Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

 

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

N° :

2011-08-01(E)

2011-08-02(E)

 

 

 

 

DATE :

 

24 août 2012

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Jules Lapierre, expert en sinistre

Membre

Mme Colette Parent, expert en sinistre

Membre

____________________________________________________________________

 

 

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

 

                Partie plaignante

 

c.

 

 

ÉRICK SOUCY, expert en sinistre

et

MICHEL BÉCHARD, expert en sinistre

 

 

                 Parties intimées

 

______________________________________________________________________

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

Page

 

I.        Les plaintes............................................................................................................................ 3

II.      Les faits................................................................................................................................... 5


Motifs et dispositifs   10

 

A)     La plainte no 2011-08-01(E) (Soucy)........................................................................ 10

 

3.1  Chef no 1 (manque de contrôle)......................................................................... 10

3.2  Chef no 2 (copie de l’évaluation)....................................................................... 11

3.3  Chef no 3 (tenue de dossier)............................................................................... 12

 

B)   La plainte no 2011-08-02(E) (Béchard).................................................................... 13

 

3.4. Chef no 1 (manque de contrôle)......................................................................... 13

           Chef no 1a)  (avoir délégué ses responsabilités)............................................ 14

           Chef no 1b)  (liste des biens meubles).............................................................. 16

           Chef no 1c)  (liste des biens non récupérables).............................................. 16

           Chef no 1d)  (en ne prenant pas les assurés au sérieux).............................. 17

           Chef no 1e)  (les devis)........................................................................................ 18

           Chef no 1f)  (suivi des biens).............................................................................. 19

           Chef no 1g)  (le nouvel entrepreneur)............................................................... 19

 

3.5. Chef no 2 (défaut d’informer).............................................................................. 20

           Chef no 2a)  (copie de l’évaluation)................................................................... 20

           Chef no 2b)  (problème électrique)..................................................................... 21

           Chef no 2c)  (liste des biens)............................................................................... 22

           Chef no 2d)  (deuxième évaluation).................................................................. 23

 

3.6. Chef no 3 (tenue de dossier)............................................................................... 23

           Chef no 3a)  (travaux additionnels).................................................................... 23

           Chef no 3b), c), d) et e)......................................................................................... 24

 

      

[1]       Au cours des mois de mai et juin 2012, le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition commune des plaintes nos 2011-08-01(E) et 2011-08-02(E);

 

I.          Les plaintes

 

[2]       M. Érick Soucy fait l’objet d’une plainte amendée comportant trois (3) chefs d’infraction;

[3]       Essentiellement, la plainte amendée no 2011-08-01(E) lui reproche :

 

1.      Entre le 24 août 2007 et le 17 octobre 2007, a fait défaut d’agir avec professionnalisme et a fait preuve d’un manque de contrôle de la réclamation des assurés É.A. et S.G. à la suite d’un dégât d’eau, notamment :

 

a.      en ne connaissant pas la nature, l’étendue et/ou les montants des travaux à être exécutés et en déléguant le tout à l’entrepreneur en construction reconnu par l’assureur;

b.      en ne cherchant pas à connaître la durée des travaux de remise en état de la résidence des assurés à la suite du dégât d’eau du 24 août 2007;

 

le tout, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des experts en sinistre [c. D-9.2, r. 1.02, r.1.02.1 et r. 4], notamment aux dispositions de l’article 59(1) devenu l’article 58(1) dudit code;

 

2.      Du 24 août 2007 au 17 octobre 2007, a exercé ses activités de façon négligente en n’informant pas les assurés É.A. et S.G. qu’ils pouvaient demander une copie de l’évaluation des dommages effectuée par l’assureur à la suite de leur réclamation découlant du dégât d’eau du 24 août 2007, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des experts en sinistre [c. D-9.2, r. 1.02, r.1.02.1 et r. 4] notamment aux dispositions des articles 14 et 59(1) devenus les articles 21 et 58(1) dudit code;

 

3.      Du 24 août 2007 au 17 octobre 2007, a été négligent dans sa tenue de dossier en faisant défaut d’inscrire au dossier des assurés É.A. et S.G. ses démarches et interventions et ce, tant auprès des assurés qu’auprès des autres intervenants relativement au dossier de réclamation à la suite d’un dégât d’eau, notamment :

 

a.      en ne notant pas au dossier les explications fournies aux assurés quant au remboursement de frais de subsistance;

b.      en ne notant pas au dossier que les assurés se plaignaient à l’effet que leurs biens entreposés sous scellés dans une pièce de leur résidence étaient mal protégés;

c.      en ne notant pas au dossier qu’il a informé les assurés de sa fin de mandat lorsque le dossier de réclamation pour dommages par dégât d’eau a été confié à M. Michel Béchard,

le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers, notamment l’article 16, et le Code de déontologie des experts en sinistre  [c. D-9.2, r. 1.02, r.1.02.1 et r. 4], notamment aux dispositions de l’article 59(1) devenu l’article 58(1) dudit code.

 

[4]      Dans le cas de M. Michel Béchard, la plainte amendée no 2011-08-02(E) lui reproche trois (3) chefs d’accusation, soit :

1.      Entre le 17 octobre 2007 et le 2 avril 2008, a fait défaut d’agir avec professionnalisme et a fait preuve d’un manque de contrôle de la réclamation des assurés É.A. et S.G. à la suite d’un dégât d’eau et ce, notamment :

