Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

No :

2011-12-02(C)

 

 

DATE 

23 mai 2013

 

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Lyne Leseize, courtier en assurance de dommages

Membre

Mme Francine Normandin, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

_____________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

YVON LAREAU, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

 

Partie intimée

-et-

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

 

Mis-en-cause

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

TABLE DES MATIÈRES

Page

 

I.        La plainte................................................................................................................................ 3

 


II.      Notes liminaires..................................................................................................................... 5

 

A) Questions constitutionnelles......................................................................................... 5

 

B) Objections à la preuve..................................................................................................... 5

 

III.     Les faits................................................................................................................................... 7

 

IV.    Motifs et dispositifs................................................................................................................ 9

 

4.1  Principes généraux....................................................................................................... 9

 

A)     L’indépendance professionnelle................................................................................ 9

 

B)     L’interprétation des dispositions créatrices d’infractions...................................... 14

 

C)    La théorie de l’alter ego.............................................................................................. 22

 

 

4.2  Chefs nos 1 à 5............................................................................................................. 23

 

A)   La preuve.................................................................................................................. 23

 

B)   Conclusion............................................................................................................... 25

 

 

4.3  Chefs nos 6a) à h)........................................................................................................ 26

 

       4.3.1 Devoir de conseil (chef no 6a))........................................................................ 26

 

       4.3.2 Discussions et négociations (chefs nos 6b), c), f), g), et h))........................ 29

 

4.3.3 Renouvellement sans autorisation (chef no 6d)).......................................... 30

 

4.3.4 Défaut de conseil (chef no 6e))........................................................................ 30

 

 

4.4  Les questions constitutionnelles.............................................................................. 31

 

       A) Le débat.................................................................................................................... 31

 

       B) Les dispositions législatives................................................................................. 31

 

       C) La durée du mandat du président et des membres........................................... 33

              D) Le conflit d’intérêts des membres ........................................................................ 33

 

       E) L’argumentation...................................................................................................... 33

 

       F) Conclusion............................................................................................................... 34

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[1]       Le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages s’est réuni au cours des mois d’octobre et novembre 2012 ainsi que le 22 avril 2013 pour procéder à l’audition d’une plainte déposée contre l’intimé portant le no 2011-12-02(C);

 

 

I.        La plainte

[2]       La plainte disciplinaire reproche à l’intimé, Yvon Lareau, de s’être placé, à plusieurs occasions, en situation de conflit d’intérêts;

[3]       Plus particulièrement, les faits reprochés sont les suivants :

1.        Durant le terme du contrat d’assurance des entreprises émis aux noms des assurés HdR Enr., M.R. et R.R., du 7 novembre 2004 au 7 novembre 2005 par ING sous le numéro [...], à compter du 18 mai 2005, n’a pas évité de se placer directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via son cabinet Lareau et Fils Assurances inc. et comme créancier hypothécaire de ces mêmes assurés via sa compagnie Gestion Lareau-Lareau inc., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

 

2.         Durant tout le terme du contrat d’assurance des entreprises émis aux noms des assurés HdR Enr., M.R. et R.R., du 7 novembre 2005 au 7 novembre 2006, par ING sous le numéro [...], n’a pas évité de se placer directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via son cabinet Lareau et Fils Assurances inc. et comme créancier hypothécaire de ces mêmes assurés via sa compagnie Gestion Lareau-Lareau inc., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

 

3.         Durant tout le terme du contrat d’assurance des entreprises émis aux noms des assurés HdR Enr., M.R. et R.R., du 7 novembre 2006 au 7 novembre 2007, par ING sous le numéro [...], n’a pas évité de se placer directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via son cabinet Lareau et Fils Assurances inc. et comme créancier hypothécaire de ces mêmes assurés via sa compagnie Gestion Lareau-Lareau inc., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

4.         Durant tout le terme du contrat d’assurance des entreprises émis aux noms des assurés HdR Enr., M.R. et R.R., du 7 novembre 2007 au 7 novembre 2008, par ING sous le numéro [...], n’a pas évité de se placer directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via son cabinet Lareau et Fils Assurances inc. et comme créancier hypothécaire de ces mêmes assurés via sa compagnie Gestion Lareau-Lareau inc., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

