Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

No :

2011-12-05(C)

 

 

DATE 

23 juillet 2012

 

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Joanne Allard, courtier en assurance de dommages

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

SYLVAIN LABERGE, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

           Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

_____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, NON-DIFFUSION ET NON-DIVULGATION DU NOM DES ASSURÉS ET DE TOUT DOCUMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

___________________________________________________________________________

 

[1]       Le 22 juin 2012, le comité de discipline se réunissait afin de procéder à l’audition de la plainte no 2011-12-05(C);

[2]       La partie plaignante était alors représentée par Me Nathalie Vuille et l’intimé se représentait seul;

[3]       La plainte reproche à l’intimé sept (7) chefs d’accusation, soit:

 

 

 

 

1.   Entre le ou vers le 1er octobre 2006 et le ou vers le 1er juin 2008, à titre de dirigeant responsable du cabinet Michel Constantin et associés inc., en permettant que son cabinet agisse à titre d’intermédiaire pour procurer de l’assurance de dommages pour des immeubles situés en Ontario et en Nouvelle-Écosse, propriétés de E.-Ad G. (Canada) inc., alors qu’aucun courtier du cabinet n’était détenteur d’un certificat de courtier en assurance de dommages dans ces provinces, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions de l’article  37(12) dudit code;

 

2.   Le ou vers le 1er juin 2008, à titre de dirigeant responsable du cabinet Michel Constantin et associés inc., en faisant défaut de respecter la loi et les règlements en ne conservant pas copies des polices maîtresses, certificats d’assurance et documents y afférant ainsi que les dossiers clients couverts par le programme d’assurance connu sous le nom de « Placements Constantin inc. » émis par l’entremise de son cabinet, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommage et le Règlement sur la tenue et la conservation des livres et registres, notamment aux dispositions de l’article 2 du code et de l’article 13 dudit règlement;

 

3.   Entre le ou vers le 1er octobre 2007 et le ou vers le 1er octobre 2008, en faisant preuve d’un manque de transparence auprès de l’assurée, L.R. (certificat no 72), en émettant ou en permettant que soit émis par l’intermédiaire du cabinet Michel Constantin et associés inc., pour la période du 1er octobre 2007 au 1er octobre 2008, un certificat contenant des informations fausses et/ou trompeuses, selon lequel le contrat d’assurance Responsabilité civile primaire était souscrit auprès de La Souveraine et non pas auprès de la compagnie d’assurance Missisquoi et indiquant que la limite de la garantie Responsabilité civile primaire était de 5 000 000 $ plutôt que de 1 000 000 $ et en ne procédant pas ensuite à l’émission d’un nouveau certificat, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 15, 25 et 37(7) dudit code;

 

4.   Le ou vers le 1er octobre 2007, en faisant preuve d’un manque de transparence auprès de l’assurée L.R. (certificat no 72) en indiquant La Souveraine à titre d’assureur de la garantie Umbrella dans le tableau des assureurs, pour la période du 1er octobre 2007 au 1er octobre 2008, alors que ladite garantie n’était pas inscrite dans le tableau des protections, faisant de fausses représentations à celle-ci, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 9, 15, 25 et 37(7) dudit code;

 

5.   Entre le ou vers le 1er octobre 2007 et le ou vers le 1er octobre 2008, en faisant preuve d’un manque de transparence auprès des assurés Y.D., F.D. et D.D. et/ou 9***-6*** Québec inc. FASLRS Man.L. inc. (certificat no 90) en émettant ou en permettant que soit émis par l’intermédiaire du cabinet Michel Constantin et associés inc., pour la période du 1er octobre 2007 au 1er octobre 2008, un certificat contenant des informations fausses et/ou trompeuses, selon lequel le contrat d’assurance Responsabilité civile primaire était souscrit auprès de La Souveraine et non pas auprès de la compagnie d’assurance Missisquoi et indiquant que la limite de la garantie Responsabilité civile primaire était de 5 000 000 $ plutôt que de 1 000 000 $ et en ne procédant pas ensuite à l’émission d’un nouveau certificat, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 15, 25 et 37(7) dudit code;


