Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

N° :

2010-09-01(C)

         2010-09-02(C)

 

DATE :

20 septembre 2012

______________________________________________________________________

 

 LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Marc-Henri Germain, C. d’A.A., A.V.A.

Membre

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A., A.V.C.

 

Membre

____________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la  Chambre de l’assurance de dommages

                Partie plaignante

c.

 

PHILIPPE LAREAU, C.d’A.A.

et

MARIE LAREAU, courtier en assurance de dommages

                

                 Parties intimées

 

Et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

                 Mis-en-cause

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

TABLE DES MATIÈRES

Page

I.        Les plaintes disciplinaires................................................................................................... 3

II.      La trame factuelle.................................................................................................................. 5

III.     Les moyens préliminaires.................................................................................................... 7

IV.    Motifs et dispositifs................................................................................................................ 8

4.1       Les chefs d’accusation communs aux deux intimés.......................................... 8

4.1.1   Défaut d’agir dans l’intérêt de l’assurée N.V. (chef no 1)................................... 8

            A) La preuve en demande....................................................................................... 8

            B) La défense........................................................................................................... 10

                 i)  Courriels (p. 290 de P-4)............................................................................... 10

                 ii) Les notes au dossier..................................................................................... 11

                 iii)     L’absence de rencontre........................................................................... 12

                 iv)     L’avis d’enquête........................................................................................ 13

            C) Conclusion (chef no 1)...................................................................................... 19

                 i)  Cas de Philippe Lareau................................................................................ 19

                 ii) Cas de Marie Lareau..................................................................................... 20

4.1.2   Défaut de rendre compte (chef no 2)................................................................... 21

            A) Analyse................................................................................................................ 21

            B) Conclusion sur le chef no 2.............................................................................. 28

4.1.3   La négligence (chef no 3)...................................................................................... 28

 

4.2       Les autres chefs d’accusation.............................................................................. 29

4.2.1   Le cas de l’intimé Philippe Lareau....................................................................... 29

4.2.2   Le cas de l’intimée Marie Lareau......................................................................... 31

 

4.3       L’abus de droit du syndic....................................................................................... 33

 


V.     Les questions constitutionnelles..................................................................................... 36

5.1         Le débat.................................................................................................................... 36

A) Les dispositions législatives............................................................................. 37

B) La durée du mandat du président et des membres...................................... 39

C) Le conflit d’intérêts des membres exerçant des activités de courtiers...... 39

 

5.2         Motifs et dispositifs.................................................................................................. 40

A) L’obligation de moduler les garanties constitutionnelles............................ 40

B) L’aménagement structurel du comité............................................................. 43  

C) La durée des mandats....................................................................................... 51

i)        Président.................................................................................................... 53

ii)       Membres du comité................................................................................... 53

D) Conflit d’intérêts................................................................................................. 59

 

5.3         Conclusions............................................................................................................. 60

 

==================================================================

 

[1]   Entre février 2011 et mai 2012, le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages s’est réuni à plusieurs reprises pour procéder à l’audition commune des plaintes nos 2010-09-01(C) et no. 2010-09-02(C);

 

I.        Les plaintes disciplinaires

[2]       La plainte disciplinaire no 2010-09-01(C) reproche à M. Philippe Lareau les infractions suivantes :

 

1.   Le ou vers le 12 juin 2008, a fait défaut d’agir avec professionnalisme et/ou n’a pas agi dans l’intérêt de l’assurée N.V., en ajoutant et/ou en demandant d’ajouter à la police d’assurance habitation de l’assurée N.V., émise par AVIVA sous le numéro [...] couvrant la période du 30 avril 2008 au 30 avril 2009, le nom de J-C.D. à titre de co-assuré sans avoir obtenu l’autorisation de N.V., et ce, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 1, 9, 19, 37(1) et 37(3) dudit code;

2.   Du mois d’octobre 2007 au mois de juin 2008, a fait défaut de rendre compte à l’assurée N.V. de l’ajout à sa police d’assurance habitation émise par AVIVA sous le numéro [...] couvrant la période du 30 avril 2007 au 30 avril 2008 et renouvelée pour le terme 2008/2009, du nom de J-C.D. à titre de co-assuré, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 1, 9, 37(1) et 37(4) dudit code;

3.   Du mois d’octobre 2007 au mois de juin 2008, a été négligent dans l’exercice de ses activités et n’a pas agi en conseiller consciencieux alors que le nom de J-C.D. n’était pas inscrit à titre de co-assuré à la police habitation émise par AVIVA sous le numéro [...] couvrant la période du 30 avril 2007 au 30 avril 2008 et renouvelée pour le terme 2008/2009, n’a rien fait pour ajouter son nom à ladite police et/ou pour lui offrir une protection d’assurance personnelle pour couvrir ses besoins, le tout en contravention avec les articles 16, 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 9, 26, 37(1), 37(4) et 37(6) dudit code;

4.   Du mois de juin 2008 au mois d’octobre 2008, a abusé de la bonne foi de l’assureur AVIVA et/ou ne lui a pas transmis tous les renseignements qu’il est d’usage de lui fournir en :

4.1    procédant à l’émission et/ou en demandant l’émission le ou vers le 23 octobre 2008 d’une nouvelle police d’assurance locataire-occupant au nom de J-C.D. à titre d’assuré pour un emplacement sis au [...], à Montréal et ce, rétroactivement au 9 juin 2008 dans le seul but d’indemniser J-C.D. à la suite du vol d’une montre survenu le 10 juin 2008 lors de son déménagement;

 

4.2    le ou vers le 12 juin 2008, impute la réclamation rapportée par J-C.D. à la suite du vol de sa montre au dossier de l’assurance habitation de l’assurée N.V., portant le numéro [...], alors qu’il sait que J-C.D. n’est pas un assuré mentionné à cette police d’assurance et qu’aucun avenant ou autre protection d’assurance n’a été émis à cet effet,

 

le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 9, 10, 19, 27, 37(1), 37(3) et 37(4) dudit code.

 

L’intimé s'étant ainsi rendu passible pour les infractions ci-haut mentionnées des sanctions prévues à l'article 156 (c) du Code des professions.

 

[3]      Dans le cas de Mme Marie Lareau, la plainte no 2010-09-02(C) lui reproche :

1.   Le ou vers le 12 juin 2008, a fait défaut d’agir avec professionnalisme et/ou n’a pas agi dans l’intérêt de l’assurée N.V. en ajoutant et/ou en demandant d’ajouter à la police d’assurance habitation de l’assurée N.V., émise par AVIVA sous le numéro [...] couvrant la période du 30 avril 2008 au 30 avril 2009, le nom de J-C.D. à titre de co-assuré sans avoir obtenu l’autorisation de N.V., et ce, en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 1, 9, 19, 37(1) et 37(3) dudit code;

2.   Du mois d’octobre 2007 au mois de juin 2008, a fait défaut de rendre compte à l’assurée N.V. de l’ajout à sa police d’assurance habitation émise par AVIVA sous le numéro [...] couvrant la période du 30 avril 2007 au 30 avril 2008 et renouvelée pour le terme 2008/2009, du nom de J-C.D. à titre de co-assuré, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 1, 9, 37(1) et 37(4) dudit code;

3.   Du mois d’octobre 2007 au mois de juin 2008, a été négligente dans l’exercice de ses activités et n’a pas agi en conseillère consciencieuse alors que le nom de J-C.D. n’était pas inscrit à titre de co-assuré à la police habitation émise par AVIVA sous le numéro [...] couvrant la période du 30 avril 2007 au 30 avril 2008 et renouvelée pour le terme 2008/2009, n’a rien fait pour ajouter son nom à ladite police et/ou pour lui offrir une protection d’assurance personnelle pour couvrir ses besoins, le tout en contravention avec les articles 16, 27 et 28 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 9, 26, 37(1), 37(4) et 37(6) dudit code;

4.   Au mois de juillet 2010, a fait une déclaration fausse en prétendant dans un affidavit remis au syndic de la Chambre de l’assurance de dommages dans le cadre d’une enquête déontologique, que l’assurée N.V. lui avait donné instruction d’ajouter J-C.D. à titre d’assuré à la police d’assurance habitation émise par AVIVA sous le numéro [...], couvrant la période du 30 avril 2007 au 30 avril 2008, sachant ou devant savoir que cette déclaration est fausse entravant ainsi le travail du syndic, le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment les articles 15, 35 et 37(7) dudit code.

L’intimée s'étant ainsi rendue passible pour les infractions ci-haut mentionnées des sanctions prévues à l'article 156 (c) du Code des professions.

 

[4]       La partie plaignante était représentée par Me Claude G. Leduc et les deux intimés par Me Yves Robillard;

 

II.       La trame factuelle

[5]       Les faits à l’origine des présentes plaintes sont relativement simples;

[6]       Le 21 juin 2007, Mme N.V. emménage dans un nouvel appartement avec son conjoint de l’époque, M. J.-C.D.;

[7]       Le 9 avril 2008, ils se séparent après une courte cohabitation de neuf (9) mois et M. J.-C.D quitte l’appartement de Madame;

[8]       Suite à un bref séjour à son ancien appartement, M. J.-C.D. décide d’emménager dans un logement situé non seulement dans le même édifice que Mme N.V. mais également sur le même étage et juste à côté de celui de son ex-conjointe;

[9]       Le 10 juin 2008, date de son déménagement, M. J.-C.D. se fait voler sa montre Rolex qu’il avait laissé traîner sur une table dans son nouvel appartement;

[10]    Dans les jours suivants, M. J.-C.D. présente une réclamation pour la perte de sa montre de luxe et, quelque temps après, un chèque de 5 000$ est émis conjointement au nom de Madame et de Monsieur;

[11]    Mme N.V. refuse d’endosser le chèque d’indemnité alléguant comme motifs que :

a.         J.-C.D. n’a jamais été inscrit sur sa police d’assurance;

b.         Le vol est survenu dans le nouvel appartement de Monsieur;

c.         Elle craint une augmentation de ses primes d’assurance en raison de cette nouvelle réclamation;

[12]    Il y a lieu de souligner que le cabinet Lareau avait décidé de faire ajouter rétroactivement le nom de M. J.-C.D. à la police d’assurance de Madame;

[13]    Devant le refus inébranlable de Mme N.V., le cabinet Lareau, en accord avec l’assureur Aviva, décide alors de faire émettre une nouvelle police d’assurance uniquement pour M. J.-C.D et son nouvel appartement;

[14]    Fondées sur cette situation, des plaintes disciplinaires sont déposées contre les intimés dans lesquelles on leur reproche essentiellement :

1)        D’avoir ajouté le nom de M. J-C.D à la police d’assurance-habitation de Mme N.V. sans son consentement;

2)        D’avoir abusé de la bonne foi de l’assureur Aviva en faisant émettre une police d’assurance-habitation rétroactivement au nom de J.-C.D. dans le seul but de l’indemniser;

[15]    Il est vrai que les deux plaintes disciplinaires comportent d’autres chefs mais ceux-ci découlent tous des reproches ci-haut mentionnés;

[16]    C’est à la lumière de ces faits que seront analysés et décidés les divers chefs d’accusation déposés contre les intimés, le tout sous réserve des questions constitutionnelles soumises par les intimés;

 

III.      Les moyens préliminaires

[17]    Le 7 février 2011, les intimés ont présenté une requête en rejet des plaintes disciplinaires;

[18]    Le 22 février 2011, le comité rejetait par décision interlocutoire[1] les moyens préliminaires des intimés mais réservait à ceux-ci leurs droits afin de leur permettre de présenter certains d’entre eux à titre de moyen de défense au moment de l’audition, plus particulièrement :

a)    Dans le cas de M. Philippe Lareau :

           Les moyens de défense allégués aux paragraphes 2(b) et (c), 3(a), (b) et (c), 4(b), (c), (d) et (e) et aux paragraphes 5(a) et (b) de sa requête en rejet;

           L’absence de rencontre entre la syndic et Marie Lareau (par. 2(d));

b)    Dans le cas de Mme Lareau :

           Les moyens invoqués aux paragraphes 2(b) et (c), 3(a) et (b), 4(b), (c), (d), (e) et (f) de sa requête en rejet;

           L’absence de rencontre entre la syndic et celle-ci (par. 2(d));

           L’absence d’avis d’enquête (par. 2(e));

           La règle prohibant les condamnations multiples (par. 5, deuxième alinéa);

[19]     Ces divers moyens de défense seront examinés et décidés au moment de l’étude des chefs d’accusation;

IV.     Motifs et dispositifs

          4.1         Les chefs d’accusations communs aux deux (2) intimés

[20]    Les chefs d’accusation nos 1, 2 et 3 sont identiques dans les deux plaintes, ils seront donc analysés et décidés de façon commune;

 

          4.1.1.     Défaut d’agir dans l’intérêt de l’assurée N.V. (chef no 1)

                        A)     La preuve en demande

[21]    Le chef no 1 reproche aux intimés d’avoir fait défaut d’agir avec professionnalisme et de ne pas avoir agi dans l’intérêt de l’assurée N.V. en ajoutant et/ou en demandant d’ajouter à la police d’assurance-habitation de Mme N.V. le nom de son conjoint,  M. J.-C.D., à titre de coassuré sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de Mme N.V.;

[22]    Lors de son témoignage[2], Mme N.V. a nié catégoriquement avoir autorisé l’un ou l’autre des intimés à ajouter à sa police d’assurance le nom de son conjoint, J.-C.D., à titre de coassuré;

[23]    D’ailleurs, dans une lettre[3] du 8 octobre 2008 que M. Philippe Lareau adressait à Mme N.V., celui-ci reconnaît son erreur dans les termes suivants :

«À cet effet, nous reconnaissons que le chèque fait à votre nom ainsi qu’au nom de M. J.-C.D. n’aurait pas dû être émis à partir de la police d’assurance [...] mais bien à partir de la police que nous avons d’émise (sic) uniquement au nom de M. J.-C.D.

Suite à la prise de connaissance de cette situation; nous informerons l’assureur AVIVA pour lui expliquer la situation et vous pouvez être assuré (sic) qu’il n’y aura aucune trace de cette réclamation dans votre dossier d’assurance. Je vous confirme que cette réclamation est réputée n’avoir jamais été faite dans votre dossier.»

(Nos soulignements)

 

[24]    À cette preuve s’ajoute une autre lettre[4], cette fois-ci en provenance de la compagnie d’assurances Aviva, du 18 mai 2011 et adressée à la syndic confirmant l’ajout rétroactif du nom de M. J.-C.D. dans les termes suivants :

«Nous sommes informés que vous avez porté des plaintes disciplinaires contre Marie et Philippe Lareau où vous leur reprochez essentiellement d’avoir :

a)     Rétroactivement ajouté M. J.-C.D. comme assuré à une police d’assurance-habitation AVIVA numéro [...] dont est titulaire Mme N.V.

b)     Rétroactivement émis une nouvelle police d’assurance-habitation AVIVA [...] à M. J.-C.D. en remplacement de son ajout à la police [...]; et

c)     Avoir fait payer une réclamation de 5 000$ faite par M. J.-C.D. en vertu de la nouvelle police [...].

Nous souhaitons vour confirmer qu’AVIVA a été dûment informée par le cabinet Lareau – Courtiers d’assurances de chacune de ces opérations, qu’elle les a approuvées et qu’elle considère toujours qu’elles ont été effectuées conformément à la loi, aux arrangements contractuels entre les parties et dans le meilleur intérêt des deux assurés.

Nous espérons que ces informations vous seront utiles.

Veuillez croire, Madame, à toute notre considération.

