Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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  COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2002-06-01(C)

 

DATE :

27 août 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Marco Gaggino

Vice-Président

M. Richard Giroux, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

 Membre

 

 

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualité de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante

c.

ANDRÉ LACELLE, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages (radié provisoirement)

Partie intimée

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DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]   Le 29 mars 2012, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition sur sanction dans le dossier no 2002-06-01(C).

[2]   La syndic était représentée par Me Jean-Pierre Morin alors que l’intimé se représentait seul.

[3]   Suite à une décision du Comité de discipline du 28 octobre 2011, l’intimé a été reconnu coupable des chefs suivants de la plainte déposée contre lui :

1-         Entre le 12 février 1999 et le 27 mars 2000, a fait défaut d'éviter de se placer en situation de conflit d'intérêts alors qu'il était directeur général de Gisco, La Compagnie d'assurances, dans les cas suivants :

 

a)         En continuant directement et indirectement à opérer le cabinet de courtage Les Souscripteurs de Montréal, corporation dissoute depuis le 1er mai 1996, qui a signé un contrat de courtage avec Gisco, La Compagnie d'assurances;

 

b)         En acceptant que Les Souscripteurs de Montréal, corporation dissoute depuis le 1er mai 1996, perçoive de Elco des primes de réassurances pour des contrats de cautionnement émis par Gisco, La Compagnie d'assurances à titre de mandataire de Liberty Insurance Company A.V.V. du Panama et en retire des commissions;

 

c)         En faisant émettre par Gisco, La Compagnie d'assurances le 19 février 1999 un cautionnement de 50 000 $ portant le numéro 2 000 001-00 pour permettre à Souscripteurs de Montréal, compagnie dissoute qu'il contrôlait, de détenir un permis de courtier spécial et ainsi représenter au Québec des assureurs non licenciés dont, entres autres, Liberty Insurance Company A.V.V. du Panama;

 

d)         En instaurant un système par lequel Gisco, La Compagnie d'assurances, lors de l’étude de nouvelles demandes d'assurance/cautionnement, versait sans aucune considération la somme de 500 $ aux Souscripteurs de Montréal, corporation dont il avait le contrôle, dissoute depuis le 1er mai 1996;

 

          le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 54 section IV déontologie du Règlement de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec et 10 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

2-         Entre le 12 février 1999 et le 27 mars 2000, a exercé ses activités de façon malhonnête en tentant de faire croire qu'il n'avait plus aucun intérêt dans le cabinet Les Souscripteurs de Montréal alors qu'il continuait de vaquer aux opérations de ladite entreprise sur une base quasi quotidienne tout en étant directeur général de Gisco, La Compagnie d'assurances, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 60(3) section IV déontologie du Règlement de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

4-         Le ou vers le 15 juin 2000, a fait défaut d'exécuter avec intégrité et transparence ses activités de courtier envers ses mandants Gamut Insurance, Manwin Insurance Brokers, Groupe Cyr Services financiers, Assur Conseil, Unicour Assurance, Assurances Concordia, Assurances Réal Pellerin et Félix Franciscaut en les informant que les polices en cours, souscrites auprès d'assureurs externes, ne serait pas renouvelés à échéance alors qu'il ne pouvait plus agir comme courtier spécial depuis le 15 mars 2000, le tout en contravention notamment aux dispositions des article 9, 25 et 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

6-         Entre 1995 et le 7 juin 2001, personnellement et à titre de représentant du cabinet Les Souscripteurs de Montréal, a fait défaut de conserver pendant cinq ans les livres et registres comptables prescrits, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 8 de la Loi sur les Intermédiaires de marché, 107 et suivants du Règlement du Conseil des assurances de dommages sur les intermédiaires de marché en assurance de dommages et 60 (1) section IV déontologie du Règlement de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, l’article 13 du Règlement 10 du Bureau des services financiers sur la tenue et la conservation des livres et registres ainsi que de l’article 2 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

7-         Entre 1995 et le 30 septembre 1999, a fait défaut de s'assurer de respecter la Loi sur les Intermédiaires de marché et les règlements pris sous son autorité en permettant que le cabinet d'assurance Les Souscripteurs de Montréal  agisse comme courtier spécial alors qu'il ne plaçait pas au moins 80% des risques qui lui étaient confiés auprès d'assureurs titulaires de permis au Canada, le dit cabinet agissant comme "grossiste" seulement, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 8 de la Loi sur les Intermédiaires de marché, 51(2) du Règlement du Conseil des assurances de dommages sur les intermédiaires de marché en assurance de dommages, et 60 (1) section IV déontologie du Règlement de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec;

 

8-         Entre 1995 et le 30 septembre 1999, a fait défaut de s'assurer de respecter la Loi sur les Intermédiaires de marché et les règlements pris sous son autorité en permettant que le cabinet d'assurance Les Souscripteurs de Montréal élude son obligation de soumettre le risque à au moins trois assureurs titulaires de permis au Québec avant de se prévaloir de son certificat de courtier spécial, se retranchant derrière le fait qu'il agissait comme "grossiste" et que ce travail était exécuté par le courtier de première ligne, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 8 de la Loi sur les Intermédiaires de marché, 51(1) du Règlement du Conseil des assurances de dommages sur les intermédiaires de marché en assurance de dommages et 60(1) section IV déontologie du Règlement de l'Association des courtiers d'assurance de la province de Québec;

 

 

10-       A négligé ses devoirs professionnels et a fait défaut de placer les intérêts des assurés avant les siens dans les dossiers des assurés suivants:

 

-    Le ou vers le 17 mars 2000, assuré 2953-3502 Québec Inc. police MTL-476-00;

     -     Le ou vers le 31 mars 2000, assuré Denis Poirier police [...];

          -     Le  ou vers le 30 mars 2000, assuré Sablage et Peinture Thetford Inc. police

               MTL-4766-00 ;

         

          en faisant défaut d'informer ces clients qu'au moins un des assureurs externes avec qui elle  avait souscrit leur police d'assurance a savoir la Liberty Insurance Company A.V.V. du Panama refusait d'honorer une importante réclamation faite à l'automne 1999 et n'avait en fait jamais payée quelque réclamation que ce soit et ce depuis le début de leurs relations d'affaires soit le 25 octobre 1997 ce qui pouvait sensiblement dénaturer la garantie fournie à ces clients, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 9,19, 25 et 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

 

16-       Le ou vers le 29 octobre 1997, personnellement et à titre de responsable du cabinet Les Souscripteurs de Montréal, a fait défaut d'informer son assuré Ozgur Ibrahim ainsi que son courtier Georges Ruel que la compagnie d'assurance Trans International Insurance Co. Ltd. avait été remplacée sur le risque par la Excelsior Insurance Company, le tout en contravention notamment aux dispositions de l'article 60(12) section IV déontologie du Règlement de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec;

 

17-       Le ou vers le 25 avril 2000, a fait défaut d'informer son client Ozgur Ibrahim et son courtier Georges Ruel que la compagnie d'assurance Centennial Insurance Co. A.V.V. s'était retiré du risque pour la période en cours, laissant son client et le courtier dans l'ignorance, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 26 et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

18-       Le ou vers le 22 février 2000, a fait défaut de verser à Liberty Insurance Company, la portion de prime qui lui était dû suite à la souscription de la police MTL-4747-00 au nom de Marché Melvana, faisant là preuve d'un manque d'intégrité et de transparence, préférant conserver cette partie de la prime dans un compte séparé pour payer des réclamations éventuelles adressées au même assureur tout en se payant sa propre commission et conservant ses honoraires alors qu'il savait ou aurait dû savoir que la dite compagnie n'honorait plus ses engagements, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 9, 25, 28 et 37 (1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

