Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2007-10-05(C)

 

DATE :

 27 juin 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville

Président

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Plaignante

c.

NORMAND BÉDARD, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Intimé

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DÉCISION INTERLOCUTOIRE

______________________________________________________________________

 

[1]       Le 23 juin 2011, l’intimé par la voix de son procureur demande une remise des auditions prévues les 28 et 29 juin 2011.

[2]       Suivant l’article 377 de la LDPSF, le président du comité de discipline peut entendre seul et décider tout moyen préliminaire.

[3]       Par conséquent, le président soussigné rendra seul la présente décision concernant cette demande de remise.

 

I.             Argumentation

 

[4]       Me Richard Masson au nom de l’intimé requiert la remise des auditions de la plainte prévues les 28 et 29 juin 2011.

[5]       Il est à noter que les dates d’audition avaient été fixées par voie d’une conférence téléphonique le 4 février 2011.

[6]       À cette occasion, les dates du 25 mai, des 28 et 29 juin et du 8 septembre 2011 avaient été retenues par le comité de discipline avec l’accord des parties.

[7]       D’ailleurs, l’audition du 25 mai 2011 eut lieu tel que prévue.

[8]       Le 23 juin 2011, à la veille du congé de la Fête nationale du Québec, Me Masson demande une remise des auditions des 28 et 29 juin 2011, aux motifs que :  

 

Madame la secrétaire du Comité de discipline

 

La présente a pour objet de confirmer que le procès de Monsieur Bédard a commencé la semaine dernière à St-Hyacinthe tel que prévu devant l’Honorable juge Beauchemin et s’est poursuivi toute la semaine. Celle-ci a toutefois amorcé le procès en annonçant qu’elle ne serait pas disponible ces mercredi et jeudi et concluait la semaine annonçant aux parties l’annulation des journées de lundi et mardi de cette semaine pour des considérations extrinsèques, la poursuite n’anticipant plus par ailleurs de terminer sa preuve dans les délais initialement prévus.

 

Nous avons donc depuis pris les bouchées doubles pour rencontrer l’échéance du Comité de la semaine prochaine. Malheureusement nous ne pouvons que constater que la chose est humainement impossible compte tenu du nombre de transactions en cause, l’étape où nous en sommes, le fait que le procès à St-Hyacinthe porte sur un ensemble de plus de cent transactions sans lien avec la plainte disciplinaire de même que de la proximité temporelle des deux affaires, éléments qui font en sorte que de forcer le défendeur à procéder dans ce contexte le priverait de son droit à une défense pleine et entière, situation que j’ai déjà décrite à Me Leduc par ailleurs. Nous n’avons donc eu d’autre choix que de considérer de demander le report de l’audition prévue la semaine prochaine vous priant d’en informer les membres du Comité de discipline.

 

Vous remerciant à l’avance, je demeure

 

Votre tout dévoué

 

Richard Masson, avocat

 

II.         Historique du dossier

2.1       Octobre 2007 à décembre 2008

[9]   Il convient de noter que le présent dossier a connu plusieurs péripéties avant l’audition de la présente demande de remise.

[10]        Plus précisément, pour la période se situant entre octobre 2007 et décembre 2008, le dossier de l’intimé démontre que :

1)    La plainte a été déposée au greffe du comité de discipline le 31 octobre 2007 et été signifiée à l’intimé le 17 novembre 2007.

2)    La date de l’audition au moment de la signification de la plainte, était fixée au 3 mars 2008.

3)    Une comparution de Me François Beauvais fut déposée au dossier du comité le 19 novembre 2007.

4)    Une demande de remise d’audition du 3 mars 2008 a été requise par Me Beauvais le 7 décembre 2007.

5)    Une conférence téléphonique eu lieu le 11 décembre 2007 concernant, notamment la présentation des moyens préliminaires.

6)    Une autre conférence téléphonique fut tenue le 20 décembre 2007 confirmant que la partie intimée ne déposerait pas de moyens préliminaires et les auditions furent alors fixées aux 20, 26 et 27 mai 2008.

7)    Le 5 mai 2008, un changement de procureurs intervient et un avis de substitution de procureurs est signé entre Me François Beauvais et Me Richard Masson, le 9 mai 2008.

8)    Le 26 mai 2008, une audition est tenue afin d’entendre une requête en irrecevabilité de la plainte déposée par l’intimé. Le comité, séance tenante, a rejeté la requête de l’intimé[1].

9)    Par la suite, l’intimé a interjeté appel de la décision du comité relativement à sa requête et demanda le sursis des auditions. En juin 2008, la Cour du Québec a rejeté la demande de sursis et en février 2009, l’appel fut rejeté[2].

10)  La première audition de la plainte eut lieu le 2 juillet 2008.

11)  Par la suite, une audition fut fixée au 17 octobre 2008 mais annulée par le président du comité.

12)  Les auditions sont alors fixées aux 15 et 16 décembre 2008.

13)  Alors que les auditions du 2 juillet et du 15 décembre 2008 s’étaient déroulées normalement celle du 16 décembre 2008 s’est terminée sur l’annonce d’une demande de récusation.