 

5.         Durant tout le terme du contrat d’assurance des entreprises émis aux noms des assurés HdR Enr., M.R. et R.R., du 7 novembre 2008 au 7 novembre 2009, par ING sous le numéro [...], n’a pas évité de se placer directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d’intérêts en agissant à la fois comme représentant en assurance de dommages pour les assurés via son cabinet Lareau et Fils Assurances inc. et comme créancier hypothécaire de ces mêmes assurés via sa compagnie Les Placements Lareau inc., le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

 

6.         Depuis le 9 janvier 2009, et ce, jusqu’au 14 décembre 2010, à la suite du sinistre subi à la bâtisse des assurés HdR Enr., M.R. et R.R. faisant l’objet du contrat d’assurance des entreprises émis par ING sous le numéro [...], s’est placé en situation de conflit d’intérêts en tentant à la fois de représenter les intérêts des assurés et les intérêts du créancier hypothécaire Les Placements Lareau inc., dont il est le principal actionnaire, notamment :

 

a)    le ou vers le 16 avril 2009, en conseillant à son client de souscrire et en souscrivant auprès de Lloyd’s une police d’assurance pour protéger et le bâtiment et son intérêt de créancier hypothécaire, alors que les assurés ne désiraient qu’une protection couvrant leur responsabilité civile;

 

b)   le ou vers le 9 juin 2009, lors d’une discussion avec l’avocat des assurés concernant l’offre de règlement reçue de ING en soulevant son intérêt comme créancier hypothécaire (Les Placements Lareau inc.);

 

c)    le ou vers le 12 juin 2009, alors qu’il communiquait avec l’expert en sinistres de ING, a traité de la réclamation des assurés et de sa réclamation en tant que créancier hypothécaire (Les Placements Lareau inc.), adoptant ainsi une position équivoque sur les intérêts qu’il voulait protéger;

 

d)   le ou vers le 15 octobre 2009, en renouvelant sans l’autorisation des assurés la police d’assurance de Lloyd’s;

 

e)    le ou vers le 13 avril 2010, en déconseillant aux assurés de résilier la police Lloyd’s et en insistant pour que soit maintenue une valeur de protection de 200 000 $ dans le but de protéger les intérêts de Les Placements Lareau inc.;

 

f)    le ou vers le 29 juin 2010, en discutant avec l’avocat des assurés d’un règlement avec ING concernant le paiement de la créance de Les Placements Lareau inc. et des moyens possibles de ING contre les assurés, alors que les intérêts des assurés et ceux de Les Placements Lareau inc. n’étaient pas nécessairement convergents;

 

g)   le ou vers le 30 juin 2010, en discutant avec M. Claude Lachance de ING des intérêts de Les Placements Lareau inc. dans le règlement du sinistre et de ceux des assurés alors que les intérêts des assurés et de Les Placements Lareau inc. n’étaient pas nécessairement convergents;

 

h)    le ou vers le 8 octobre 2010, en suggérant à l’avocat des assurés que la réclamation de Les Placements Lareau inc. soit réglée par un règlement global du dossier;

 

le tout en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et le Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, notamment l’article 10 dudit code;

 

L’intimé s’est ainsi rendu passible, pour les infractions ci-haut mentionnées, des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions;

 

 

[4]       La plaignante était représentée par Me Claude G. Leduc alors que la défense de l’intimé était assurée par Me Yves Robillard;

 

 

 

II.       Notes liminaires

 

          A) Questions constitutionnelles

 

[5]       Le 12 septembre 2012, l’intimé faisait signifier au Procureur général du Québec un avis suivant l’article 95 C.p.c. par lequel il demandait une déclaration d’inconstitutionnalité de certaines dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q. c D-9.2);

[6]       Conformément aux règles applicables en semblable matière, le Comité décidera, en premier lieu, des chefs d’accusation mentionnés à la plainte, pour ensuite examiner et conclure sur les questions constitutionnelles;

 

          B) Objections à la preuve

 

[7]       Lors de l’audition du 3 octobre 2012, le procureur de l’intimé s’est objecté à la production des notes[1] consignées au dossier de l’assureur par les employés de celui-ci, au motif qu’il s’agissait de ouï-dire;