 

a.      en déléguant ses propres responsabilités aux fournisseurs et aux entrepreneurs en construction reconnus par l’assureur;

b.      en ne sachant pas et en ne cherchant pas à savoir quand, pourquoi et quels biens meubles seront entreposés chez le fournisseur Frank Langevin ni ceux demeurés sur place durant les travaux;

c.      en obtenant qu’en décembre 2007 la liste des biens non récupérables évalués par le fournisseur Frank Langevin;

d.      en ne prenant pas les assurés au sérieux, plus particulièrement aux mois de novembre et décembre 2007, lorsque ces derniers l’informaient de la piètre qualité des travaux effectués par l’entrepreneur reconnu par l’assureur, préférant se fier à la version de ce dernier et en tardant à décider d’aller constater le tout personnellement;

e.      en n’ayant pas obtenu et/ou cherché à obtenir de l’évaluateur, M. André Rose, l’évaluation des travaux mal exécutés et ceux devant être refaits, à la fois pour les dommages couverts que ceux non couverts par l’assureur et ce, suite à la visite du 3 décembre 2007;

f.       en ne connaissant pas le traitement donné pas les divers fournisseurs aux biens des assurés notamment à une table, un violon, à l’ordinateur, à la cuisinière et au réfrigérateur, optant pour une pratique professionnelle à la remorque des événements;

g.      en ne sachant pas et/ou ne cherchant pas à connaître quel entrepreneur complètera les travaux suite à la faillite d’Inevco, l’entrepreneur reconnu par l’assureur;

 

le tout, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des experts en sinistre [c. D-9.2, r. 1.02, r.1.02.1 et r. 4], notamment aux dispositions de l’article 59(1) devenu l’article 58(1) dudit code;

 

2.      Entre le 17 octobre 2007 et le 2 avril 2008, a exercé ses activités de façon négligente et a fait défaut de fournir aux assurés É.A. et S.G. les explications nécessaires à la bonne compréhension du règlement de leur sinistre, notamment :

 

a.      en n’informant pas les assurés qu’ils pouvaient demander une copie de l’évaluation des dommages effectuée par l’assureur;

b.      en n’informant pas les assurés É.A. et S.G. que selon M. André Rose, le ou vers le 24 octobre 2007, il y avait un problème électrique avec un branchement au plafond du passage et que ce problème serait corrigé par l’entrepreneur en construction;

c.      en n’informant pas les assurés qu’une liste de leurs biens évalués, soit comme étant irréparables, pertes ou soit comme étant réparables avait été constituée par le fournisseur Frank Langevin;

d.      en n’informant pas les assurés de la deuxième évaluation effectuée par M. André Rose concernant l’étendue des travaux à refaire;

 

le tout, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des experts en sinistre [c. D-9.2, r. 1.02, r.1.02.1 et r. 4], notamment aux dispositions des articles 14 et 59(1) devenus les articles 21 et 58(1) dudit code;

 

3.      Du 17 octobre 2007 au 2 avril 2008, a été négligent dans sa tenue de dossier en faisant défaut d’inscrire au dossier des assurés É.A. et S.G. ses démarches et interventions et ce, tant auprès des assurés qu’auprès des autres intervenants relativement au dossier de réclamation à la suite d’un dégât d’eau, notamment 

 

a.      en ne notant pas au dossier les travaux additionnels que les assurés faisaient effectuer;

b.      en ne notant pas au dossier la réception de l’évaluation des dommages au violon et en ne faisant aucun suivi pour récupérer ce dernier;

c.      en n’ayant aucune note au dossier quant à l’expertise de l’ordinateur, de la table, de la cuisinière et du réfrigérateur;

d.      en ne notant pas au dossier que les assurés se plaignaient à l’effet que leurs biens entreposés sous scellés dans une pièce de leur résidence étaient mal protégés;

e.      en ne notant pas au dossier qu’il a informé les assurés de sa fin de mandat lorsque le dossier de réclamation pour dommages par dégât d’eau a été confié au contentieux et/ou la haute direction de l’assureur,

le tout en contravention avec la Loi sur la distribution de produits et services financiers, notamment l’article 16 et le Code de déontologie des experts en sinistre [c. D-9.2, r. 1.02, r.1.02.1 et r. 4], notamment aux dispositions de l’article 59(1) devenu l’article 58(1) dudit code.

 

[5]       La partie plaignante était représentée par Me Claude G. Leduc et les deux intimés étaient défendus par Me Yves Carignan;

 

[6]       D’entrée de jeu, Me Carignan a enregistré un plaidoyer de non culpabilité pour et au nom de ses clients;

 

[7]       D’autre part, les plaintes furent amendées en cours d’audition afin de corriger quelques dates et certaines références à des dispositions législatives;

 

II.         Les faits

 

[8]      Depuis le début des années 2000, les assurés, M. Stéphane Gaulin et M. Éric April, demeurent dans un duplex centenaire situé dans l’arrondissement Le Plateau-Mont-Royal;

 

[9]   Le 24 août 2007 survient un dégât d’eau majeur au deuxième étage de l’immeuble entraînant d’importants dommages à l’appartement situé au premier étage, lequel est habité par les assurés;

[10]    À cet égard, il y a lieu de préciser que le duplex appartient à M. Gaulin et à un ami investisseur, M. Mario Quesnel, cependant, le logement du premier étage est occupé par M. April et M. Gaulin;

 

[11]    Le 27 août 2007, au retour d’un week-end à leur chalet, les assurés constatent que leur appartement a subi de nombreux dommages en raison d’une fuite d’eau en provenance du deuxième étage de l’immeuble;

 

[12]    Il appert que le locataire du deuxième étage a laissé couler, sans surveillance et durant plusieurs heures, le robinet de l’évier de cuisine étant alors absorbé par son ordinateur;

 

[13]    Mais il y a plus, malgré l’importance des dommages, le locataire n’a pas jugé opportun de téléphoner à son propriétaire, M. Gaulin, pour l’informer de la situation;

 

[14]    Ainsi, en entrant dans le logement, le couple Gaulin-April découvre le lundi matin du 27 août 2007 l’étendue des dommages;

 

[15]    Le plancher de la cuisine est une perte totale, le plafond n’est guère mieux et plusieurs autres pièces du logement ont subi des dommages;

 

[16]    À cela s’ajoute une odeur putride et certains de leurs biens sont endommagés au point d’être irrécupérables;

 

[17]    M. Gaulin contacte alors son assureur (Desjardins) et le dossier est confié dans un premier temps à l’intimé Érick Soucy, lequel sera remplacé par la suite par l’intimé Michel Béchard;