14)  Les parties conviennent alors, qu’à moins d’entente, une requête formelle sera déposée au plus tard le 15 février 2009 et que celle-ci sera plaidée le 10 mars 2009, à 14h00.

 

2.2       Décembre 2008 à juin 2010          

[11]        Pour la période se situant entre décembre 2008 et juin 2010, le dossier démontre que les auditions furent remises à plusieurs reprises, en raison de l’état de santé de l’intimé;

[12]        Plus précisément, le 4 mars 2009, le procureur de l’intimé informe le comité que l’état de santé de l’intimé ne lui permettra pas de plaider le 10 mars 2009;

[13]        Il est à noter qu’aucune procédure ne fut signifiée entre décembre 2008 et mars 2009 malgré l’engagement du procureur de l’intimé de produire une requête au plus tard le 15 février 2009;

[14]        Dans les circonstances, l’audition du 10 mars 2009 est annulée et la suite des procédures est fixée "pro forma" au 15 avril 2009;

[15]        Le 14 avril 2009, le procureur de l’intimé écrit au greffe du comité pour informer la secrétaire que :

"Suite à nos derniers échanges, la présente confirme que mon client est toujours hospitalisé, ayant subi à ce jour, sept interventions chirurgicales sous anesthésie générale, la dernière en date du 9 avril dernier. Je n’ai aucun pronostic au moment des présentes et suggère un report de deux mois pour la forme.

Vous remerciant pour votre collaboration habituelle, je demeure

Votre tout dévoué

Richard Masson

c.c. Me Claude Leduc"

[16]        Le dossier est donc fixé "pro forma" au 17 juin 2009, date à laquelle il sera reporté une autre fois  au 4 août 2009, vu l’état de santé précaire de l’intimé;

[17]        Le 10 août 2009, le procureur de l’intimé écrit de nouveau au greffe du comité, dans les termes suivants :

"Madame la secrétaire du Comité

Je vous transmets sous pli séparé (courrier électronique) copie de certains rapports du centre hospitalier de St-Jean-D’Iberville confirmant les informations que je vous ai transmises antérieurement. Je vous transmets également copie d’un certificat médical émis à la fin juin attestant que mon client a alors été mis en convalescence pour une période minimale de trois (3) mois.

Les examens subis par mon client à la fin juin ont confirmé que celui-ci devra subir une autre intervention, vraisemblablement en septembre, afin de procéder à lui greffer un nouveau genou. Une période de convalescence minimale de trois mois est par la suite prévue. Aussitôt que j’aurai confirmation des présentes informations de la part des médecins de mon client, je vous en ferai le suivi.

Croyant le tout conforme, je vous prie de recevoir l’expression de mes sentiments distingués.

Richard Masson

c.c. Me Claude Leduc"

[18]        Devant la gravité de l’état de santé de l’intimé, le dossier est de nouveau reporté "pro forma" au 7 décembre 2009;

[19]        Le 4 décembre 2009, Me Masson informe le comité de l’état de santé de l’intimé;

[20]        Le 7 décembre 2009, une conférence téléphonique est tenue et le procureur de l’intimé est alors informé que :

"La date limite de la décision à savoir si une ou des requêtes seront déposées est le 29 janvier 2010 et que, s’il y a lieu, le dépôt des requêtes se fera le 26 février 2010 au maximum";

[21]        Une autre conférence téléphonique est alors fixée, au 12 février 2010, afin d’assurer le suivi du dossier;

[22]        Le 12 février 2010, le président du comité constate l’absence du procureur de l’intimé et par conséquent, la conférence téléphonique devra être tenue à une autre date;

[23]        Le 23 mars 2010, lors d’une nouvelle conférence téléphonique, le procureur de l’intimé se voit imposer une nouvelle date butoir pour sa requête, soit le 27 avril 2010 et celle-ci devra être présentable le 27 mai 2010;

[24]        Le 27 avril 2010, soit exactement seize (16) mois après les évènements de décembre 2008, une requête en avortement de procès est finalement déposée;

[25]        Le 27 mai 2010, l’audition est encore une fois reportée, pour les mêmes raisons et une nouvelle conférence téléphonique est fixée pour le 31 mai 2010;

[26]        Finalement, le 31 mai 2010 il est convenu que l’audition de la requête aura lieu le 21 juin 2010, soit dix-huit (18) mois après les évènements de décembre 2008;

[27]        Le 8 juin 2010, le comité est informé par le biais d’un nouveau certificat médical que l’intimé "effectue actuellement des traitements d’ostéopathie afin de diminuer la douleur" et que "le travail à domicile est prescrit pour les trois (3) prochains mois";

 

2.3       Juin 2010 à décembre 2010

[28]        Lors d’une conférence téléphonique tenue le 17 juin 2010, le procureur de l’intimé demande à nouveau le report de l’audition de la requête en avortement de procès;

[29]        Le comité avise alors le procureur de l’intimé que sa demande de remise est refusée;

[30]        Le 13 juillet 2010, le comité de discipline rejette la requête en récusation[3].