6.   Le ou vers le 1er octobre 2007, en faisant preuve d’un manque de transparence auprès des assurés Y.D., F.D. et D.D. et/ou 9***-6*** Québec inc. FASLRS Man.L. inc. (certificat no 90) en indiquant La Souveraine à titre d’assureur de la garantie Umbrella dans le tableau des assureurs du certificat no 90, pour la période du 1er octobre 2007 au 1er octobre 2008, alors que ladite garantie n’était pas inscrite dans le tableau des protections, faisant de fausses représentations à ceux-ci, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 9, 15, 25 et 37(7) dudit code;

 

7.   Entre le ou vers le 1er octobre 2007 et le 1er octobre 2008, en faisant défaut d’agir en conseiller consciencieux envers les assurés Y.D., F.D. et D.D. et/ou 9***-6*** Québec inc. FASLRS Man. L. inc.(certificat no 90), émis par l’intermédiaire du cabinet Michel Constantin et associées inc., relativement à l’insuffisance de garantie Refoulement des égouts audit certificat, le tout en contravention avec le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment aux dispositions des articles 9, 37(1) et 37(6) dudit code.

 

L’intimé s’est ainsi rendu passible, pour les infractions ci-haut mentionnées, des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions.

 

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité sur les sept (7) chefs d’accusation contenus à la plainte;

[5]       Le comité, après avoir pris acte du plaidoyer de culpabilité, déclara séance tenante l’intimé coupable des infractions reprochées dans la plainte no 2011-12-05(C);

 

I.        Preuve sur sanction

[6]       Me Vuille déposa de consentement les pièces documentaires suivantes :

 

P-1          Attestation de qualité;

 

P-16     Certificat d’assurance numéro 25-(137) du cabinet Michel Constantin et associés inc., pour la période du 1er octobre 2006 au 1er octobre 2007;

 

P-17     Certificat d’assurance numéro 25-(137) du cabinet Michel Constantin et associés inc., pour la période du 1er octobre 2007 au 1er octobre 2008;

 

P-23     Certificat d’assurance numéro 72 du cabinet Michel Constantin et associés inc., pour la période du 1er octobre 2007 au 1er octobre 2008;

 

P-25     Certificat d’assurance numéro 90 du cabinet Michel Constantin et associés inc., pour la période du 1er octobre 2007 au 1er octobre 2008;

 

P-35     Contrat Missisquoi, Assurance Responsabilité civile primaire numéro SLA0200, au nom de Le placements Michel Constantin et associés inc. et al., pour la période du 1er octobre 2007 au 1er octobre 2008;

 

P-39     En, liasse, correspondance du 12 juin 2009 entre M. Sylvain Laberge du cabinet Michel Constantin et associés inc. et Mme Lina Mercado de GCAN compagnie d’assurances en date du 12 juin 2008 et documents l’accompagnant, en liasse;

 

P-47     Lettre du 6 juillet 2010 de Mme Sylvie Campeau, enquêteur, à l’Office of the Superintendent of Insurance of Nova Scotia;

 

P-48     Courriel de l’Office of the Superintendent of Insurance of Nova Scotia à Mme Sylvie Campeau, enquêteur, en date du 7 juillet 2010;

 

P-49     Résumé d’une conversation téléphonique entre Mme Sylvie Campeau, enquêteur, et Mme Irene Chung du Registered Insurance Brokers of Ontario (RIBO), en date du 10 mai 2010;

 

P-50     Échange de courriels entre Mme Sylvie Campeau, enquêteur, et Mme Vivian Lee du Registered Insurance Brokers of Ontario (RIBO), en date du 10 juin 2010;

 

P-61     Organigramme remis par M. Daniel Gosselin lors de la rencontre du 5 janvier 2011 avec Mme Carole Chauvin, syndic et Mme Sylvie Campeau, enquêteur;

 

P-70     En liasse correspondance du 12 novembre 2010 entre M. Sylvain Laberge du cabinet Michel Constantin et associés inc. et le bureau du syndic et documents l’accompagnant;

 

P-82     Résumé de conversation téléphonique entre Mme Denise Bourgeois de La Souveraine compagnie d’assurance générale et Mme Sylvie Campeau, enquêteur, en date du 20 juillet 2010;

 

P-90     Résumé de conversation téléphonique entre Mme Claire Belzile de La compagnie d’assurance Missisquoi et Mme Sylvie Campeau, enquêteur, en date du 31 mai 2010;

 

P-98     En liasse, correspondance du 8 novembre 2011 entre M. Yves Deschênes et le bureau du syndic et documents l’accompagnant;

 

P-100    Liste des emplacements Placements Constantin associés couverts pour le terme du 1er octobre 2007 au 1er octobre 2008 sous le contrat d’assurance no. CFM5056926.

