Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

No :

2012-09-03 (C)

 

 

DATE :

 

28 février 2013

 

 

 LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Benoît Ménard, C.d’A. Ass.

Membre

Mme Anne-Marie Bourgeois, courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

Me KARINE LIZOTTE, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

 

                Partie plaignante

c.

 

STEVEN McDOUGALL, actuellement inactif et sans mode d’exercice

 

                Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DE TOUT DOCUMENT OU RENSEIGNEMENT DE NATURE NOMINATIVE OU FINANCIÈRE CONCERNANT LES ASSURÉS MENTIONNÉS DANS LA PLAINTE ET LES PIÈCES DOCUMENTAIRES, LE TOUT CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

 

 

 

[1]       Le 7 février 2013, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition de la plainte no 2012-09-03(C);

 

[2]       M. Steven McDougall fait l’objet d’une plainte comportant quatre (4) chefs d’infraction;

 

1.   Le ou vers le 24 octobre 2011, s’est approprié à des fins personnelles une somme de 427,95 $ qui lui a été remise par son client, P. L., pour le paiement de sa police d’assurance automobile émise par Intact Compagnie d’assurance et portant le numéro [...], alors qu’il aurait dû remettre cette somme au cabinet Accent Solutions d’Assurances inc. et/ou à l’assureur Intact Compagnie d’assurance, contrevenant ainsi notamment aux articles 37 (1) et 37(8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

2.   Le ou vers le 2 novembre 2011, s’est approprié à des fins personnelles une somme de 257,55 $ qui lui a été remise par son client, S. L., pour le paiement de sa police d’assurance automobile émise par Intact Compagnie d’assurance et portant le numéro [...], alors qu’il aurait dû remettre cette somme au cabinet Accent Solutions d’Assurances inc. et/ou à l’assureur Intact Compagnie d’assurance, contrevenant ainsi notamment aux articles 37 (1) et 37 (8) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

3.   Entre octobre 2011 et janvier 2012, a agi à l’encontre de l’honneur et la dignité de sa profession, en exerçant ses activités dans un état susceptible de compromettre la qualité de ses services, contrevenant ainsi notamment à l’article 37 (2) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

4.   Entre le 1er septembre et le 22 septembre 2011, a agi à titre de représentant en assurance de dommages, alors qu’il n’avait pas procédé au renouvellement de son certificat d’exercice auprès de l’Autorité des marchés financiers, contrevenant ainsi notamment à l’article 12 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et à l’article 2 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

L’intimé s’est ainsi rendu passible pour les infractions ci-haut mentionnées, des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions.

 

[3]       Lors de l’audition, le syndic adjoint était représenté par Me François Montfils et l’intimé par Me Caroline Doré;

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité et, en conséquence, il fut déclaré coupable, séance tenante, des quatre (4) chefs d’accusation mentionnés à la plainte no 2012-09-03(C);

 

[5]       Me Montfils informa alors le Comité de l’intention des parties de présenter une recommandation commune quant aux sanctions devant être imposées à l’intimé;

 

 

 

 

 

 

I.          PREUVE SUR SANCTION

 

 

 

[6]       Les parties ont convenu de déposer de consentement les pièces documentaires suivantes :

 

P-1      Attestation de certification et fiche informatique de M. Steven McDougall;

 

P-2      Lettre du 6 février 2012 de M. Jean-François Vézina, analyste à la Direction des OAR, de l’indemnisation et des pratiques en matière de distribution à l’Autorité des marchés financiers, adressée à Mme Luce Raymond, adjoint au syndic et responsable des enquêtes, et pièces jointes;

 

P-3      Lettre du 1er mars 2012 de Mme Luce Raymond adressée à M. Edward (Ted) Harman de ASI Groupe Financier inc.;

 

P-4      Lettre du 12 avril 2012 de M. Edward (Ted) Harman adressée à Mme Luce Raymond et pièces jointes;

 

P-5      Transcription par un sténographe d’une rencontre tenue le 9 janvier 2012 entre M. Steven McDougall et M. Edward (Ted) Harman;

 

P-6      Courriel du 1er mai 2012 de M. Edward (Ted) Harman adressé à Me Karine Lizotte et pièces jointes;

 

P-7      Transcription par un sténographe d’une conversation téléphonique du 14 novembre 2011 entre M. Steven McDougall et M. (S.L.), assuré;

 

P-8      Transcription par un sténographe d’une conversation téléphonique du 29 décembre 2011 entre M. Steven McDougall et M. (S.L.), assuré;

 

P-9      Transcription par un sténographe d’une rencontre tenue le 20 juin 2012 entre M. Steven McDougall, Me Karine Lizotte et Mme Joanne Bélanger, enquêteur;

 

P-10    Courriel du 20 juin 2012 de M. Jean-François Vézina de l’AMF adressé à Me Karine Lizotte.