[31]        Le 25 novembre 2010, le juge Daniel Dortélus rejette la permission d’en appeler de cette décision interlocutoire.

[32]         À cet égard, il y a lieu de reproduire certains extraits de ce jugement de la  Cour du Québec[4] :

[47]  Quand les prétentions du Requérant se limitent à des insinuations sans aucun fondement, on se retrouve alors devant une situation où il fait preuve de témérité, assimilable à un abus de procédure, selon le Tribunal.

[52]  Le Requérant plaide avec conviction que son recours n’est pas frivole ni manifestement mal fondé.

[53]  Le Tribunal n’est pas saisi d’une demande portant sur le caractère abusif ou dilatoire au recours du Requérant.

[54]  Cependant bien que cette question n’ait pas été soulevée ni traitée dans la décision du Comité, le Tribunal peut soulever et sanctionner d’office l’abus de procédure, après avoir entendu les parties sur ce point, en vertu des dispositions prévues aux articles 54.1 et suivants du Code de procédure civile.

[55]  Si une partie établit sommairement que la demande en justice où l’acte de procédure peut constituer un abus, il revient à la partie qui l’introduit de démontrer que son geste n’est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable et se justifie en droit, c’est ce que prévoit l’article 54.2 C.p.c..

[56]  Il appert du dossier que le test de l’article 54.2 C.p.c. est rencontré.

[57]  Vu que les parties n’ont pas été entendues sur ce point, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le caractère abusif ou dilatoire du recours du Requérant.

2.4     Janvier 2011 à juin 2011

[33]  Le 4 février 2011, le comité tient une conférence téléphonique afin de fixer la suite des auditions.

[34]  D’un commun accord, les auditions sont fixées aux 25 mai, 28 et 29 juin, de même que le 8 septembre 2011.

[35]  Comme convenu, l’audition du 25 mai 2011 se déroule tel que planifiée.

[36]  Le 23 juin 2011, le procureur de l’intimé demande de nouveau la remise du dossier pour les motifs reproduits au paragraphe 8 de la présente décision.

[37]  Cela étant dit, la demande de remise sera rejetée pour les motifs ci-après exposés.      

 

III.        Motifs et dispositif

 

 

[38]  L’article 144 du Code des professions reconnait à l’intimé le droit à une défense pleine et entière à l’encontre de la plainte.

[39]  Ce droit comprend de façon sous-jacente le droit de bénéficier de suffisamment de temps pour précisément être en mesure de présenter une défense pleine et entière.

[40]  Le comité considère qu’après quatre ans de procédures, l’intimé et son procureur ont eu amplement le temps de préparer leur défense.

[41]  Qui plus est, la jurisprudence enseigne que ce droit ne doit pas être interprété comme la reconnaissance du droit à une défense idéale.[5]

[42]  Par ailleurs, les tribunaux reconnaissent que le pouvoir d’accorder un ajournement est un pouvoir discrétionnaire dans l’exercice duquel une Cour d’appel ne doit pas intervenir, à moins qu’il n’apparaisse clairement qu’il fut exercé d’une manière injuste et discriminatoire.

         Bilodeau c. Avocats [2005] QCTP 62

         Boulanger c. Avocats [2007] QCTP 106

         Legault c. Notaires [2002] QCTP 82, évocation rejetée [2002] CanLii 31037 (c.s.), confirmée en appel [2003] CanLii 25485 (c.a.).

 

[43]  Conformément à la discrétion attribuée au comité de décider du bien-fondé de la demande de remise, celle-ci est rejetée pour les motifs ci-après exposés.

[44]  Il est bien établi que les auditions disciplinaires doivent procéder avec célérité vu les enjeux pour la protection du public[6] et la nécessité d’assurer l’efficacité du système disciplinaire[7].

 

[45]  Dans les circonstances, la plainte ayant été déposée le 31 octobre 2007, il est grand temps de procéder à son audition aux dates qui furent fixées de consentement le 4 février 2011.

[46]  En conséquence, la demande de remise sera rejetée.

 

Par ces motifs, le Comité de discipline

Rejette la demande remise;

Réitère que l’audition de la plainte se tiendra les 28 et 29 juin et le 8 septembre 2011;

Le tout sans autre avis, ni délai;

Frais à suivre.

 

 

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville

Président du Comité de discipline

 

 



[1]     Chambre de l’assurance de dommages c. Bédard, 2008 CanLII 24803 (QC C.D.C.H.A.D.)

[2]     Bédard c. Chauvin 2009 QCCQ 1912 (CanLII)

[3] 2010 Canlii 40393

[4] 2010 QCCQ 10836

[5] Choinière c. Avocats [2003] QCTP 124

[6] Finney c. Barreau du Québec [2004] 2 R.C.S. 17 aux paragraphes 42 à 46.

[7] Pharmascience inc. c. Binet [2006] 2 R.C.S. 513, aux paragraphes 61 à 69.

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