 

P-101    Correspondance du 24 février 2012 de M. Sylvain Lagerge.

 

[7]       Par la suite, Me Vuille fit un court résumé des faits pour chacun des chefs d’accusation;

[8]       D’autre part, le comité a bénéficié du témoignage de l’intimé;

[9]       Essentiellement, il appert que ce dernier, après avoir fait l’acquisition en 2001 du cabinet Michel Constantin et Associés, a connu certaines difficultés dans la gestion de son cabinet en raison de la présence, durant plusieurs années, de M. Constantin;

[10]    L’intimé soutient que malgré le fait qu’il tentait de moderniser les méthodes et procédures du cabinet, ses efforts étaient mis à néant par la résistance au changement de M. Constantin;

[11]    De plus, l’intimé, suivant ses dires, n’était pas au courant de tous les agissements de M. Constantin, lequel continuait de se comporter comme s’il était toujours propriétaire du cabinet;

[12]    Ce manque de contrôle entraîna, suivant l’intimé, la perpétration des infractions reprochées et ce, malgré ses efforts pour redresser la situation;

[13]    Finalement, en 2008, M. Constantin quitte le cabinet de l’intimé pour se joindre au cabinet GPL assurance inc.;

 

II.         Argumentation

A)   Par la syndic

[14]    Me Vuille, pour et au nom de la syndic, suggère les sanctions suivantes :

 

- Chef no 1 :      une amende de 6 000 $;

- Chef no 2 :      une amende de 2 000 $;

- Chef no 3 :      une amende de 1 000 $;

- Chef no 4 :      une réprimande;

- Chef no 5 :      une amende de 1 000 $;

- Chef no 6 :      une réprimande;

- Chef no 7 :      une réprimande;

 

[15]    À l’appui de son argumentation, elle dépose un cahier d’autorités comprenant plusieurs décisions disciplinaires démontrant le bien-fondé des amendes suggérées;


[16]    De plus, la procureure de la syndic insiste sur les facteurs objectifs suivants :

           Protection du public;

           Exemplarité et dissuasion envers les autres membres de la profession;

           Gravité objective des infractions;

 

[17]    Quant aux facteurs subjectifs, la syndic insiste sur les suivants :

                Atténuants :

o    Plaidoyer de culpabilité dès la première occasion;

o    Collaboration à l’enquête de la syndic;

o    Absence d’antécédents disciplinaires;

o    Absence de préjudice pour les clients;

 

                Aggravants :

o    Durée des infractions;

o    Répétition des infractions;

o    Expérience de l’intimé;

o    Infractions qui touchent à l’essence même de la profession et qui portent sur des connaissances de base;

 

[18]    Enfin, la procureure de la syndic précise que les sanctions suggérées tiennent compte des principes suivants :

                Parité des sanctions;

                Gradation des sanctions;

 

[19]    Pour l’ensemble de ces motifs, elle demande au comité d’entériner les sanctions suggérées par le bureau de la syndic;

 

B)   Par l’intimé

[20]    Pour sa part, l’intimé considère que la sanction de 6 000 $ sur le chef no 1 est exagérée puisqu’il n’est pas directement responsable de la commission de cette infraction;

[21]    Il plaide sa bonne foi et insiste sur le fait qu’on lui impute la responsabilité de ce geste de la commission de cette infraction à titre de dirigeant responsable du cabinet, alors que cette infraction résulte des agissements de M. Constantin;

[22]    En conséquence, il estime qu’une amende de 6 000 $ serait exagérée compte tenu des circonstances particulières du présent dossier;