19-       Entre le 16 mars 1994 et le 12 décembre 1998, a exercé directement ou par l'entremise de son cabinet Les Souscripteurs de Montréal des activités de courtier spécial dans la province du Manitoba alors qu'il ne détenait aucune licence pour ce faire, exerçant par-là une occupation incompatible avec l'honneur et la dignité de la profession de courtier dans les cas suivants :

 

- [...]           Roy Anderson

- [...]           Roy Anderson

- [...]           Marie Gheorghe

- [...]           Mike Fructus

- [...]           Mike Fructus

- [...]           Mike Fructus

- [...]           Josephine Sosnowski

- [...]           Lawrence and Melva Spicer

- [...]           Vasil Litov

- [...]           Vasil Litov

- [...]           Arturo Antonia Voluntad

- [...]           Mee Kwen Wong

- [...]           Mee Kwen Wong

- [...]           Mee Kwen Wong

- [...]           Mee Kwen Wong

- [...]           Mee Kwen Wong

- [...]           Henry Wong

- [...]           Henry Wong

- [...]           Henry Wong

- [...]           Henry Wong

- [...]           Henry Wong

- [...]           Lynda Kyle

- [...]           Ed & Judith Livesey      

- [...]           Ed & Judith Livesey

- [...]           Eric Noug

- [...]           Surrinder Singhand Indensit Singh

- [...]           Joseph Sitareyk

- [...]           Charlene & Tony Hogan

- [...]           Edin Mehanovic

- [...]           Lynda Kyle,

 

          le tout en contravention notamment avec les articles 37, 53 et 58 section IV déontologie du Règlement de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec;

 

24-       Entre le 19 mai 2000 et le 7 juin 2001, a éludé sa responsabilité professionnelle en faisant défaut d'entreprendre les démarches nécessaires pour que les assurés Pierre Pilon et Dawna Lee Dumont soient remboursés du crédit de 922,50 $ auquel ils avaient droit suite à la résiliation de la police [...], se retranchant derrière le fait que le compte des assureurs étrangers était vide alors qu'il avait cessé lui-même, pour le compte du cabinet Les Souscripteurs de Montréal de faire remise aux assureurs étrangers, le tout en contravention notamment aux dispositions de l’articles 20 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

25-       Entre le 19 mai 2000 et le 7 juin 2001, date de la faillite de Les Souscripteurs de Montréal, s'est approprié pour ses fins personnelles ou celles de son cabinet la somme de 922,50 $ qu'il devait rembourser à ses clients Pierre Pilon et Dawna Lee Dumont suite à la résiliation de la police [...] le 10 mai 2000, le tout en contravention notamment aux dispositions de l'article 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

26-       Entre mars 1998 et juin 2001, alors qu’il agissait comme courtier spécial pour les assureurs externes Liberty Insurance Company, Excelsior Insurance Company et Gulf ressources Inc., a agi de façon négligente et imprudente et a tenue une gestion comptable malhabile en ce que :

 

b)               Il a conservé les primes perçues afin de faire face a d’éventuelles réclamations;

c)        Il a fait défaut de rapporter les pertes aux assureurs ;

e)               Il a continué à lier lesdits assureurs externes pour des nouvelles polices émises à des assurés alors qu’il savait ou aurait du savoir que ces assureurs externes étaient en conflit avec lui ;

 

          le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 44, 60 (3), 60 (11) et 60(14) section IV déontologie de Règlement de l’Association des courtiers d’assurances de la province de Québec et 28, 29, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

I- PREUVE SUR SANCTION

[4]   Les parties n’ont présenté aucune preuve au stade de la sanction, sauf le dépôt de procédures prises en appel par l’intimé (S-1) suite à la décision du Comité le reconnaissant coupable des chefs mentionnés plus haut.

II- REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION

A- Par la syndic

[5]   Dans le cas des chefs nos 1a), 1b), 1c) et 1d), la syndic plaide que l’intimé a utilisé ses fonctions de directeur général de Gisco pour faire en sorte que Souscripteurs, qu’il contrôlait, soit avantagée sous certains aspects de ses activités d’affaires.

[6]   La syndic fait remarquer que l’intimé savait qu’il ne pouvait agir de la sorte et qu’il a élaboré un artifice pour cacher la vérité et ainsi contrevenir aux dispositions de la loi.

[7]   Pour la syndic, il ne s’agit pas là d’infractions techniques, mais d’infractions commises en toute connaissance de cause par un esprit mal intentionné.

[8]   À cet effet, la syndic soumet qu’il faut considérer les éléments suivants qui démontrent l’importance de la gravité objective des faits dont l’intimé a été reconnu coupable sous ces chefs :

a)    les dispositions statutaires empêchant le conflit d’intérêts ou son apparence ont été instaurées pour la protection du public;

 

b)    l’intimé a commis des fautes qui sont en lien direct avec la prohibition, et ce, en toute connaissance de cause;

 

c)    la situation de conflit d’intérêts revêt un caractère de gravité important, car au lieu de consacrer toutes ses énergies à sa fonction de directeur général de Gisco, l’intimé mettait au profit de Souscripteurs sa position privilégiée, et ce, en toute connaissance de cause;

 

d)    la durée de l’infraction, plus d’une année, est une période assez longue et ne s’est terminée que par le congédiement de l’intimé par Gisco;

 

e)    le conflit d’intérêts est répétitif et se décline sous plusieurs aspects, il ne constitue pas un geste isolé, mais une série de gestes orientés vers un détournement au profit de Souscripteurs.

 

[9]   Par ailleurs, pour la syndic, rien dans le dossier ne démontre qu’au niveau subjectif il y ait des circonstances qui puissent atténuer la gravité des gestes posés. À cet effet, la syndic rappelle que :

a)    tel qu’il appert de la pièce P-1A, l’intimé a des antécédents disciplinaires, ayant été reconnu coupable à quatre reprises de diverses infractions aux divers codes de déontologie. La syndic réfère plus particulièrement aux dossiers nos 1996-11-03(C) et 1995-11-09(C) où l’intimé a été trouvé coupable d’avoir eu une occupation incompatible avec la profession de courtier en assurance de dommages et, d’autre part, d’avoir assuré des clients auprès d’assureurs sous le coup d’une ordonnance de l’IGIF, tout en faisant de fausses représentations en agissant comme courtier spécial, alors qu’il n’en était pas autorisé. Pour la syndic, ces condamnations antérieures démontrent que l’intimé mène ses affaires comme bon lui semble sans se préoccuper de la réglementation régissant son domaine d’activités;

 

b)    l’intimé a été admis à la profession en 1977. Au moment des faits reprochés, il avait plus des vingt ans d’expérience et il ne pouvait donc invoquer son ignorance des bonnes pratiques professionnelles;

 

c)    les gestes de l’intimé ont été posés en toute connaissance de cause, ce qui remet en question son honnêteté et que ce genre de gestes met en danger la protection du public;

 

d)    l’intimé a fait preuve d’un procédé abusif pour créer un écran de fumée et éluder sa responsabilité professionnelle;

 

e)    l’intimé n’a démontré aucune volonté de s’amender ni fait preuve de repentir pour les gestes posés. Au contraire, la syndic fait remarquer que l’intimé a toujours soutenu devant le comité qu’il était seul à savoir que ce qu’il faisait était conforme aux dispositions règlementaires, aggravant le risque de récidive advenant que l’intimé puisse à nouveau opérer sans contrôle un cabinet d’assurance;

 

f)     l’intimé n’a ni admis les faits, ni collaboré avec la syndic;

 

g)    l’intimé est un homme d’expérience et il a prémédité son conflit d’intérêts et recherché uniquement son bénéfice personnel au détriment des actionnaires de Gisco et du public en général.

