Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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 COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

N° :

2011-07-01(A)

 

DATE :

8 décembre 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Danielle Charbonneau, agent  en assurance

de dommages

Membre

Mme Diane D. Martz, agent en assurance de

dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

DANY COUTURE, agent en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]       Le 14 novembre 2011, le comité de discipline procédait à l’audition de la plainte dans le dossier no 2011-07-01(A);

[2]       Me Jean-Pierre Morin agissait pour la partie plaignante et Me Kim Savignac               assurait la défense de l’intimé;

[3]       La plainte reproche à l’intimé d’avoir :

 

1.         Le ou vers le 22 mai 2009, a agi de façon négligente et a fait défaut d’agir en conseiller consciencieux en ne vérifiant pas auprès de Mme E.J. si celle-ci voulait procéder à l’annulation de son contrat d’assurance habitation La Capitale no 9101541 à la date de son renouvellement prévu pour le 24 juillet 2009, procédant à ladite annulation sur la foi d’un simple avis non signé provenant d’un courtier en assurance de dommages, le tout en contravention du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 37(1) et 37(6) dudit Code.


 

2.         Entre le 22 mai 2009 et le 15 juillet 2009, a fait défaut de rendre compte à l’assurée Mme E.J. que son contrat d’assurance habitation La Capitale no 9101541 ne serait pas renouvelé à son échéance du 24 juillet 2009, laissant l’assurée dans l’ignorance de ce fait, le tout en contravention du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 25 et 37(4) dudit Code.

 

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimé, par la voie de son avocate, enregistra un plaidoyer de culpabilité;

[5]       L’intimé fut donc déclaré coupable, séance tenante, des infractions reprochées;

[6]       Me Morin informa alors le comité de la recommandation commune des parties quant à la sanction devant être imposée sur le chef no 2, soit une réprimande, tout en soulignant qu’il n’y avait pas d’entente quant à la sanction applicable au premier chef d’accusation;

 

I.          Preuve sur sanction

[7]       A cet égard, afin de permettre au comité d’analyser adéquatement le dossier,     Me Morin déposa de consentement les pièces suivantes :

 

P-1 :     Attestation de certification et fiche signalétique de M. Dany Couture;

 

P-2 :     Lettre de Mme É. J. à l’Autorité des marchés financiers en date du 15 juillet 2009;

 

P-3 :     Lettre de Mme Luce Raymond, responsable des enquêtes au bureau du syndic de la ChAD, à Mme Kathleen Gendron de La Capitale assurances générales inc. en date du 9 novembre 2009 et réponse en date du 19 novembre 2009 avec en liasse copie complète du dossier de la police habitation no 9101541052;

 

P-4 :     Lettre de Mme Joanne Bélanger, enquêteur au bureau du syndic de la ChAD, à Mme Kathleen Gendron de La Capitale assurances générales inc. en date du 22 juillet 2010 et réponse en date du 30 juillet 2010 accompagnée en liasse de la déclaration solennelle de Mme Claudia Angers, de la norme pour la résiliation d’une police d’assurance automobile et du dossier physique de la police automobile no 6294531-051;

 

P-5 :     Lettre réponse de Mme Kathleen Gendron de La Capitale assurances générales inc. en date du 18 octobre 2010, accompagnée en liasse de la police d’assurance habitation no 9101541 pour la période du 24 juillet 2010 au 24 juillet 2011, notes de souscription et norme pour résiliation d’une police d’assurance habitation;

 

P-6 :     Lettre réponse de Mme Kathleen Gendron de La Capitale assurances générales inc. en date du 2 mai 2011 accompagnée en liasse d’une lettre de Mme Joanne Bélanger en date du 13 avril 2011 et copie de la police habitation 2008-2009 portant le no 9101541;

 

P-7 :     Lettre de Mme Joanne Bélanger à M. Dany Couture en date du 22 juillet 2010 et réponse en date du 5 août 2010 accompagnée en liasse de la déclaration solennelle de M. Dany Couture et d’une télécopie du 22 mai 2009 de Conway Jacques Courtiers d’assurances inc.;

 

P-8 :     Lettre de motifs de Mme Carole Chauvin, syndic de la ChAD, à M. Dany Couture en date du 4 mars 2011 et réponse en date du 24 mars 2011, en liasse.