[8]       Le Comité rejeta, séance tenante, cette objection, en s’inspirant par analogie de l’arrêt Royal Victoria Hospital c. Morrow[2], suivant lequel les notes consignées dans un dossier médical constituent une exception à la règle interdisant le ouï-dire;

[9]       Au moment de la rédaction de la présente décision, le Comité a été à même de constater que cette exception fut spécifiquement reconnue par la Cour d’appel comme s’appliquant également au domaine de l’assurance;

[10]    Il s’agit de l’affaire Gerling Globale compagnie d'assurances générales c. Service d'hypothèques Canada-vie[3] dans laquelle on peut lire :

En conclusion, il paraît clair qu'une déclaration extrajudiciaire d'un employé portant sur les actes qu'il a accomplis dans l'exécution de ses fonctions et qu'il a consignés par écrit au cours de ses activités au sein de l'entreprise qui l'emploie sera généralement admise en preuve si elle satisfait aux deux critères justifiant les exceptions à la règle du ouï-dire, soit la nécessité et la fiabilité.  De plus, le critère de la fiabilité sera d'autant plus facilement satisfait que, dans un tel contexte, le déclarant est généralement présumé être désintéressé.[4]

          (…)

En l'espèce, il me paraît clair que les notes manuscrites du courtier Pierre Verville ont été rédigées dans l'exécution de ses fonctions à la firme de courtage Dale-Parizeau et qu'elles satisfont aux critères de nécessité et de fiabilité justifiant, dans un tel contexte, leur admissibilité en preuve.  D'une part, le formulaire intitulé «AVIS DE SINISTRE» sur lequel ces notes sont inscrites est un document d'entreprise déjà imprimé pour recevoir, dans les cases pertinentes, des renseignements précis, et sur lequel le courtier doit seulement inscrire les renseignements obtenus ou divulgués (m.a., vol. 1, P‑8, p. 192).  D'autre part, lorsque le courtier Verville a inscrit, dans la case «circonstances» de cet AVIS DE SINISTRE, la mention «Vandalisme -Bâtiment était vacant», pendant ou immédiatement après sa conversation avec Chantal Dargis, préposée de Gerling, il agissait non seulement dans le cadre de ses fonctions, mais il était manifestement désintéressé.  On ne peut, en effet, lui reprocher d'avoir eu, à ce moment-là, un intérêt à inscrire cette mention dans le but de favoriser l'assurée.

 

L'arrêt rendu par la Cour suprême dans Ares c. Venner, 1970 CanLII 5 (CSC), [1970] R.C.S. 608, que le juge Pigeon semble reconnaître applicable au Québec (arrêt Royal Victoria Hospital précité, pp. 503-504), montre bien d'ailleurs que la fiabilité d'une déclaration est plus facilement reconnue lorsqu'il s'agit d'un écrit rédigé dans le cours des activités d'une entreprise.  Dans cette affaire, le litige tournait autour de l'admissibilité en preuve de notes rédigées par des infirmières, contenues dans des dossiers médicaux.  Parlant au nom de la Cour, le juge Hall conclut (p. 626):

 

Les dossiers d'hôpitaux, y compris les notes des infirmières, rédigés au jour le jour par quelqu'un qui a une connaissance personnelle des faits et dont le travail consiste à faire les écritures ou rédiger les dossiers, doivent être reçus en preuve, comme preuve prima facie des faits qu'ils relatent [...]

 

Notre Cour a eu l'occasion d'appliquer ce principe dans Paquet c. Navada Ltée, C.A. Montréal, no 500-09-000410-787, 1er octobre 1980, jj. Turgeon, Dubé et Nolan, J.E. 80‑866, alors qu'elle a reconnu que la preuve des heures travaillées par des ouvriers pouvait valablement se faire par le dépôt des rapports de travail signés à la fois par les ouvriers et les contremaîtres.  Parlant au nom de la Cour, le juge Dubé conclut que l'intimée n'avait pas à assigner tous les ouvriers pour que chacun vienne déclarer le nombre exact d'heures travaillées (p. 5):

 

