Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE SAINT-JÉRÔME         

 

N° :

2011-10-01(C)

 

DATE :

26 mars 2012

______________________________________________________________________

 

 LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Lyne Leseize, courtier en assurance de dommages

Membre

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre

____________________________________________________________________

 

FRANÇOIS MONTFILS, ès qualités de syndic ad hoc de la Chambre de l’assurance de dommages

                Partie plaignante

c.

 

SONIA MERCIER, courtier en assurance de dommages

                 Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]       Le comité s’est réuni le 23 février 2012 afin de procéder à l’audition de la plainte no 2011-10-01(C);

[2]       Me François Montfils agissait à titre de syndic ad hoc et Me André Ramier représentait l’intimée;

[3]       La plainte reproche à l’intimée un seul chef d’accusation, soit :

 

1.   À Sainte-Agathe-des-Monts, environ entre les mois de décembre 2002 et de décembre 2008, l’intimée, dirigeante responsable du cabinet Groupe Lyras inc., a permis à Mme Jocelyne Bernier, une employée ni certifiée ni visée par l’article 547 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), d’agir comme courtier en assurance de dommages auprès de la clientèle du cabinet, contrevenant ainsi aux articles 2 et 37 par. 12 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.R.Q., c. D-9.2, r. 5) et se rendant passible des sanctions auxquelles réfère l’article 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2).

 

[4]       D’entrée de jeu, Me André Ramier enregistra au nom de l’intimée un plaidoyer de culpabilité;

[5]       Pour sa part, Me François Montfils annonça au comité que les parties feraient une recommandation commune quant à la sanction devant être imposée à l’intimée, soit une amende de 4 000 $;

[6]       Après avoir pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée, celle-ci fut déclarée coupable, séance tenante, et les parties procédèrent alors aux représentations sur sanction;

 

I.          Preuve sur sanction

[7]       La preuve fut limitée au dépôt de consentement des pièces suivantes :

 

P-1 :   Attestation de pratique du 11 octobre 2011 de l’Autorité des marchés financiers pour Sonia Mercier;

 

P-2 :   Attestation de pratique du 11 octobre 2011 de l’Autorité des marchés financiers pour Jocelyne Bernier;

 

P-3 :   Déclaration d’irrégularités du 26 février 2009 de l’Autorité des marchés financiers;

 

P-4 :   En liasse :

         

          Lettre du 7 juillet 2009 de Yves Trudel de l’Autorité des marchés financiers adressée à Frédérique Lack du Groupe Lyras inc.;

 

          Lettre du 16 juillet 2009 de Sonia Mercier du Groupe Lyras inc. adressée à Pablo Klein de l’Autorité des marchés financiers

 

P-5 :   Procès-verbal de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale du 28 avril 2011 pour le dossier 560-61-024298-098;

 

P-6 :   Lettre du 27 octobre 2010 de Sonia Mercier adressée à l’Autorité des marchés financiers ainsi qu’une copie du programme de conformité relatifs aux droits de pratique;

 

P-7 :   Formulaire d’évaluation du rendement de Jocelyne Bernier pour l’année 2006 préparé par le Groupe Lyras inc.;

 

P-8 :   Interrogatoire de Mme Sonia Mercier du 13 juillet 2011 à Saint-Jérôme.

 

[8]       D’autre part, Me Montfils a procédé à un court exposé des faits, tel que permis par la jurisprudence[1], lesquels, par ailleurs, n’ont pas été niés par le procureur de l’intimée, en conséquence, le comité doit les considérer comme étant avérés[2];

[9]       Dans tous les cas, ceux-ci étaient supportés et confirmés par la preuve documentaire déposée de consentement (P-1 à P-8);

[10]    Brièvement résumés, les faits sont les suivants :

                Mme Jocelyne Bernier était employée du cabinet Groupe Lyras entre décembre 2002 et décembre 2008;

                Durant cette période, Mme Bernier était sous la responsabilité de l’intimée et elle a travaillé comme courtier en assurance de dommages des particuliers sans détenir un permis;

                Malgré plusieurs tentatives, celle-ci n’a pas réussi à passer les examens de l’AMF sauf pour deux examens, soit automobile et habitation;

                Elle fut en congé de maternité de 2004 à 2006;

 

[11]    Enfin, il semble que le Groupe Lyras l’a conservée à son emploi en espérant qu’elle puisse un jour obtenir sa certification, vu le manque de personnel qualifié dans la région de Mont-Laurier;

[12]    Il y a lieu de noter que l’employée, Mme Jocelyne Bernier, a fait l’objet d’une plainte pénale pour avoir exercé illégalement (art. 461 LDPSF) et qu’elle fut condamnée à une amende totale de 2 000 $ (P-5);

[13]    Pour sa part, le Groupe Lyras s’est vu imposé par l’AMF[3] une pénalité de     15 000 $ (P-6);

[14]    C’est à la lumière de cette trame factuelle que devra être examiné le dossier de l’intimée;

 

II.       Argumentation

[15]    Les parties suggèrent de façon commune l’imposition d’une amende de 4 000 $ plus les frais usuels;