 

[7]       De plus, Me Montfils exposa au Comité les faits à l’origine de la présente plainte;

 

[8]       Brièvement résumé, l’intimé aurait détourné à son profit les primes qui lui furent versées en argent comptant par certains assurés (chefs nos 1 et 2), en plus d’avoir pratiqué dans un état (médicaments et alcool) susceptible de compromettre la qualité de ses services (chef no 3);

 

[9]       Enfin, il aurait fait défaut de renouveler son certificat d’exercice (chef no 4);

 

 

II.         SANCTIONS SUGGÉRÉES

 

 

 

[10]    Les parties, d’un commun accord, suggèrent d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

 

                Chef no 1 : six (6) mois de radiation;

 

                Chef no 2 : six (6) mois de radiation;

 

                Chef no 3 : un (1) mois de radiation;

 

                Chef no 4 : une amende de deux mille dollars (2 000 $);

 

[11]    Évidemment à ces sanctions s’ajoutent tous les frais du dossier et la publication d’un avis dans un journal local;

 

[12]    De son côté, Me Doré suggère d’accorder à l’intimé un certain délai de paiement vu sa situation financière;

 

 

 

III.        ANALYSE ET DÉCISION

 

 

 

[13]    De façon générale, les recommandations communes formulées par les parties doivent être acceptées sauf circonstances exceptionnelles[1];

 

[14]    Parmi les exceptions reconnues par la jurisprudence[2], on retrouve le caractère inadéquat des sanctions suggérées;

 

[15]    Ainsi, conformément aux enseignements du Tribunal des professions[3], le Comité a informé les parties qu’il n’avait pas l’intention d’entériner les sanctions suggérées sur les chefs nos 1 et 2;

 

 

[16]    De l’avis du Comité, la radiation de six (6) mois imposée à l’intimé ne reflétait pas le nombre élevé d’assurés dont les primes avaient été détournées au profit de l’intimé;

 

[17]     À cela s’ajoutait le fait qu’il n’y aurait pas d’ordonnance de remboursement d’imposée à l’intimé vu que le cabinet de l’intimé s’était assuré qu’aucun client ne soit lésé par les agissements de l’intimé;

 

[18]    Bref, les sanctions proposées ne tenaient pas compte du degré de responsabilité de l’intimé, lequel était beaucoup plus important que semblait le suggérer les deux seuls cas répertoriés dans les chefs nos 1 et 2;

 

[19]    À cet égard, il y a lieu de rappeler les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Ipeelee[4]

 

[36]        Le Code criminel énumère ensuite un certain nombre de principes pour guider les juges dans la détermination de la peine.  Le principe fondamental de détermination de la peine exige que la peine soit proportionnelle à la fois à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.  Comme notre Cour l’a déjà affirmé, ce principe ne découle pas des modifications apportées au Code en 1996; il s’agit depuis longtemps d’un précepte central de la détermination de la peine (voir notamment R. c. Wilmott (1966), 58 D.L.R. (2d) 33 (C.A. Ont.), et, plus récemment, R. c. Solowan, 2008 CSC 62 (CanLII), 2008 CSC 62, [2008] 3 R.C.S. 309, par. 12, et R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6 (CanLII), 2010 CSC 6, [2010] 1 R.C.S. 206, par. 40-42).  Ce principe possède aussi une dimension constitutionnelle, puisque l’art. 12 de la Charte canadienne des droits et libertés interdit l’infliction d’une peine qui serait exagérément disproportionnée au point de ne pas être compatible avec le principe de la dignité humaine propre à la société canadienne.  Dans le même ordre d’idées, on peut décrire à juste titre la proportionnalité de la peine comme un principe de justice fondamentale au sens de l’art. 7 de la Charte.

[37]        Le principe fondamental de la détermination de la peine — la proportionnalité — est intimement lié à son objectif essentiel — le maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’imposition de sanctions justes.  Quel que soit le poids qu’un juge souhaite accorder aux différents objectifs et aux autres principes énoncés dans le Code, la peine qu’il inflige doit respecter le principe fondamental de proportionnalité.  La proportionnalité représente la condition sine qua non d’une sanction juste.  Premièrement, la reconnaissance de ce principe garantit que la peine reflète la gravité de l’infraction et crée ainsi un lien étroit avec l’objectif de dénonciation.  La proportionnalité favorise ainsi la justice envers les victimes et assure la confiance du public dans le système de justice.  La juge Wilson a exprimé ce principe de la manière suivante dans ses motifs concordants, dans le Renvoi :  Motor Vehicle Act de la C.-B., 1985 CanLII 81 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 486, p. 533 :

Il est essentiel, dans toute théorie des peines, que la sentence imposée ait un certain rapport avec l’infraction.  Il faut que la sentence soit appropriée et proportionnelle à la gravité de l’infraction.  Ce n’est que dans ce cas que le public peut être convaincu que le contrevenant « méritait » la punition qui lui a été infligée et avoir confiance dans l’équité et la rationalité du système.

