Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

No :

2012-12-02(C)

 

 

DATE :

 

17 avril 2013

 

 

 LECOMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A.

Membre

Mme Anne-Marie Bourgeois,

courtier en assurance de dommages

Membre

 

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

                Partie plaignante

c.

 

GINETTE JODOIN, courtier en assurance de dommages

 

                Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

 

[1]       Le 19 mars 2013, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition de la plainte no. 2012-12-02(C);

 

[2]       Mme Ginette Jodoin fait l’objet d’une plainte comportant trois (3) chefs d’infraction;

 

1-     Entre le 1er avril 2011 et le 2 mai 2011, a été négligente dans l’exercice de ses activités de courtier en assurance de dommages et a fait défaut d’exécuter le mandat confié par son client R.C., en ne donnant pas à l’assureur Lloyd’s Bowden les informations concernant les antécédents criminels de R.C. en vue de l’émission du contrat d’assurance no 7425-815 pour le terme du 2 mai 2011 au 2 mai 2012, décidant de son propre chef qu’il s’agissait d’une vieille information qui n’aurait pas d’influence sur la décision de l’assureur d’accepter et de garantir le risque de son client, le tout en contravention notamment aux dispositions de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et des articles 25, 26, 29, 37(1), 37(4) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

2-     Entre le 1er avril 2011 et le 2 mai 2011, a été négligente dans l’exercice de ses activités de courtier en assurance de dommages et a fait défaut d’exécuter le mandat confié par son client R.C., en ne donnant pas à l’assureur Lloyd’s AE, les informations concernant les antécédents criminels de R.C. en vue de l’émission du contrat d’assurance no AE003362 pour le terme du 2 mai 2011 au 2 mai 2012, décidant de son propre chef qu’il s’agissait d’une vieille information qui n’aurait pas d’influence sur la décision de l’assureur d’accepter et de garantir le risque de son client, le tout en contravention notamment aux dispositions de l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et des articles 25, 26, 29, 37(1), 37(4) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

3-     Entre les mois de mai et d’août 2011, a fait défaut de rendre compte de l’exécution du mandat confié par son client R.C., en ne l’informant pas qu’elle n’avait pas informé les assureurs Lloyd’s aux contrats no 7405-815 et AE 003362 en vigueur du 2 mai 2011 au 2 mai 2012 des antécédents criminels de ce dernier, alors que ce dernier avait insisté pour que les assureurs en soient informés, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 25, 26, et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

 

L'intimée s'est ainsi rendue passible pour les infractions ci-haut mentionnées des sanctions prévues à

l'article 156 du Code des professions.

 

 

[3]       Lors de l’audition, la syndic était représentée par Me Jean-Pierre Morin et la défense était assurée par Me Annie-Claude Ménard;

 

[4]       D’entrée de jeu, l’intimée enregistra un plaidoyer de culpabilité et, en conséquence, elle fut déclarée coupable, séance tenante, des trois (3) chefs d’infraction mentionnés à la plainte no 2012-12-02(C);

 

[5]       Par contre, les parties n’ayant pu s’entendre sur une recommandation commune, le Comité procéda alors à l’audition sur sanction;

 

 

I.          Preuve sur culpabilité

 

 

[6]       Les parties ont convenu de déposer de consentement les pièces documentaires suivantes :

 

P-1 :     Attestation de certification et fiche signalétique de Mme Ginette Jodoin;

 

P-2 :     En liasse : Plainte de R.C. à l’Autorité des marchés financiers en date du 18 octobre 2011 accompagnée de sa lettre explicative; 

P-3 :     Résumé d’une conversation téléphonique entre Mme Luce Raymond, responsable des enquêtes et adjoint au syndic, et R.C. en date du 22 novembre 2011;

 

P-4 :     Résumé d’une conversation téléphonique entre Mme Luce Raymond et R.C. en date du 23 mars 2012;

 

P-5 :    En liasse, lettre de Mme Luce Raymond à M. R. C. en date du 20 mars 2012 et réponse de ce dernier en date du 1er avril 2012 et documents de support;

 

P-6 :    Lettre de Mme Luce Raymond à Mme Josée Sabourin en date du 20 mars 2012 et réponse de cette dernière en date du 29 mars 2012;

 

P-7 :    Déclaration solennelle de Mme Marie-France Gariépy en date du 4 mai 2012;

 