Lucie Fréchette, vice-présidente                        Michèle Poudrier, directrice

Développement des affaires                               Développement des affaires»

          (Nos soulignements)

[25]    Cette preuve démontre de façon claire, nette et convaincante la commission par les intimés de tous et chacun des éléments essentiels des infractions reprochées au chef no 1 des deux (2) plaintes;

[26]    Cela étant dit, il est du devoir du comité d’examiner les moyens de défense proposés par les intimés afin de vérifier si ceux-ci peuvent entraîner, malgré tout, le rejet du chef no 1;

 

B)     La défense

[27]    En défense, les intimés plaident que :

 

1)        L’assurée N.V. a reconnu que J.-C.D. était coassuré avec elle sur la police d’assurance habitation [...], tel qu’il appert de l’échange de courriels produit par la plaignante comme pièce P-4, page 290;

2)        La plaignante a reconnu que l’intimée Marie Lareau avait reçu le consentement de l’assurée N.V. à l’ajout de J.-C.D. comme coassuré sur ladite police en raison des notes contemporaines que Marie Lareau a inscrites au système de suivi informatique de son cabinet, tel qu’il appert des notes de la plaignante produites comme pièce P-2, pages 188 et 192, et pièce P-4, pages 277 et 278, et des notes de Marie Lareau produites comme pièce P-4, pages 57 à  61;

3)        La plaignante n’a jamais rencontré Marie Lareau pour contre-vérifier ses déclarations solennelles confirmant l’exactitude de ses notes P-4, pages 57 à 61, tel qu’il appert des déclarations produites comme pièce P-4, pages 121 et 306-307[5];

4)        L’intimée Marie Lareau n’a jamais reçu l’avis d’enquête prévu par l’article 336 LDPSF;

[28]    Pour une meilleure compréhension, ces quatre (4) moyens de défense seront analysés et décidés de façon distincte;

 

 

 

i)       Courriels (p. 290 de P-4)

 

[29]    Dans un courriel[6] du 19 septembre 2008, M. J.-C.D. demande à son ex-conjointe, Mme N.V., de bien vouloir signer le chèque de remboursement de 5 000$ qu’il a reçu en compensation de la perte de sa montre Rolex puisque celui-ci est fait à l’ordre de leurs deux noms;

 

[30]    Mme N.V répond alors : «pas de problème, avec plaisir»[7] tout en précisant qu’ils devraient alors se rencontrer afin de «régler ce différend»[8];

 

[31]    C’est à partir de cette simple phrase pour le moins anodine que les intimés demandent au comité de conclure que Mme N.V. aurait consenti à l’ajout rétroactif du nom de M. J.-C.D. à sa police d’assurance-habitation;

 

[32]    En pratique, il en est tout autrement, Mme N.V. s’est toujours fermement opposée à cet arrangement au point de s’en plaindre tant verbalement[9] que par écrit[10] auprès de l’intimé Philippe Lareau;

 

[33]    Finalement, le 9 octobre 2008, l’intimé Philippe Lareau écrit à Mme N.V. pour l’informer qu’il reconnaît son erreur et que le chèque de 5 000$ n’aurait jamais dû être émis à partir de la police d’assurance-habitation de Mme N.V.[11];

 

[34]    À la lumière de cette preuve, le comité conclut que Mme N.V. n’a jamais consenti à l’ajout rétroactif du nom de M. J.-C.D. à sa police d’assurance-habitation;

 

[35]    Pour l’ensemble de ces motifs, ce moyen de défense sera rejeté;

 

 

 

ii)    Les notes au dossier

 

[36]    Comme deuxième moyen de défense, les intimés prétendent que les notes que Marie Lareau a inscrites au système informatique de son cabinet[12] démontrent que Mme N.V. aurait consenti à l’ajout de J.-C.D. comme coassuré;

 

[37]    À leur avis, les notes de la syndic[13] seraient au même effet et confirmeraient leurs prétentions;

 

[38]    Pour les motifs ci-après exposés, ce moyen de défense sera également rejeté;

 

[39]    Premièrement, les notes[14] de l’intimée Marie Lareau ne démontrent aucunement que Mme N.V. aurait consenti à l’ajout de M. J.-C.D. comme coassuré;

 

[40]    Il est vrai que plusieurs annotations prouvent que le sujet fut abordé lors des échanges intervenus entre l’intimée Marie Lareau et l’assurée N.V., cependant, rien ne prouve que Mme N.V. aurait consenti ni même demandé l’ajout de J.-C.D.;

 

[41]    Une lecture attentive des notes semble plutôt démontrer que Mme N.V. fuyait le sujet[15] et qu’elle n’était pas prête à prendre une position ferme, laissant toujours sous-entendre qu’elle en parlerait avec M. J.-C.D., son conjoint[16] sans jamais retourner les appels de Marie Lareau[17];

 

[42]    Deuxièmement, les notes de la syndic[18] ne sont pas déterminantes. Elles démontrent simplement que la mémoire de Mme N.V. n’est pas infaillible, celle-ci précisant toutefois qu’elle n’a jamais fait ajouter le nom de J.-C.D. comme coassuré;

 

[43]    Ce moyen de défense sera donc rejeté puisque rien n’indique que Mme N.V. aurait consenti à l’ajout de J.-C.D. comme coassuré à sa police d’assurance-habitation;

 

 

 

 

iii)    L’absence de rencontre

[44]    Comme troisième moyen de défense, les intimés font grief à la syndic de ne pas avoir rencontré l’intimée Marie Lareau, faisant ainsi défaut, à leur avis, de contre-vérifier l’exactitude de ses déclarations solennelles et de ses notes;

[45]    À cet égard, il est important de souligner que la syndic n’a aucune obligation de rencontrer l’intimé(e), tel que l’a décidé la Cour d’appel dans l’affaire Sylvestre c. Parizeau[19];

[46]    Enfin, le comité de discipline n’a aucun contrôle sur les agissements du syndic[20] et il n’est pas autorisé à s’immiscer dans l’enquête menée par celui-ci[21];

[47]    Ainsi, il n’est pas permis de reprocher au syndic de ne pas avoir vérifié la version de l’intimé[22];

[48]    Pour l’ensemble de ces motifs, ce moyen de défense sera rejeté;

 

iv)    L’avis d’enquête

[49]    Enfin, les intimés et plus particulièrement l’intimée Marie Lareau soulèvent comme autre moyen de défense l’absence d’un avis d’enquête à l’endroit de celle-ci;

[50]    Dans leur plan d’argumentation déposé lors des plaidoiries tenues le 22 mai 2012, ils plaident que :

«Par. 159 : Cette plainte est portée sans jamais que Marie Lareau ait eu le bénéfice d’un avis d’enquête, en contravention de l’article 336 LDPSF, des attentes légitimes de l’intimée (avis P-4, p. 272) et du fair play[23]

 

[51]    Cette question est particulièrement intéressante puisqu’elle n’a jamais fait l’objet d’aucune décision de la part du comité de discipline;

[52]    Cette obligation d’aviser le membre sous enquête prend sa source dans l’article 336 LDPSF qui exige du syndic qu’il avise le membre visé par une plainte;

[53]    À cet égard, il y a lieu de noter que le syndic doit également aviser l’AMF, laquelle devra à son tour informer le membre concerné de la réception d’une plainte à son égard (art. 186.1 LDPSF);

[54]    La preuve administrée à l’audition démontre que l’intimée a reçu un tel avis de la part de l’AMF en conformité avec l’article 186.1 LDPSF;

[55]    Soulignons toutefois que le grief de l’intimée concerne plus précisément l’absence d’avis de la part de la syndic (art. 336) et, en conséquence, ce moyen de défense sera analysé par le comité;

[56]    Cette question de l’avis au professionnel a déjà été examinée par la Cour d’appel à deux (2) reprises : une première fois, en droit disciplinaire[24] et une autre fois en déontologie policière[25];

[57]    Voici comment s’exprimait la Cour d’appel dans l’affaire Sylvestre c. Parizeau[26] :

«b)  Violation des règles d'équité procédurale

 

Maître Parizeau prétend que le syndic Jacques Sylvestre avait l'obligation de la prévenir avant de porter plainte et que les syndics Jacques et Frédéric Sylvestre font preuve de partialité.

 

i)  Obligation de prévenir avant de porter plainte

 

Le syndic intervient à deux étapes distinctes:  à une étape préliminaire, c'est-à-dire pour les fins de l'enquête précédant le dépôt de la plainte et lors de l'enquête devant le comité de discipline, c'est-à-dire après le dépôt de la plainte.  À l'étape préliminaire, s'il prend une décision qui initie un processus qui est susceptible d'affecter les droits d'un professionnel, sa décision comme telle n'est pas celle qui emporte sanction.  L'enquête n'est pas publique et, dans des circonstances normales, la réputation du professionnel n'est pas affectée puisque le déroulement est confidentiel.

 

À l'étape préliminaire, l'application au syndic de la règle audi alteram partem veut dire que le syndic doit faire une enquête complète et que si cette obligation implique qu'il doive obtenir des informations du professionnel, il doit les obtenir dans les limites prévues par le Code des professions et celles prévues par la jurisprudence.  Ceci ne veut cependant pas dire qu'il doive lui divulguer le contenu de son enquête ni sa décision.

Le syndic est l'enquêteur, il n'est pas un tribunal.  Il n'est pas le comité de discipline et ne peut ni ne doit être assujetti aux mêmes règles.

 

Les principales règles d'équité procédurale sont incorporées au Code des professions.  Le syndic doit faire une enquête et agir avec indépendance (article 121 du Code des professions).  Le professionnel n'a aucun droit d'intervenir dans la décision du syndic de déposer une plainte.  Le professionnel est informé de la plainte par la signification qui en est faite conformément à l'article 132 du Code des professions.

 

Mis à part le contexte de la conciliation (articles 123.6 ss. du Code des professions) par laquelle le professionnel et la personne qui a demandé la tenue d'une enquête peuvent, si le syndic l'estime possible, régler un différend, rien n'oblige le syndic à prévenir le professionnel avant le dépôt d'une plainte.

 

La règle invoquée n'est inscrite nulle part dans les lois et je ne crois pas qu'elle puisse découler de la règle audi alteram partem.  Le syndic doit divulguer en temps utile la preuve dont il dispose; le comité de discipline doit donner au professionnel le temps de se préparer pour l'audition; il doit aussi lui donner l'occasion d'être entendu.  Rien cependant n'oblige le syndic à donner au professionnel avis qu'une plainte sera déposée contre lui.  Si, en pratique, cela se fait, comme le prétend l'avocat de maître Parizeau, il n'y a pas lieu d'attribuer la démarche à une obligation législative ou jurisprudentielle.  La lettre du syndic du 29 décembre 1993 n'a conféré aucun droit.

 

Je suis donc d'avis que le syndic n'a pas manqué aux règles d'équité procédurale en n'avisant pas maître Parizeau avant le dépôt de la plainte

 

(Nos soulignements)

 

 

[58]    Il ressort de ce jugement que la syndic n’a aucune obligation (en vertu du Code des professions) d’aviser le professionnel de la tenue d’une enquête à son sujet en l’absence d’une obligation législative ou jurisprudentielle[27];

[59]    Par contre, dans le cas d’un titulaire de certificat, une telle obligation est expressément prévue par le deuxième alinéa de l’article 336 LDPSF;

[60]    Le défaut d’expédier cet avis a-t-il pour effet de rendre nulle la plainte disciplinaire déposée suite à l’enquête du syndic?

[61]    Par analogie, en déontologie policière, le commissaire a l’obligation d’aviser le policier faisant l’objet de plainte, le tout suivant l’article 149(5) de la Loi sur la police (L.R.Q., c. P-13.) (ci-après «L.P.»);

[62]    Si le commissaire décide de tenir une enquête, il doit également aviser le policier concerné (art. 170 L.P.);

[63]    Le policier bénéficie alors du droit au silence (art. 192 L.P.);

[64]    Cette distinction est importante puisqu’un membre de la Chambre, à l’instar d’un professionnel visé par le Code des professions (L.R.Q., c. C-26), ne bénéficie pas du droit au silence[28], au contraire, il a l’obligation de collaborer à l’enquête du syndic et de répondre à ses questions[29];

[65]    Nous reviendrons plus tard sur cette question du droit au silence dont bénéficient les policiers;

[66]    Pour l’instant, il est important de noter que l’ancêtre de l’article 170 L.P. soit l’article 67 de l’ancienne Loi sur l’organisation policière (L.R.Q., c. O-8.), a fait l’objet d’un jugement de la Cour d’appel, soit l’affaire Bourdon[30];

[67]    En l’espèce, les policiers Bourdon et al., demandaient l’arrêt des procédures disciplinaires entreprises contre eux au motif qu’ils n’avaient pas reçu l’avis requis en temps opportun;

[68]    Vu la tardiveté de l’avis, ceux-ci avaient donné des déclarations alors qu’ils étaient dans l’ignorance qu’ils faisaient l’objet d’une plainte;

[69]    Ce faisant, leur droit au silence prévu par la loi avait été brimé et, en conséquence, ils plaidaient la nullité des citations disciplinaires;

[70]    La Cour d’appel, sous la plume de Mme la juge Marie Deschamps[31], décidait alors :

«[42]   Les policiers se plaignent de plusieurs manquements à des prescriptions de la LOP qu'ils disent impératives.  Ils plaident aussi que les citations ne trouvent leur source dans aucune plainte validement déposée devant le Commissaire et que le document ultérieurement déposé par la famille de la victime ne fait état d’aucune faute, qu'il constitue une demande entièrement nouvelle et une substitution de partie qui a pour effet de changer la nature du litige.  Ils invoquent donc l’absence de plainte à leur égard et l’absence d’avis de plainte.  Ils soumettent aussi que le Commissaire ne les a pas avisés par écrit sans délai qu’une enquête serait tenue à leur sujet et que leur conduite faisait l’objet d’une enquête.

[43]   Les dispositions législatives revues plus haut constituent la principale base des arguments des policiers liés à l'invalidité de la plainte.  Ces dispositions de la LOP doivent être replacées dans la perspective générale du droit administratif pour déterminer le contenu réel des règles législatives et la sanction de leur violation.

[44]   Dans ce contexte, un commentaire préliminaire s’impose.  Le Commissaire s’est vu imposer par la LOP un cadre très contraignant et le pouvoir discrétionnaire auquel il prétend comporte des balises  Le moindre manquement aux règles qui lui sont imposées n'emporte cependant pas l'invalidité de la citation (voir à ce sujet l'effet de l'absence d'avis écrit tel que discuté dans Bouchard c. Comité de déontologie de la Sûreté du Québec, déjà cité).  Les contraintes doivent donc être évaluées en fonction de l’objectif recherché et du préjudice découlant de la non-observation d’une règle donnée.»

(Nos soulignements)

 

[71]    Mme la juge Deschamps poursuit son raisonnement comme suit :

«[51]   Contrairement au formalisme adopté par le juge de première instance, je modulerais la sanction à la violation d’une prescription de la LOP selon l’importance pour le policier de la disposition en cause et selon le préjudice subi.

[52]   Les violations doivent être soupesées en tenant compte de leurs conséquences sur les droits des policiers et sur la décision du Commissaire.»

(Nos soulignements)

 

[72]    Finalement, la Cour d’appel conclut comme suit :

«[58]     En ce qui a trait au défaut d’être avisé qu’une enquête a été tenue (article 67), la question est plus délicate encore en raison du fait que l’enquêteur a rencontré les policiers et a obtenu d’eux des déclarations.  Ces derniers affirment que leur droit de garder le silence a été violé.  Ce droit reposerait sur l’article 87 qui exclurait les policiers faisant l’objet d’une plainte de l’obligation de collaborer avec le Commissaire (articles 84 à 86).

(…)

[62]     La conclusion en nullité prononcée par la Cour supérieure comporte une lacune.  La Cour, dans Côté c. Désormeaux, 1990 CanLII 3182 (QC C.A.), [1990] R.J.Q. 2476 et Ptack c. Comité de l’ordre des dentistes du Québec, C.A.Montréal, no 500-09-001106-855, 6 juillet 1992, jj. Vallerand, Proulx, Rousseau-Houle, insiste sur l’importance d’assujettir la sanction de la violation d’un droit à la constatation du préjudice.  L'assise factuelle pour cette constatation est ici déficiente.

[63]     En un mot, même si le dossier comporte plusieurs aspects choquants, il est incomplet.  Les faits permettant de statuer sur le préjudice n’ont pas été mis en preuve de façon complète et n'ont pas fait l’objet d’un débat contradictoire.  La Cour ne dispose pas des éléments pouvant conclure qu'il s'agit d'un de ces cas exceptionnels lui permettant de se substituer à l'organisme administratif.»