[23]    Quant aux sanctions suggérées pour les autres chefs d’accusation, il reconnaît qu’il s’agit, à toutes fins pratiques, de sanctions minimales et, en conséquence, il n’a pas véritablement d’objection à l’encontre de celles-ci;

 

III.        Analyse et décision

[24]    Pour les motifs ci-après exposés, le comité considère que les sanctions suggérées par la syndic sont raisonnables et appropriées au dossier de l’intimé et qu’elles reflètent adéquatement l’ensemble des circonstances aggravantes et atténuantes;

 

A)   Chef no 1

[25]    Suivant l’enquête effectuée par le bureau de la syndic, il appert qu’aucun des courtiers à l’emploi du cabinet de l’intimé n’était autorisé à pratiquer dans les provinces de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse.

[26]    Pour sa part, l’intimé plaide, tout en reconnaissant sa culpabilité[1], que                  M. Constantin était la personne attitrée à ces dossiers et qu’il lui mentionnait que la majorité des immeubles étaient situés au Québec;

[27]    En conséquence, il considérait qu’il n’était pas nécessaire de détenir une certification dans ces provinces;

[28]    Tels sont les faits à l’origine du chef no 1 et pour lesquels la syndic réclame une amende de 6 000 $;

[29]    La syndic considère que cette sanction est conforme à la jurisprudence en semblable matière, soit :

           Chauvin c. Therriault, 2012 CanLII 21064;

           Chauvin c. Mercier, 2012 CanLII 18796;

           Chauvin c. Lanouette, 2011 CanLII 73321;

 

[30]    Par ailleurs, concernant l’obligation de détenir un certificat, il y a lieu de rappeler certains passages de la décision Therriault[2] :

 

[21]   Il est de commune renommée que l’appartenance à une chambre professionnelle et le fait d’être détenteur d’un certificat valide est un gage de compétence qui permet d’assurer la protection du public;

[22]    L’omission de mettre à jour sa certification est plus qu’une simple erreur technique, une telle infraction touche à l’essence même de la profession, tel que le soulignait la Cour d’appel dans l’arrêt Bruni c. AMF[3] :

[101]  Voici en effet un individu accusé d'infractions (vente illégale de valeurs mises en marché sans prospectus et exercice de l'activité de courtier sans le certificat requis) qui, au contraire de ce qu'il prétend, ne sont pas techniques, mais vont au cœur du système de régulation élaboré par les lois dont l'intimée a mandat d'assurer la mise en œuvre (régulation stricte de l'information, obligation de divulgation, réglementation des intermédiaires de marché). Il s'agit là d'infractions dénotant mépris ou insouciance envers la loi, ce qui est bien loin de l'honnêteté et du professionnalisme exigés de tout représentant par l'article 16 L.d.p.s.f.[49], dans un contexte où la protection du public est un des objectifs primordiaux de la législation. Aux fins de l'article 220 L.d.p.s.f., l'intimée pouvait donc raisonnablement conclure que les faits ayant donné lieu à cette poursuite suffisaient à faire douter de la probité de l'appelant et démontraient que ce dernier avait manqué à cette « [v]ertu qui consiste à observer scrupuleusement les règles de la morale sociale, les devoirs imposés par l'honnêteté et la justice »[50] et, pourrait-on ajouter, par la loi.

(Nos soulignements)

[23]   Dans la même veine, il y a lieu de citer certains extraits de l’arrêt Marston c. AMF[4] :

[46]  La LDPSF a été conçue pour protéger le public et, pour cette raison principalement, il y a lieu de privilégier une interprétation large et libérale de ses dispositions. À cet égard, je renvoie à l'arrêt Kerr c. Danier Leather Inc.[13]  dans lequel la Cour suprême écrit : « La Loi sur les valeurs mobilières est une mesure législative corrective et doit recevoir une interprétation large ».

[47]  Il s'agissait en l'espèce de la loi ontarienne sur les valeurs mobilières, mais le principe interprétatif énoncé par la Cour suprême s'applique intégralement à la LDPSF, qui poursuit le même genre d'objectif.