 

[18]    Ainsi, pour la période du 24 août 2007 au 17 octobre 2007, date du début des travaux, le dossier sera sous la responsabilité de l’intimé Soucy;

 

[19]    Par la suite, soit du 17 octobre 2007 au 2 avril 2008, date de fermeture du dossier et de son transfert au contentieux de Desjardins, l’intimé Béchard sera en charge du dossier;

 

[20]    Ce qui, à l’origine, ne devait être qu’une réclamation somme toute banale et qui normalement aurait dû être traitée et réglée à l’intérieur de quelques semaines, s’est avéré être un véritable cauchemar pour les assurés;

 

[21]    Premièrement, les travaux de construction se sont échelonnés sur une période de cinq (5) mois, soit du 17 octobre 2007 au 21 mars 2008, alors qu’il s’agissait d’un simple logement de quatre (4) pièces et demie, et non pas d’un manoir anglais ou d’un château;

[22]    Ce faisant, les assurés ont dû vivre à l’hôtel durant cinq (5) mois avant d’être en mesure de retrouver la quiétude de leur logement et de reprendre une vie normale;

 

[23]    Le premier entrepreneur, recommandé par les intimés et choisi par les assurés à défaut d’en connaître d’autres, soit INEVCO, s’est révélé être d’une incompétence crasse;

 

[24]    À vrai dire, INEVCO inc. n’avait aucun travailleur de la construction à son service et sous-contractait ses contrats à la compagnie Décor L.I., une entreprise dont l’activité principale, suivant le registre des entreprises[1], serait la peinture et le débosselage de voitures;

 

[25]    Dès la première journée des travaux, les assurés ont été à même de constater plusieurs irrégularités sur le chantier de construction;

 

[26]    Premièrement, la zone sinistrée (la cuisine) n’avait pas été adéquatement isolée des autres pièces du logement (chambre des maîtres), entraînant ainsi la poussière des travaux de démolition dans l’ensemble de l’appartement;

 

[27]    C’est alors que la firme Frank Langevin inc. fut mandatée par l’intimé Béchard afin d’entreposer les biens meubles des assurés;

 

[28]    Par contre, suivant les assurés, un seul camion se présenta sur les lieux du sinistre et le reste des biens meubles fut placé dans une chambre scellée dont la cloison étanche céda à peine 12 heures après son installation;

 

[29]    Les biens meubles restants furent alors transférés pêle-mêle dans un hangar non chauffé attenant à l’immeuble, incluant des vins de collection, un violon, des tableaux et un ordinateur;

 

[30]    Le 28 novembre 2007, devant la lenteur des travaux et surtout la piètre qualité de ceux-ci, les assurés ont demandé la suspension des travaux;

 

[31]    Par contre, l’entrepreneur a poursuivi les travaux malgré l’avis contraire des assurés, ceux-ci ont alors été dans l’obligation d’adresser une mise en demeure à M. François Rochon, président de INEVCO, le 30 novembre 2007 (pièce P-2, p. 21), lui demandant de suspendre les travaux le temps que la situation puisse être réévaluée;

 

[32]    Une lettre identique fut adressée à l’intimé Béchard (pièce P-2, p. 22) à la même date;

 

[33]    Le 3 décembre 2007, une rencontre est tenue sur les lieux du chantier en présence notamment de M. André Rose, un estimateur-bâtiment à l’emploi de Desjardins, et de l’intimé Béchard;

 

[34]    Après avoir insisté à plusieurs reprises auprès de l’intimé Béchard, les assurés reçoivent finalement une copie du rapport de M. Rose, lequel conclut que les travaux n’ont pas été exécutés suivant son devis original et que ceux-ci ne répondent pas aux règles de l’art[2];

 

[35]    Il est à noter que le représentant de INEVCO aurait admis, juste après les travaux de démolition, qu’il lui serait impossible de respecter le devis original en raison de l’enveloppe budgétaire allouée par Desjardins inc.;

 

[36]    Il y a lieu de préciser qu’à cette question de mauvaise exécution des travaux de reconstruction s’ajoute plusieurs questions concernant des travaux additionnels demandés par les assurés directement auprès de l’entrepreneur INEVCO;

 

[37]    Le comité tient à souligner que les travaux additionnels requis par les assurés par l’entremise d’un contrat distinct ne feront pas l’objet de commentaires autrement que pour décider du chef no 3a) de la plainte déposée contre l’intimé Béchard;

 

[38]    Nous ne ferons qu’un seul commentaire suivant lequel les intimés ont tenté à plusieurs reprises de jeter le blâme sur les assurés en prenant prétexte des travaux additionnels afin d’occulter, d’une part, l’incompétence de INEVCO et, d’autre part, leur manque de suivi dans le dossier des assurés;

 

[39]    Faut-il le rappeler, encore une fois, qu’il s’agissait d’un simple logement (4½) et non d’une résidence de prestige, à cet égard, les travaux n’auraient jamais dû prendre cinq (5) mois;

 

[40]    Cela  étant dit, les travaux sont repris en entier par INEVCO entre décembre 2007 et janvier 2008;

 

[41]    Tout en étant dans l’obligation de collaborer avec Desjardins inc., les assurés demeurent sceptiques et engagent un inspecteur en bâtiment, M. Laurent Lajeunesse, afin que ce dernier surveille l’exécution des travaux dans le but de s’assurer que ceux-ci soient réalisés suivant les règles de l’art;

[42]    Celui-ci conclura à la fin des travaux qu’encore une fois ceux-ci n’ont pas été exécutés en conformité avec les règles de l’art[3];

 

[43]    Au cours du mois de janvier 2008, les assurés apprendront que l’entrepreneur INEVCO a de sérieuses difficultés financières au point que ses salariés n’ont pas été payés depuis plusieurs semaines;

 

[44]    Le 23 janvier 2008, un nouvel entrepreneur se présente sur les lieux du chantier de construction afin d’annoncer aux assurés que Construction CDR terminera les travaux aux lieu et place de INEVCO, vu la déconfiture financière de celui-ci;