P-8 :    Résumé d’une conversation téléphonique entre Mme Luce Raymond et Mme Ginette Jodoin en date du 14 mars 2012;

 

P-9 :    En liasse, copies d’échanges de courriels entre Mme Ginette Jodoin et Mme Luce Raymond en date du 14 mars 2012 accompagnés des pièces transmises;

 

P-10 :   En liasse, lettre de Mme Luce Raymond à Mme Ginette Jodoin en date du 20 mars 2012 accompagnée de la réponse de Mme Jodoin reçue à la ChAD le 12 avril 2012 et copie complète de son dossier;

 

P-11 :   En liasse lettre de motifs de Mme Carole Chauvin, syndic, du 18 septembre 2012 adressée à Mme Ginette Jodoin en date du 18 septembre 2012 et réponse de Mme Jodoin reçue à la ChAD le 16 octobre 2012 avec documents annexés;

 

P-12 :   Fichier audio et transcription (à venir) de la rencontre entre Mme Carole Chauvin, Mme Ginette Jodoin et Me Jean-Pierre Morin en date du 16 novembre 2012;

 

P-13 :   Courriel de Mme Ginette Jodoin à Me Jean-Pierre  Morin en date du 19 novembre 2012 accompagné des documents transmis.

 

[7]       De plus, Me Morin exposa au Comité les faits à l’origine de la présente plainte;

 

[8]       D’autre part, le Comité a pu bénéficier du témoignage de l’intimée Jodoin;

 

[9]       Brièvement résumé, celle-ci exposa au Comité les faits suivants :

 

           En avril 2011, elle rencontre l’assuré R.C; lequel lui mentionne que depuis 1993, il a un dossier criminel (culture de champignons magiques);

 

           Compte tenu qu’elle compte placer le risque auprès de la Lloyd’s, elle vérifie immédiatement auprès d’une collègue de son cabinet, qui lui mentionne que cela ne cause pas problème;

 

           Cette personne est un souscripteur de Lloyd’s et elle est autorisée à lier l’assureur;

 

[10]    Sur la base de cette information, Mme Jodoin demande par courriel à l’assureur Lloyd’s d’émettre deux polices d’assurances soit :

 

           Pour les bâtiments (Lloyd’s Bowden);

 

           Pour une carriole (Lloyd’s AE);

 

[11]    Il y a lieu de noter que cette demande a été faite par un seul et unique envoi par courriel;

 

[12]    Quant au 3e chef d’infraction, elle reconnait que le client (R.C.) lui a demandé une confirmation écrite, mais à la même date, elle quittait pour ses vacances et elle n’a pu s’acquitter de son mandat;

 

[13]    Enfin, dès que l’assureur fut dûment informé des antécédents criminels de l’assuré R.C., il a procédé à l’annulation rétroactive des deux polices d’assurance;

 

[14]    Il faut mentionner que cet assuré possédait plusieurs antécédents et non seulement celui de 1993;

 

[15]    Ce n’est que beaucoup plus tard qu’il a divulgué cette information à l’intimée;

 

[16]    Finalement, l’intimée mentionne qu’elle regrette son geste et qu’elle désire amender sa conduite;

 

 

II.         Argumentation

 

A)   Par la syndic

 

[17]    Me Morin réclame au nom de la syndic l’imposition des sanctions suivantes :

 

Chefs nos 1 et 2 : une amende de 5 000 $ par chef pour un total de 10 000 $;

 

Chef no 3 : une amende 2 000 $;

 

[18]    La syndic recommande que l’intimée soit également forcée de suivre un cours de perfectionnement intitulé "Le courtier et l’agent, compétences élémentaires";

 

[19]    Finalement, en vertu du principe de la globalité, Me Morin suggère que les amendes soient réduites à un montant global de 7 000 $;

 

[20]    À l’appui de ses prétentions, la partie poursuivante insiste sur les facteurs suivants :

 

           La protection du public;

 

           La gravité objective des infractions;

 

 

[21]    Quant aux facteurs atténuants, Me Morin en dresse la liste suivante :

 

         Plaidoyer de culpabilité;

 

         Collaboration à l’enquête du syndic;

 

         Absence d’antécédents disciplinaires;

 

         Aucune mauvaise foi ou intention malveillante;

 

 

[22]    De plus, Me Morin dépose diverses décisions disciplinaires pour appuyer ses demandes;