 

[10]        Considérant ce qui précède et le fait que l’intimé a volontairement commis les actes reprochés, lesquels sont caractérisés par une intention malhonnête, la sanction recherchée par la syndic pour chacun des chefs nos 1a), 1b), 1c) et 1d) est une radiation permanente. À cet effet, la syndic réfère aux décisions suivantes :

         Comité de surveillance de l’ACAPQ c. Girard, plainte no. 1991-09-01;

         Chauvin c. Wu-Wei Yang, plainte no. 2001-05-01 (C);

         Chauvin c. Gibeau, plainte no 2004-10-01 (C);

         Chauvin c. Plouffe et Crevier, plainte no 2003-10-01 (C).

[11]        Subsidiairement et dans la mesure où le Comité opterait pour une radiation temporaire de longue durée qui pourrait impliquer un retour théorique à la pratique professionnelle, la syndic demande que toute radiation soit assortie d’une limitation du droit d’exercice de l’intimé afin, premièrement, de lui interdire d’être propriétaire ou dirigeant d’un cabinet et, deuxièmement, de lui interdire quelque activité dans la perception ou la gestion de prime d’assurance en quelque circonstance que ce soit. Enfin, la syndic demande que la pratique éventuelle de l’intimé devrait être supervisée en tout temps par un représentant inscrit ayant au moins dix (10) années d’expérience.

[12]        En ce qui concerne le chef no 2, la syndic requiert qu’une radiation permanente soit imposée à l’intimé considérant que sa culpabilité repose sur sa malhonnêteté et pour être conforme à la demande de sanction à l’égard des chefs nos 1a), 1b), 1c) et 1d).

[13]        Dans le cas du chef no 4, la syndic rappelle que l’intimé a été trouvé coupable d’avoir manqué d’intégrité et de transparence en induisant en erreur d’autres représentants en assurance de dommages sur l’absence de statut de courtier spécial de Souscripteurs, agissant par le fait même de façon malhonnête. La syndic, jugeant que les actes reprochés sous ce chef ont une gravité moindre que ceux visés par les chefs 1a), 1b), 1c) et 1d) et 2, demande que soit imposée à l’intimé une radiation de cinq (5) ans, à purger de façon concurrente avec la radiation permanente.

[14]        Quant au chef no 6, la syndic note que malgré que ce chef traite d’une infraction d’ordre technique, l’obligation de conservation des documents pour une période de cinq (5) ans est impérative, tant au niveau de l’exercice de la profession qu’au niveau des obligations fiscales. Par ailleurs, la syndic fait remarquer que l’incapacité de l’intimé de produire les registres comptables de Souscripteurs au moment de la faillite était fort commode pour permettre à celui-ci de ne pouvoir expliquer la déconfiture de cette dernière. Ce manque d’information a également empêché le bureau du syndic de faire une analyse détaillée de l’administration comptable du compte général et du compte particulier de Souscripteurs. Selon la syndic, la protection du public a été bafouée par la disparition des registres comptables, et ce, en toute connaissance de cause de l’intimé.

[15]        Par ailleurs, la syndic a référé aux décisions suivantes :

         Chauvin c. Sabourin, plainte no 1999-12-12(C);

         Chauvin c. Bodi, plainte no 2003-03-01 (C);

         Chauvin c. Gagnon, plainte no 2004-05-01 (C);

         Chauvin c. Laflèche, plainte no 2005-06-02 (E);

         Chauvin c. Courchesne, plainte no 2011-05-04 (C) et 2011-05-05 (C)

[16]          La syndic soumet que, dans ces affaires, il était question de négligence et de mauvaises pratiques d’affaires et les professionnels ont été sanctionnés par des amendes au-delà du minimum prévu par la Loi. Or, la syndic fait remarquer que dans le cas de l’intimé, et contrairement à ces affaires, la malhonnêteté a transpiré tout au long du dossier. La syndic réclame donc que le Comité impose à l’intimé l’amende maximale, soit une amende de 6 000 $. Compte tenu de l’effet de la disparition des documents sur l’enquête du syndic, la syndic demande que soit imposée à l’intimé, en plus de cette amende, une radiation de cinq (5) ans à être purgée consécutivement aux autres sanctions de radiation de cinq (5) ans et ce, considérant qu’il s’agit de circonstances différentes aux autres cas où la syndic demande que l’on impose cette sanction à l’intimé.

[17]        Dans le cas du chef no 7, la syndic fait remarquer qu’il n’y a pas de précédent jurisprudentiel sur cette question. Par ailleurs, l’objectif du placement de 80 % existait pour éviter qu’un cabinet de courtage ne fasse que du courtage spécial et se place lui-même, ainsi que ses clients, à la merci du marché étranger. Pour la syndic, l’intimé a fait une interprétation abusive de la réglementation, et ce, à son seul profit, détournant ainsi les mesures de protection que le législateur a mis en place pour la protection du public. La syndic requiert donc une radiation de cinq (5) ans à être purgée de façon concurrente avec les autres sanctions de radiation demandées aux chefs nos 4, 8, 10, 16, 17, 24 et 25.

[18]        Dans le cas du chef no 8, la syndic requiert une radiation de cinq (5) ans à être purgée de façon concurrente avec les autres sanctions de radiation demandées aux chefs nos 4, 8, 10, 16, 17, 24 et 25 et ce, pour les mêmes motifs que ceux exprimés à l’égard du chef 7.

[19]        En ce qui concerne le chef no 10, la syndic plaide que par manque de transparence et d’intégrité, l’intimé a fait passer ses intérêts avant ceux des assurés en émettant des contrats d’assurance, alors qu’il n’était plus habilité à agir comme courtier spécial et qu’il éprouvait des difficultés avec les assureurs étrangers dans la perception des indemnités réclamées suite à des sinistres. La syndic demande donc qu’une radiation de cinq (5) ans soit imposée à l’intimé, à être purgée de façon concurrente aux autres sanctions de radiation demandées aux chefs nos 4, 8, 10, 16, 17, 24 et 25.

[20]        Pour ce qui est du chef no 16, la syndic fait remarquer qu’il s’agit là d’une infraction plus technique et dont la gravité objective est moindre que dans les autres cas traités précédemment. Cependant, la syndic note que, subjectivement, il faut réaliser que l’intimé mène ses opérations à sa façon, sans se préoccuper des normes usuelles du marché. En conséquence, la syndic demande qu’une radiation d’une année soit imposée à l’intimé, à être purgée de façon concurrente aux autres sanctions de radiation demandées aux chefs nos 4, 8, 10, 16, 17, 24 et 25.

[21]        Dans le cas du chef no 17, la syndic demande, pour des motifs de parité avec le chef no 16, qu’une radiation d’une année soit imposée à l’intimé, à être purgée de façon concurrente aux autres sanctions de radiation demandées aux chefs nos 4, 8, 10, 16, 17, 24 et 25.