Deuxièmement, le principe de proportionnalité garantit que la peine n’excède pas ce qui est approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant.  En ce sens, il joue un rôle restrictif et assure la justice de la peine envers le délinquant.  En droit pénal canadien, une sanction juste prend en compte les deux optiques de la proportionnalité et n’en privilégie aucune par rapport à l’autre. 

[38]       Malgré les contraintes imposées par le principe de proportionnalité, les juges de première instance jouissent d’un large pouvoir discrétionnaire dans la détermination de la peine.  Sous réserve des dispositions législatives particulières dont la conformité à la Charte a été reconnue, le prononcé d’une peine appropriée reste un processus fortement individualisé.  Les juges chargés d’imposer les peines doivent disposer d’une latitude suffisante pour les adapter aux circonstances de l’infraction et à la situation du contrevenant en cause.  Les cours d’appel reconnaissent la portée de ce pouvoir discrétionnaire et font preuve d’une retenue considérable à l’égard de la peine fixée par le juge.  Comme l’a souligné le juge en chef Lamer dans R. c. M. (C.A.), 1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 500, par. 90 :

Plus simplement, sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d’appel ne devrait intervenir pour modifier la peine infligée au procès que si elle n’est manifestement pas indiquée.  Le législateur fédéral a conféré expressément aux juges chargés de prononcer les peines le pouvoir discrétionnaire de déterminer le genre de peine qui doit être infligée en vertu du Code criminel et l’importance de celle‑ci.  [Nos soulignements .]

 

[20]    Par conséquent, le Comité a invité les parties à lui faire de nouvelles suggestions ou de présenter une preuve supplémentaire et de nouveaux arguments;

[21]    Après une courte suspension, les parties ont convenu, avec l’accord du Comité, qu’il serait plus approprié d’imposer, en plus de la radiation de six (6) mois, une amende de mille dollars (1 000 $) sur chacun des chefs nos 1 et 2;

[22]    Cette nouvelle recommandation commune fut acceptée par le Comité aux motifs que celle-ci reflétait plus adéquatement la gravité objective des infractions reprochées;

[23]    Finalement, compte tenu que l’intimé est actuellement inactif et sans mode d’exercice, les radiations et la publication de l’avis de radiation seront reportées au moment de la remise en vigueur du certificat de l’intimé[5];

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

 

            PREND acte du plaidoyer de culpabilité;

 

 

            DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 1 à 4 de la plainte no 2012-09-03(C);

 

 

            IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

 

          Chef no 1 :      une amende de mille dollars (1 000 $) et une radiation  temporaire de six (6) mois;

 

          Chef no 2 :      une amende de mille dollars (1 000 $) et une radiation temporaire de six (6) mois;

 

         Chef  no 3 :     une radiation temporaire d’un (1) mois;

 

         Chef  no 4 :     une amende de deux mille dollars (2 000 $);

 

 

DÉCLARE que les périodes de radiation temporaire devront être purgées de façon concurrente pour un total de six (6) mois, débutant à la date de la remise en vigueur du certificat de l’intimé;

 

 

ORDONNE la non-publication, non-diffusion et non-divulgation de tout document ou renseignement de nature nominative ou financière concernant les assurés mentionnés dans la plainte et les pièces documentaires, le tout conformément à l’article 142 du code des professions;

 

 

 

            ORDONNE la publication d’un avis de radiation temporaire, aux frais de l’intimé,   à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimé;

 

 

            CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés y compris les frais de publication de l’avis de radiation temporaire;

 

 

            ACCORDE à l’intimé un délai de douze (12) mois pour acquitter les déboursés, frais et amendes, calculés à compter de la date de signification de la présente décision;

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du Comité de discipline


_________________________________

M. Benoît Ménard, C.d’A.Ass.

Membre du Comité de discipline



_________________________________

Mme Anne-Marie Bourgeois, courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

Me François Montfils

Procureur de la partie plaignante

 

Me Caroline Doré

Procureure de la partie intimée

 

Date d’audience :

7 février 2013

 



[1]     Langlois c. Dentistes, 2012 QCTP 52;

[2]     Ibid, par. 47;

[3]     Infirmières auxiliaires c. Gauthier, 2012 QCTP 151;

[4]     R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13 (CanLII);

[5]     Lambert c Agronomes, 2012 QCTP 39;

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