(Nos soulignements)

 

[73]    Comme on peut le constater, la Cour d’appel conclut que :

                L’avis était impératif suivant la loi;

                Le droit au silence des policiers avait été bafoué;

[74]    Malgré ces deux éléments fondamentaux, la Cour d’appel retourne le dossier devant le Comité de déontologie policière afin de forcer les policiers à faire la preuve du préjudice ayant pu découler de ces violations;

[75]    Bref, seule une preuve concrète d’un réel préjudice peut entraîner la nullité de la plainte disciplinaire[32];

[76]    Dans le cas de Mme Lareau, aucune preuve ne fut apportée pour soutenir une quelconque allégation de préjudice;

[77]    Mais il y a plus, l’intimée ne bénéficie pas du droit au silence, ni en vertu de la Charte[33], ni en vertu de la LDPSF;

[78]    Au contraire, l’intimée Marie Lareau avait l’obligation de collaborer à l’enquête de la syndic et de répondre à ses questions[34];

[79]    Enfin, les avis prévus aux articles 186.1 et 336 LDPSF n’ont pas pour objet de conférer un quelconque droit à l’intimée mais visent plutôt à l’informer de la mise en branle du mécanisme de traitement des plaintes;

[80]    Ces avis visent, entre autres, à éviter au professionnel de communiquer avec le plaignant à compter du moment où il est officiellement informé qu’il fait l’objet d’une plainte;

[81]    Plus particulièrement, l’article 36 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages interdit formellement à un représentant d’intervenir auprès du plaignant à compter du moment où il est informé du dépôt d’une plainte;

[82]    Pour l’ensemble de ces motifs, le moyen de défense allégué au paragraphe 2(e) de la requête en rejet de l’intimée Marie Lareau sera rejeté;


C)     Conclusion (chef no 1)

i)     Cas de Philippe Lareau

[83]    Le comité considère que la preuve démontre de façon claire, nette et prépondérante que l’intimé Philippe Lareau a commis l’infraction reprochée au chef no 1 de la plainte no 2010-09-01(C);

[84]    À cet égard, le comité prend appui sur le témoignage de Mme N.V.[35] et surtout sur l’aveu contenu à la lettre du 8 octobre 2008 signée par M. Philippe Lareau[36] par laquelle il reconnaît que le chèque de 5 000$ n’aurait jamais dû être émis à partir de la police d’assurance de Mme N.V.;

[85]    À cela s’ajoute la lettre d’Aviva[37] du 18 mai 2011 confirmant qu’ils ont approuvé l’ajout rétroactif de J.-C.D. à titre de coassuré sur la police de Mme N.V.;

[86]    De plus, l’intimé Philippe Lareau a reconnu être le courtier responsable de M. J.-C.D.[38];

[87]    Enfin, le 12 juin 2008, son employée, Mme Louise Garand, a demandé par courriel[39] d’ajouter rétroactivement le nom de J.-C.D. à la police d’assurance-habitation de Mme N.V.;

[88]    L’intimé Philippe Lareau, suivant l’article 2 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages[40], est responsable des fautes commises par ses mandataires et employés;

[89]    La faute déontologique de l’employé devient alors la faute personnelle du représentant[41];

[90]    D’ailleurs, c’est l’intimé Philippe Lareau qui aurait personnellement demandé à Mme Louise Garand de s’adresser à Aviva[42];

[91]    Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimé Philippe Lareau sera reconnu coupable du chef no 1 de la plainte no 2010-09-01(C) pour avoir contrevenu à l’article 19 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[92]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 1 de la plainte no 2010-09-01(C);

 

ii) Cas de Marie Lareau

[93]    Lors de son témoignage[43], l’intimée Marie Lareau a reconnu être le courtier responsable de l’assurée N.V.;

[94]    Cette admission se retrouve également dans son plan d’argumentation[44] déposé lors de l’audition du 22 mai 2012;

[95]    Ces deux admissions de la part de l’intimée Marie Lareau sont-elles suffisantes pour entraîner sa responsabilité déontologique?

[96]    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le chef no 1 de la plainte no 2010-09-02(C) lui reproche d’avoir ajouté et/ou d’avoir demandé d’ajouter le nom de M. J.-C.D. à la police d’assurance-habitation de Mme N.V.;

[97]    Or, la preuve a démontré de manière éloquente que c’est M. Philippe Lareau qui a demandé à son employée, Mme Louise Garand, de prendre les dispositions nécessaires auprès d’Aviva afin de faire ajouter rétroactivement le nom de J.-C.D.[45];

[98]    D’ailleurs, dans une lettre adressée à Mme N.V., l’intimé Philippe Lareau prend l’entière responsabilité de ce geste et reconnaît son erreur[46];

[99]    À ces divers éléments s’ajoute le fait qu’à la date d’infraction, soit le 12 juin 2008, le dossier était, à toutes fins pratiques, sous la responsabilité de M. Philippe Lareau, lequel tentait par tous les moyens de régler la réclamation de M. J.-C.D., un client de  longue date du cabinet Lareau;

[100] Pour l’ensemble de ces motifs, le comité considère qu’à la date de l’infraction, soit le 12 juin 2008, l’intimée Marie Lareau n’a pas manqué de professionnalisme et n’a pas agi à l’encontre des intérêts de Mme N.V. puisqu’elle n’a pas ajouté ou demandé d’ajouter le nom de J.-C.D. à la police d’assurance-habitation de Mme N.V.;

[101] Tous les faits reprochés dans le chef no 1 ont été commis par son frère et co-intimé, M. Philippe Lareau;

[102] En conséquence, l’intimée Marie Lareau sera acquittée du chef no 1 de la plainte no 2010-09-02(C);

 

          4.1.2      Défaut de rendre compte (chef no 2)

[103] La plainte reproche aux intimés d’avoir fait défaut de rendre compte (chef no 2) à l’assurée Mme N.V. de l’ajout à sa police d’assurance-habitation du nom de M. J.-C.D., à titre de coassuré;

 

A)           Analyse

[104] Afin de bien cibler l’étendue de l’obligation de rendre compte prévue à l’article 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, il convient de reproduire cette disposition réglementaire et surtout les commentaires que l’on y retrouve :

 

37.  Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d'agir à l'encontre de l'honneur et de la dignité de la profession, notamment:

 

(…)

 

  4°    de faire défaut de rendre compte de l'exécution de tout mandat;

 

«Rendre compte» signifie informer son client de ce qui a été fait ou non pour suivre ses instructions. Le client qui demande à son représentant en assurance de dommages de choisir pour lui la protection dont il a besoin pose un geste de confiance. Il est en droit de s’attendre à ce que le représentant fasse un choix approprié et sur mesure. Le représentant doit lui «revenir» avec les conditions, les exigences, la prime, etc. Cette reddition de compte doit être complète, rapide et proactive (le représentant ne doit pas attendre que le client la lui demande). La reddition de compte doit se faire tout au long du mandat. Le client doit être informé du déroulement de son dossier : il a le droit de savoir.

 

Par exemple, si un assureur décide de réviser unilatéralement les conditions d’assurance ou si les garanties au renouvellement ont été modifiées, le représentant doit, sans attendre, en rendre compte à l’assuré.

 

Également, si un représentant décide de mettre fin à son mandat, il doit en aviser son client dans les plus brefs délais. Voir l’article 26 du Code.»

 

(Nos soulignements)

 

[105] Il y a lieu d’ajouter à cette description les enseignements de la Cour suprême dans l’affaire Laflamme[47] :

 

30   Le mandat fait aussi naître pour le gestionnaire l’obligation d’informer son client ainsi que, dans certaines circonstances, le devoir de le conseiller.  L’obligation d’informer, maintenant codifiée à l’art. 2139 C.c.Q., exige du gestionnaire, en sa qualité de mandataire, qu’il renseigne le mandant des faits et du déroulement de sa gestion.  Le professeur Claude Fabien résume ainsi l’objet de cette obligation («Les règles du mandat», dans Chambre des notaires du Québec, Extraits du Répertoire de droit  Mandat  Doctrine  Document 1 (1986), no 127):

 

Cette obligation a pour finalité d’empêcher que le mandant ne fasse des actes contradictoires ou de lui permettre de modifier ses instructions ou de réagir selon les circonstances.  Cette obligation implique aussi que le mandataire demeure en contact avec le mandant de manière à permettre la communication dans les deux sens.  On pourrait aussi y associer l’obligation pour le mandataire de s’informer auprès du mandant en cas de doute sur ses instructions ou ses pouvoirs.  [Notes omises.] 

 

31   S’impose aussi au mandataire professionnel le devoir de conseil (J.‑L. Baudouin et P. Deslauriers, La responsabilité civile (5e éd. 1998), no 1570).  Ce devoir découle notamment de la nature même du contrat de gestion de portefeuille (art. 1024 C.c.B.C.; art. 1434 C.c.Q.). Comme le note L’Heureux,loc. cit., à la p. 419, ce devoir de conseil du courtier est «d’ailleurs ce qui incite souvent un client à avoir recours à ses services».  Et, de dire Philippe Pétel (Les obligations du mandataire (1988), aux pp. 151 et 152):

 

Il est de fait que le mandant faisant appel aux services d’un professionnel pour s’entremettre dans ses relations avec les tiers attend beaucoup de cet intermédiaire.  Il ne s’agit pas seulement d’accomplir un acte juridique en dehors de sa présence car ce résultat pourrait la plupart du temps être atteint en ayant recours aux moyens de télécommunications modernes.  Le mandant veut en outre que ses intérêts soient mieux soignés qu’ils ne l’auraient été s’il avait agi directement.  C’est la raison d’être de certains mandataires professionnels tels que le courtier en assurances ou le commissionnaire de transport.  [En italique dans l’original; notes omises.]

 

(Nos soulignements)

 

[106] L’obligation de rendre compte signifie, plus particulièrement, que l’on doit informer son client du suivi de son dossier;

[107] Tel que le rappelait la Cour suprême dans l’arrêt Fletcher[48], les courtiers d’assurances «sont plus que de simples vendeurs»:

 

« (57) Il est évident, tant dans le milieu des assurances que devant les tribunaux, que l'on considère que les agents et courtiers d'assurances sont plus que de simples vendeurs. Les actes du colloque de 1985 sur le droit des assurances tenu par la Continuing Legal Education Society de la Colombie‑Britannique mettent l'accent sur les services qu'ils fournissent (à la p. 6.1.03):

 

                    [TRADUCTION] Les services d'un agent ou d'un courtier compétent incluent, outre les conseils sur les assurances et le courtage ou la négociation de polices pour le compte du client, un intérêt et une participation concrets dans la prévention des sinistres, ainsi qu'un contrôle des demandes de règlement destiné à aider le client à obtenir un règlement satisfaisant.

(58) Il est tout à fait légitime, à mon sens, d'imposer aux agents et aux courtiers d'assurances privés une obligation stricte de fournir à leurs clients des renseignements et des conseils. Ils sont, après tout, des professionnels agréés qui se sont spécialisés dans l'évaluation des risques au profit des clients et dans la négociation de polices personnalisées. Ils offrent un service très personnalisé, axé sur les besoins de chaque client. La personne ordinaire a souvent de la difficulté à comprendre les différences subtiles entre les diverses protections offertes. Les agents et les courtiers ont reçu une formation qui les rend aptes à saisir ces différences et à fournir des conseils adaptés à la situation de chaque individu. Il est à la fois raisonnable et opportun de leur imposer l'obligation non seulement de fournir des renseignements mais encore de conseiller les clients.

 

(Nos soulignements)

 

[108] La preuve a démontré[49] que Mme N.V. n’a jamais été informée de l’ajout de M. J.-C.D., ni par M. Philippe Lareau, ni par Mme Marie Lareau;

[109] D’ailleurs, elle s’en est plainte auprès de M. Philippe Lareau, tant verbalement[50] que par écrit[51];

[110] La première information qu’elle reçoit à cet égard provient du courriel[52] du 19 septembre 2008 de son ex-conjoint, M. J.-C.D.;

[111] Dans les circonstances, force nous est de constater que l’assurée N.V. n’a pas été informée durant la période visée par le chef no 2, soit entre octobre 2007 et juin 2008, et plus précisément le 12 juin 2008, de l’ajout du nom de J.-C.D. à sa police d’assurance-habitation;

[112] Le comité estime que les deux intimés sont conjointement responsables de ce manquement déontologique;

[113] Dans le cas de M. Philippe Lareau, la preuve démontre qu’il a personnellement pris soin de régler la réclamation de J.-C.D. en demandant à son employée, Mme Louise Garand, de s’adresser à la compagnie d’assurance Aviva;

[114] Le 12 juin 2008, Mme Garand a donc demandé par courriel[53] à Aviva d’ajouter rétroactivement le nom de J.-C.D.;

[115] En défense, l’intimé Philippe Lareau prétend qu’il n’avait pas à communiquer ce renseignement à Mme N.V. puisqu’à son avis, celle-ci avait déjà consenti en octobre 2007 à l’ajout de M. J.-C.D.;

[116] Pour les motifs déjà exprimés aux paragraphes 29 à 43 de la présente décision, le comité estime que Mme N.V. n’a jamais consenti explicitement, ni même de façon implicite, à l’ajout à sa police d’assurance-habitation du nom de M. J.-C.D. en octobre 2007 et encore moins en juin 2008;

[117] Mais il y a plus, les intimés tentent de minimiser leurs responsabilités déontologiques en prétendant qu’il s’agissait simplement de l’ajout d’un coassuré laissant ainsi sous-entendre qu’il s’agit d’un oubli sans conséquence;

[118] Avec égard pour l’opinion contraire, le comité estime qu’il s’agit plus que d’une simple faute technique;

[119] Au moment de l’infraction reprochée, soit le 12 juin 2008, plusieurs faits permettent de conclure à la gravité suffisante de la faute déontologie, soit :

1)        Le 12 juin 2008, les intimés sont informés que M. J.-C.D. est déménagé dans un nouvel appartement;

2)        M. J.-C.D. présente alors une réclamation pour sa montre Rolex qui aurait été volée durant son déménagement;

[120] Par la suite, M. J.-C.D. sera indemnisé par un chèque d’une valeur de 5 000$ émis aux deux noms, soit Mme N.V. et lui-même;

[121] Si l’ajout du nom de M. J.-C.D. était survenu dans un autre contexte, par exemple, dans les premières semaines de l’entrée en vigueur de la police d’assurance-habitation de Mme N.V., alors qu’elle cohabitait avec son ex-conjoint J.-C.D., le comité aurait pu, évidemment en faisant abstraction du témoignage de Mme N.V., conclure à un simple oubli de la part des intimés;

[122] Par contre, dans le contexte d’une réclamation que l’on tente de régler par tous les moyens, notamment en ajoutant de façon rétroactive le nom de l’ex-conjoint de Mme N.V. qui ne demeure plus à la même adresse depuis plusieurs mois, on ne peut alors conclure à un simple oubli[54], ni à une faute technique au sens de la jurisprudence[55];

[123] Le comité est d’avis que Mme N.V. avait non seulement le droit de savoir mais qu’en plus, les intimés avaient l’obligation de l’informer de cette situation pour le moins particulière et inusitée;

[124] Dans le cas de M. Philippe Lareau, celui-ci étant à l’origine de cet ajout rétroactif, il aurait dû informer personnellement Mme N.V. de cette nouvelle situation;

[125] Quant à l’intimée Marie Lareau, à titre de courtier responsable de Mme N.V., elle aurait dû rendre compte à sa cliente de la réclamation que le cabinet Lareau s’apprêtait à régler sur la base de son assurance-habitation;

[126] En défense, les intimés plaident divers moyens[56] visant à faire rejeter le chef no 2;