Une telle preuve me paraît amplement suffisante et il n'était pas nécessaire pour l'intimée de fournir d'autres preuves sauf au cas où l'appelante aurait produit une preuve mettant sérieusement en doute les montants réclamés.[5]

(Nos soulignements)

[11]    Cela étant dit, le comité conclut que les notes consignées dans le dossier d’un assureur et/ou d’un courtier d’assurance font preuve prima facie des faits qu’elles relatent, sauf si la partie adverse produit une preuve mettant sérieusement en doute leur fiabilité[6];

 

 

 

III.      Les faits

 

[12]    Les faits à l’origine du présent dossier sont relativement simples;

[13]    L’assuré R.R. et son épouse M.R. ont été propriétaires d’un hôtel de 1975 à 2009;

[14]    Cet hôtel comprenait 10 chambres, un bar-salon et une salle à dîner;

[15]    L’hôtel servait principalement d’halte routière pour les camionneurs, lesquels en profitaient pour se rassasier, se reposer et faire le plein de diesel;

[16]    Durant plusieurs années, l’hôtel fut opéré en sous-traitance par deux femmes;

[17]    Quelques temps avant Noël 2008, les assurés se disputent avec leurs sous-traitants et ceux-ci abandonnent l’hôtel;

[18]    L’assuré R.R. décide alors de reprendre à son compte les opérations de l’hôtel;

[19]    À son grand désespoir, dans la nuit du 8 au 9 janvier 2009, l’hôtel est la proie des flammes. Heureusement celui-ci est vacant puisque l’hôtel est fermé durant la période des Fêtes;

[20]    Sans être une perte totale, l’hôtel subit toutefois d’importants dommages, lesquels sont estimés, à l’origine, à un montant de 300 000 $ pour finalement culminer à un montant de 560 000 $;

[21]    Le matin du 9 janvier 2009, l’assuré communique avec son courtier, l’intimé Yvon Lareau, pour l’aviser du sinistre;

[22]    Il s’ensuit alors une partie de bras de fer entre les assurés et leur assureur, ce dernier refusant de les indemniser alléguant principalement une aggravation du risque qui n’aurait pas été déclarée en temps opportun;

[23]    Se fondant sur ce défaut, l’assureur décide d’annuler, en cours de terme, la police d’assurance couvrant les prémisses, par un avis de résiliation[7] du 27 mars 2009, prenant effet le 16 avril 2009;

[24]    À cela s’ajoute le fait que de lourds soupçons pèsent sur l’assuré R.R. suivant lesquels il pourrait être à l’origine de cet incendie;

[25]    À cet égard, il est questionné de long en large par les enquêteurs et experts en sinistre de l’assureur sur les circonstances entourant le sinistre survenu le 9 janvier 2009;

[26]    D’ailleurs, au moment de rédiger la présente décision, la réclamation des assurés qui s’élève à 561 000 $ n’est toujours pas réglée, à l’exception d’un montant de 282 000 $ qui fut versé au créancier hypothécaire;

[27]    Sous-jacent à cette trame factuelle, il y a lieu de souligner les liens étroits qui unissent les assurés à leur courtier d’assurance, l’intimé Yvon Lareau;

[28]    Ainsi, en plus d’agir comme courtier d’assurance pour les assurés, l’intimé leur servait également de prêteur hypothécaire[8];

[29]    La plainte lui reproche cette dualité de rôles (chefs nos 1 à 5);

[30]    La partie poursuivante lui reproche également d’avoir favorisé, à plusieurs reprises, ses intérêts personnels au détriment de ceux des assurés (chefs nos 6a) à h));

[31]    C’est à la lumière de ces faits que devra être tranchée la responsabilité déontologique de l’intimé;

IV.     Motifs et dispositifs

          4.1    Principes généraux    

 

[32]    Avant d’examiner les différents chefs d’accusation, il convient d’établir les règles de droit qui devront guider le Comité de discipline dans son analyse de la culpabilité de l’intimé;

 

 

A)        L’indépendance professionnelle

 

[33]    À cet égard, il y a lieu de se référer aux enseignements du Tribunal des professions[9] sur le sujet :

 

[16]    Pour disposer de l'appel, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes:

I.        Le consentement donné par des clients de l'appelant constitue-t-il une défense à l'accusation d'avoir fait défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle?