[22]        En regard du chef no 18, la syndic plaide que ce chef reproche à l’intimé sa malhonnêteté et une appropriation sans motif raisonnable d’une somme d’argent. En raison de la conduite de l’intimé, l’assureur a refusé d’assumer la perte encourue par l’assuré suite à un sinistre, forçant ainsi ce dernier à s’adresser au fonds d’indemnisation pour cause de fraude. Pour la syndic, il s’agit d’une faute qui va au cœur de la profession de courtier en assurance de dommages et les faits reprochés s’inscrivent dans une continuité de ceux visés par le chef no 26 de la plainte. La syndic requiert donc une radiation permanente et, puisqu’il y a un aspect économique à cette faute, une amende de 3 000 $, ce qui représente trois (3) fois le montant d’argent approprié.

[23]        Pour ce qui est du chef no 19, la syndic rappelle que l’infraction reprochée est d’avoir eu une occupation incompatible avec l’honneur et la dignité de la profession. Par ailleurs, la situation créée par l’intimé n’est pas fortuite, mais démontre plutôt la mise en place d’un stratagème dérogatoire à la réglementation. En outre, le défaut de couverture adéquate a eu des répercussions graves pour le public et, à cet effet, la syndic invite le Comité à examiner la pièce P-80, exposant les tribulations d’un assuré victime d’un incendie et laissé à lui-même après le sinistre. Considérant que l’intimé a fait à nouveau preuve de témérité, d’insouciance et de malhonnêteté, la syndic demande que le Comité impose à l’intimé une radiation permanente.

[24]        En ce qui concerne les chefs nos 24 et 25, la syndic note qu’il s’agit d’un défaut de remise de prime due à des assurés et appropriation de ladite somme. Pour la syndic, et bien qu’il ne semble pas que ce comportement de l’intimé soit isolé, ces chefs traitent d’un cas particulier à l’égard d’assurés bien identifiés. Dans ces circonstances, la syndic demande que le Comité impose à l’intimé une radiation de six (6) mois pour le chef no 24 et une radiation de six (6) mois pour le chef no 25, lesdites radiations à être purgées concurremment, le tout assorti d’une ordonnance de remboursement de la somme de 922,50 $ aux assurés.

[25]        Dans le cas des chefs nos 26 b), 26 c) et 26 e), la syndic plaide que ces chefs font partie des éléments du stratagème négligent, imprudent et malhonnête mis de l’avant par l’intimé. Ce système n’a, pour la syndic, aucune mesure avec les gestes d’un courtier prudent et diligent. Il démontre que l’intimé ne fait qu’à sa tête et a interprété ses obligations professionnelles avec désinvolture et témérité.

[26]        Pour la syndic, l’intimé n’avait qu’un objectif, ne pas perdre d’argent et continuer à opérer comme courtier spécial alors qu’il était en difficulté avec les assureurs étrangers avec qui il devait transiger. Compte tenu des antécédents de l’intimé (pièce P-1A), de son attitude intransigeante à ne pas reconnaître ce qui est une pratique non conforme au code de déontologie, la syndic soumet qu’il est impossible d’espérer que l’intimé s’amende dans le futur et qu’il ne soit pas un danger pour le public en général. Pour ces motifs, la syndic demande qu’une radiation permanente soit imposée à l’intimé pour l’ensemble des infractions pour lesquelles il a été trouvé coupable sous le chef no 26.

[27]        Par ailleurs, la syndic rappelle que dans le cadre de sanctions de radiation, le Comité doit considérer la période de radiation provisoire purgée par l’intimé. À cet égard, la syndic réfère à l’article de Me Pierre Bernard intitulé La sanction en droit disciplinaire en notant que le Comité doit d’abord imposer pour chaque infraction la sanction appropriée pour ensuite y soustraire une partie en raison de la radiation déjà en cours tout en tenant compte du principe à l’effet que la sanction n’est exécutoire que pour l’avenir.

[28]        Finalement, la syndic demande à ce que publication soit faite des ordonnances de radiation conformément à l’article 156 du Code des professions et qu’il soit condamné à tous les déboursés encourus.

B- Par l’intimé

[29]        L’intimé rappelle que l’objectif de la sanction disciplinaire est de corriger un comportement fautif et non pas de punir.

[30]        Pour lui il n’y a aucun facteur aggravant dans ce dossier et la protection du public n’a pas été mise en péril.

[31]        Par ailleurs, selon l’intimé, il a agi en toute bonne foi.

[32]        L’intimé déclare par ailleurs qu’il n’est plus et ne sera jamais plus courtier spécial et qu’il n’a aucun contact avec des assureurs étrangers pour agir à nouveau en cette qualité. De même, toute récidive est impossible, car il n’agira plus comme directeur d’une compagnie d’assurance.

[33]        L’intimé a 70 ans, il est en fin de carrière et il veut laver son intégrité, n’ayant commis aucune fraude.

[34]        Au soutien de ses représentations, l’intimé a soumis les décisions suivantes :

         Chauvin c Cirrincione et Izzo, décision no 2009-12-02 (C) et 2009-12-03 (C);

         Chauvin c. Fecteau, décision no 2009-10-01 (C).

[35]        Compte tenu de ce qui précède, l’intimé considère que dans le cas des chefs nos 1a), 1b), 1c) et 1d), le Comité devrait lui imposer un blâme et une réprimande. Ainsi, selon l’intimé, il n’y a aucune chance que le conflit d’intérêts visé par ces chefs se manifeste de nouveau et, de plus, pour l’intimé, le public n’a pas été impliqué dans les faits entourant ces chefs.

[36]        En ce qui a trait au chef no 2, l’intimé soumet qu’il n’avait pas pu faire autrement que de confectionner le document par lequel il « vendait » Souscripteurs à sa fille pour 1,00 $. L’intimé soumet que le Comité devrait lui imposer un blâme.

[37]        Dans le cas du chef no 4, l’intimé soumet qu’il devait liquider Souscripteurs. Il n’a pas tenté de continuer à opérer, mais il voulait plutôt effectuer un « run-off ». Il n’avait pas l’intention de laisser tomber les clients existants, et ce, tant et aussi longtemps que des fonds étaient disponibles pour payer leurs réclamations. Il a tenté de tout finaliser, mais il a malheureusement manqué quelques dossiers. Pour l’intimé, ses gestes n’étaient ni prémédités, ni de mauvaise foi et ils ont été posés pour aider la clientèle. Pour ces motifs, l’intimé soumet qu’une réprimande devrait lui être imposée.

[38]        Dans le cas du chef no 6, l’intimé mentionne qu’il n’a jamais eu de demande de fournir des documents de la part du syndic, cette demande ayant été dirigée au syndic de faillite qui n’a pu les récupérer étant donné la disparition de la disquette contenant les informations requises. À cet égard, l’intimé suggère qu’une amende de 600 $ devrait lui être imposée.

[39]        En ce qui concerne le chef no 7, l’intimé soumet que la réglementation a été appliquée différemment entre 1993 et 2000 malgré que le texte de celle-ci n’ait pas été modifié. Il a donc agi en toute bonne foi, ignorant la teneur de la réglementation. Un blâme serait donc la sanction appropriée sous ce chef.

[40]        Quant au chef no 8, pour les mêmes motifs que ceux avancés quant au chef    no 7, l’intimé suggère un blâme.

[41]        Pour ce qui est du chef no 10, l’intimé plaide que les polices d’assurance visées par ce chef ont été émises en mars 2000. Par ailleurs, il note qu’il a été reconnu coupable en raison de la conclusion du Comité à l’effet qu’il était l’âme dirigeante de Souscripteurs. À cet effet, l’intimé requiert qu’un blâme soit imposé par le Comité.

[42]        Dans le cas du chef no 16, l’intimé réitère qu’il revenait au courtier Ruel, et non à lui, d’informer M. Ibrahim puisque ce dernier était le client de M. Ruel et pas le sien. L’intimé suggère donc un blâme pour ce chef.