[127] Brièvement résumés, ces moyens de défense consistent à prétendre :

a)        Que l’intimé Philippe Lareau n’étant pas le courtier responsable de Mme N.V., il n’avait pas l’obligation de rendre compte;

b)        Que si Mme N.V. n’a pas donné instruction d’ajouter le nom de J.-C.D., alors les intimés n’avaient pas à lui rendre compte de cette opération;

c)         Que Mme N.V. ayant consenti à l’ajout de J.-C.D. comme coassuré, les intimés n’avaient pas alors à lui rendre compte;

d)        Que l’obligation de rendre compte ne comprend pas l’obligation de rapporter une simple opération cléricale tel que l’ajout d’un coassuré;

[128] Pour les motifs ci-après exposés, le comité est d’avis que ces moyens de défense doivent échouer;

[129] Premièrement, même si l’intimé Philippe Lareau n’était pas le courtier responsable de Mme N.V., il demeure néanmoins qu’il est celui qui a orchestré l’ajout rétroactif de  J.-C.D. afin de permettre à ce dernier d’obtenir une indemnisation pour le vol de sa montre Rolex;

[130] Le 12 juin 2008, il avait pris en charge les opérations et tentait par tous les moyens d’obtenir une compensation pour son client J.-C.D., coûte que coûte;

[131] La moindre des choses aurait été d’informer Mme N.V. de son intention d’utiliser sa police d’assurance-habitation pour indemniser son ex-conjoint qui ne demeurait plus dans son appartement depuis plusieurs mois;

[132] Même si l’intimé Philippe Lareau n’est pas le courtier responsable de Mme N.V., cela ne l’exempte pas de ses obligations déontologiques;

[133] Tel que le rappelait la Cour d’appel dans l’affaire Tremblay c. Dionne[57], les obligations déontologiques d’un professionnel doivent s’interpréter « in concreto » et ne sauraient se limiter à la sphère contractuelle[58];

[134] Ainsi, la faute déontologique ne doit pas être interprétée ni appréciée selon un cadre strictement civiliste tel qu’édicté par les règles du mandat[59];

[135] La faute déontologique doit être analysée en premier lieu sous l’angle de la protection du public[60];

[136] Mme N.V., à titre d’assurée, avait le droit d’être informée des opérations effectuées sur sa police d’assurance et, en contrepartie, l’intimé Philippe Lareau avait l’obligation de lui rendre compte;

[137] Pour ces motifs, ce moyen de défense sera rejeté;

[138] Deuxièmement, même si les instructions provenaient de J.-C.D., les intimés, nonobstant ce fait, avaient l’obligation de rendre compte à Mme N.V. puisque la faute déontoloque n’est pas limitée aux règles du mandat tel qu’exposé dans les paragraphes 133 à 136 de la présente décision;

[139] Pour tous ces motifs, ce deuxième moyen de défense sera rejeté;

[140] Troisièmement, la preuve[61] a démontré que Mme N.V. n’a jamais consenti à l’ajout de M. J.-C.D., par conséquent, ce moyen de défense sera également rejeté;

[141] Quatrièmement, contrairement à la prétention des intimés, il ne s’agissait pas d’une simple opération cléricale tel qu’exposé aux paragraphes 119 à 122 de la présente décision;

[142] Le comité considère que l’importance et le caractère inusité de cette opération exigeaient qu’ils en rendent compte à Mme N.V. et, surtout, qu’ils obtiennent son consentement;

[143] Pour ces motifs, ce moyen de défense est rejeté;

 

B)       Conclusions sur le chef no 2

[144] Pour les motifs exposés aux paragraphes 124 et 125 de la présente décision, les deux intimés seront reconnus coupables du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[145] En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 2;

         

          4.1.3      La négligence (chef no 3)

[146] Le chef no 3 reproche aux intimés d’avoir été négligents en faisant défaut :

1)        D’ajouter le nom de J.-C.D. à titre de co-assuré;

et/ou

2)        De lui offrir une protection d’assurance personnelle;

[147] D’entrée de jeu, le comité considère que l’intimée Marie Lareau doit être acquittée du chef no 3 pour les motifs suivants :

1)        Elle n’a jamais reçu des instructions claires et nettes de Mme N.V. d’ajouter le nom de M. J.-C.D. à titre de coassuré;

2)        Elle n’avait pas à offrir une protection d’assurance personnelle à M. J.-C.D. puisqu’il n’était pas son client, c’est son frère Philippe Lareau qui était le courtier responsable de J.-C.D.;

[148] Quant à l’intimé Philippe Lareau, celui-ci sera acquitté du premier reproche formulé au chef no 3 puisque dans les faits, le nom de M. J.-C.D. fut ajouté le 12 juin 2008 à la police d’assurance-habitation de Mme N.V.;

[149] Concernant le deuxième reproche formulé au chef no 3, soit celui d’avoir fait défaut d’offrir une protection d’assurance à J.-C.D., le comité estime que la syndic ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve;

[150] En effet, il n’existe aucun élément factuel permettant de conclure que M. J-C.D. aurait donné mandat à l’intimé Philippe Lareau de lui trouver une couverture d’assurance;

[151] Toutes les discussions sont intervenues entre Mme N.V. et l’intimée Marie Lareau;

[152] Ce n’est que le 12 juin 2008 que M. J.-C.D. se manifeste et déclare alors le vol de sa montre Rolex à l’intimé Philippe Lareau;

[153] Dans les circonstances, on ne peut prétendre que l’intimé Philippe Lareau a fait défaut de lui offrir une protection d’assurance personnelle puisque M. J.-C.D. n’a jamais discuté avec l’intimé de ses besoins d’assurance-habitation avant le vol survenu le 12 juin 2008;

[154] Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimé Philippe Lareau sera également acquitté de ce deuxième reproche prévu au chef no 3;

 

          4.2         Les autres chefs d’accusation

          4.2.1      Le cas de l’intimé Philippe Lareau

[155] Le chef no 4 de la plainte no 2010-09-01(C) reproche à l’intimé Philippe Lareau deux infractions distinctes, soit :

a)     D’avoir abusé de la bonne foi de l’assureur Aviva par divers moyens (chefs nos 4.1 et 4.2); et

b)     De ne pas avoir transmis tous les renseignements qu’il est d’usage de fournir à l’assureur;

[156] Concernant le premier reproche dont les modalités sont décrites aux paragraphes 4.1 et 4.2 du chef no 4, force nous est de conclure que la syndic ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve;

[157] En effet, lors de l’audition du 13 octobre 2011, le comité a bénéficié du témoignage de Mme Michèle Poudrier de chez Aviva, laquelle est venue déclarer que l’assureur avait accepté en toute connaissance de cause les opérations effectuées (4.1 et 4.2) par l’intimé;

[158] D’ailleurs, le 18 mai 2011, Aviva faisait parvenir au Bureau du syndic une lettre[62] dont les conclusions se lisaient comme suit:

«Nous souhaitons vous confirmer qu’AVIVA a été dûment informée par le cabinet Lareau – Courtiers d’assurances de chacune de ces opérations, qu’elle les a approuvées et qu’elle considère toujours qu’elles ont été effectuées conformément à la loi, aux arrangements contractuels entre les parties et dans le meilleur intérêt des deux assurés.

          (Nos soulignements)

[159] En conséquence, on ne peut conclure qu’il y a eu abus de confiance puisque les transactions n’ont pas été effectuées en catimini, mais au grand jour, en plus d’avoir été  dûment approuvées par Aviva;

[160] Enfin, il n’est pas illégal de modifier rétroactivement un contrat d’assurance même après la survenance d’un sinistre[63];

[161] Pour ces motifs, l’intimé Philippe Lareau sera acquitté des chefs nos 4.1 et 4.2;

[162] Quant au deuxième reproche formulé au chef no 4 concernant le défaut de fournir les renseignements d’usage, l’intimé Philippe Lareau sera également acquitté de cette infraction pour les motifs ci-après exposés;

[163] Lors de son témoignage, Mme Poudrier, directrice chez Aviva, a reconnu avoir  reçu tous les renseignements d’usage et toutes les informations jugées nécessaires;

[164] Mais il y a plus, suivant la jurisprudence[64], la syndic avait l’obligation de présenter une preuve par expert afin d’établir quels sont les renseignements qu’il est d’usage de transmettre à l’assureur;

[165] Aucune preuve par expert n’ayant été présentée par la partie plaignante, le comité n’a d’autre choix que d’acquitter l’intimé de ce deuxième reproche;

[166] Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimé Philippe Lareau sera acquitté du chef no 4 et plus particulièrement des sous-chefs nos 4.1 et 4.2;

 

4.2.2      Le cas de l’intimée Marie Lareau

[167] Le chef no 4 de la plainte no 2010-09-02(C) reproche à Mme Marie Lareau d’avoir entravé le travail de la syndic en lui faisant une fausse déclaration dans un affidavit;

[168] On lui reproche essentiellement d’avoir faussement prétendu que l’assurée N.V. lui aurait donné instruction d’ajouter le nom de J.-C.D. à titre de coassuré sur la police d’assurance-habitation de Mme N.V.;

[169] La jurisprudence[65] enseigne que ce type d’infraction exige la preuve d’une intention coupable;

[170] Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’un faux affidavit, tel que le rappelait le Tribunal des professions dans l’affaire Constantine c. Avocats[66]:

 

[75] Ce chef d'accusation reproche à l'appelant d'avoir fait et signé une fausse déclaration assermentée, contrairement à l'article 4.02.01 d) du Code de déontologie des avocats qui stipule qu'il est dérogatoire pour un avocat de faire une déclaration en droit ou en fait, la sachant être fausse.

(…)

[80] Pour que l'appelant soit déclaré coupable du second chef, l'article 4.02.01 d) exige que preuve soit faite de sa connaissance de la fausseté de l'affidavit. On ne peut assimiler dans ce contexte, déclaration fausse à déclaration inexacte ou erronée.

[81] Le plaignant doit donc établir un état d'esprit blâmable de la part de l'appelant. Cet état d'esprit, le poursuivant n'a pas toujours à en faire la preuve directement car il peut s'inférer des faits de la cause. Après avoir considéré l'ensemble de la preuve, le Comité devait, pour déclarer l'appelant coupable, conclure, par prépondérance, à la présence d'un état d'esprit blâmable de sa part.

(Nos soulignements)

[171] Le comité n’a pu déceler dans la preuve « un état d’esprit blâmable » chez l’intimée Marie Lareau;

[172] Tel que l’indique le Tribunal des professions, il y a une différence majeure entre, d’une part, une fausse déclaration sciemment faite dans le but d’induire en erreur et, d’autre part, une déclaration simplement erronée ou inexacte;

[173] Après avoir entendu le témoignage de l’intimée Marie Lareau, le comité considère que celle-ci estimait sincèrement et de bonne foi avoir reçu le mandat de Mme N.V. alors que dans les faits, il n’en était rien;

[174] D’autre part, une lecture attentive de ses notes au dossier[67] démontre qu’il semblait exister entre elle et Mme N.V. un dialogue de sourds puisque l’assurée N.V. ne répondait jamais clairement à ses questions et ne retournait pas ses appels;

[175] Par contre, à l’audition, Mme N.V. a clairement mentionné n’avoir jamais consenti à l’ajout de J.-C.D. et ne pas avoir donné de mandat en ce sens, ni à l’un, ni à l’autre des intimés;

[176] Le comité considère que l’intimée Marie Lareau a simplement conclu erronément de ses discussions avec N.V. et de celles intervenues entre elle et son frère qu’elle avait reçu mandat d’ajouter le nom de J.-C.D.;

[177] D’autre part, considérant que le fardeau de preuve requis est particulièrement élevé lorsqu’il s’agit d’une infraction à connotation criminelle, le comité ne peut se contenter d’une preuve approximative[68];

[178] Dans les circonstances et pour ces motifs, l’intimée Marie Lareau sera acquittée du chef no 4 de la plainte no 2010-09-02(C);

 


          4.3         L’abus de droit du syndic

[179] Dans le cadre de leur défense et plus particulièrement dans le plan d’argumentation déposé par les intimés, ceux-ci développent un argumentaire[69] suivant lequel ils prétendent que la syndic aurait abusé de ses pouvoirs d’enquête en déposant une plainte dénuée de fondement;

[180] Afin de sanctionner cet abus, les intimés demandent que la syndic soit condamnée à payer leurs frais d’avocats sur une base avocat-client;

[181] Pour les motifs ci-après exposés, le comité de discipline est dans l’obligation de décliner sa compétence sur ces deux questions;

[182] Premièrement, le comité n’exerce aucun contrôle sur la façon d’agir du syndic[70] ou sur la manière  de tenir son enquête même si celle-ci est menée de façon abusive[71];

[183] Ces principes furent réitérés dernièrement par la Cour d’appel dans l’affaire Landry c. Richard[72] sous la plume de l’honorable juge Wagner:

[58] L'attribut d'indépendance institutionnelle n'est pas l'apanage exclusif des tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires, mais il s'étend aussi à toutes les personnes ou entités qui sont appelées, à un moment ou à un autre, à décider des droits et obligations d'un professionnel soumis au Code des professions ou à des dispositions particulières d'une loi qui régit ses activités professionnelles.

(…)

[61] La caractéristique d'indépendance se complète bien souvent par la notion d'immunité qui assure la liberté d'action. Il serait pour le moins incongru que l'on veuille assurer l'indépendance des fonctions de syndic et de membre d'un comité de discipline sans pour autant y attacher une notion d'immunité si relative soit-elle. L'une ne va pas sans l'autre.

(…)

[70] Dans l'arrêt Barreau du Québec c. Finney[13], le juge LeBel élabore sur ce principe en ces termes :

Par ailleurs, en raison des difficultés et des risques rattachés à l'exercice de leurs fonctions diverses, le législateur a accordé aux ordres professionnels une immunité pour les actes accomplis de bonne foi dans l'exercice de leur fonction, dans les termes et les limites qu'édicte l'art. 193 du Code des professions. Enfin, les articles 194, 195 et 196limitent les recours en contrôle judiciaire des décisions des ordres professionnels et du Tribunal des professions.

(…)

[73] Son rôle de dénonciateur et d'enquêteur explique en partie l'indépendance dont il doit bénéficier. L'importance de ses fonctions doit également le mettre à l'abri des menaces, de l'intimidation et des actes qui découlent de motifs obliques.

(…)

[76] À titre d'exemple, le Tribunal des professions a souligné dans l'affaire Fullum[14] que le Comité de discipline n'avait aucun pouvoir de surveillance sur le syndic. Dans l'affaire Hakim[15], ainsi que dans plusieurs autres décisions[16], le Tribunal rappelle également qu'à l'instar du Comité de discipline, il n'a aucun pouvoir de contrôle sur les agissements du syndic d'un ordre professionnel.

[77] Dans l'arrêt Legault, notre Cour cite ainsi, avec approbation, ce qu'écrivait le Tribunal des professions :

Le Tribunal des professions a rappelé à maintes occasions que ce n'était ni le rôle du comité de discipline, ni celui du Tribunal de se prononcer sur la façon dont le syndic mène son enquête. (par. 66.)

(…)

[94] Une saine administration de la justice, et surtout en matière de justice disciplinaire, commande une certaine immunité du syndic dans l'exécution de ses tâches pour éviter les abus qui pourraient entraîner la paralysie du système de justice disciplinaire et mettre en péril l'atteinte des objectifs recherchés par le Code des professions. Cette protection est d'ailleurs reconnue depuis longtemps aux membres des comités de discipline pour les mêmes raisons.

(Nos soulignements)

[184] Conformément à cette jurisprudence, le comité n’a d’autre choix que de se déclarer sans juridiction pour décider du bien-fondé ou non de cette question;

[185] Il en est de même de la sanction ou du dédommagement suggérés par les intimés, soit la condamnation aux frais d’avocats;

[186] Le comité étant un tribunal statutaire dont la compétence est limitée par sa loi constitutive[73], il n’est pas autorisé à octroyer des indemnités de la nature de dommages exemplaires[74] ou des dommages-intérêts[75];

[187] Enfin, pour conclure sur cette question, il ne suffit pas d’alléguer une forme d’abus pour obtenir des dommages-intérêts[76], encore faut-il en faire une preuve claire, nette et convaincante, tel que le rappelait la Cour d’appel dans l’affaire Oasis[77] :

[17] En l'espèce, tout indique que les appelantes, sur les conseils de leurs avocats, ont agi d'une manière conforme à la pratique.