[16]    À l’appui de cette recommandation, le syndic ad hoc, Me Montfils, déposa une série de précédents jurisprudentiels, soit :

                Chauvin c. Bodi, 2003 CanLII 54602;

                Chauvin c. Angelone, 2005 CanLII 63898;

                Chauvin c. Beauregard, 2008 CanLII 62039;

                Chauvin c. Cirrincione, 2011 CanLII 3350;

                Chauvin c. Légaré, 2011 CanLII 9776;

                Chauvin c. Mayer, 2011 CanLII 15491;

                Chauvin c. Mayer, 2011 CanLII 43605;

 

[17]    Le syndic référa également le comité au texte d’une conférence donnée par       Me Pierre Bernard intitulée «La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions»[4];

[18]    Enfin, Me Montfils souligna les différents facteurs subjectifs dont le comité devait tenir compte pour imposer la sanction, soit :

                L’excellente collaboration de l’intimée lors de l’enquête;

                Les admissions de l’intimée et son plaidoyer de culpabilité dès la première occasion;

                L’absence de plainte en provenance des clients et, par conséquent, l’absence de préjudice pour ces derniers;

                La mise en place de mécanismes pour éviter à l’avenir de telles infractions;

 

[19]    À cette liste s’ajoute les facteurs objectifs dont le comité devra également tenir compte, soit :

                La gravité objective de l’infraction;

                La protection du public;

                L’atteinte à l’essence même de l’exercice de la profession;

                La dissuasion et l’exemplarité;

                La durée des infractions (4 ans);

 

[20]    De son côté, Me Ramier confirme qu’il s’agit d’une recommandation commune et demande au comité de considérer également les faits suivants :

                L’employée dont fait mention la plainte faisait l’objet d’une surveillance étroite par la direction du cabinet;

                Elle avait déjà réussi deux (2) des examens de l’AMF;

                Elle exerçait en région éloignée, soit un endroit où il est difficile d’attirer du personnel qualifié;

                Celle-ci ne travaille plus au cabinet et, par conséquent, les risques de récidive sont nuls;

 

[21]    Enfin, l’intimée n’a pas agi par malhonnêteté ni dans un but intentionnel;

[22]    L’intimée et son cabinet avaient bon espoir que cette employée finirait par obtenir son accréditation;

 

III.        Analyse et décision

          3.1    Les recommandations communes

[23]    Il y a eu lieu de rappeler que le comité de discipline n’est pas lié par la suggestion commune des procureurs et qu’il conserve la discrétion d’imposer la sanction qu’il juge raisonnable[5];

[24]    Toutefois, le comité qui s’apprête à rejeter une suggestion commune se doit d’aviser les parties et leur donner alors l’opportunité de présenter de nouveaux éléments de preuve et de nouveaux arguments;

[25]    Conformément à la jurisprudence[6], le comité a informé les parties qu’il estimait que la recommandation commune ne reflétait pas la gravité objective des infractions ni la durée de celles-ci;

[26]    Après une courte suspension, les parties ont présenté une nouvelle recommandation, soit une amende de 7 000 $;

[27]    D’emblée, le comité informa les parties que cette nouvelle recommandation serait entérinée plus particulièrement pour les motifs ci-après exposés;

 

3.2       La sanction

[28]    Le comité considère que cette nouvelle recommandation commune visant à imposer une amende de 7 000 $ reflète plus adéquatement les facteurs suivants :

                La gravité objective de l’infraction;

                La durée des infractions;

                Le fait que les infractions portent atteinte à l’essence même de la profession;

                La nécessité d’assurer la protection du public en imposant une sanction dissuasive et exemplaire afin d’éviter la répétition de tels gestes;

 

[29]    D’autre part, cette sanction est juste et raisonnable puisqu’elle tient compte :

                Du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

                De sa bonne foi;

                De sa volonté de s’amender par la mise en place d’un nouveau programme de conformité visant à s’assurer avant toute embauche que chaque candidat possède un certificat en règle avec l’AMF (P-6);

 

[30]    Pour l’ensemble de ces motifs, le comité considère qu’une amende de 7 000 $ constitue une sanction appropriée au cas de l’intimée et aux circonstances du dossier;

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

 

DÉCLARE l’intimée coupable du chef no1 pour avoir contrevenu à l’article 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’article 2 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

IMPOSE à l’intimée une amende de 7 000 $;

 

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés.

 

 

 

 

 

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Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline


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Mme Lyne Leseize, courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

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M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me François Montfils

Partie plaignante

 

Me André Ramier

Procureur de l’intimée

 

Date d’audience :

23 février 2012

 



[1]    St-Pierre c. Médecins, [1996] D.D.O.P. 276 (T.P.);

[2]    Campagna c. Psychologues, [2000] D.D.O.P. 339 (T.P.);

[3]    Décision 2010-PDG-0159 du 1er octobre 2010;

[4]    P. Bernard. La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions. Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, 2004, vol. 206, p. 71 et ss.;

[5]    Sideris c. R., 2006 QCCA 1531;

[6]    Acupuncteurs c. Zhang, 2009 QCTP 139;

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