[43]        En ce qui a trait au chef no 17, l’intimé propose un blâme, et ce, pour les mêmes motifs que ceux énoncés quant au chef no 16.

[44]        Quant au chef no 18, l’intimé soumet que les bordereaux ne sont pas faits la journée même, mais plutôt soixante jours après la fin du mois, donc il était normal de conserver les primes dans le compte et ce, tel qu’il l’a toujours fait depuis 1993. L’intimé a donc agi en toute bonne foi lorsqu’il a versé les primes aux assureurs après déductions des commissions et paiement des réclamations. L’intimé soumet qu’une amende de 600 $ devrait être imposée à l’égard de ce chef.

[45]        En ce qui concerne le chef no 19, l’intimé soumet que pour avoir un permis au Manitoba, il faut résider dans cette province et donc, Souscripteurs ne pouvait pas être titulaire d’un permis du Manitoba. Souscripteurs avait un permis du Québec, limité au Québec. Cependant, selon l’intimé un assureur non licencié peut faire affaire partout. C’est donc le courtier Ramsey qui devait être titulaire d’un permis de courtier spécial dans sa province, ce qu’il ne détenait pas lui valant ainsi une sanction au Manitoba. En conséquence, l’intimé suggère qu’un blâme lui soit imposé sous ce chef.

[46]        Dans le cas des chefs nos 24 et 25, l’intimé soumet qu’il ne lui incombe pas de rembourser la prime des assurés puisque ceux-ci n’étaient pas ses clients. Ainsi, cette obligation revient plutôt à leur courtier. Par ailleurs, l’intimé réitère que Souscripteurs était mandataire de la compagnie d’assurance qui n’honorait plus les réclamations. L’intimé demande donc qu’une radiation d’un mois soit imposée pour chacun des chefs no 24 et 25.

[47]        Quant aux chefs nos 26 b), 26 c) et 26 e), l’intimé souligne qu’il agissait comme courtier et gestionnaire des assureurs étrangers à l’égard des primes et réclamations. Depuis 1993, les primes étaient retenues et seul un montant excédent était remis aux assureurs. Quant aux bordereaux, les rapports étaient faits et les réclamations rapportées lorsque le paiement était fait. L’intimé mentionne qu’il était de retour à la barre de Souscripteurs seulement qu’en avril 2000 et revient sur le fait qu’il n’en était pas l’âme dirigeante avant cette date. En conséquence, l’intimé soumet qu’un blâme devrait lui être imposé pour ces chefs.

III- ANALYSE ET DÉCISION

1- Facteurs considérés par le Comité

[48]        L’objectif de la sanction disciplinaire n’est pas de punir, mais de corriger un comportement fautif, et ce, en tenant compte en tout premier lieu de la protection du public. À cet égard, lors de l’imposition de la sanction, le Comité doit pondérer l’ensemble des facteurs atténuants et aggravants, tant objectifs que subjectifs, afin de déterminer la sanction juste, raisonnable et appropriée dans les circonstances[1].

[49]        L’auteure Sylvie Poirier[2] dresse une liste détaillée de ces facteurs dont les suivants s’appliquent et ont été considérés par le Comité dans la présente cause :

Facteurs objectifs

         La protection du public;

         La gravité de l’offense;

         La durée des infractions;

         La pluralité des infractions;

         Les conséquences des actes commis;

         L’exemplarité;

         La gradation des sanctions;

 

Facteurs subjectifs

         La présence d’antécédents disciplinaires;

         L’âge;

         Le nombre d’années de pratique;

         L’honnêteté du professionnel;

         Le risque de récidive;

         La répétition des infractions;

         L’insouciance;

         La volonté de s’amender;

         Le repentir;

         La collaboration avec le syndic;

         L’admission des faits;

         Le plaidoyer de culpabilité;

         La réhabilitation du professionnel;

[50]        Par ailleurs, la Cour d’appel rappelle les critères devant être appliqués par le comité de discipline dans le cadre de l’imposition d’une sanction :

« [38]        La sanction disciplinaire doit permettre d’atteindre les objectifs suivants : au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit du professionnel visé d’exercer sa profession (Latulippe c. Léveillé (Ordre professionnel des médecins), [1998] D.D.O.P. 311; Dr J.C. Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins du Québec et al, [1995] R.D.J. 301 (CA); R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656).

[39] Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier. Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l’infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l’exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif, … Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l’expérience, du passé disciplinaire et de l’âge du professionnel, de même que de sa volonté de corriger son comportement. La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d’une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes circonstances, aggravantes et atténuantes, de l’affaire. »[3]

[51]        De plus, il est à noter que l’absence de conséquences pour le public ne constitue pas un facteur qui amoindrit nécessairement la sanction devant être imposée :

« [69] L’AMF a imposé une sanction que le juge de première instance qualifie de sévère, mais l’appelant ne me convainc pas qu’elle est déraisonnable. L’absence de conséquences fâcheuses pour les investisseurs et le caractère isolé de sa faute ne constituent pas des éléments suffisants pour occulter la gravité objective de la faute de l’appelant, son impact sur l’intégrité et la dignité de sa discipline, sur le caractère dissuasif associé à une sanction disciplinaire et son effet sur la protection du public. »[4]

[52]        Le Comité a soigneusement soupesé la gravité objective et subjective des infractions dont l’intimé a été reconnu coupable de même que les facteurs aggravants et atténuants applicables. Les offenses commises par l’intimé varient en terme de gravité et le Comité a tenu compte de cette particularité dans le cadre des sanctions qu’elle impose à ce dernier

[53]        À cet égard, en ce qui a trait aux facteurs objectifs, il ne fait aucun doute que la protection du public est compromise lorsqu’un professionnel fait fi, de façon constante et dans son seul intérêt personnel, des règles qui s’appliquent à la profession au sein de laquelle il œuvre et qui ont été justement établies pour veiller à cette même protection. Cette protection du public est d’autant plus menacée lorsque l’intimé, procédant par voie de tromperie, camoufle ses gestes dérogatoires. Les actions de l’intimé ont toutes été commises pour son seul intérêt personnel, dans le cadre de sa profession, sans que celui-ci ne se préoccupe aucunement des conséquences possibles de ses gestes à l’égard du public.

[54]        Par exemple, l’intimé a usé de stratagèmes et de supercherie pour être à la fois directeur général de Gisco et âme dirigeante de Souscripteurs se plaçant ainsi volontairement et de façon malhonnête dans diverses situations de conflit d’intérêts. Par avidité il cache aux courtiers avec qui il fait affaire qu’il ne peut plus agir comme courtier spécial, qu’il a des difficultés avec les assureurs étrangers, que ceux-ci n’honorent plus les réclamations, qu’il n’a aucun permis d’exercice au Manitoba. L’intimé se confond dans ses explications afin de convaincre le Comité qu’il agit de bonne foi, en toute légalité et quand aucune raison ne justifie sa faute, il blâme les autres.

[55]        Les gestes répréhensibles de l’intimé ne sont pas isolés. Ils sont variés et s’étendent sur une grande période de temps. Objectivement, ce contexte ajoute à la gravité des reproches à l’égard de l’intimé.

[56]        Par ailleurs, il est nécessaire que chaque professionnel sache qu’il ne peut pratiquer en marge des règles établies et que son droit de pratique est un privilège. La profession et le public ne peuvent composer avec des professionnels n’ayant aucun respect pour la dignité de la profession ni pour les règles qui la régissent. Cette absence de respect mine sérieusement la confiance en la profession et à l’égard du professionnel qui agit de la sorte.