[18] Ensuite, on ne peut dire que l'opposition et le recours étaient ab initio voués à l'échec. Si la juge a dû consacrer plus de 50 paragraphes à démontrer l'absence de risque de confusion, et ce, au terme d'un procès de cinq jours et d'un long délibéré, c'est que la chose ne sautait pas aux yeux.

[19] Finalement, il faut se rappeler que la bonne foi se présume. Pour conclure qu’en l’espèce, les dirigeants des appelantes étaient de mauvaise foi ou ont fait preuve d'une légèreté blâmable, il faudrait des preuves ou, à tout le moins, des indices suffisamment probants. Le fait que les appelantes aient en 1988 et 1997 obtenu des renonciations à des marques de commerce comprenant le mot « oasis » à l'égard de produits ou services totalement non reliés à leurs produits ne permet pas d'inférer qu'elles se livrent systématiquement à du harcèlement ou à des menaces à l'égard de quiconque ose utiliser ce mot. Au contraire, on peut tout aussi bien y voir le désir d'une entreprise de renforcer son identification à sa marque de commerce, ce qui n'est pas interdit. Par ailleurs, on ne pouvait tirer aucune inférence valable à partir d'un jugement de la Cour fédérale qui remontait à 25 ans et qui traitait de la faiblesse de la marque de l'appelant à cette époque.

[20] En l'instance, aucune des personnes impliquées dans ces renonciations n'a témoigné; seuls ont été produits de courts documents attestant des renonciations. Rien ne permet de déterminer si des ententes complémentaires existent ou si les personnes impliquées ont reçu des compensations financières ou ont plutôt cédé devant les procédures. Il en va de même du dossier où une injonction a été obtenue par défaut en juin 1997.

[21] Aucun représentant des appelantes n'a fourni de réponses qui démontrent une stratégie ou une volonté d'abuser des droits conférés par la Loi sur les marques de commerce ou d'utiliser le système judiciaire pour intimider. Dans ces circonstances, la présomption de bonne foi ne pouvait être considérée repoussée.

[22] En somme, rien n'indique en l'espèce que les appelantes poursuivaient une stratégie illégale de menaces et de harcèlement à l'égard de toute personne ou entreprise désireuse d'utiliser le mot « oasis »dans une marque de commerce, ce qui aurait pu constituer un détournement des fins de la justice. La conclusion qu'il y a eu abus au sens des art. 54.1 C.p.c.et suivants ne peut s'appuyer sur la preuve faite.

[23] De surcroît, l'octroi d'un montant de 100 000 $, essentiellement pour honoraires extrajudiciaires, ne repose pas sur une preuve suffisante. Bien conscient de cela, l'avocat de l'intimée demandait d'ailleurs une réserve de droits à cet égard et non une condamnation à un quelconque montant.

[24] Quant à la condamnation à des dommages punitifs, rien n'indique que les éléments mentionnés à l'art. 1621 C.c.Q. ont été considérés dans l'établissement du montant. Par leur octroi, il faut comprendre que la juge veut dissuader les appelantes de recommencer ce qui a été considéré, à tort, comme un recours abusif. Leur justification n'existe plus.

(Nos soulignements)

[188] Pour l’ensemble de ces motifs, le comité se déclare sans juridiction sur ces deux questions tout en notant qu’aucune preuve sérieuse ne fut apportée pour soutenir celles-ci;

 

V.        Les questions constitutionnelles

5.1         Le débat

[189] Dans un avis (art. 95 C.p.c.) adressé au Procureur général du Québec, les intimés demandent que certaines dispositions législatives soient déclarées inopérantes aux motifs que :

a)  Le président et les membres du comité de discipline n’offrent pas des garanties d’indépendance et d’impartialité suffisantes au sens de l’article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne;

b)  La durée du mandat du président et des membres est insuffisante;

c)  Les membres du comité sont en conflit d’intérêts continuels de par leurs activités de courtiers en assurance de dommages;            

[190] En conclusion, suivant les intimés, la constitution du comité étant jugée invalide, alors les deux plaintes doivent être rejetées, faute de compétence du comité pour les entendre et en décider;

 

A)       Les dispositions législatives

[191] Plus particulièrement, les intimés demandent que soient déclarés inopérants les articles 352, 353, 354, 355, 356, 359, 363, 365, 371, 372 et 377 LDPSF comme étant contraires à l’article 23 de la Charte québécoise;

[192] À cet égard, il convient de reproduire « in extenso » les dispositions contestées, soit :

 

352. Un comité de discipline est constitué au sein de chaque chambre.

 

1998, c. 37, a. 352.

 

 

353. Un comité de discipline est saisi de toute plainte formulée contre un représentant pour une infraction aux dispositions de la présente loi, de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1) ou de l'un de leurs règlements.

 

1998, c. 37, a. 353; 2009, c. 25, a. 100.

354. Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière statue sur les plaintes portées contre un représentant en assurance de personnes, un représentant en assurance collective et un planificateur financier.

 

Ce comité statue également sur les plaintes portées contre un représentant de courtier en épargne collective ou un représentant de courtier en plans de bourses d'études inscrits conformément au titre V de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1).

 

Le comité de discipline de la Chambre de l'assurance de dommages statue sur les plaintes portées contre un agent en assurance de dommages, un courtier en assurance de dommages et un expert en sinistres.

 

Est irrecevable une plainte formulée contre une personne visée aux premier ou deuxième alinéas qui exerce une fonction prévue à la présente loi, dont un syndic, un adjoint à un syndic, un enquêteur du syndic ou un membre d'un comité de discipline, en raison d'actes accomplis dans l'exercice de cette fonction.

 

1998, c. 37, a. 354; 2008, c. 7, a. 91; 2009, c. 25, a. 101.

 

 

355. Un comité de discipline est composé d’avocats et de représentants.

 

1998, c. 37, a. 355.

 

 

356. Les affaires d’un comité de discipline sont dirigées par un président nommé par le ministre, après consultation du Barreau, parmi les avocats ayant au moins dix ans de pratique.

 

Le ministre fixe sa rémunération, ses avantages sociaux et ses autres conditions de travail qui sont à la charge de la chambre.

 

1998, c. 37, a. 356.

 

 

359. Une chambre nomme, pour chaque discipline dans laquelle pratiquent ses membres de même que pour les représentants de courtier en épargne collective et les représentants de courtier en plans de bourses d'études inscrits conformément au titre V de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1), et selon trois secteurs de commercialisation, un nombre suffisant de membres du comité de discipline qui doivent être choisis parmi les représentants.

 

1998, c. 37, a. 359; 2002, c. 45, a. 470; 2009, c. 25, a. 102.

 

 

363. Une chambre fait parvenir au président du comité de discipline la liste des membres qu’elle a nommés pour chaque secteur de commercialisation.

 

1998, c. 37, a. 363.

 

 

365. Le mandat du président est d’au plus cinq ans et celui des autres membres est d’au plus trois ans.

 

À l’expiration de leur mandat, les membres d’un comité de discipline demeurent en fonction jusqu’à ce qu’ils soient nommés de nouveau ou remplacés.

 

1998, c. 37, a. 365.

 

 

371. Une plainte est entendue par trois membres du comité de discipline désignés par le président, dont un avocat qui préside l’audition.

 

Toutefois, lorsqu’un membre du comité de discipline, autre que celui qui le préside, devient empêché d’agir, l’instruction peut être validement poursuivie et une décision peut être validement rendue par les deux autres membres.

 

1998, c. 37, a. 371.

372. Le président, lorsqu’il estime que le nombre de membres inscrit sur la liste d’un secteur de commercialisation pour une discipline donnée ne permet pas d’effectuer un choix de membres assurant l’impartialité d’une audition, peut y suppléer en désignant tout autre membre du comité de discipline pour entendre une plainte.

 

1998, c. 37, a. 372.

 

 

377. Le président, ou un avocat membre du comité de discipline qu’il désigne, peut entendre seul et décider tout moyen préliminaire.

 

(Nos soulignements)

 

[193] C’est sur cette base que s’est engagé le débat constitutionnel entre les parties;

[194] Enfin, il y a lieu de souligner que le Procureur général du Québec était représenté par Me Diane Bouchard, par contre, la syndic et son procureur, Me Leduc, ont choisi de ne pas intervenir sur les questions constitutionnelles;

[195] En conséquence, seuls Me Bouchard et le procureur des intimés, Me Robillard, ont présenté des arguments sur ces questions;

 

B)       La durée du mandat du président et des membres

[196] Suivant l’article 365 LDPSF, le mandat du président est d’une durée maximum de cinq (5) ans et celui des autres membres est d’au plus trois (3) ans;

[197] Les intimés plaident que la durée du mandat du président et des membres du comité est insuffisante pour leur assurer une indépendance et une impartialité conformes aux exigences de l’article 23 de la Charte québécoise;

 

C)       Le conflit d’intérêts des membres exerçant des activités de courtiers

[198] D’autre part, les intimés prétendent que les deux autres membres du comité de discipline qui exercent des fonctions de courtiers en assurance de dommages sont en conflit d’intérêts perpétuels de par leurs activités professionnelles de courtiers;

5.2            Motifs et dispositifs

A)       L’obligation de moduler les garanties constitutionnelles

[199] Avant de débuter l’analyse des arguments constitutionnels, le comité estime approprié de souligner que les garanties d’indépendance et d’impartialité doivent être examinées et décidées en tenant compte de la hiérarchie des tribunaux;

[200] À cet égard, il y a lieu de rappeler les enseignements de la jurisprudence sur cette question :

         2747-3174 Québec inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool)[78] :

 

62 Les principes développés par notre Cour en matière d'indépendance judiciaire doivent trouver application en vertu de l'art. 23 de la Charte. Là n'est pas dire, bien entendu, que les tribunaux administratifs auxquels cette disposition s'applique doivent se comparer en tout point aux cours de justice. Comme en matière d'impartialité, une certaine dose de flexibilité est de mise à l'endroit des organismes administratifs. Les motifs du juge Le Dain dans l'arrêt Valente laissent d'ailleurs place à la souplesse, d'une façon qui tienne compte de la nature du tribunal et de l'ensemble des circonstances. Le juge en chef Lamer le rappelait récemment dans l'affaire Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, 1995 CanLII 145 (CSC), [1995] 1 R.C.S. 3, au par. 83:

Par conséquent, bien que les tribunaux administratifs soient assujettis aux principes énoncés dans l'arrêt Valente, le critère relatif à l'indépendance institutionnelle doit être appliqué à la lumière des fonctions que remplit le tribunal particulier dont il s'agit. Le niveau requis d'indépendance institutionnelle (c.-à-d. l'inamovibilité, la sécurité financière et le contrôle administratif) dépendra de la nature du tribunal, des intérêts en jeu et des autres signes indicatifs de l'indépendance, tels les serments professionnels.

63 Les tribunaux québécois ayant interprété l'art. 23 ont de la même façon considéré dans leur analyse les fonctions et caractéristiques propres aux organismes administratifs en cause (voir par exemple Coffin c. Bolduc, reflex, [1988] R.J.Q. 1307 (C.S.); Nantais c. Bolduc, reflex, [1988] R.J.Q. 2465 (C.S.); Services Asbestos Canadien (Québec) Ltée c. Commission de la construction du Québec, reflex, [1989] R.J.Q. 1564 (C.S.); Taverne Le Relais, précité; G.E. Hamel Ltée c. Cournoyer, reflex, [1989] R.J.Q. 2767 (C.S.); Société de vin internationale Ltée c. Régie des permis d'alcool du Québec, J.E. 91-853 (C.S.)). Il ne fait en effet pas de doute que les tribunaux administratifs n'auront pas nécessairement à présenter les mêmes garanties objectives relatives à l'indépendance que les cours supérieures. Je rappelle toutefois que l'art. 23 ne tolère pas l'existence d'organismes à propos desquels un observateur bien renseigné, à l'issue de l'analyse de tous les éléments pertinents, éprouverait des craintes raisonnables de partialité. 

(Nos soulignements)

 

                Québec c. Barreau de Montréal[79] :

[75] L'intimé souligne d’abord que les conditions d'indépendance judiciaire énoncées dans l’arrêt Valente c. R. (1985 CanLII 25 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 673) [ci-après Valente] s’appliquent à tous les tribunaux, qu'ils soient judiciaires ou administratifs. Il reconnaît toutefois que ces conditions peuvent faire l'objet d'un exercice de modulation selon les compétences exercées par le tribunal. À son avis, en l’espèce, le premier juge a eu raison de conclure que les membres du TAQ doivent bénéficier d'un niveau de garantie plus élevé que celui généralement retenu pour les tribunaux administratifs puisque le TAQ a, parmi l'ensemble des tribunaux administratifs, un caractère unique : il est chargé de l'application de quelque quatre-vingts lois relevant de secteurs très diversifiés, il exerce des compétences jusqu'alors confiées à des cours de justice et il est un organisme unifonctionnel en raison de son rôle purement adjudicatif. De plus, le libellé très large de l’article 74 LJApermet de conclure qu'il exerce des pouvoirs inhérents. S'ajoute le fait que certains pouvoirs du TAQ sont des pouvoirs « de type clairement judiciaire, appartenant aux cours supérieures ». L'intimé soutient finalement que les motifs du premier juge sont bien fondés « puisque le TAQ n’exerce effectivement aucune fonction administrative ».

(…)

[95] En revanche, lorsqu'il s'agit d'un tribunal administratif non visé par l'alinéa 11 d) de la Charte canadienne, mais soumis à l'exigence d'indépendance de l'article 23 de la Charte québécoise en raison des fonctions quasi judiciaires qu'il exerce, il y a lieu, selon la Cour suprême, « de faire preuve d'une plus grande souplesse » (2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool), 1996 CanLII 153 (CSC), [1996] 3 R.C.S. 919, à la p. 952, juge Gonthier) [ci-après Régie des permis d'alcool].

(Nos soulignements)

 

                Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui[80] :

[83] Par conséquent, bien que les tribunaux administratifs soient assujettis aux principes énoncés dans l'arrêt Valente, le critère relatif à l'indépendance institutionnelle doit être appliqué à la lumière des fonctions que remplit le tribunal particulier dont il s'agit. Le niveau requis d'indépendance institutionnelle (c.‑à‑d. l'inamovibilité, la sécurité financière et le contrôle administratif) dépendra de la nature du tribunal, des intérêts en jeu et des autres signes indicatifs de l'indépendance, tels les serments professionnels.

[113]  Comme l'a indiqué le Juge en chef, les conditions essentielles de l'indépendance institutionnelle dans le contexte judiciaire énoncées par le juge Le Dain dans l'arrêt Valente c. La Reine,1985 CanLII 25 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 673, n'ont pas à être appliquées avec autant de rigueur aux tribunaux administratifs. Les conditions de l'indépendance institutionnelle doivent en effet tenir compte du contexte.

(Nos soulignements)

 

                Montambeault c. Brazeau[81] :

 

« Il n'est pas contesté que la CALP exerce des fonctions quasi judiciaires et qu'elle est assujettie aux impératifs d'indépendance et d'impartialité de l'article 23 de la Charte québécoise. Cet article confère le droit à une audition publique et impartiale devant un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé.

 

Depuis l'adoption de cet article, les tribunaux ont eu à préciser ces conditions fondamentales d'indépendance et d'impartialité reconnues depuis des siècles dans le droit constitutionnel et ont accepté que la rigueur de ces conditions puisse être modulée lorsque la fonction juridictionnelle est exercée par des organismes ressortissant à l'ordre administratif[6]. Ainsi au début de l'histoire jurisprudentielle de l'article 23, on a estimé qu'il s'agissait uniquement de la confirmation législative des règles dégagées par la jurisprudence sous les principes audi alteram partem et memo judex in sua causa[7]. Il ne fait pas de doute que ces principes visent à assurer, de certaines façons, l'impartialité et l'indépendance d'un tribunal. Ainsi dans Tremblayc. Québec (C.A.S.), 1992 CanLII 1135 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 952, la Cour suprême a scruté, au nom de ces seuls principes, le processus institutionnalisé de consultation utilisé par la Commission des affaires sociales avant de rendre ses décisions.