 

[8]       Brièvement résumée, la preuve démontre que :

                En février 2009, l’assurée E. J. procède à l’achat d’une nouvelle voiture et elle décide alors de s’assurer avec AVIVA auprès des courtiers Conway Jacques inc.;

                Elle demande alors à La Capitale d’annuler sa police d’assurance automobile;

                Le 22 mai 2009, M. Alex Vachon fait parvenir à La Capitale une lettre (p. 36 de P-3) non signée demandant, au nom de Mme E. J., de ne pas renouveler sa police d’assurance habitation;

                Le 15 juillet 2009, Mme E. J. apprend avec stupéfaction que sa police d’assurance habitation ne sera pas renouvelée vu l’avis de non-renouvellement du 22 mai 2009;

                Elle décide alors de porter plainte (P-2) auprès de l’AMF concernant les agissements du représentant de Conway Jacques inc.;

                Un dossier est alors ouvert au bureau du syndic;

 

[9]       Après enquête, le dossier du représentant (A. Vachon) fut fermé au motif que l’assurée avait donné un mandat à Conway Jacques inc., même si ce mandat n’était pas aussi clair et aussi affirmatif que semble l’indiquer la lettre du 22 mai 2009 (P-3);

[10]    Par contre, au cours de la même enquête, le bureau du syndic constate que l’intimé n’aurait pas vérifié adéquatement l’étendue du mandat octroyé à Conway Jacques inc., d’où le premier chef d’accusation;

[11]    On considère également que l’intimé n’a pas informé l’assurée en temps utile que sa police d’assurance habitation ne serait pas renouvelée vu la lettre du 22 mai 2009 (P-3), ce qui donne lieu au dépôt du deuxième chef d’accusation;

[12]    Considérant ces deux reproches, l’intimé, lors de son témoignage, a insisté sur les points suivants :

                Le courtier (A. Vachon) était le mandataire de l’assurée et il n’avait aucun élément lui permettant de douter de la validité de ce mandat;

                L’assurée avait déjà annulé sa police d’assurance automobile, il était donc possible et logique qu’elle procède à l’annulation de sa police d’assurance habitation;

                Il était sous l’impression que son employeur ferait parvenir automatiquement une lettre à l’assurée l’informant du non-renouvellement de sa police d’assurance habitation;

 

[13]    Avec le recul, l’intimé est conscient qu’il aurait dû procéder à des vérifications plus approfondies et c’est pourquoi il plaide coupable aux deux (2) chefs d’accusation;

[14]    Il regrette ses gestes et, depuis cette époque, il a pris les moyens nécessaires pour éviter la répétition de telles infractions;

 

III.      Argumentation

          2.1    Par la syndic

[15]    Tel que souligné par Me Morin en début d’instance, les parties s’entendent sur la sanction devant être imposée sur le 2e chef d’accusation, soit une simple réprimande;

[16]    Par contre, concernant le 1er chef d’accusation, Me Morin suggère une amende de 1 000 $;

[17]    À l’appui de ses prétentions, il cite plusieurs décisions, soit :

                Chauvin c. Boivin, 2004 CanLII 57002;

                Chauvin c. Lachapelle et Sourdif, 2011 CanLII 67607;

                Chauvin c. Duplantis-Sawyer, 2006 CanLII 53737;

 

[18]    De l’avis de la partie plaignante, ces décisions démontrent que pour des infractions équivalentes, les amendes imposées par le comité se situent entre 600 $ et 1 000 $ par infraction;

 

2.2       Par l’intimé

[19]    De son côté, Me Savignac plaide que son client a été berné par la lettre du représentant (A. Vachon) de Conway Jacques inc. (P-3);

[20]    Elle insiste sur le fait que l’assurée, Mme E. J., n’a jamais porté plainte contre l’intimé, ses griefs étaient adressés à M. Vachon;

[21]    Elle souligne également les circonstances atténuantes suivantes :

                Son client a cru de bonne foi qu’une lettre serait expédiée automatiquement à l’assurée par son employeur, La Capitale;

                L’intimé n’a pas à faire les frais de l’erreur initialement commise par l’autre représentant;

                Son client n’a pas d’antécédents disciplinaires;

                Il a plaidé coupable à la première occasion et a pleinement collaboré à l’enquête de la syndic;

 

IV.     Analyse et décision

[22]    Il est de jurisprudence constante qu’à moins de circonstances exceptionnelles, une suggestion commune doit être entérinée par le comité à moins que celle-ci ne soit déraisonnable au point de discréditer l’administration de la justice;

[23]    La sanction suggérée, soit une réprimande pour le chef no 2, nous semble appropriée à la gravité objective de l’infraction reprochée et elle tient compte des circonstances particulières du dossier;

[24]    Pour ces motifs, celle-ci sera entérinée par le comité tel que suggéré par les parties;

[25]    Cela étant dit, le comité doit maintenant décider de la sanction appropriée pour le 1er chef d’accusation;

[26]    Pour les motifs ci-après exposés, le comité estime qu’une réprimande couvre amplement la situation visée par le 1er chef d’accusation;