[48]  La LDPSF réglemente l'exercice des professions associées à la vente de produits et services financiers. En ce qui concerne les représentants, ils doivent être détenteurs d'un certificat délivré par l'AMF[14], exercer leurs fonctions « avec honnêteté et loyauté » et agir avec « compétence et professionnalisme »[15].

[49]  L'AMF a pour mission de veiller à la protection du public relativement à l'exercice des activités régies par la LDPSF[16]. À cette fin, elle est investie de pouvoirs divers, dont celui de déterminer, par règlement, la formation requise[17], les règles de déontologie[18], etc. La LDPSF crée le « Fonds d'indemnisation des services financiers » qui est affecté au paiement d'indemnités aux victimes de fraude ou de manœuvre dolosive dont est responsable un représentant[19].

[50]  Deux chambres sont aussi instituées par la LDPSF, la « Chambre de la sécurité financière » et la « Chambre de l'assurance de dommage ». Elles ont aussi comme mission de s'assurer de la protection du public en maintenant la discipline et en veillant à la formation et à la déontologie de ses membres[20]. Chaque chambre nomme un syndic[21] qui est chargé de faire enquête en cas d'allégation d'infraction à la LDPSF[22] en vue d'un éventuel dépôt de plainte devant un comité de discipline[23], qui entend les plaintes et rend sa décision[24].

[51]  La LDPSF confère enfin au ministre le pouvoir d'ordonner la tenue d'enquêtes sur toute question relative à l'application de la loi[25].

[52]  Ce survol de la LDPSF permet de constater que l'objectif central de cette loi est la protection du public et que les moyens mis de l'avant pour atteindre ce but se rattachent d'abord et avant tout au contrôle de l'exercice de la fonction par la délivrance d'un certificat autorisant son titulaire à exercer sa profession et par le maintien d'une discipline rigoureuse. (Nos soulignements et réf. omises)

[24]  Suivant la jurisprudence traditionnelle[5], l’exercice d’une profession est un «privilège» dont la contrepartie exige le respect de règles strictes instaurées en vue de protéger le public;

[25]  Par contre, en septembre 2011, la Cour d’appel, dans l’arrêt Comité exécutif de l’Ordre des ingénieurs du Québec c. Roy[6], nuançait cette notion de «privilège» dans les termes suivants :

[38]  L’époque où l’on parlait de la faculté d’exercer une profession comme d’un « privilège » est peut-être révolue. Cela dit, l’expression s’entendait dans un sens précis, probablement hérité de la langue anglaise (« A particular advantage, or benefit enjoyed by a person, company or class, beyond the common advantages of other citizens»[24]), et illustré par une jurisprudence souvent ancienne[25]. Elle ne signifiait pas que le détenteur de ce « privilège » était sans droit.

[39]  Néanmoins, conceptualisée de cette façon, cette notion d’avantage particulier réservé à un groupe de personnes (par exemple, le droit de se dire médecin et d’exercer la médecine) présupposait que celui qui revendique le « privilège » appartient véritablement au groupe ainsi avantagé. Cette idée conserve toute sa pertinence aujourd’hui.

[40]  On évoque parfois dans ce contexte le « droit de gagner sa vie ».  À mon sens, les deux notions se recoupent mais ne se confondent pas.  A priori, le « droit de gagner sa vie » signifie simplement le droit de tout citoyen de se livrer à une activité économique licite, dans une profession ou autrement, pour en tirer un gain matériel. Le droit d’exercer une profession réglementée comporte comme exigence préalable et additionnelle, en général sinon dans tous les cas, le fait pour l’intéressé de satisfaire à certaines conditions précises d’appartenance à un corps professionnel. Possède le « droit de gagner sa vie » en exerçant telle ou telle profession celui qui remplit ces conditions. Cela explique qu’on a pu écrire il y a déjà longtemps[26] :

(…)

[41]  En principe, une personne qui se conforme à toutes les conditions prévues par la loi – par exemple, celles énoncées par l’article 46 du Code et que la loi fixe pour l’inscription au tableau d’un ordre professionnel – pourra saisir le tribunal pour obtenir la sanction du droit que lui accorde la loi – par exemple, celui d’être inscrit au tableau[30]. Mais encore faut-il que toutes ces conditions soient remplies[31] et lorsque l’une des conditions en jeu concerne la compétence de l’intéressé, le jugement que porte l’ordre professionnel sur sa conformité initiale ou ultérieure avec cette condition (c’est-à-dire le jugement des pairs de l’intéressé) a nécessairement beaucoup de poids[32].