 

[45]    Devant ce nouveau pépin, les assurés expédient une mise en demeure à l’intimé Béchard[4] ainsi qu’à Mme Carole Marcoux, vice-présidente à l’indemnisation chez Desjardins inc.[5];

 

[46]    Essentiellement, ils demandent à l’intimé Béchard et à la haute direction de Desjardins une intervention musclée et rapide afin de mettre un terme à cette cascade d’erreurs et omissions;

 

[47]    Le 5 février 2008, une réunion au sommet est tenue chez Desjardins inc. en présence, notamment, de M. Pierre Proteau, supérieur de l’intimé Béchard, et de M. Bernard Drouin, alors vice-président, secteur indemnisation;

 

[48]    Cette rencontre ne se déroule pas telle que prévue par les assurés[6], il est cependant convenu à la fin de la réunion qu’un entrepreneur choisi et engagé par les assurés terminera les travaux afin que ceux-ci soient finalement exécutés suivant les règles de l’art;

 

[49]    Les assurés obtiennent alors une estimation des travaux laquelle s’élève à plus de 35 000 $;

 

[50]    Desjardins décide alors de se retirer du dossier et cesse tout paiement lié aux frais d’hébergement;

 

[51]    En désespoir de cause, les assurés procèdent alors, à leurs frais, aux travaux de reconstruction, lesquels s’élèvent à 37 001,58 $;

 

[52]    Finalement, le 21 mars 2008, soit cinq (5) mois après le début des travaux, ils réintègrent enfin leur résidence;

 

[53]    À cette série d’événements, il y a lieu d’ajouter les faits suivants, afin de mieux cerner le cauchemar vécu par les assurés :

 

      La difficulté de se faire payer leurs frais d’hébergement, lesquels étaient toujours payés en retard ou à la dernière minute;

 

      Le vol de matériaux et d’équipement audio par des employés impayés;

 

      L’enregistrement de deux (2) hypothèques légales par des fournisseurs impayés suivi par au moins une requête en délaissement forcé;

 

      Le stress, l’inquiétude et le temps consacré à faire valoir leurs droits;

 

      La perte de jouissance de leur résidence;

 

      Les dommages causés à leurs biens meubles;

 

      La diminution de leur qualité de vie pendant plus de cinq (5) mois;

 

      L’obligation d’entreprendre des procédures judiciaires afin d’obtenir une juste compensation, lesquelles procédures se sont heureusement soldées par un règlement hors cour;

 

[54]    C’est à la lumière de ces faits que devront être examinées et décidées les plaintes formulées contre les intimés;

 

[55]    Quant à la preuve présentée par les intimés, celle-ci sera relatée et examinée à l’occasion de l’étude des divers chefs d’accusation;

 

 

III.        Motifs et dispositifs

 

A)        La plainte no 2011-08-01(E) contre M. Érick Soucy

 

3.1    Chef no 1 (manque de contrôle)

 

[56]    L’étude des reproches formulés contre M. Soucy sera relativement simple et courte puisque celui-ci, lors de son témoignage devant le comité de discipline, a candidement et de façon très honnête reconnu la majorité des infractions qui lui sont reprochées;

 

[57]    Ainsi, concernant le chef no 1a), l’intimé Soucy a admis qu’il avait délégué à l’entrepreneur INEVCO la décision de procéder à l’assèchement des lieux ainsi que la décision d’envoyer sur les lieux du sinistre un estimateur-route;

 

[58]    Celui-ci a également reconnu qu’il se fiait à l’opinion de l’entrepreneur quant à l’étendue des dommages;

 

[59]    Dans les circonstances et vu les admissions de l’intimé Soucy, le comité n’a d’autre choix que de le déclarer coupable du chef no 1a) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistres (R.R.Q., c. D-9.2, r. 4) devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

 

[60]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef       no 1a);

 

[61]    Par ailleurs, le chef no 1b) reproche à l’intimé Soucy de ne pas s’être informé de la durée des travaux;

 

[62]    À cet égard, l’intimé Soucy n’a pas cherché à masquer les faits ni à colorer la vérité et il a admis de façon spontanée qu’il ne connaissait pas la durée prévue des travaux;

 

[63]    Suivant son témoignage, il se fiait entièrement à l’entrepreneur et il admet même ne pas avoir demandé à l’entrepreneur la durée prévisible des travaux;

 

[64]    Dans les circonstances, les éléments constitutifs de l’infraction ayant été admis par l’intimé Soucy, celui-ci sera déclaré coupable du chef no 1b) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre (R.R.Q., c. D-9.2, r. 4) devenu par la suite l’article 58(1) dudit code;

 

[65]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef no 1b);

 

 

3.2    Chef no 2 (copie de l’évaluation)

 

[66]    Le chef no 2 reproche à l’intimé Soucy de ne pas avoir informé les assurés de leur droit d’obtenir une copie de l’évaluation des dommages;

[67]    À cet égard, M. Soucy a reconnu qu’il n’avait pas remis une copie de l’évaluation des dommages aux assurés, par contre, il a réitéré, à plusieurs reprises au cours de son témoignage, tant en demande[7] qu’en défense[8], que les assurés ne lui avaient jamais demandé une copie des devis;

 

[68]    Il a de plus précisé son témoignage en se référant à une directive interne de son employeur suivant laquelle le devis n’est pas remis à l’assuré sauf si le client l’exige;

 

[69]    Il y a lieu de rappeler que les obligations déontologiques d’un professionnel ont préséance sur les directives d’un employeur et que cette défense est irrecevable[9];

 

[70]    Enfin, le témoignage des assurés a permis d’établir que ceux-ci avaient demandé à plusieurs reprises, sans succès, d’obtenir une copie de l’évaluation;

 

[71]    Bref, même en s’appuyant sur la directive de son employeur, les explications de l’intimé ne tiennent pas et sa défense est donc rejetée;

 