[27]    En matière disciplinaire, l’objectif de la sanction ne vise pas à punir le professionnel mais à corriger un comportement fautif[1] ;

[28]    Ainsi, afin d’établir la sanction juste et raisonnable, le comité de discipline devra pondérer l’ensemble des facteurs atténuants et aggravants tant objectifs que subjectifs[2];

[29]    Parmi les facteurs objectifs dont le comité tiendra compte dans le présent dossier, soulignons :

 

                La protection du public; et

 

                La gravité relative de l’infraction;

 

[30]    Parmi les facteurs subjectifs, le comité tiendra compte des éléments suivants : 

 

                Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

 

                L’absence d’antécédents disciplinaires;

 

                La bonne foi du professionnel;

 

                L’absence de risque de récidive et le repentir exprimé par l’intimé; et

 

                Les modifications apportées à la pratique de l’intimé;

 

[31]    De plus, il y a lieu de mettre en perspective l’infraction commise par l’intimé et notamment de souligner que le représentant à l’origine de cet imbroglio n’a pas été poursuivi en discipline;

[32]    Comme le souligne l’auteur Mario Goulet, la maxime de minimis non curat praetor s’applique en droit disciplinaire[3], suivant certaines conditions[4];

[33]    À titre d’exemple, le comité réfère les parties à deux décisions du Tribunal des professions[5] qui rappellent qu’un manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité;

[34]    D’autre part, en matière de protection du public, l’obligation imposée aux chambres professionnelles doit être mitigée par son corollaire, soit l’obligation de traiter équitablement[6] ceux dont le gagne-pain est placé entre leurs mains et il n’y a aucun avantage à faire prévaloir l’une de ces fonctions sur l’autre[7];

[35]    Quant aux facteurs subjectifs, le comité considère que l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé, de même que son repentir, lui permettent de considérer que les chances de réhabilitation du professionnel sont excellentes et que les risques de récidive, pour une infraction de même nature, sont à peu près inexistants;

[36]    Le processus disciplinaire, de l’avis du comité, comporte en soi un effet dissuasif et un rappel à l’ordre dont l’intimé saura tirer leçon;

[37]    Enfin, puisque la sanction doit avoir comme premier objectif la protection du public et non la punition du professionnel[8], en l’espèce, une réprimande est amplement suffisante pour atteindre l’objectif fixé par la loi;

[38]    Pour l’ensemble de ces motifs, le comité imposera une simple réprimande sur le chef no 1 compte tenu des circonstances très particulières du présent dossier;

[39]    Pour conclure, tel que le Tribunal des professions le soulignait dans l’affaire Lagacé[9] : «une réprimande, ne l’oublions pas, constitue un antécédent qui demeurera au dossier» de l’intimé avec toutes les conséquences qui en découlent;

V.      Déboursés

[40]  Malgré la demande de la procureure de l’intimé à l’effet de partager les déboursés entre les parties, le comité estime que, vu le plaidoyer de culpabilité sous les deux chefs d’accusation, la totalité des déboursés doit être à la charge de l’intimé;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITE DE DISCIPLINE :

 

PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur les chefs nos 1 et 2 de la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 1 pour avoir contrevenu à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

IMPOSE à l’intimé une réprimande sur le chef no 1 ;

 

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de l’article 25 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

IMPOSE à l’intimé une réprimande sur le chef no 2 ;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les frais ;

 

 

 

_________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

 

_______________________________

Mme Danielle Charbonneau, agent en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

______________________________

Mme Diane D. Martz, agent en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Jean-Pierre Morin

Procureur du syndic

 

Me Kim Savignac

Procureure de l’intimé

 

Date de l’audience :  14 novembre 2011

 



[1]    Duplantie c. Notaires, [2003] Q.C.T.P. 105;

[2]    S. POIRIER. La discipline professionnelle au Québec, principes léglislatifs, jurisprudentiels et aspects pratiques, Éd. Yvon Blais, 1998, pp. 172 et ss.;

[3]    M. GOULET. Le droit disciplinaire des corporations professionnelles, Ed. Yvon Blais, 1993, p. 49;

[4]    Voir Jean Hétu, «De minimis non curat praetor : une maxime qui a toute son importance!», [1990] 50 R. du B. 1065, p. 1073;

[5]    Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19;

Malo c. O.I.I.Q., 2003 QCTP 132;

[6]    Kane c. Conseil d’administration de l’U.C-B, [1980] 1 R.C.S. 1105;

[7]    Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301, à la p. 315;

[8]    Royer c. Rioux, C.Q. no. 500-02-119213-036, 8 juin 2004, juge Raoul Barbe;

[9]    Lagacé c. Arpenteurs-géomètres, [2000] Q.C.T.P. 050, à la p. 9;

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