[42]   Replacé dans cette perspective, le droit que l’intimé peut invoquer ici est d’une portée plus restreinte. Il ne s’agit pas, en fin de compte, d’un quelconque droit substantiel d’exercer la profession d’ingénieur, mais plutôt d’un « droit à l’application régulière de la loi » (par analogie[33] par exemple à l’affaire Sam Lévy & Associés inc. c. Mayrand[34]) en tant que membre d’un ordre professionnel. Et une chose est sûre : personne ne peut revendiquer le droit de mal exercer, ou d’exercer de façon incompétente, une activité professionnelle régie par le Code. La protection du public dont sont garants les ordres professionnels s’y oppose

(Nos soulignements et réf. omises)

[26]  En conclusion, le droit d’exercer une profession comporte une exigence minimale, soit l’obligation de respecter les conditions d’appartenance au corps professionnel par le biais d’un certificat valide, et ce, pour chaque catégorie de discipline dans laquelle le représentant entend agir[7];

[27]  C’est à la lumière de ces principes que sera examinée la justesse et la raisonnabilité des sanctions suggérées par les parties;

 

[31]    Dans les circonstances, le comité considère que la gravité objective de l’infraction et surtout la durée de celle-ci, soit du 1er octobre 2006 au 1er juin 2008, justifient plus qu’amplement l’imposition d’une amende de 6 000 $;

[32]    En conséquence, l’intimé se verra imposer une amende de 6 000 $ pour le chef   no 1;

 

B)   Chef no 2

[33]    Il appert qu’au cours de l’année 2008, M. Constantin aurait offert à l’intimé de lui vendre son portefeuille d’assurance mais ce dernier aurait refusé;

[34]    M. Constantin s’est alors adressé à un autre cabinet qui procéda à l’acquisition d’une partie seulement de son portefeuille d’assurance;

[35]    Suite à cette vente, M. Constantin quitte le cabinet de l’intimé, le 1er juillet 2008, emportant avec lui tous les documents relatifs à son portefeuille dont les polices maîtresses, certificats d’assurance et autres documents y afférant ainsi que les dossiers-clients couverts par le programme d’assurance connu sous le nom de «Placements Constantin inc.» émis par l’entremise du cabinet de l’intimé;

[36]    La preuve démontre que l’intimé n’a conservé aucune copie desdits documents[3];

[37]    Considérant les faits à l’origine de ce chef d’accusation, la syndic requiert contre l’intimé une amende de 2 000 $ en prenant appui sur le précédent Laflèche[4];

[38]    Le comité estime que le nombre de dossiers-clients de même que la gravité objective de l’infraction justifient l’imposition d’une amende de 2 000 $;

[39]    En conséquence, la sanction suggérée par la syndic sera entérinée par le comité;

 

C)   Chefs nos 3 et 5

[40]    Les chefs nos 3 et 5 reprochent à l’intimé d’avoir émis des certificats contenant des informations fausses ou trompeuses;

[41]    Ces certificats furent émis à l’avance, cependant, entre la date d’émission et la date d’entrée en vigueur de ceux-ci, M. Constantin aurait négocié un changement d’assureur pour son «Programme Placements Constantin inc.», rendant ainsi lesdits certificats obsolètes;

[42]    L’intimé reconnaît ne pas avoir vérifié personnellement la véracité de l’information[5];

[43]    En l’espèce, non seulement le nom de l’assureur en responsabilité civile était-il erroné, mais également le montant de la couverture, laquelle n’était pas de 5 000 000 $, mais bien uniquement de 1 000 000 $;

[44]    Compte tenu de la gravité objective des infractions, le comité estime que l’amende de 1 000 $ par chef suggérée par la syndic constitue un minimum;

[45]    Cependant, celle-ci est conforme à la jurisprudence[6] et elle tient compte de l’absence de préjudice pour les assurés;