[72]    Suivant l’article 14 du Code de déontologie des experts en sinistre, l’expert en sinistre doit favoriser les mesures d’éducation et d’information dans le domaine où il exerce ses activités;

 

[73]    En pratique, cela signifie que l’expert en sinistre ne doit pas être à la remorque de ses clients, il doit être proactif et devancer les besoins d’information du consommateur[10];

 

[74]    Le comité conclut donc que l’intimé Soucy a contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie des experts en sinistre et, par conséquent, il sera déclaré coupable du chef no 2;

 

[75]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef no 2;

 

 

          3.3    Chef no 3 (tenue de dossier)

 

[76]    Le chef no 3 reproche à l’intimé Soucy d’avoir été négligent dans sa tenue de dossier;

 

[77]    Lors de son témoignage[11], l’intimé Soucy a reconnu que son dossier ne contenait aucune note relative à la fin de son mandat (chef no 3c)) et il a même affirmé qu’il n’avait pas avisé formellement les assurés de la fin de son mandat;

 

[78]    L’intimé Soucy a également reconnu[12] qu’il n’avait pas noté à son dossier ses discussions avec les assurés concernant le paiement des frais de subsistance (chef    no 3a));

 

[79]    Concernant le chef no 3b), il y a lieu de souligner qu’au moment de cet événement, l’intimé Soucy n’était plus en charge du dossier, ce dernier ayant été transféré à l’intimé Béchard;

 

[80]    D’ailleurs, la plainte no 2011-08-02(E) déposée contre l’intimé Béchard lui reproche précisément le même manquement (chef no 3d));

 

[81]    En conséquence, l’intimé Soucy sera acquitté du chef no 3b) vu l’impossibilité pour celui-ci de commettre l’infraction mentionnée à ce chef, puisqu’à l’époque des faits reprochés, le dossier était sous la charge de l’intimé Béchard;

 

[82]    Quant aux autres infractions, vu ses aveux, l’intimé sera reconnu coupable des chefs nos 3a) et 3c) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre devenu par la suite l’article 58(1) dudit code;

 

[83]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef no 3;

 

 

B)           La plainte no 2011-08-02(E) contre M. Michel Béchard

 

3.4    Chef no 1 (manque de contrôle)

 

[84]    Le chef no 1 de la plainte déposée contre l’intimé Béchard lui reproche d’avoir fait défaut d’agir avec professionnalisme et d’avoir fait preuve d’un manque de suivi dans le dossier des assurés;

 

[85]    À cet égard, le chef no 1 comporte plusieurs paragraphes ou sous-chefs d’accusation, lesquels seront examinés, analysés et décidés séparément;

 

 

      Chef no 1a)   (avoir délégué ses responsabilités)

 

[86]    Avant d’entamer l’examen de la preuve, le comité considère qu’il est de mise de rappeler les principales fonctions de l’expert en sinistre, tel que prévu par l’article 10 LDPSF :

 

      Enquêter sur un sinistre;

 

      En estimer les dommages;

 

      En négocier le règlement;

 

 

[87]    Le comportement de l’intimé Béchard sera examiné à la lumière de l’article 10 de la LDPSF afin de déterminer si effectivement ce dernier aurait délégué l’une ou l’autre de ses responsabilités aux fournisseurs et aux entrepreneurs reconnus par l’assureur;

 

[88]    L’intimé Béchard, au cours de son témoignage[13], a reconnu :

 

      Que la liste des biens devait être préparée par les employés de Frank Langevin inc. chargée de l’entreposage des biens;

 

      Que la durée des travaux avait été fixée par INEVCO à 15 jours, sans autre vérification;

 

      Qu’il ne s’était pas présenté sur les lieux entre le 17 octobre et la fin de novembre 2007, se contentant des affirmations de INEVCO quant à la progression des travaux;

 

 

[89]    La preuve a également révélé que les assurés avaient vécu un véritable cauchemar en raison du manque de suivi de l’intimé Béchard, en voici des exemples :

 

         Premièrement, les travaux de construction se sont échelonnés sur une période de cinq (5) mois, soit du 17 octobre 2007 au 21 mars 2008, alors qu’il s’agissait d’un simple logement de quatre (4) pièces et demie;

 

         Deuxièmement, l’entrepreneur INEVCO, recommandé par les intimés, s’est révélé être d’une incompétence sans commune mesure;

         Troisièmement, la firme Frank Langevin inc. mandatée par l’intimé Béchard n’est pas non plus à l’abri de tout reproche;

 

         De plus, il a fallu l’envoi d’une mise en demeure (pièce P-2, p. 22) pour que les choses se mettent à bouger;

 

         Finalement, après avoir insisté à plusieurs reprises auprès de l’intimé Béchard, les assurés reçoivent une copie du rapport de M. Rose, lequel conclut que les travaux n’ont pas été exécutés suivant son devis original et que ceux-ci ne répondent pas aux règles de l’art[14];

 

         Faut-il le rappeler, encore une fois, qu’il s’agissait d’un simple logement (4½) et non d’une résidence de prestige, à cet égard, les travaux n’auraient jamais dû prendre cinq (5) mois;

 

         Enfin, ce n’est que le 21 mars 2008, soit cinq (5) mois après le début des travaux, que les assurés réintègrent enfin leur résidence;

 

 

[90]    Le comité estime que cette preuve démontre sans l’ombre d’un doute le manque de suivi et de contrôle de l’intimé Béchard;

 

[91]    Cette situation cauchemardesque aurait pu être facilement évitée par un contrôle beaucoup plus serré de la part de l’intimé Béchard;

 

[92]    Celui-ci a non seulement délégué ses responsabilités à l’entrepreneur INEVCO et aux fournisseurs, mais on pourrait même dire qu’il a abdiqué, en leur faveur, la totalité de celles-ci;

 

[93]    Un contrôle plus adéquat de la situation et une écoute plus attentive aux récriminations des assurés auraient permis d’éviter une situation aussi désastreuse  ou à tout le moins auraient permis de minimiser les inconvénients subis par les assurés;