 

(Nos soulignements)

 

                Commission des transports du Québec c. Villeneuve[82] :

[27] Les textes constitutionnels et quasi constitutionnels ne garantissent pas toujours le système idéal[18]. Ils « visent plutôt à assurer qu'au vu de l'ensemble de leurs caractéristiques, les structures des organismes judiciaires et quasi judiciaires ne soulèvent aucune crainte raisonnable de partialité »[19]. Une certaine dose de flexibilité est donc de mise à l'endroit des organismes administratifs. Il faut tenir compte notamment de la nature du tribunal, des litiges qu’il est appelé à trancher, du régime législatif applicable, de l’importance de la décision pour les personnes visées, des attentes légitimes du justiciable et de l'ensemble des circonstances[20].

(Nos soulignements)

 

                Beaulieu c. Coopérative des propriétaires de taxi de Laval[83]

[34] S'il s'agit d'un organisme exerçant des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires au sens de l'article 56 de la Charte québécoise[3], l'article 23 de la même Charte s'applique et l'organisme devra respecter les exigences d'impartialité et d'indépendance qui y sont énoncées lors de l'exercice de ses fonctions quasi judiciaires. Dans l'appréciation de ces exigences, il y aura lieu toutefois de faire preuve d'une plus grande souplesse à l'égard des tribunaux administratifs[4].

(Nos soulignements)

 

[201] En résumé, les garanties constitutionnelles alléguées par les intimés au soutien de leur demande de nullité doivent être modulées et nuancées en tenant compte du fait que le comité de discipline se situe à la base de la pyramide des tribunaux, ni même au milieu et encore moins au sommet;

 

B)       L’aménagement structurel du comité

[202] Par ailleurs, avant d’examiner les arguments constitutionnels des intimés, il convient d’analyser les structures mises en place par le législateur;

[203] À cet égard, il y a lieu de se référer aux enseignements de la Cour d’appel dans les arrêts Marston[84] et Bruni[85];

[204] Concernant les règles interprétatives applicables à la LDPSF, la Cour d’appel déclarait dans l’arrêt Marston[86] :

[46] La LDPSF a été conçue pour protéger le public et, pour cette raison principalement, il y a lieu de privilégier une interprétation large et libérale de ses dispositions. À cet égard, je renvoie à l'arrêt Kerr c. Danier Leather Inc.[13] dans lequel la Cour suprême écrit : « La Loi sur les valeurs mobilières est une mesure législative corrective et doit recevoir une interprétation large ».

[47] Il s'agissait en l'espèce de la loi ontarienne sur les valeurs mobilières, mais le principe interprétatif énoncé par la Cour suprême s'applique intégralement à la LDPSF, qui poursuit le même genre d'objectif.

[48] La LDPSF réglemente l'exercice des professions associées à la vente de produits et services financiers. En ce qui concerne les représentants, ils doivent être détenteurs d'un certificat délivré par l'AMF[14], exercer leurs fonctions « avec honnêteté et loyauté » et agir avec« compétence et professionnalisme »[15].

[49] L'AMF a pour mission de veiller à la protection du public relativement à l'exercice des activités régies par la LDPSF[16]. À cette fin, elle est investie de pouvoirs divers, dont celui de déterminer, par règlement, la formation requise[17], les règles de déontologie[18], etc. La LDPSF crée le « Fonds d'indemnisation des services financiers » qui est affecté au paiement d'indemnités aux victimes de fraude ou de manœuvre dolosive dont est responsable un représentant[19].

[…]

[50] Deux chambres sont aussi instituées par la LDPSF, la « Chambre de la sécurité financière » et la « Chambre de l'assurance de dommage ». Elles ont aussi comme mission de s'assurer de la protection du public en maintenant la discipline et en veillant à la formation et à la déontologie de ses membres[20]. Chaque chambre nomme un syndic[21] qui est chargé de faire enquête en cas d'allégation d'infraction à la LDPSF[22] en vue d'un éventuel dépôt de plainte devant un comité de discipline[23], qui entend les plaintes et rend sa décision[24].

[51] La LDPSF confère enfin au ministre le pouvoir d'ordonner la tenue d'enquêtes sur toute question relative à l'application de la loi[25].

[52] Ce survol de la LDPSF permet de constater que l'objectif central de cette loi est la protection du public et que les moyens mis de l'avant pour atteindre ce but se rattachent d'abord et avant tout au contrôle de l'exercice de la fonction par la délivrance d'un certificat autorisant son titulaire à exercer sa profession et par le maintien d'une discipline rigoureuse.

(Nos soulignements)

[205] On pourra lire également avec intérêt le jugement de la Cour d’appel dans l’affaire Chauvin c. Beaucage[87] dans lequel M. le juge Rochon écrivait:

[55] Il faut reconnaître le caractère spécialisé du Comité de discipline à qui la loi confie le mandat de trancher les plaintes et d'imposer les sanctions le cas échéant. Cette fonction s'exerce dans un but précis : toute Chambre doit assurer la protection du public par un mécanisme d'autodiscipline et de déontologie.

[80] À l'instar de toutes les corporations professionnelles, la Chambre de l'assurance de dommages a comme mission d'assurer la protection du public par le maintien de la discipline de ses membres (art. 312 L.d.p.s.f.).

[81] À titre d'organisme d'autoréglementation, cette Chambre a adopté un Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. Les deux premiers articles de ce Code porte que :

SECTION I

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

1.    Les dispositions du présent code visent à favoriser la protection du public et la pratique intègre et compétente des activités du représentant en assurance de dommages.

Dans le présent code, on entend par « représentant en assurance de dommages » l'agent en assurance de dommages et le courtier en assurance de dommages.

2. Le représentant en assurance de dommages doit s'assurer que lui-même, ses mandataires et ses employés respectent les dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (1998, c. 37) et celles de ses règlements d'application.

[82] La L.d.p.s.f. peut être assimilée à une loi d'organisation des ordres professionnels. Elle contient des dispositions qui sont d'ordre public de direction. Toute interprétation doit faire primer les intérêts du public sur les intérêts privés.

(Nos soulignements)

[206] Enfin, la Cour d’appel, dans l’arrêt  Bruni[88], déclarait:

[67] Par analogie, on peut penser qu'il n'y a pas d'abus, ni de tentative de contourner la protection offerte par les articles 7et 13 de la Charte canadienne des droits et libertés, dans le fait pour l'intimée, parallèlement à l'instance pénale, d'user de l'article 220 L.d.p.s.f.pour répondre à la demande de l'appelant qui réclame lui-même, pendant la même instance, la délivrance d'un certificat de représentant en épargne collective. Dans un but de protection du public et des investisseurs, la Loi sur la distribution de produits et de services financiers met sur pied un système d'inscription et d'encadrement des représentants en diverses disciplines, dont l'épargne collective. Celui qui s'adresse à l'intimée en vue d'obtenir le certificat qui lui permet d'exercer dans cette discipline doit se plier à certaines normes de conduite et remplir certains critères dont l'application est dévolue à l'intimée, notamment par le truchement de l'article 220 L.d.p.s.f. Il n'y a pas d'abus dans le fait pour l'intimée de statuer sur la demande qui lui est faite de délivrer un certificat et, dans ce cadre, d'exercer le pouvoir que lui confère cette disposition, et ce, même si l’administré fait l'objet d'une poursuite pénale.

[68] Peut-on néanmoins y voir un abus parce que l'intimée est tout à la fois celle qui poursuit l'appelant au pénal et celle qui décide de son avenir professionnel? Je ne le crois pas. L'appelant, d'ailleurs, ne conteste pas cette double mission de l'intimée et ne conteste pas la validité de la structure mise en place par le législateur à cette fin. L'eût-il fait d'ailleurs qu'il n'aurait pas eu de succès, l'aménagement structurel de l'intimée correspondant aux exigences fixées par la Cour suprême, notamment dans l'arrêt 2747-3174 Québec inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool)[33], et par notre cour dans Marston c. Autorité des marchés financiers[34].

(Nos soulignements)

[207] Nous fondant sur cette affirmation de la Cour d’appel de l’arrêt Bruni[89], force nous est de conclure qu’à première vue, le comité de discipline, son président et ses membres offrent des garanties suffisantes d’indépendance et d’impartialité au sens de l’article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne;

[208] De façon plus particulière, il y a lieu de souligner en détail les éléments suivants:

                L’AMF, pas plus que la Chambre et encore moins la syndic, n’interviennent dans la nomination du président du comité;

                Le président du comité de discipline est nommé par le Ministre[90] des finances[91];

                Cette nomination intervient après une consultation auprès du Barreau du Québec[92];


                Ni le gouvernement[93], ni le Barreau du Québec[94] n’ont aucun intérêt dans les débats mus devant le comité de discipline;

                Le mandat du président est de cinq (5) ans et il est renouvelable sans aucune condition particulière[95];

                Le président ne peut être destitué en cours de mandat que pour cause de malversation, maladministration, faute lourde ou motifs de même gravité dont la preuve incombe au Ministre[96];

                À l’expiration de leur mandat, les membres du comité de discipline demeurent en fonction jusqu’à ce qu’ils soient nommés de nouveau ou remplacés[97];

 

[209] À ces protections et garanties s’ajoutent les suivantes :

                Les membres du comité de discipline ne peuvent être poursuivis en justice en raison d’actes accomplis de bonne foi dans l’exercice de leurs fonctions[98];

                Une plainte disciplinaire ne peut non plus être déposée contre eux en raison d’actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions[99];

                Les membres du comité doivent prêter le serment de discrétion prévu à l’Annexe II du Code des professions[100];

[210] De plus, dans le cas du président, lequel est également un membre du Barreau du Québec ayant au moins dix (10) ans et plus de pratique[101], celui-ci est assujetti à l’article 4.01.00.02 du Code de déontologie des avocats[102] 

« L’avocat doit s’assurer qu’aucune des activités qu’il exerce dans le cadre d’une fonction ou d’une entreprise, et qui ne constituent pas l’exercice de la profession d’avocat, ne compromette le respect des obligations déontologiques que lui impose le présent code, notamment l’honneur, la dignité et l’intégrité de la profession. »

(Nos soulignements)

[211] Quant aux membres du comité de discipline, ceux-ci sont assujettis à l’article 80 du Règlement intérieur de la Chambre de l’assurance de dommages, lequel prévoit :

 

« Article 80 Qualification

 

Pour agir à titre de membre du Comité de discipline, un Membre de la Chambre ne doit pas :

 

a) avoir fait l’objet d’une décision ou d’une sanction imposée par le Bureau des services financiers, le Bureau de décision et de révision ou l’Autorité;

 

b) avoir fait l’objet d’une décision de culpabilité par le comité de discipline de l’Association des courtiers d’assurance de la province de Québec, du Conseil des assurances de dommages ou de la Chambre ;

 

c) faire l’objet d’une plainte référée devant le Comité de discipline de la Chambre, pour laquelle aucune décision n’a été rendue;

 

d) avoir été déclaré ou s’être reconnu coupable d’une infraction ou d’un acte pénal ou criminel relié à ses activités professionnelles;

 

e) être administrateur au sein d’une association de l’industrie de l’assurance de dommages qui a pour mission la protection des intérêts socioéconomiques de ses membres;

 

f) avoir fait l’objet d’une décision d’un tribunal civil qui le tient responsable dans une matière reliée à ses activités professionnelles;

 

g) être candidat à une élection municipale, provinciale ou fédérale.

 

Le membre du comité de discipline doit, pour chaque dossier, signer l’affirmation solennelle prévue à l’article 366.1 de la Loi. »

 

(Nos soulignements)

 

[212] Les membres du comité de discipline sont également astreints au Code d’éthique et de déontologie des administrateurs et des membres des comités de la Chambre de l’assurance de dommages[103] et plus particulièrement aux articles 1, 2, 5, 9 et 10:

 

« SECTION II – DEVOIRS GÉNÉRAUX

 

Article 1 Contribution à la réalisation de la mission de la Chambre

 

L’Administrateur, ou le membre d’un comité doit contribuer à la mission de protection du public de la Chambre. Il doit privilégier l’intérêt de la Chambre sur celui du groupe dont il est issu. L’intérêt de la Chambre doit primer lorsqu’il conseille ou prend une décision en son nom. Il ne doit pas défendre les intérêts d’un groupe en particulier, seule la protection du public doit le guider dans ses décisions.

 

L’Administrateur ou le membre de comité doit, dans l’exercice de ses fonctions, prendre ses décisions indépendamment de toutes considérations reliées à d’autres organisations auxquelles il peut être rattaché, notamment, celles ayant pour but de défendre les intérêts socioéconomiques des membres de l’industrie de l’assurance de dommages et de l’expertise en règlement de sinistres.

 

Article 2 Loyauté, honnêteté et intégrité

 

L’Administrateur ou le membre de comité doit agir avec loyauté, honnêteté, prudence, intégrité. Il doit faire passer les intérêts de la Chambre avant les siens ou ceux de toute autre organisation.

 

Il ne doit pas utiliser à son profit ou à celui d’une autre personne l’information à laquelle il a accès dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

 

Il a une obligation de divulguer aux autres Administrateurs ou aux autres membres de comité toute information qui est pertinente ou importante pour la Chambre.

 

L’Administrateur ou le membre de comité doit respecter les lois, règlements et politiques en vigueur.

 

Article 5 Cadeau et avantage

 

L’Administrateur ou le membre de comité doit faire preuve d’indépendance et éviter d’être redevable envers qui que ce soit. À cet égard, il ne doit pas donner ou recevoir, directement ou indirectement, quelque cadeau, service, avantage ou faveur.

Il doit s’abstenir d’utiliser ses fonctions à la Chambre pour obtenir un avantage, quel qu’il soit.

 

Article 9 Conflit d’intérêts

 

L’Administrateur ou le membre de comité doit éviter de se placer dans une situation de conflit réel ou potentiel.

 

Il doit déclarer au Conseil d’administration ou à son comité toute situation opposant son intérêt personnel ou professionnel à celui de la Chambre.

 

N’est pas considéré être en conflit d’intérêts, un Administrateur qui participe aux délibérations et au vote concernant la composition d’un comité dans lequel il est impliqué.

 

Article 10 Gestion des conflits d’intérêts

 

L’Administrateur ou le membre de comité qui est dans une situation de conflit d’intérêts doit, sous peine de déchéance de sa charge, divulguer cette situation au Président, s’abstenir de participer à toutes délibérations et à toutes décisions relatives à l’organisme, l’entreprise ou l’association dans laquelle il a des intérêts. Il doit également se retirer de la Séance pour la durée des délibérations, s’abstenir de voter sur le sujet à l’égard duquel il est en situation de conflit d’intérêts réel ou potentiel et éviter d’influencer la décision s’y rapportant.

 

Si un Administrateur estime qu’un autre Administrateur se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, il doit dénoncer cette situation au Président. Dans le cas où le Président se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, il doit divulguer celleci au Viceprésident.