[46]    En conséquence, l’intimé se verra imposer une amende de 1 000 $ sur chacun des chefs nos 3 et 5;

 

 

D)   Chefs nos 4 et 6

[47]    Suivant la preuve, les certificats émis dans le cadre du «Programme Placements Constantin inc.» n’indiquaient pas de façon adéquate les garanties offertes;

[48]    Le client devait se référer à la section «Protection» pour connaître avec exactitude les couvertures auxquelles il avait adhéré;

[49]    La syndic recommande dans les circonstances l’imposition d’une réprimande sur chacun des chefs nos 4 et 6;

[50]    Le comité considère qu’il s’agit d’une sanction juste et raisonnable et qui tient compte du principe de la globalité des sanctions[7], vu les amendes déjà imposées sur les chefs nos 3 et 5, lesquels sont reliés aux présents chefs nos 4 et 6;

[51]    Pour ces motifs, l’intimé se verra imposer une réprimande sur chacun des chefs nos 4 et 6;

 

E)   Chef no 7

[52]    Essentiellement, le chef no 7 reproche à l’intimé d’avoir fait défaut d’agir en conseiller consciencieux envers les mêmes assurés que ceux mentionnés aux chefs  nos 5 et 6;

[53]    Le chef no 7 est intimement lié aux chefs nos 3, 4, 5 et 6 pour lesquels l’intimé a déjà été sanctionné;

[54]    Dans les circonstances, le comité estime qu’une réprimande est suffisante pour sanctionner cette infraction;

[55]    D’ailleurs, l’intimé a déjà été condamné à une amende de 1 000 $ sur chacun des chefs nos 3 et 5;

[56]    En tenant compte du principe de la globalité des sanctions et afin d’éviter toute forme de dédoublement, le comité imposera à l’intimé une simple réprimande sur le chef no 7;


IV.     Conclusions

[57]    Pour ces motifs, les sanctions suggérées par la syndic seront entérinées par le comité puisqu’elles sont justes et raisonnables et surtout appropriées aux circonstances particulières du présent dossier;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITE DE DISCIPLINE:

PREND acte du plaidoyer de culpabilité;

DECLARE l’intimé coupable des sept (7) chefs d’accusation contenus à la plainte no 2011-12-05(C) et plus particulièrement :

 

Chef no 1 :       

           DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 1 pour avoir contrevenu à l’article 37(12) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

Chef no 2 :       

           DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 13 du Règlement sur la tenue et conservation des livres et registres;

           PRONONCE  un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 2;

 

Chefs nos 3, 4, 5 et 6 :            

           DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 3, 4, 5, et 6 pour avoir contrevenu à l’article 15 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

           PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos 3, 4, 5, et 6;

Chef no 7 :       

           DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 7 pour avoir contrevenu à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

           PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 7;

 

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

- Chef no 1 :  une amende de 6 000 $;

- Chef no 2 :  une amende de 2 000 $;

- Chef no 3 :  une amende de 1 000 $;

- Chef no 4 :  une réprimande;

- Chef no 5 :  une amende de 1 000 $;

- Chef no 6 :  une réprimande;

- Chef no 7 :  une réprimande;

 

PRONONCE une ordonnance de non-publication, de non-diffusion et de non-divulgation du nom des assurés et de tout document permettant de les identifier, le tout suivant l’article 142 du Code des professions;

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés;

 

ACCORDE à l’intimé un délai de 30 jours pour acquitter le montant des amendes et des déboursés calculés à compter de la signification des présentes;

 

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

__________________________________

Mme Joanne Allard, courtier en assurance de dommages

Membre du comité de discipline

 

 

Me Nathalie Vuille

Procureure la partie plaignante

 

M. Sylvain Laberge, agissant seul et non représenté

Partie intimée

 

Date d’audience :

22 juin 2012

 

 



[1]    Pièce P-101;

[2]    2012 CanLII 21064;

[3]    Pièce P-101;

[4]    Chauvin c. Laflèche, 2005 CanLII 57470;

[5]    Pièce P-101;

[6]    Chauvin c. Boucher, 2006 CanLII 53730;

[7]    Chénier c. Pouliot (C.A), 1998 QCTP 1659 (CanLII);

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