 

[94]    De plus, l’intimé Béchard, en déléguant ses responsabilités à des personnes incompétentes, s’est rendu responsable de leurs fautes et omissions;

 

[95]    Pour ces motifs, l’intimé Béchard sera reconnu coupable du chef no 1a) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

 

[96]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef       no 1a);

 

 

      Chef no 1b)   (liste des biens meubles)

 

[97]    Au cours de son témoignage[15], l’intimé Béchard a reconnu qu’il n’y avait pas de liste des biens meubles;

 

[98]    À vrai dire, il considérait qu’il était du mandat de l’entreprise Frank Langevin inc. de voir à préparer cette liste;

 

[99]    Enfin, il reconnaît que lors de sa visite des lieux à la fin de novembre 2007, il n’a pas vu que certains des biens avaient été entreposés dans un hangar non chauffé;

 

[100]  Encore une fois, ceci démontre que l’intimé n’a pas assuré un suivi adéquat de son dossier ni un contrôle suffisant pour éviter le dérapage qu’a connu le règlement du sinistre subi par les assurés;

 

[101]  Pour ces motifs, l’intimé Béchard sera reconnu coupable du chef no 1b) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

 

[102]  En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef no 1b);

 

 

      Chef no 1c)   (liste des biens non récupérables)

 

[103]  Tel que précédemment mentionné, l’intimé Béchard, lors de son témoignage[16], a expliqué qu’à son avis, il appartenait à la firme Frank Langevin inc. de voir à la préparation d’une liste des biens incluant les biens jugés non récupérables;

 

[104]  D’ailleurs, suivant son témoignage[17], il n’a reçu cette liste que le 4 décembre 2007 de Frank Langevin inc.;

 

[105]  Avant de recevoir cette liste, il croyait que le seul bien endommagé et jugé irrécupérable était un manteau de cuir ayant subi des dommages par l’eau;

 

[106]  Cette preuve démontre, encore une fois, le manque de contrôle de l’intimé Béchard sur son dossier;

 

[107]  Pour ces motifs, l’intimé Béchard sera reconnu coupable du chef no 1c) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

 

[108]  En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef        no 1c);

 

 

      Chef no 1d)   (en ne prenant pas les assurés au sérieux)

 

[109]  Le comité estime que l’intimé Béchard doit être acquitté des reproches formulés au paragraphe d) du chef no 1;

 

[110]  La preuve démontre que l’intimé Béchard, lors d’une visite en fin de journée du 28 novembre 2007, a constaté que l’entrepreneur avait fait beaucoup plus de travaux que ceux initialement prévus;

 

[111]  Il n’informe pas immédiatement les assurés de cette visite, cependant, deux jours plus tard, soit le 30 novembre 2007, il prend contact avec M. April et il est convenu, après plusieurs discussions musclées, de faire une réunion de chantier à l’appartement le 3 décembre 2007;

 

[112]  Dans les circonstances, le comité est d’opinion que l’intimé Béchard n’a pas réellement tardé à s’occuper de la situation;

 

[113]  D’aucun pourrait prétendre qu’il «ne prenait pas au sérieux» les critiques et griefs des assurés, cela ne veut pas dire pour autant qu’il s’est placé en situation d’infraction puisque dans les faits, il a fini par s’occuper du problème;

 

[114]  Par contre, les assurés ont dû faire parvenir à l’intimé Béchard une mise en demeure (P-2, p. 22) pour le forcer à prendre conscience du sérieux de la situation;

 

[115]  Par ailleurs, le comité estime que la faute reprochée au chef no 1d) ne revête pas une gravité suffisante pour constituer une faute déontologique[18];

 

[116]  De plus, en pratique, l’intimé s’est occupé de la situation et ce, même s’il ne l’a pas fait aussi rapidement que l’auraient souhaité les assurés;

 

[117]  Enfin et surtout, il y a une forme de dédoublement entre le chef no 1d) et le chef no 1a);

 

[118] Le chef no 1d) n’est qu’une des nombreuses facettes de l’infraction reprochée au paragraphe a) du chef no 1; ainsi, le comité aurait pu tout autant prononcer un arrêt des procédures[19];

 

 

      Chef no 1e)   (les devis)

 

[119]  Suivant l’intimé Béchard[20], il aurait remis aux assurés une copie des devis mais sans indication du coût des travaux;

 

[120]  Le comité considère que cette copie des devis n’était d’aucune utilité pour les assurés en l’absence de l’indication du coût des travaux;

 

[121]  Cela ne fait que démontrer, encore une fois, le manque de contrôle et de suivi par l’intimé sur son dossier;

 

[122]  Pour ces motifs, l’intimé Béchard sera reconnu coupable du chef no 1e) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

 

[123]  En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef       no 1e);

 

 


 

      Chef no 1f)   (suivi des biens)

 

[124]  Suivant le témoignage de l’intimé Béchard[21], ce n’est qu’en décembre 2007 qu’il apprend des assurés qu’il y a plusieurs biens endommagés;

 

[125]  À la même occasion, Frank Langevin inc. lui fait état également d’un ordinateur, d’une lampe et d’un ventilateur endommagés;

 

[126]  Cela démontre, une fois de plus, que l’intimé Béchard était à la remorque des événements et qu’il n’a su assurer un suivi adéquat de son dossier;

 

[127]  Pour ces motifs, l’intimé Béchard sera reconnu coupable du chef no 1f) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

 

[128]  En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef       no 1f);

 

      Chef no 1g)   (le nouvel entrepreneur)

 

[129]  Suivant le témoignage de l’intimé[22], c’est au début de l’année 2008 que les assurés l’informe que INEVCO a cessé les travaux en raison de sa faillite[23];

 

[130]  Il réfère alors le dossier à son supérieur immédiat, M. Pierre Proteau et, par la suite, une réunion est tenue avec les assurés le 5 février 2008 afin d’envisager diverses avenues de solutions;

 

