé sera donc condamné à l’amende minimale de 1 000 $, mais sur chacun des trois (3) reproches formulés au chef no 3, pour un total de 3 000 $;

 

3.4       Chef no 5 (rétention des chèques)

[40]     L’intimé fut reconnu coupable d’avoir retenu deux (2) chèques émis par l’assureur, sous prétexte que des sommes étaient dues à titre d’honoraires (chef no 5);

[41]     À ce sujet, les parties suggèrent une amende de 1 500 $ pour le chef no 5;

[42]     Le comité considère qu’il s’agit d’une infraction qui résulte en  grande partie du climat tendu qui prévalait entre les parties;

[43]     Il suffit pour s’en convaincre de prendre connaissance des volumineux échanges de courriels entre les parties pour conclure que la méfiance et le doute s’étaient installés entre eux;

[44]     En conséquence, le comité estime qu’une amende minimale de 1 000 $ permettra d’assurer la protection du public vu l’absence du risque de récidive compte tenu du caractère très particulier de la situation.

 

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline impose à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef no 1 : Une amende de 2 500 $;

Chef no 2 : une amende de 1 000 $;

Chef no 3 : une amende de 3 000 $, soit 1 000 $ par reproche formulé au        chef no 3;

Chef no 5 : une amende de 1 000 $.

 

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés.

ACCORDE à l’intimé un délai de trente (30) jours pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculés à compter de la signification de la présente décision.

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

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Mme Élaine Savard, expert en sinistre

Membre du comité de discipline

 

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M. Claude Gingras, expert en sinistre

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

 

Me Gaëtan H. Legris

Procureur de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

25 février 2011

 



[1]     Chauvin c. Mayer, 2009 CanLII 73927 (décision sur culpabilité) suivi de [2010] CanLII 39766 (décision sur sanction)

[2]     4164776 Canada Inc. c. Deravedisyan [2010] QCCQ 6139

[3]     Ibid, par. 39

[4]     Ibid, par. 47

[5]     Ibid, par. 61

[6]     Pigeon c. Comité de discipline de l’A.C.A.I.Q. [2002] CanLII 13821 (QC CQ), voir aussi 4164776 Canada Inc. c. Deravedisyan-Adam, [2010] QCCQ 7357

[7]     Tremblay c. Dionne [2006] QCCA 1441

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