II.       Le Comité de discipline contrevient-il aux enseignements officiels de la Chambre des notaires?

III.      La sanction de deux mois constitue-t-elle une sanction trop sévère et inappropriée?

I.        Le consentement donné par des clients de l'appelant constitue-t-il une défense à l'accusation d'avoir fait défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle?

[17]    L'appelant invoque l'article 3.04.04 du Code de déontologie des notaires (R.R.Q. c. N-2, r. 3) qui se lit comme suit:

3.04.04.  Dès qu'il constate qu'il se trouve dans une situation de conflit d'intérêts, le notaire doit en aviser son client et lui demander s'il l'autorise à continuer son mandat.

[18]    Or, ce n'est pas en vertu de cette disposition que l'appelant est poursuivi, mais plutôt en vertu de l'article 3.04.03 du Code de déontologie des notaires :

3.04.03.  Le notaire doit sauvegarder en tout temps son indépendance professionnelle et éviter toute situation où il serait en conflit d'intérêts. Sans restreindre la généralité de ce qui précède, le notaire:

a)    ne peut se constituer, à quelque titre que ce soit, garant ou caution d'un client;

b)    doit s'abstenir de faire des avances de fonds à ses clients, sauf sous forme de déboursés ordinaires;

c)    ne peut conseiller à un client de faire des placements dans une corporation, une entreprise ou des biens dans lesquels il a, directement ou indirectement, un intérêt majoritaire ou un intérêt qui lui permet d'exercer une action significative sur les décisions.

[19]    À cet égard, il faut faire une nette distinction entre l'indépendance professionnelle et le conflit d'intérêt.  Peut être faut-il à l'instar de Me Michel Jetté dans son article L'inconduite disciplinaire du notaire et les conflits d'intérêts (Cours de perfectionnement du notariat, no. 1, p. 269 ss.) déplorer l'absence d'une définition claire de la situation de conflit d'intérêts et le libellé du Code de déontologie qui peut être source de confusion, mais cette distinction a déjà été notée dans Larivée c. Legault, (CD 26-98-00671) et confirmée par le Tribunal des professions (700-07-000004-010), la Cour supérieure (500-05-073845-024) et la Cour d'appel (500-09-012920-021).

[20]    Dans l'article précité, Me Jetté rappelle que le rôle d'officier public du notaire confère à ses actes un caractère authentique et que cette authenticité n'est pas simplement matérielle, mais également intellectuelle.  L'acte doit refléter la volonté réelle et éclairée des parties.  Cette obligation exige un désintéressement total du notaire qui informe et conseille les parties et rédige les conventions nécessaires.

[21]    Certes, le notaire peut accepter d'agir pour le bénéfice de toutes les parties s'il a su imposer et maintenir un degré d'indépendance suffisant même à l'égard de ses principaux clients (Jetté, op. cit. p. 28).

[22]    L'arrêt Patry in trust c. Campbell, (C.A. Montréal 500-09-002293-967, 1999-06-30) analyse la portée de l'article 32 de la Loi sur le notariat (L.R.Q. c. N-2) pour conclure que le notaire qui instrumente l'acte et qui est actionnaire de la société prêteuse est partie à cet acte et que cet acte est frappé de nullité absolue.  La Cour d'appel écrit (p. 3):

Le notaire est un officier public, chargé de recevoir les consentements des parties contractantes et de conférer un caractère d'authenticité à certaines des mentions à l'acte.  En plus, il a un devoir de conseil à l'égard des parties qui comparaissent devant lui.

La nature même de sa fonction exige de sa part la plus grande objectivité, la plus grande impartialité et un désintéressement total devant la transaction qu'il s'apprête à authentifier. 