 

Si un membre d’un comité estime qu’un autre membre se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, il doit dénoncer cette situation au président du comité. Dans le cas où le président du comité se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, il doit divulguer celleci au Président du Conseil d’administration»

          (Nos soulignements)

[213] Voilà autant d’éléments qui permettent au comité de conclure qu’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur[104] conclurait que l’aménagement structurel du comité de discipline offre des garanties d’indépendance et d’impartialité suffisantes au sens de l’article 23 de la Charte québécoise[105];

[214] À cela s’ajoute le fait que les décisions du comité de discipline peuvent faire l’objet d’un appel à la Cour du Québec[106] et sur permission à la Cour d’appel du Québec[107];

[215] La jurisprudence[108] reconnaît que la procédure d’appel permet de combler les lacunes qui pourraient se produire au niveau de l’impartialité des membres;

[216] Cela étant dit, il reste à vérifier si la durée des mandats est suffisante pour garantir l’indépendance du comité de discipline;

 

C)       La durée des mandats

[217] Prenant comme assise la décision de la Cour supérieure dans l’affaire Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles c. Québec (Procureur général)[109], les intimés  prétendent que la durée des mandats du président et des membres du comité est insuffisante pour respecter les garanties d’indépendance et d’impartialité prévues à l’article 23 de la Charte québécoise;

[218] Avec égard pour l’opinion contraire, cette prétention des intimés sera rejetée pour les motifs ci-après élaborés;

[219] Dans un premier temps, soulignons que ce jugement fait actuellement l’objet d’un appel et qu’en conséquence, il n’a pas l’autorité que voudraient bien lui conférer les intimés;

[220] Par analogie, qu’il nous soit permis de référer au jugement du Tribunal des professions dans l’affaire Girard[110] et plus particulièrement aux passages suivants :

[35] Plus particulièrement concernant la décision Primeau([7]) citée par le requérant, le Comité souligne avec raison que le délai pour en appeler de celle-ci n'était pas encore écoulé. Lors des représentations sur la présente requête, les procureurs ont indiqué à la soussignée que ce jugement a été porté en appel.

[36] On ne peut certainement pas reprocher au Comité de ne pas s'être fondé sur ce jugement ou de ne s'être pas senti lié par les principes qui y sont véhiculés. Il n'y a pas, dans la décision du Comité sur ce point, de faiblesse apparente. En effet, le Comité constate les nombreuses différences qui s'imposent et le Tribunal n'y décèle, à première vue, aucune erreur qui justifierait qu'il se penche plus avant sur cette question, sur la similitude entre cette affaire et le présent dossier, d'autant plus que le jugement de la Cour supérieure fut porté en appel(Nos soulignements)

[221] Dans le même ordre d’idées, la Cour d’appel a estimé qu’il était préférable de suspendre tous les autres recours de même nature[111] tant et aussi longtemps que cette dernière n’aura pas entendu et décidé de l’appel du jugement concernant les juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles[112];

[222] Bref, dit avec de très grands égards pour l’opinion contraire, ce jugement n’a définitivement pas l’autorité que veulent lui conférer les intimés et surtout pas en ce qui concerne les comités de discipline;

[223] D’ailleurs, dans un jugement récent[113], M. le juge Hamel, j.c.q., suite à une analyse très élaborée de ces questions, concluait à l’inapplicabilité de ce dernier dans les termes suivants :

[210] Il est vrai que la Cour supérieure, dans l'Affaire des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles c Québec (Procureur général)[167], a déclaré nuls, inopérants et sans effet les articles 392 et 395de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles aux motifs, entre autres :

(…)

[211] Toutefois, cette décision de la Cour supérieure a fait l'objet d'un appel qui est toujours pendant devant la Cour d'appel du Québec[168].

[212] Par ailleurs, il ne faut pas non plus ignorer les caractéristiques propres au droit disciplinaire, en ce que celui-ci a un caractère sui generis. Il s'applique à des rapports privés et les sanctions sont d'ordre interne. Le droit disciplinaire a pour objet de permettre à une profession de s'autogérer, ce qui implique, selon les enseignements de la Cour suprême du Canada, une application plus souple des exigences d'indépendance et d'impartialité.

[213] Dans ce contexte, il convient de souligner qu'au moment du dépôt des plaintes à l'endroit de l'appelant, la LCI n'exige pas que le président substitut du Comité de discipline exerce ses fonctions à temps plein et de façon exclusive, ce qui, de l'avis du Tribunal, constitue un autre élément révélateur des exigences d'impartialité et d'indépendance atténuée requises en matière disciplinaire de courtage immobilier.

(Nos soulignements)

 

i)  Président

[224] La jurisprudence a reconnu à de nombreuses reprises[114] la validité des mandats de cinq (5) ans renouvelables à la discrétion du gouvernement;

[225] Il y a lieu de préciser également que le président est à l’abri de toute destitution sans motif et que dans le cas d’une destitution pour cause, la preuve est à la charge du ministre[115];

[226] Dans un monde idéal, il serait préférable que la destitution, même pour cause, ne puisse intervenir qu’après une enquête tenue par un organisme indépendant et devant lequel le président du comité de discipline pourrait se faire entendre[116], cependant, cela n’est pas fatal[117];

[227] En effet, la décision du Ministre peut toujours être contestée en s’adressant à la Cour supérieure[118] et, par la suite, à la Cour d’appel[119];

[228] Finalement, le président jouit d’une certaine sécurité financière puisque sa rémunération est fixée pour toute la période de son mandat[120];

[229] Pour ces motifs, le comité conclut que la durée de cinq (5) ans du mandat du président ne porte pas atteinte à sa capacité de rendre jugement en toute indépendance et que l’aticle 4.2 de son acte de nomination offre une garantie suffisante d’inamovibilité[121];

ii) Membres du comité

[230] Comme autre motif d’inconstitutionnalité, les intimés plaident que la durée du mandat des membres du comité est insuffisante;

[231] Selon l’article 365 LDPSF, les membres sont nommés pour un mandat d’au plus trois (3) ans;

[232] Les membres du comité de discipline doivent être choisis parmi les représentants qui appartiennent à la même discipline que l’intimé et qui oeuvrent dans le même secteur de commercialisation (art. 359 de la LDPSF);

[233] Par ailleurs, lorsqu’il est impossible d’effectuer un choix de membres assurant l’impartialité de l’audition, le président peut alors désigner tout autre membre du comité pour entendre la plainte (art. 372 de la LDPSF);

[234] Il ressort de l’analyse de ces dispositions législatives que le choix des membres du comité doit être guidé par les principes suivants :

                Le jugement par les pairs;

                L’impartialité de l’audition, laquelle sera assurée par la nomination de membres provenant de la même discipline et du même secteur de commercialisation;

                En cas d’impossibilité de respecter cette deuxième condition, alors le président peut désigner tout autre membre du comité;

[235] Sur la question de l’impartialité du Comité, nul besoin d’épiloguer longtemps pour conclure que celle-ci est un droit fondamental[122] et incontournable;

[236] D’ailleurs, le jugement par les pairs constitue la meilleure garantie d’impartialité du Comité[123] ;

[237] Les membres assesseurs sont habituellement choisis en raison de leurs connaissances approfondies de la profession, de ses rouages et de ses coutumes[124];

[238] Qui plus est, le Comité bénéficie d’une présomption d’impartialité[125] laquelle s’applique à tous les comités de discipline[126] et notamment à celui constitué par la Chambre de l’assurance de dommages[127];

[239] Suivant la jurisprudence[128], le critère essentiel pour assurer à l’intimé une audition impartiale par un comité formé de ses pairs consiste à les choisir parmi la même discipline[129] que celle de l’intimé ;

[240] Il n’est pas fatal que les deux membres proviennent d’un autre secteur de commercialisation pour autant qu’ils exercent leurs activités dans la même discipline que l’intimé[130];

[241] Cela étant dit, il convient d’examiner les motifs allégués par les intimés concernant la durée du mandat les membres du comité de discipline;

[242] Suivant l’article 365 LDPSF, le mandat des membres du comité de discipline est d’au plus trois (3) ans;

[243] Les intimés tirent un argument de ce fait en prétendant que la brièveté des mandats porte atteinte à l’indépendance institutionnelle du comité;

[244] Il y a lieu de replacer cet argument dans le contexte du droit disciplinaire lequel est fondé sur la justice par les pairs[131];

[245] Au risque de nous répéter, les garanties d’indépendance et d’impartialité doivent  être interprétées avec plus de souplesse dans le cas des comités de discipline lesquels se situent à l’échelon le plus bas de la hiérarchie des tribunaux;

[246] L’obligation de moduler ces garanties en faisant preuve de flexibilité dans le cas particulier des comités de discipline a été reconnue par les tribunaux à de nombreuses reprises[132];


[247] Tel que le soulignait M. le juge Gonthier dans l’arrêt Régie des permis d’alcool[133] :

« Il ne fait en effet pas de doute que les tribunaux administratifs n'auront pas nécessairement à présenter les mêmes garanties objectives relatives à l'indépendance que les cours supérieures. »[134]

[248] Le juge Gonthier ajoute également que:

« Le contenu précis des règles à suivre dépendra de l'ensemble des circonstances, et notamment des termes de la loi en vertu de laquelle l'organisme agit, de la nature de la tâche qu'il accomplit et du type de décision qu'il est appelé à rendre. À l'inverse, ce n'est pas parce qu'un organisme est assujetti à l'art. 23 que sa structure doit présenter les mêmes caractéristiques que celle des cours de justice. La flexibilité dont notre Cour a fait preuve en la matière conserve, en vertu de l'art. 23, toute sa pertinence. »[135]

(Nos soulignements)

[249] Enfin, la Cour suprême, dans l’arrêt Valente[136], a clairement indiqué que l’essence de l’inamovibilité exige que la charge soit à l’abri de toute intervention discrétionnaire ou arbitraire de l’autorité responsable des nominations[137];

[250] La durée du mandat n’est pas un facteur déterminant[138]. Il suffit que la destitution ne soit pas laissée au bon plaisir de l’exécutif[139];

[251] Or, le Règlement intérieur de la Chambre ne prévoit aucune procédure de destitution[140] pour les membres du comité de discipline;

[252] C’est donc le principe général de l’article 365 LDPSF qui s’applique, à savoir que ceux-ci demeurent en fonction jusqu’à ce qu’ils soient nommés de nouveau ou remplacés;


[253] D’ailleurs, il serait contre l’ordre public de tenter de les destituer en cours de mandat, tel que le soulignait le juge Rioux dans l’affaire Cuerrier[141] :

« Le droit de la requérante d’achever son mandat de dix ans n’est pas un droit privé qui serait entré dans son patrimoine par une convention particulière, et auquel elle pourrait renoncer, c’est la loi elle-même qui fixe son mandat à dix ans, à son article 5 précité, et cet article est d’ordre public.

En effet, la Commission municipale du Québec est un tribunal administratif dont les fonctions comportent des pouvoirs quasi-judiciaires, et le législateur a décidé de protéger ses membres contre toute destitution pendant leur mandat, sauf  pour cause, afin de leur assurer l’indépendance nécessaire à l’exercice de leur fonction (René Dusseault et Louis Borgeat, Traité de droit administratif, 2e édition, tome I, page 154). C’est dans l’intérêt public que le législateur a adopté cette disposition»[142]

(Nos soulignements)

 

[254] En pratique, le règlement interne ne prévoyant aucune procédure de destitution dans le cas particulier des membres du comité de discipline[143], ceux-ci sont donc totalement inamovibles pendant toute la durée de leur mandat[144];

[255] De plus, suivant l’article 374 LDPSF, un membre dont le mandat n’a pas été renouvelé peut valablement continuer de siéger pour terminer l’audition d’une plainte;

[256] Dans les circonstances, nous devons conclure que le législateur a pris tous les moyens nécessaires pour garantir l’indépendance des membres du comité de discipline et même au-delà des exigences minimales habituellement prévues pour d’autres organismes quasi-judiciaires se situant au même niveau hiérarchique que le comité de discipline;

[257] À cet égard, soulignons qu’un mandat d’une durée d’un an a été jugé parfaitement légal par la Cour d’appel[145], notamment en raison du fait que pendant cette période, les membres du comité de discipline étaient inamovibles, sauf en cas de faillite[146];

[258] De plus, à compter de leur nomination, les membres du comité de discipline ne sont plus sous la juridiction du Conseil d’administration de la CHAD;

[259] Ainsi, seul le président du comité de discipline a l’autorité nécessaire pour désigner, pour chaque plainte, les membres qui seront chargés d’entendre et de décider de l’affaire (article 371 LDPSF);

[260] Il est à noter que cette disposition (article 371) n’existait pas sous l’ancien régime prévu par la Loi sur les intermédiaires de marché (L.R.Q., c. I-1-15.1), le président n’ayant pas ce pouvoir[147]; le comité de discipline étant un organisme permanent ne requérant pas de désignation spécifique pour chaque cause[148];

[261] À l’époque, il suffisait que le comité de discipline désigne, par résolution, les membres appelés à trancher une plainte disciplinaire, ce choix s’effectuant alors à partir d’une banque de membres[149];

[262] Somme toute, l’article 371 LDPSF constitue une autre mesure mise en place par le législateur dont l’objectif vise à mettre à l’abri les membres du comité de discipline de toute forme d’intervention de la part de l’administration de la Chambre ou de son syndic[150] préservant, par le fait même, leur indépendance et leur impartialité;

[263] Comme le soulignait la Cour d’appel dans l’affaire Ptack[151], c’est l’addition de toutes ces mesures qui permet de conclure à l’absence de partialité institutionnelle:

 

« Si l'on considère de plus les droits et devoirs des dentistes en vertu de leur code de déontologie et les garanties prévues par le Code des professions, particulièrement l'obligation pour les membres du comité de prêter serment avant d'entrer en fonction (article 124), d'observer les prescriptions requises pour le déroulement de l'audition (articles 137 - 149) et de se récuser das les cas prévus à l'article 234 du Code de procédure civile(article 140), on ne peut que conclure à l'absence d'une possibilité de crainte raisonnable de partialité dans l'esprit d'une personne raisonnable et bien informée (Voir R. c. Lippé, 1990 CanLII 18 (CSC), [1991] 2 R.C.S. 114). »[152]

 

[264] Pour ces motifs, le comité conclut que la durée du mandat de ses membres répond aux exigences de l’article 23 de la Charte québécoise;

 

 

D)    Conflit d’intérêts

[265] Concernant la question du conflit d’intérêts, mentionnons d’entrée de jeu que celle-ci fut réglée par la Cour suprême dès 1991 par l’arrêt Pearlman [153]dans les termes suivants:

 

« À mon avis, l'efficacité de l'autonomie administrative repose en grande partie sur le concept de l'examen effectué par des pairs. Si une société du barreau autonome veut faire respecter un code de déontologie par ses membres, comme l'exige en réalité l'intérêt public, il est essentiel qu'elle ait le pouvoir d'infliger des sanctions à ses membres. Il est tout à fait approprié qu'un individu dont la conduite doit être appréciée, soit jugé par un groupe formé de ses pairs qui sont eux‑mêmes assujettis aux règles et normes que l'on fait appliquer. Comme l'a reconnu le juge en chef du Manitoba, le juge Monnin, dans l'arrêt Re Law Society of Manitoba and Savino, précité (aux pp. 292 et 293):

 

[traduction] Notre assemblée législative a conféré aux conseillers le droit d'adopter des règles et de prendre des règlements ainsi que celui de les faire appliquer. Il serait ridicule et absurde de demander à un autre groupe d'hommes et de femmes d'entendre et de trancher les plaintes relatives à des fautes professionnelles. L'expression faute professionnelle recouvre un concept général. Il s'agit d'une conduite d'un membre de la profession qui serait normalement considérée comme honteuse ou répréhensible par ses confrères respectés dans le groupe -‑ des membres intègres de l'association ayant bonne réputation.

 

Nul n'est mieux qualifié pour déterminer ce qui constitue une faute professionnelle qu'un groupe d'avocats praticiens qui sont eux‑mêmes assujettis aux règles établies par leur corps administratif. [Je souligne.]