[131]  Auparavant, soit le 28 janvier 2008, il avait demandé aux assurés de faire compléter les travaux par leur entrepreneur, M. Laurent Lajeunesse;

 

[132]  Devant ces faits, le comité considère que la syndic ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve puisque l’on ne peut prétendre que l’intimé «n’a pas cherché à connaître quel entrepreneur compléterait les travaux»;

 

[133]  En conséquence, l’intimé Béchard sera acquitté du chef no 1g);

 

3.5      Chef no 2 (défaut d’informer)

 

[134]  Le chef no 2 reproche à l’intimé Béchard d’avoir fait défaut de fournir aux assurés les explications nécessaires à la bonne compréhension du règlement de leur sinistre, notamment :

 

a)       en n’informant pas les assurés qu’ils pouvaient demander une copie de l’évaluation des dommages effectuée par l’assureur;

 

b)       en n’informant pas les assurés messieurs Éric April et Stéphane Gaulin que selon M. André Rose, le ou vers le 24 octobre 2007, il y avait un problème électrique avec un branchement au plafond du passage et que ce problème serait corrigé par l’entrepreneur en construction;

 

c)       en n’informant pas les assurés qu’une liste de leurs biens évalués, soit comme étant irréparables, pertes ou comme étant réparables avait été constituée par le fournisseur Frank Langevin;

 

d)       en n’informant pas les assurés de la deuxième évaluation effectuée par       M. André Rose concernant l’étendue des travaux à refaire;

 

[135]  Rappelons que l’obligation d’informer est prévue à l’article 14 du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

[136]  À cet égard, l’expert en sinistre doit être proactif et devancer les besoins d’information de l’assuré;

 

[137]  C’est à la lumière de ces principes que sera examiné le comportement de l’intimé Béchard relativement aux reproches formulés au chef no 2;

 

 

 

      Chef no 2a)   (copie de l’évaluation)

 

[138]  La preuve a démontré que les assurés ont demandé à plusieurs reprises d’avoir une copie de l’évaluation des dommages effectuée par l’assureur;

 

[139]  Ce n’est que lors de la réunion tenue le 3 février 2008 que les assurés ont reçu une copie de trois (3) différentes évaluations;

 

[140]  Auparavant, ils avaient reçu copie du rapport de M. Rose, mais pas son évaluation;

 

[141]  Enfin, la seule évaluation qu’ils ont reçue de l’intimé Béchard ne comportait aucune indication du coût des travaux;

 

[142]  Finalement, l’intimé n’a jamais réellement informé les assurés qu’ils pouvaient demander et obtenir une copie de l’évaluation des dommages;

 

[143]  Pour ces motifs, l’intimé Béchard sera reconnu coupable du chef no 2a) pour avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie des experts en sinistre;

 

[144]  En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef       no 2a);

 

 

      Chef no 2b)   (problème électrique)

 

[145]  Concernant ce chef d’accusation, le comité tient à souligner qu’il s’agit, à son avis, d’une simple omission sans conséquence qui n’aurait jamais dû faire l’objet d’une accusation formelle;

 

[146]  À cet égard, il y a lieu de rappeler l’application en droit disciplinaire de la règle « de minimis non curat lex »[24];

 

[147]  La jurisprudence enseigne qu’une simple faute technique qui ne présente pas une gravité suffisante, ne peut constituer une faute disciplinaire[25];

 

[148]  Encore récemment, le Tribunal des professions rappelait ce principe dans l’affaire Belhumeur[26] :

 

«[72] La doctrine et la jurisprudence énoncent que, pour qu’il y ait faute déontologique, il faut un manquement de la part du professionnel. De plus, pour que le manquement du professionnel constitue une faute déontologie, il doit revêtir une certaine gravité».

[149]  Plus particulièrement, le Tribunal des professions écrivait dans l’affaire Malo[27] :

 

«[28] (…) Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable, si la moindre erreur, le moindre écart de conduite était susceptible de constituer un manquement déontologique (…)»

 

[150]  Dans les circonstances, le comité est d’avis que l’omission de l’intimé ne revêt pas une gravité suffisante pour constituer une faute déontologique;

 

[151]  Pour ces motifs, l’intimé sera acquitté du chef no 2b);

 

 

      Chef no 2c)   (liste des biens)

 

[152]  De l’avis du comité, le chef no 2c) fait double emploi avec les chefs nos 1a), 1c) et 1f);

 

[153]  La lecture de ces différents chefs d’accusation démontre qu’il y a :

 

      Identité des faits reprochés;

 

      Identité des dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs;

 

 

[154]  Bref, ce sont les mêmes gestes qui sont reprochés à l’intimé Béchard dans les chefs nos 1a), 1c) et 1f);

 

[155]  Pour paraphraser la Cour d’appel[28], on cherche à faire sanctionner plus d’une fois les différentes facettes d’une même offense[29];

 

[156]  Pour l’ensemble de ces motifs, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard du chef no 2c);

 

 


 

      Chef no 2d)   (deuxième évaluation)

 

[157]  Pour les mêmes motifs que ceux précédemment mentionnés, le comité est d’avis que le chef no 2d) fait double emploi avec les chefs nos 1e) et 2a);

 

[158]  En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard du chef no 2d);

 

3.6    Chef no 3 (tenue de dossier)

 

[159]  Le chef no 3 reproche à l’intimé Béchard une mauvaise tenue de ses dossiers, notamment :

 

a)        en ne notant pas au dossier les travaux additionnels que les assurés faisaient effectuer;

 

b)        en ne notant pas au dossier la réception de l’évaluation des dommages au violon et en ne faisant aucun suivi pour récupérer ce dernier;

 

c)         en n’ayant aucune note au dossier quant à l’expertise de l’ordinateur, de la table, de la cuisinière et du réfrigérateur;

 

d)        en ne notant pas au dossier que les assurés se plaignaient à l’effet que leurs biens entreposés sous scellés dans une pièce de leur résidence étaient mal protégés;