 

 

B)   Par la partie intimée 

 

 

[23]    Me Ménard plaide au nom de l’intimée son absence de mauvaise foi et son repentir;

 

[24]    À cela s’ajoutent les facteurs atténuants déjà mentionnés et finalement elle insiste sur le caractère isolé de l’infraction, laquelle ne concerne qu’un seul assuré;

 

[25]    D’autre part, elle souligne que l’intimée a fait preuve de prudence en se renseignant auprès d’un souscripteur de la Lloyd’s;

 

[26]    Finalement, elle précise que cet imbroglio résulte d’une déclaration incomplète de l’assuré lequel n’a pas fait état de l’ensemble de ses condamnations criminelles;

 

 

[27]    De plus, c’est à la demande de l’assuré que les polices d’assurances furent annulées "ab initio";

 

[28]    Fort de ses arguments, Me Ménard suggère les sanctions suivantes :

 

          Chef nos 1 et 2 : une amende de 2 000 $ par chef pour un total de 4 000 $ ;

 

          Chef no 3 : une réprimande;

 

[29]    Suivant le principe de la globalité, elle suggère que les amendes soient réduites à un montant global de 2 000 $;

 

[30]    D’autre part, sa cliente s’engage à suivre un cours de perfectionnement afin de mettre à niveau ses connaissances professionnelles;

 

[31]    Finalement, elle demande que les frais soit réduits à 50% et que sa cliente puisse bénéficier d’un délai de paiement de six (6) mois;

 

 

III.        Analyse et décision

 

A)   Chefs nos 1 et 2

 

[32]    Dans un premier temps, le Comité estime qu’il y a dédoublement entre les chefs nos 1 et 2;

 

[33]    En effet, la demande adressée à la Lloyd’s a été faite par un seul et unique envoi;

 

[34]    Dans les circonstances, le Comité estime que l’on cherche simplement à sanctionner une ou plusieurs facettes de la même offense[1];

 

[35]    Ainsi, même si les infractions sont distinctes, elles ont toutes la même origine, soit l’envoi d’un même courriel;

 

[36]    Il n’y a donc pas lieu de multiplier les condamnations disciplinaires résultant du même courriel[2];

 

[37]    Pour ces motifs, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard du chef no 2 pour cause de dédoublement;

[38]    Quant à la sanction, l’intimée se verra imposer une amende de 2 000 $ sur le chef no. 1 compte tenu des circonstances atténuantes mises en preuve;

 

[39]    De plus, le Comité entend recommander au conseil d’administration de la Ch.A.D. d’imposer à l’intimée de suivre un cours de perfectionnement;

 

 

B)   Chef no 3

 

 

[40]    Le Comité est d’opinion que la gravité objective de l’instance reprochée au chef no 3, justifie l’imposition d’une amende de 2 000 $;

 

[41]    Cependant, compte tenu de la situation financière et familiale de l’intimée, le montant total des amendes imposées sur les chefs nos 1 et 3 sera réduit à un montant global de 2 000 $;

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée;

 

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs nos1, 2 et 3;

 

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures sur le chef no 2;

 

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes :

 

Chefs nos 1 et 3 : une amende de 2 000 $ par chef pour un total de

        4 000 $;

 

RÉDUIT le montant des amendes à un montant global de 2 000 $;

 

RECOMMANDE au Conseil d’administration de la Chambre d’imposer à l’intimée l’obligation de compléter avec succès au courant de l’année 2013 le cours no C‑130 « Le courtier et l’agent d’assurance : compétences élémentaires »;

 

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés;

 

ACCORDE à l’intimée un délai de six (6) mois pour acquitter le montant des amendes et des déboursés calculé à compter du 31e jour suivant la signification de la présente décision;

 

 

 

 

 

 

 

________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du Comité de discipline


_________________________________

M. Luc Bellefeuille, C.d’A.A.  

Membre du Comité de discipline



_________________________________

Mme Anne-Marie Bourgeois, courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

Me Jean-Pierre Morin

Procureur de la partie plaignante

 

Me Annie-Claude Ménard

Procureure de la partie intimée

 

Date d’audience :

19 mars 2013

 

 

 



[1]     Anderson c. Monty, 2006 QCCA 594 (CanLII);

[2]     Chad c. Le Vaguerèze, 2004 CanLII 57001, voir page 21; 23;

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