[57]        De plus, il est à noter qu’à l’égard de certains chefs, les gestes de l’intimé ont eu des conséquences directes et tangibles auprès d’assurés et de courtiers. Ainsi, le Comité réfère notamment aux chefs nos 18, 19, 24 et 25 et ce, sans pour autant minimiser les conséquences éventuelles qu’auraient pu avoir les gestes posés par l’intimé à l’égard du public dans le cadre des autres chefs dont il a été reconnu coupable de même que l’impact de ses agissements sur l’intégrité et la dignité de la profession.

[58]        En ce qui a trait aux facteurs subjectifs, le Comité note que l’intimé a déjà été reconnu coupable à quatre reprises de diverses infractions déontologiques entre 1988 et 2001[5].

[59]        À cet égard, les passages suivants de la décision sur sanction rendue dans le dossier no 1995-11-09 sont fort éloquents quant à l’irrespect dont fait preuve l’intimé à l’égard des règles régissant sa profession, ce qui a un impact certain sur son potentiel de réhabilitation et de récidive :

« Le Comité considère que les infractions reprochées à l’intimé sont graves, principalement celle reprochée au premier chef de la plainte où l’intimé a volontairement enfreint l’ordonnance de l’Inspecteur général.

L’intimé a démontré peu de respect pour les lois et règlements qui le régissent. Il connaît l’existence de l’ordonnance et ne la respecte pas. Il sait que sa demande de permis spécial n’est pas acceptée et il a agi comme s’il avait obtenu son permis spécial sous prétexte qu’il s’agit d’une technicalité i.e. qu’il n’a qu’à fournir un cautionnement valable et son permis lui sera octroyé. »[6] (page 2)

[60]        Dans ce cas, le Comité a imposé à l’intimé des amendes totalisant 7000 $ pour avoir fait émettre un contrat d’assurance auprès d’assureurs sous le coup d’une ordonnance de l’IGIF et avoir fait de fausses représentations quant à son niveau de compétence en agissant comme courtier spécial alors qu’il n’était pas autorisé à agir comme tel.

[61]        Les infractions pour lesquelles l’intimé a été reconnu coupable dans le présent dossier démontrent la même propension de l’intimé à ne pas se préoccuper des lois et règlements qui s’appliquent à lui, de même que son inclination à ne pas reconnaître ses fautes ou à minimiser ces dernières en les qualifiant de technicalités ou en invoquant son ignorance de la loi.

[62]        C’est d’ailleurs de cette dernière façon que l’intimé se justifiait dans la décision sur sanction rendue dans le dossier no 1996-11-03 :

« Pour justifier cette suggestion commune, Me Barry Fridhandler nous indique que son client a commis une erreur d’interprétation juridique à l’effet que le cautionnement était différent de l’assurance et qu’il pouvait agir dans les deux domaines, il insiste sur la bonne foi de l’intimé dans ce dossier.

Le Comité ne peut partager cette affirmation puisque l’intimé se servait de son statut de courtier d’assurance lorsqu’il exerçait le commerce de cautionnement. 

Cette façon de faire plaçait l’intimé en situation conflictuelle et risquait de compromettre la confiance que le public doit avoir envers la profession de courtier d’assurance. »[7]

[63]        Il est à noter que dans cette décision, le Comité a constaté que l’intimé, par ses agissements, se plaçait dans une situation conflictuelle, ce qui n’est pas sans rappeler son comportement à l’égard des chefs nos 1 et 2 du présent dossier. Le Comité imposa une amende de 1000 $ à l’intimé dans cette affaire.

[64]        En ce qui concerne les autres facteurs subjectifs, outre l’âge de l’intimé, le Comité ne retrouve guère de facteurs pouvant atténuer la gravité objective de ses agissements. L’intimé a plusieurs années de pratique à son actif, il connaît la profession et les gestes posés sont réfléchis et mettent à partie son honnêteté. L’intimé n’a démontré aucune volonté de s’amender, il n’a fait preuve d’aucun remords, contrition ou empathie pour les victimes de ses gestes et il ne s’est jamais préoccupé des conséquences possibles de ceux-ci. Son intérêt personnel l’a guidé tout au long des situations de fautes déontologiques dans lesquelles il a plongé volontairement. L’intimé plaide d’ailleurs qu’il a toujours agi de bonne foi, qu’il n’a pas mis en danger le public et qu’il n’y a aucun facteur aggravant dans son dossier, laissant ainsi sérieusement douter de son potentiel de réhabilitation. L’intimé n’a pas admis les faits, mais les a plutôt contestés offrant souvent des moyens de défense peu crédibles afin de se disculper. Il n’a pas non plus fait preuve d’une collaboration franche et transparente avec la syndic.

[65]        Les facteurs qui précèdent ont été considérés par le Comité dans sa tâche d’élaborer la sanction la plus appropriée à l’égard de chacun des chefs pour lesquels l’intimé a été reconnu coupable.

2- La radiation provisoire

[66]        L’intimé est sous le coup d’une ordonnance de radiation provisoire qui a été rendue le 5 juillet 2002, il y a maintenant dix (10) ans. 

[67]        Tel que l’enseigne l’auteur Pierre Bernard[8], le Comité doit tenir compte de cette période de radiation provisoire lorsqu’il impose des périodes de radiation temporaire.

[68]        Quant aux modalités d’application de ce principe, le Comité réfère aux propos suivants de cet auteur :

« L’arrêt du Tribunal en 1998 Latulippe c. Médecins (Ordre professionnel des) fait le point sur cette question en se souvenant d’abord du principe qu’une sanction n’est exécutoire que pour l’avenir et qu’il faut donc, pour cette raison, établir dans un premier temps la sanction méritée par l’infraction et clairement en faire état dans la décision pour ensuite réduire de cette durée le temps purgé dans le cadre de la radiation provisoire.

Dans tous les cas le calcul n’applique pas la norme du droit criminel d’être compté en double.

Dans l’arrêt Campagna c. Psychologues (Ordre professionnel des) le Tribunal, dans une situation du même genre, fixe comme il l’avait suggéré dans la décision précédente la durée de la sanction applicable à chaque infraction et en soustrait ensuite une partie en raison de la radiation en cours. Cependant dans cette affaire cette suspension temporaire avait été très longue soit presque de trois ans. Le calcul fait alors par le tribunal va faire passer les différentes radiations de 5 ans à 1 an et celles de 7 jours sont quant à elles réduites à une journée.

Dans une autre décision, le tribunal confirmait qu’il ne s’agit pas d’appliquer dans ce domaine une équivalence mathématique et évidemment la réduction de la sentence finale ne pourrait faire en sorte de réduire celle-ci à néant. »[9] (Nos soulignements)

[69]        Le Comité est en accord avec ces principes. Il déterminera donc d’abord la sanction méritée pour chacun des chefs et tiendra ensuite compte de la durée de la radiation provisoire.

3- Les sanctions

[70]        L’intimé a été reconnu coupable des chefs nos 1a), 1b), 1c) et 1d) qui découlent de la situation de conflit d’intérêts dans laquelle il s’est placé en continuant, directement ou indirectement, à opérer Souscripteurs alors qu’il était directeur général de Gisco.