 

e)        en ne notant pas au dossier qu’il a informé les assurés de sa fin de mandat lorsque le dossier de réclamation pour dommages par dégât d’eau a été confié au contentieux et/ou la haute direction de l’assureur,

 

[160]  Afin de faciliter la lecture de la présente décision, le comité analysera chacun des sous-paragraphes du chef no 3;

 

 

      Chef no 3a)   (travaux additionnels)

 

[161]  À plusieurs occasions lors de son témoignage ainsi que dans la documentation déposée devant le comité, l’intimé Béchard a pris prétexte des travaux additionnels pour expliquer les retards occasionnés dans le traitement du dossier des assurés;

 

[162]  En conséquence, force nous est de conclure qu’il s’agissait, dans l’opinion de    M. Béchard, d’une question importante sinon même fondamentale puisqu’à son avis, celle-ci justifiait le délai de cinq (5) mois;

 

[163]  Or, compte tenu de l’importance accordée à ce facteur par l’intimé Béchard, celui-ci aurait dû prendre le soin de le noter dans son dossier;

 

[164]  Pour ces motifs, l’intimé Béchard sera reconnu coupable du chef no 3a) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

 

[165]  En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien du chef no 3a);

 

 

      Chefs nos 3b), c), d) et e)

 

[166]  Même s’il aurait été préférable que les notes de l’intimé indiquent tous et chacun des événements survenus dans le dossier, le comité estime que les quelques omissions constatées sont insuffisantes pour entraîner la responsabilité déontologique de l’intimé;

 

[167]  En effet, les notes de l’intimé Béchard sont suffisamment détaillées pour permettre à un tiers intervenant de comprendre l’évolution du dossier;

 

[168]  Quant aux omissions mentionnées aux chefs nos 3b), c), d) et e), celles-ci ne sont pas suffisamment graves pour constituer des manquements déontologiques[30];

 

[169]  En conséquence, l’intimé sera acquitté des infractions reprochées aux chefs      nos 3b), c), d) et e);

 


 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

Dans le cas de l’intimé Érick Soucy :

Pour les chefs nos 1a) et b) :

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 1a) et b) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre (R.R.Q., c. D-9.2, r. 4) devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos 1a) et b);

 

Pour le chef no 2 :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie des experts en sinistre (R.R.Q., c. D-9.2, r. 4);

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 2;

 

Pour les chefs nos 3a) à c) :

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 3a) et c) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre (R.R.Q., c. D-9.2, r. 4) devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos 3a) et c);

ACQUITTE l’intimé de l’infraction reprochée au chef no 3b);

 

Dans le cas de l’intimé Michel Béchard :

Pour les chefs nos 1a) à g) :

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 1a), b), c) e) et f) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre (R.R.Q., c. D-9.2, r. 4) devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos 1a), b), c), e) et f);

ACQUITTE l’intimé des infractions reprochées aux chefs nos 1d) et g);

 

Pour les chefs no 2a) à d) :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2a) pour avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie des experts en sinistre (R.R.Q., c. D-9.2, r. 4) et prononce un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 2a);

ACQUITTE l’intimé de l’infraction reprochée au chef no 2b);

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des infractions reprochées aux chefs nos 2c) et 2d);

 Pour les chefs no 3a) à e) :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 3a) pour avoir contrevenu à l’article 59(1) du Code de déontologie des experts en sinistre (R.R.Q., c. D-9.2, r. 4) devenu par la suite l’article 58(1) dudit Code;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 3a);

ACQUITTE l’intimé des infractions reprochées aux chefs nos 3b), c), d) et e);

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du comité de discipline

 

 

_________________________________

M. Jules Lapierre, expert en sinistre

Membre du comité de discipline

 

 

_________________________________

Mme Colette Parent, expert en sinistre

Membre du comité de discipline

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la syndic

 

Me  Yves Carignan

Procureur des intimés

 

Dates d’audiences :

28 et 29 mai 2012

5, 6 et 7 juin 2012

 



[1]     Pièce P-2, p. 19, Extrait du système CIDREQ;

[2]     Courriel du 11 décembre 2007 de M. Rose adressé à l’intimé Béchard, pièce P-2, p. 24;

[3]     Rapport de Laurent Lajeunesse de la Firme technique du bâtiment L et L. (pièce P-4, p. 175);

[4]     Pièce P-2, p. 29;

[5]     Pièce P-2, p. 30;

[6]     Page 14 de P-2;

[7]     Audition du 29 mai 2012;

[8]     Audition du 6 juin 2012;

[9]     Chauvin c. Légaré, 2010 CanLII 64055, par. 87 à 98;

[10]    Code de déontologie des experts en sinistre, commenté, p. 1;

[11]    Audition du 29 mai 2012;

[12]    Audition du 6 juin 2012;

[13]    Audition du 5 juin 2012;

[14]    Courriel du 11 décembre 2007 de M. Rose adressé à l’intimé Béchard, pièce P-2, p. 24;

[15]    Audition du 5 juin 2012;

[16]    Audition du 5 juin 2012;

[17]    Audition du 6 juin 2012;

[18]    Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 CanLII 19;

[19]    Laurin c. Chauvin, 2006 QCCQ 6115;

[20]    Audition du 5 juin 2012;

[21]    Audition du 6 juin 2012;

[22]    Audition du 6 juin 2012;

[23]    Notes de l’intimé Béchard, P-8, p. 24;

[24]    CHAD c. Fournier, 2011 CanLII 81637;

      CHAD c. Gingras, 2005 CanLII 63891;

      CHAD c. Couture, 2011 CanLII 81636;

      CHAD C. Paré, 2006 CanLII 53740;

[25]   Ayotte c. Gingras, [1995] D.D.O.P. 189 (T.P);

[26]    Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19 ;

[27]   Malo c. Infirmières et infirmiers, 2003 QCTP 132;

[28]    Monty c. Anderson, 2006 QCCA 595;

[29]    Ibid., par. 63;

[30]    Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19;

      Malo c. Infirmières et infirmiers, 2003 QCTP 132;

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