 

En conséquence, c'est dans ce contexte plus général, c'est‑à‑dire celui d'une profession autonome qui a mis sur pied des structures officielles afin d'assurer la discipline et le respect de normes de conduite appropriées à la profession juridique, qu'il faudrait appliquer le critère de la crainte raisonnable de partialité dans le cadre du présent pourvoi. Si on reprend la formulation du juge Sopinka dans Vieux St‑Boniface, précité, la question devient la suivante: "L'intérêt pécuniaire apparent que les membres du comité judiciaire auraient à prononcer une déclaration de culpabilité (en vertu du par. 52(4) de la Loi) créerait‑il chez une personne raisonnablement bien renseignée une crainte que le comité judiciaire ne rende pas une décision juste? [154]

          (Nos soulignements)

[266] D’ailleurs, au Québec, l’article 140 du Code des professions exclut expressément comme motif de récusation l’appartenance à la même association professionnelle[155];

[267] Les dispositions du Code des professions relatives à l’instruction d’une plainte s’appliquent au comité de discipline avec les adaptations nécessaires (art. 376 LDPSF);

[268] Mais il y a plus, dès 1988, la Cour supérieure[156] concluait que le jugement par les pairs constituait la meilleure garantie d’impartialité pour un comité de discipline;

[269] Bref, il s’agit d’un principe établi depuis longtemps et les arguments plaidés par les intimés ont toujours échoué devant les tribunaux;

[270] En conséquence, ce moyen de droit sera rejeté;

 

5.3            Conclusion

[271] Pour l’ensemble des motifs ci-haut exposés, le comité conclut au rejet de toutes les questions constitutionnelles soulevées par les intimés et plus particulièrement pour les raisons suivantes :

A)   L’aménagement structurel du comité de discipline offre des garanties d’indépendance et d’impartialité suffisantes au sens de l’article 23 de la Charte québécoise[157];


B)   La durée du mandat du président[158] et des membres du comité de discipline[159] répond au critère de l’inamovibilité puisqu’ils sont à l’abri de toute intervention arbitraire du Ministre ou de la Chambre[160];

C)   Les membres du comité de discipline ne sont pas en conflit d’intérêts de par leurs activités de courtiers d’assurance puisque le système disciplinaire repose sur le concept de la justice par les pairs[161];

[272] Le comité déclare donc valides toutes et chacune des dispositions législatives visées par l’avis au Procureur général (article 95 C.p.c.);

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

      Dans le cas de Philippe Lareau :

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 1 pour avoir contrevenu à l’article 19 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 1;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 2;

ACQUITTE l’intimé du chef no 3;

ACQUITTE  l’intimé du chef no 4 et plus particulièrement des sous-chefs nos 4.1 et 4.2;

      Dans le cas de Marie Lareau :

ACQUITTE l’intimée du chef no 1;

DÉCLARE l’intimée coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l’article 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 2;

ACQUITTE l’intimée du chef no 3;

ACQUITTE l’intimée du chef no 4;

 

Questions constitutionnelles :

REJETTE les moyens constitutionnels plaidés par les intimés;

DÉCLARE valides les articles 352, 353, 354, 355, 356, 359, 363, 365, 371, 372 et 377 LDPSF;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

________________________________

Me Patrick de Niverville

Président du comité de discipline


 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C. d’A.A., A.V.A.,

Membre du comité de discipline



 

__________________________________

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A., A.V.C.,

Membre du comité de discipline

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la syndic

 

Me Yves Robillard

Procureur des intimés

 

Me Diane Bouchard

Procureur général du Québec

Mis-en-cause

 

Dates d’audience :

7 février 2011

2 et 3 juin 2011

12 et 13 octobre 2011

16 et 17  janvier 2012

16 avril 2012

22 et 25 mai 2012

 



[1]     Chauvin c. Lareau, 2011 CanLII 10684;

[2]     Audition du 12 octobre 2011;

[3]     P. 115 de P-4;

[4]     Pièce I-1;

[5]     Paragraphes 2b), c), d) et e) de la requête en rejet des intimés;

[6]     P. 290 de P-4;

[7]     Ibid.;

[8]     Ibid.;

[9]     Conversation téléphonique du 1er octobre 2008; voir aussi «commentaire», p. 64 de P-4;

[10]    Pp. 35 et 36 de P-4 (lettre du 2 octobre 2008);

[11]    P. 115 de P-4 ou p. 22 de P-2;

[12]    P-4, pp. 57 à 61;

[13]    P-2, pp. 188 et 192;

[14]    P-4, pp. 57 à 61;

[15]    Pp. 59 et 61 et P-4;

[16]    Pp. 57 et 59 de P-4;

[17]    Pp. 59, 60 et 61 de P-4;

[18]    P-2, pp. 188 et 192;

[19]    1998, CanLII 13291 (QCCA);

[20]    Landry c. Richard, [2012] QCCA 206;

[21]    Tassé c. Chiropraticiens, [2001] QCTP 74, par. 32;

[22]    Legault c. Notaires, 2002 QCTP 82, par. 64 à 66;

[23]    Par. 159 du plan d’argumentation des intimés;

[24]    Sylvestre c. Parizeau, 1998 CanLII 13291 (QC C.A.);

[25]    Bourdon c. Commissaire à la déontologie policière, 2000 CanLII 10049 (QC C.A.);

[26]    Op. cit., note 7;

[27]    Voir au même effet l’affaire Choinière c. Avocats, 2006 QCTP 124;

[28]    Belhumeur c. Savard, 1988 CanLII 719 (QC C.A.);

[29]    Pharmascience c. Binet, 2006 C.S.C. 48 (CanLII);

[30]    Op. cit., note 25;

[31]    Actuellement juge à la Cour suprême du Canada;

[32]    Ruffo c. (Re), 2005 QCCA 647;

      Huot c. Pigeon, 2006 QCCA 164;

[33]    L’article 11(C) de la Charte Canadienne ne s’applique pas à un professionnel suivant l’arrêt Belhumeur c. Savard, 1988 CanLII 719 (QC C.A.);

[34]    Art. 342 et 343 L.D.P.S.F.;

[35]    Audition du 12 octobre 2011;

[36]    P. 115 de P-4;

[37]    Pièce I-1;

[38]    Lors de l’audition du 17 janvier 2012 et dans le plan d’argumentation des intimés, par. 4);

[39]    P. 32 de P-4;

[40]    R.R.Q., c. D-9.2, r.5;

[41]    Chauvin c. Beaucage, 2008 QCCA 922;

[42]    Par 54 du plan d’argumentation des intimés;

[43]    Audition du 17 janvier 2012;

[44]    Par. 10 du plan d’argumentation des intimés;

[45]    Par. 54 du plan d’argumentation des intimés;

[46]    P. 115 de P-4;

[47]    Laflamme c. Prudentiel-Bache Commodities Canada Ltd., 2000 CSC 26 (CanLII) ou [2000] 1 R.C.S. 638;

[48]    Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba, 1990 CanLii 59 (CSC), par. 57 et 58 ou [1990] 3 R.C.S. 191;

[49]    Voir l’analyse du comité sous le chef no 1;

[50]    Conversation téléphonique du 1er octobre 2008;

[51]    Lettre du 2 octobre 2008, pièce P-4, pp. 35 et 36;

[52]    P. 290 du P-4;

[53]    P. 32 de P-4;

[54]    CHAD c. Doucet, 2011 CanLII 22985 (QCCHAD);

[55]    Ayotte c. Gingras, [1995] D.D.O.P. 189 (T.P.);

      Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP) 19;

      Malo c. Infirmières, 2003 QCTP 132;

[56]    Voir les par. 3a), b) et c) de la requête en rejet présentée par l’intimé Philippe Lareau, de même que les par. 3a) et b) de la requête en rejet de l’intimée Marie Lareau;

[57]    [2006] QCCA 1441 (CanLII);

[58]    Ibid., par. 43;

[59]    Ibid., par. 44, 45 et 51;

[60]    Ibid., par. 42 et 43;

[61]    Voir les par. 29 à 43 de la présente décision;

[62]    Pièce I-1;

[63]    Bélair Direct c. Ville de Ste-Agathe-des-Monts, [2007] QCCQ 9673, par. 39 à 43;

[64]    Bigaouette c. Le Comité de surveillance des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, 2001 CanLII 18029 (QCCQ);

[65]    Henry c. Comité de surveillance de l’Association des courtiers d’assurance de la province de Québec, 1998 CanLII 12544 (QCCA);

      Renaud c. Barreau du Québec, 2003 QCTP 111;

[66]    2008 QCTP 16;

[67]    Pp. 57 à 66 de P-4;

[68]    Osman c. Médecins, 1994 D.D.C.P. 257 (T.P.);

[69]    Par. 126 à 161 du plan d’argumentation;

[70]    Khoury c. Technologues médicaux, 2003 QCTP 120;

      Hakim c. Opticiens d’ordonnances, [1993] D.D.C.P. 242 (T.P.);

      Bell c. Chimistes, 2004 QCTP 64;

      Choinière c. Avocats, 2006 QCTP 124;

[71]    Thibault c. Leduc, REJB 1997-04226 (C.S.);

[72]    [2012] QCCA 206;

[73]    CHAD c. Desrochers, 2010 CanLII 58180, par. 45 et ss.;

[74]    Biron c. Taillefer, 2002 QCTP 38;

[75]    Feldman c. Barreau, 2004 QCTP 71;

[76]    Royal Lepage Commercial inc. c. 109650 Canada Ltd., 2007 QCCA 915;

[77]    Industrie Lassonde inc. c. Oasis d’Olivia inc., 2012 QCCA 593;

[78]    [1996] 3 RCS 919 ou 1996 CanLII 153 (CSC);

[79]    2001 CanLII 20651 (QCCA);

[80]    [1995] 1 R.C.S. 3;

[81]    1996 CanLII 6069 (QCCA);

[82]    2009 QCCA 1558 (CanLII);

[83]    2003 CanLII 28570 (QCCA);

[84]    Marston c. AMF, 2009 QCCA 2178 (CanLII);

[85]    Bruni c. AMF, 2011 QCCA 994 (CanLII);

[86]    Op. cit., note 84;

[87]    2008 QCCA 922 (CanLII);

[88]    2011 QCCA 994 (CanLII); voir au même effet Mastrocola c. AMF, 2011 QCCA 995;

[89]    Op. cit., note 88, par. 68;

[90]    Art. 356 LDPSF;

[91]    Suivant l’art. 581 LDPSF, le Ministre des finances est chargé de l’application de ladite Loi;

[92]    Art. 356 LDPSF;

[93]    Québec c. Barreau de Montréal, 2001 CanLII 20651 (QCCA), voir par. 146 et 175;

      Montambeault c. Brazeau, 1996 CanLII 6069 (QCCA);

[94]    Di Zazzo c. Morand, 2012 QCCQ 4966; voir par. 185, 197, 207 et 218;

[95]    Acte de nomination du 13 avril 2010, art. 5;

[96]    Ibid., art. 4.2;

[97]    Art. 365 in fine LDPSF;

[98]    Art. 375 LDPSF;

[99]    Art. 354 LDPSF in fine; voir Landry c. Richard, 2012 QCCA 206;

[100]   Art. 366.1 LDPSF;

[101]   Art. 356 LDPSF;

[102]   R.R.Q., c. B-1, r.4;

[103]   Annexe 2 du Règlement intérieur de la Chambre de l’assurance de dommages;

[104]   Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673;

      R. c. Lippé, 1990 CanLII 18 (CSC);

[105]   Bruni c. AMF, op. cit., note 88;

[106]   Art. 379 LDPSF;

[107]   Art. 115.22 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers (L.R.Q., c. A-33.2);

[108]   Coffin c. Bolduc, [1988] R.J.Q. 1307 (C.S.) ou EYB 1988-77696 (C.S.);

[109]   2011 QCCS 1614;

[110]   Girard c. Chiropraticiens, 2002 QCTP 74 (CanLII);

[111]   Association des juges administratifs du Tribunal administratif du Québec c. Québec (P.G.), 2011 QCCA 2291;

      Association des commissaires de la Commission des relations du travail c. Québec (P.G.), 2011 QCCA 1904;

[112]   2011 QCCS 1614;

[113]   Di Zazzo c. Morand, 2012 QCCQ 4966 (CanLII);

[114]   2747-3174 Québec inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 RCS 919;

      P.G. du Québec c. Barreau de Montréal, 2001 CanLII 20651 (QCCA);

      Montambeault c. Brazeau, 1996 CanLII 6069 (QCCA);

      Di Zazzo c. Morand, 2012 QCCQ 4966 (CanLII);          

[115]   Art. 4.2 de l’Acte de nomination;

[116]   Voir, par exemple, les dispositions législatives concernant le Conseil de la justice administrative (Art. 165 à 192 de la Loi sur la justice administrative (L.R.Q., c. J-3);

[117]   Montambeault c. Brazeau, 1996 CanLII 6069 (QCCA);

[118]   Sauvé-Cuerrier c. Bourdeau, AZ-87021267 (C.S.);

[119]   Sinclair c. Bacon, 1994 CanLII 5326 (QCCA);

[120]   Art. 2 de l’Acte de nomination;

[121]   2747-3174 Québec inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 RCS 919, par. 68;

[122]   Art. 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (L.R.Q., c. C-12);

[123]   Nantais c. Bolduc, [1988] R.J.Q. 2465 (C.S.);

[124]   Pearlman c. Comité judiciaire de la Société  du Barreau du Manitoba, [1991] 2 R.C.S. 869, p. 890;

[125]   R.c.S., 1997 CanLII 324 (C.S.C.);

[126]   Ménard d. Agronomes, 2010 QCTP 55 (CanLII);

[127]   Bédard c.Chauvin, 2010 QCCQ 10836 (CanLII);

[128]   Chambre de l’assurance de dommages c. Caron, 2008 QCCQ 239 (CanLII);

[129]   Ibid., par. 40 à 42;

[130]   Ibid., par. 41;

[131]   Comité de surveillance de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec c. Murphy, 2007 QCCA 578, par. 27;

[132]   Voir note 108;

[133]   2747-3174 Québec inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 RCS 919;

[134]   Ibid., par. 62-63;

[135]   Ibid,. par. 39; Voir au même effet l’arrêt Beaulieu c. Coopérative des propriétaires de taxi de Laval, 2003 CanLII 28570 (QCCA), par. 34;

[136]   Valente c. La Reine, [1985] 2 RCS 673;

[137]   Ibid., p. 698;

[138]   Ibid.;

[139]   Régie des permis d’alcool, précitée, note 133;

[140]   L’art. 71 du Règlement intérieur, lequel prévoit la destitution des membres de divers comités, est situé dans la Section VII du Règlement, laquelle ne concerne que certains comités clairement identifiés (art. 64) et dont ne fait pas partie le comité de discipline, celui-ci étant plutôt visé par la Section IX du Règlement, laquelle ne prévoit aucune procédure de destitution;

[141]   Cuerrier c. Bourdeau, J.E. 87-619 (C.S.);

[142]   Ibid., p. 4;

[143]   Voir note 140;

[144]   Cuerrier c. Bourdeau, précité, note 141;

[145]   Prowatt inc. c. C.M.E.Q., 2000 CanLII 6670 (QCCA);

[146]   Ibid., par. 51 et 52;

[147]   Lehouillier c. Comité de discipline de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, 1993 R.R.A. 914 (C.S.) ou EYB 1993-74277 (C.S.), voir par. 43;

[148]   Comité de discipline de l’Association des courtiers d’assurance de la province de Québec c. David, 1995 CanLII 5354 (QCCA), à la p. 5;

[149]   Millette c. Comité de discipline de l’A.C.A.P.Q., REJB 2000-20032 (C.A.), par. 37;

[150]   Nantais c. Bolduc, [1988] R.J.Q. 2465 (C.S.);

[151]   Ptack c. Comité de l’Ordre des dentistes, 1992 CanLII 3303 (QCCA);

[152]   Ibid., p. 8; voir au même effet Houle c. Vermette, 1997 CanLII 10662 (QCCA), à la p. 6;

[153]   Pearlman c. Comité judiciaire de la Société  du Barreau du Manitoba, [1991] 2 R.C.S. 869;

      Voir aussi Pelletier c. Psychologues, [1995] D.D.O.P. 308 (T.P.);

[154]   Ibid., p. 891;

[155]   Art. 234(7) C.p.c.;

[156]   Coffin c. Bolduc, [1988] R.J.Q. 1307 ou EYB-1988-77696 (C.S.);

      Nantais c. Bolduc, [1988] R.J.Q. 2465 (C.S.);

[157]   Bruni c. AMF, précitée, note 88, par. 68;

[158]   2747-3174 Québec inc. c. R.P.À.Q., précitée, note 121; voir également la jurisprudence citée à la note 114;

[159]   Prowatt c. C.M.E.Q., précitée, note 145;

[160]   Valente, précitée, note 136;

[161]   Pearlman, précitée, note 153

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