[71]        Bien que les circonstances démontrent que l’intimé s’est placé sciemment dans cette situation à des fins purement lucratives, le Comité ne croit pas que la gravité objective des infractions commande une radiation permanente de l’intimé. Notamment, ce conflit d’intérêts est survenu dans le cadre d’une relation employeur-employé. Cependant, l’intimé mérite une longue radiation considérant l’ensemble des facteurs devant être considérés. Cette radiation devrait être de dix (10) ans. Cependant, en tenant compte de la durée de la radiation provisoire de l’intimé, cette radiation est réduite à cinq (5) ans pour chacun des chefs nos 1a), 1b), 1c) et 1d) à être purgée de façon concurrente.

[72]        Le chef no 2 vise les gestes posés par l’intimé pour cacher son implication dans Souscripteurs, alors qu’il était directeur général de Gisco.

[73]        À cet égard, rappelons que pour pouvoir devenir directeur général de Gisco, l’intimé a mis en place un subterfuge visant à donner l’apparence d’un transfert de ses intérêts dans Souscripteurs à sa fille, France Lacelle. Cette mise en scène a, non seulement nécessité l’implication de Mme Lacelle, mais également la confection de correspondances contenant des déclarations mensongères destinées, entre autres, aux organismes régulateurs de la profession.[10] Tel que l’a écrit le présent Comité dans le cadre de sa décision sur culpabilité :

« [265] Les gestes de l’intimé n’ont été posés que dans un but, soit celui d’induire en erreur et de laisser croire à son retrait total de Souscripteurs. Ces gestes prémédités et intéressés de l’intimé ne peuvent être qualifiés autrement que de malhonnêtes, indignes et contraires à l’honneur de la profession. »

[74]        Ces gestes sont objectivement graves. Par ailleurs, l’intimé a toujours persisté dans sa prétention, même durant les représentations sur sanction, à l’effet que le transfert des intérêts de Souscripteurs à sa fille France était réel et de bonne foi et ce, malgré que la Cour supérieure, dans une décision du 7 février 2007, a levé le voile sur ce stratagème en qualifiant ce transfert d’intérêts de « cas évident de prête-nom »[11]. Considérant l’ensemble des circonstances, le Comité impose donc une radiation permanente à l’intimé.

[75]        Le chef no 4 reproche à l’intimé d’avoir fait défaut d’exécuter avec intégrité et transparence ses activités de courtier envers ses mandants en continuant à poser des actes de courtier spécial à leur insu alors qu’il n’avait plus ce statut.

[76]        La preuve entendue par le Comité a révélé que l’intimé a agi de façon malhonnête en cachant sa situation et en posant des gestes induisant volontairement en erreur les courtiers faisant affaire avec lui[12]. L’intimé a agi pour son seul bénéfice, sans se préoccuper d’aucune façon de la protection du public  notamment quant au fait que les obligations des assureurs étrangers n’étaient plus cautionnées. Pour ces motifs, le Comité lui impose une radiation permanente.

[77]        Quant au chef no 6, l’intimé a été reconnu coupable d’avoir fait défaut de conserver pendant cinq (5) ans les livres et registres comptables prescrits par la loi et règlements applicables. Bien qu’il s’agisse là, à première vue, d’une infraction d’ordre technique, il est à noter que la disparition ou la perte des livres et registres comptables, pour laquelle l’intimé blâme tout le monde sauf lui-même, s’insère dans un ensemble de gestes insouciants, téméraires et désinvoltes de sa part. Ce défaut de l’intimé de conserver les livres et registres selon les normes applicables a nuit à l’enquête de la syndic relative à l’administration comptable de Souscripteurs laquelle a, rappelons-le, fait faillite. En conséquence, le Comité condamne l’intimé à une amende de 5 000 $ sous ce chef.

[78]        En ce qui a trait au chef no 7, l’intimé a été reconnu coupable d’avoir fait défaut de s’assurer que Souscripteurs place au moins 80 % des risques qui lui étaient confiés auprès d’assureurs titulaires de permis au Canada.

[79]        Comme dans le dossier no 1996-11-03[13], l’intimé a expliqué son geste par une interprétation abusive des règlements applicables. Il appert que ce dernier fait fi de ceux-ci pour son unique profit et il ne peut se retrancher derrière une erreur technique puisque son comportement est volontaire et prémédité. En fait, l’intimé s’évertue à contourner les dispositions mises en place pour la protection du public avec le seul dessein de satisfaire à son intérêt pécuniaire. L’attitude désinvolte et insouciante dont a fait part l’intimé à l’égard de la règlementation et des intérêts qu’elle vise à protéger justifie le Comité à lui imposer une radiation temporaire de deux (2) ans, laquelle sera réduite à une radiation temporaire d’un (1) an pour tenir compte de la durée de sa radiation provisoire.

[80]        Le cas du chef no 8 est fort similaire à celui du chef no 7. Ainsi, l’intimé a été reconnu coupable de ne pas s’être assuré que Souscripteurs soumette le risque à au moins trois (3) assureurs titulaires de permis au Québec avant de se prévaloir de son certificat de courtier spécial. À nouveau, la défense de l’intimé reposait sur son interprétation abusive de la réglementation. Pour les mêmes considérations que celles retenues au chef no 7, le Comité conclut qu’une radiation temporaire de deux (2) ans devrait être imposée à l’intimé, laquelle sera réduite à une radiation temporaire d’un (1) an, pour tenir compte de la durée de la radiation provisoire.

[81]        En ce qui a trait au chef no 10, l’intimé a été reconnu coupable de ne pas avoir informé son client que l’assureur externe avec qui il avait souscrit des polices d’assurance refusait d’honorer une importante réclamation et n’avait, de fait, jamais honoré de réclamation. Non seulement l’intimé a-t-il caché ce fait, mais il continuait d’empocher les primes relatives à ces polices au lieu de les transmettre à l’assureur. En agissant de la sorte, l’intimé a fait preuve d’un manque flagrant d’intégrité et a fait passer ses intérêts propres avant ceux du public. Le Comité considère qu’une radiation temporaire de cinq (5) ans devrait être imposée à l’intimé, laquelle sera réduit à une radiation temporaire de deux ans et demi (2 ½), afin de tenir compte de la durée de la radiation provisoire.

[82]        Quant au chef no 16, l’intimé a été reconnu coupable de ne pas avoir informé un assuré et son courtier qu’il avait remplacé un des assureurs étrangers sur le risque par un autre assureur. Bien que l’intimé ait agi en marge des normes et a manqué de transparence en cachant de l’information pertinente, le Comité considère que la gravité objective de l’infraction dans ce cas est moindre que celle du chef no 10 et justifie une radiation temporaire d’un (1) an. Considérant la durée de la radiation provisoire, le Comité impose donc une radiation temporaire de six (6) mois à l’intimé.

[83]        Pour ce qui est du chef no 17, l’intimé a également été reconnu coupable d’un défaut d’information à l’endroit d’un courtier et d’un assuré, cette fois en omettant de divulguer le fait qu’un des assureurs étrangers sur le risque s’était retiré. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au chef no 16, le Comité en vient à la conclusion qu’une radiation d’un (1) an est appropriée dans les circonstances. Considérant la durée de la radiation provisoire, le Comité impose donc une radiation temporaire de six (6) mois à l’intimé.

[84]        Dans le cas du chef no 18, l’intimé a été reconnu coupable d’avoir conservé les primes payées par un assuré au lieu de les transmettre à l’assureur. Cet agissement de la part de l’intimé a fait en sorte que l’assuré a vu sa réclamation refusée par l’assureur ce qui l’a contraint à s’adresser au Fonds d’indemnisation des services financiers en alléguant la fraude et le dol de l’intimé. En agissant de la sorte, l’intimé a fait preuve d’un manque de transparence et de malhonnêteté à l’égard de l’assuré. D’ailleurs, tant le Fonds que la Cour supérieure, saisie de la réclamation du Fonds contre l’intimé, ont conclu que les gestes de l’intimé étaient frauduleux, dolosifs et malhonnêtes. L’intimé a prémédité son acte, et ce, pour satisfaire à son propre intérêt, laissant en plan les assurés et ne se préoccupant aucunement des conséquences de ses gestes à leur égard. Dans le présent cas, les manœuvres de l’intimé ont fait une victime. Un assuré a dû subir les tracas découlant du défaut de l’assureur d’honorer sa réclamation parce que l’intimé, à l’insu de l’assuré, ne transmettait pas les primes perçues à l’assureur. Considérant la gravité de l’infraction dans le contexte de ce geste prémédité et malhonnête, le Comité impose à l’intimé une radiation permanente de même qu’une amende de 1500 $.

[85]        En que qui a trait au chef no 19, l’intimé a été reconnu  coupable d’avoir exercé des activités de courtier spécial dans la province du Manitoba, alors qu’il ne détenait pas de licence pour ce faire. À l’occasion de cette infraction, l’intimé a encore agi en marge des règles, pour son profit personnel et sans se soucier des répercussions possibles de ses gestes. Compte tenu des circonstances, le Comité en vient à la conclusion qu’une radiation temporaire de cinq (5) ans ainsi qu’une amende devraient être imposées à l’intimé. Considérant la durée de la radiation provisoire, le Comité impose à l’intimé une radiation temporaire de deux ans et demi (2 ½) en plus d’une amende de 4 000 $.

[86]        Dans le cas du chef no 24, l’intimé a fait défaut de remettre une somme due à des assurés suite à la résiliation de leur police. Pour ce qui est du chef no 25, l’intimé a été reconnu coupable de s’être approprié cette somme. Compte tenu de la gravité des gestes posés par l’intimé dans un contexte où il a tenté d’éluder sa responsabilité, le Comité considère qu’une radiation temporaire d’un (1) an est appropriée. Compte tenu de la durée de la radiation provisoire, le Comité impose à l’intimé une radiation temporaire de six (6) mois sous le chef no 24 et une radiation temporaire de six (6) mois en plus d’une amende de 1 500 $ sous le chef no 25.

[87]        En ce qui concerne le chef no 26 b), l’intimé a été reconnu coupable d’avoir conservé des primes perçues pour les assureurs étrangers. Le chef  no 26 c) reprochait à l’intimé d’avoir fait défaut de rapporter les pertes aux assureurs, alors que le chef no 26e), reprochait à l’intimé d’avoir continué à lier des assureurs étrangers pour de nouvelles polices, alors qu’il savait ou aurait dû savoir que ces assureurs étaient en conflit avec lui. Dans le cas de ces trois (3) chefs, les agissements de l’intimé ont été posés dans son seul intérêt et démontrent une totale désinvolture, témérité et négligence de sa part, si ce n’est une malhonnêteté caractérisée. Les gestes posés par l’intimé sont graves et démontrent une absence totale de volonté de respecter les normes de sa profession et d’agir autrement que pour son seul intérêt. L’intimé a agi de façon préméditée, le gain étant le seul guide de conduite qu’il a suivi. Le Comité considère que la gravité objective de chacune des infractions reprochées à la lumière des autres facteurs aggravants et atténuants considérés commande une radiation permanente de l’intimé.

[88]        Les radiations imposées à l’intimé devront être purgées concurremment.

4 - Les déboursés

[89]        L’article 151 du Code des professions[14] prévoit :

« 151.       Le conseil peut condamner le plaignant ou l’intimé aux déboursés ou les condamner à se les partager dans la proportion qu’il doit indiquer. »

[90]        En ce qui a trait aux déboursés, considérant les circonstances particulières de cette affaire, notamment le fait que le Comité Doss n’a pu terminer son mandat, et ce, sans faute de l’intimé, le Comité condamne l’intimé aux déboursés relatifs à l’instruction de la plainte devant le présent Comité, incluant la signification de celle-ci, de même que les frais de publication de la radiation provisoire de l’intimé et des sanctions de radiation imposées par le présent Comité.

5 - Publication

[91]        Le Comité ordonne qu’un avis de la présente décision soit publié, aux frais de l’intimé, dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a exercé sa profession.

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes sur chacun des chefs d’accusation pour lesquels il a été reconnu coupable, soit :

            Chef no 1a) :  Une radiation temporaire de cinq (5) ans;

Chef no 1b) : Une radiation temporaire de cinq (5) ans;

Chef no 1 c) : Une radiation temporaire de cinq (5) ans;

Chef no 1d) : Une radiation temporaire de cinq (5) ans;

Chef no 2 :     Une radiation permanente;

Chef no 4 :     Une radiation permanente;

Chef no 6 :     Une amende de 5 000 $;

Chef no 7 :     Une radiation temporaire d’un (1) an;

Chef no 8 :     Une radiation temporaire d’un (1) an;

Chef no 10 :   Une radiation temporaire de deux ans et demi (2 ½);

Chef no 16 :   Une radiation temporaire de six (6) mois;

Chef no 17 :   Une radiation temporaire de six (6) mois;

Chef no 18 :   Une radiation permanente et une amende de 1 500 $;

Chef no 19 :    Une radiation temporaire de deux ans et demi (2 ½)  et une amende de 4 000 $;

Chef no 24 :   Une radiation temporaire de six (6) mois;

Chef no 25 :   Une radiation temporaire de six (6) mois et une amende de 1500 $;

Chef no 26 b) : Une radiation permanente;

Chef no 26 c) : Une radiation permanente;

Chef no 26 e) : Une radiation permanente;

Lesdites radiations devant être purgées concurremment.

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés encourus pour les audiences de la plainte devant le présent Comité.

ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié, aux frais de l’intimé, dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a exercé sa profession.

 

 

 

 

__________________________________

Me Marco Gaggino

Vice-Président du Comité de discipline

 

 

 

__________________________________

M. Richard Giroux, C.d’A.A., courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

Me Jean-Pierre Morin

Procureur de la partie plaignante

 

 

M. André Lacelle

Se représentant seul

 

 

Date d’audience :

29 mars 2012

 



[1] Pigeon c. Daigneault, [2003] IIJCAN 32934 (C.A.)

[2] POIRIER, Sylvie, La discipline professionnelle au Québec, principes législatifs, jurisprudentiels et aspects pratiques, Ed. Yvon Blais, 1998, pp. 172 et 173

[3] Pigeon c. Daigneault et Comité de discipline de l’association des courtiers et agents immobiliers du Québec, 2003 CanLII 32934 (QC CA)

[4] Marston c.  Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178

[5] Pièces P-1A et P-93

[6] Le Comité de surveillance de L’Association des courtiers d’assurances de la province de Québec –vs- André Lacelle, (dossier no 1995-11-09), page 2 (pièce P-93).

[7] Le Comité de surveillance de L’Association des courtiers d’assurances de la province de Québec –vs- André Lacelle, (dossier no 1996-11-03), page 2 (pièce P-93).

[8] BERNARD, Pierre, La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions, Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, Barreau du Québec, vol 206 page 71

[9] Ibid. pages 125-126

[10] Voir notamment les pièces P-31, P-32, P-34 et P-41

[11] Fonds d’indemnisation des services financiers c. André Lacelle, pièce P-94, paragraphe 159

[12] Pièce P-45

[13] Pièce P-93

[14] L.R.Q., c. C-26

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