[23]    La question des conflits d'intérêts et de l'indépendance professionnelle fut analysée par la Cour suprême dans Succession MacDonald c. Martin, (1990 CanLII 32 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1235) concernant les avocats.  À la suite de cet arrêt, les règles relatives aux conflits d'intérêt furent modifiées par le Barreau; depuis 1993, le Code de déontologie des avocats (R.R.Q. c. B-1, r.1) et le Guide distinguent nettement le conflit d'intérêts et l'indépendance professionnelle.  Concernant l'indépendance professionnelle, le Code de déontologie prévoit :

3.06.05.  L'avocat doit sauvegarder en tout temps son indépendance professionnelle et éviter toute situation où il peut trouver un avantage personnel, direct ou indirect, actuel ou éventuel.

[24]    Dans le Guide sur les conflits d'intérêts (Service de recherche … du Barreau du Québec, 8e édition, juin 2001, p. 59) on retrouve le commentaire suivant:

Pour plus de rigueur, on a scindé l'ancien article 3.05.04 qui contenait à la fois des dispositions sur le conflit d'intérêts et des dispositions sur l'indépendance professionnelle.

Les conflits d'intérêts concernent les dossiers des clients dont les intérêts sont opposés.  L'indépendance professionnelle se définit quant à elle par l'opposition des intérêts propres à l'avocat avec ceux d'un client.  Il convenait donc de placer ces deux réalités dans des dispositions séparées.

[25]    Une liste de décisions suit ces commentaires.  Ces décisions établissent que l'intérêt financier personnel du professionnel l'empêche d'exécuter le mandat et ce, parce qu'il ne pourra y sauvegarder son indépendance professionnelle.

[26]    Par ailleurs, le Code de déontologie des avocats prévoit, tout comme celui des notaires, que le professionnel doit éviter toute situation où il serait en conflit d'intérêts:

3.06.06.  L'avocat doit éviter toute situation où il serait en conflit d'intérêts.

Dans l'appréciation de toute situation pouvant donner naissance à un conflit d'intérêts, l'avocat peut consulter un conseil nommé à cette fin par le Barreau.

[27]    Il indique quelques situations de conflit d'intérêts:

3.06.07.  L'avocat est en conflit d'intérêts lorsque, notamment:

         1°  il représente des intérêts opposés;

2°  il représente des intérêts de nature telle qu'il peut être porté à préférer certains d'entre eux ou que son jugement et sa loyauté peuvent en être défavorablement affectés;

3°  il agit à titre d'avocat d'un syndic ou d'un liquidateur, sauf à titre d'avocat du liquidateur nommé en vertu de la Loi sur la liquidation des compagnies (L.R.Q., c. L-4), et représente le débiteur, la compagnie ou la société en liquidation, un créancier garanti ou un créancier dont la réclamation est contestée ou a représenté une de ces personnes dans les 2 années précédentes, à moins qu'il ne dénonce par écrit aux créanciers ou aux inspecteurs tout mandat antérieur reçu du débiteur, de la compagnie ou de la société ou de leurs créanciers pendant cette période.

[28]    Il prévoit que le consentement des parties est un facteur à considérer lors de l'appréciation de la situation de conflit d'intérêts:

3.06.08.  Pour décider de toute question relative à un conflit d'intérêts, il faut considérer l'intérêt supérieur de la justice, le consentement exprès ou implicite des parties, l'étendue du préjudice pour chacune des parties, le laps de temps écoulé depuis la naissance de la situation pouvant constituer ce conflit, ainsi que la bonne foi des parties.

[29]    Il n'en est pas ainsi dans la situation où l'indépendance professionnelle de l'avocat est en cause.  En pareil cas, il n'est pas question de considérer un consentement obtenu des parties.

[30]    Dans le cas de l'appelant, il s'agit non pas d'un problème de conflit d'intérêts, mais d'un problème d'indépendance professionnelle.

[31]    Au moment où l'appelant reçoit l'acte d'obligation, il a reçu les 25 000 $ et les a utilisés pour son bénéfice personnel en les versant à Me El Masri.  L'appelant agit à titre de notaire et de conseiller des parties, Marc Leduc et la Société, à l'égard de laquelle il vient juste de céder ses intérêts personnels.  Par ailleurs, il ne peut sauvegarder son indépendance professionnelle puisque le prêt est fait pour son bénéfice personnel.

[32]    En l'espèce, la qualité de l'acte professionnel ne lui est pas reprochée, mais notons que la description de la garantie est inexacte et les conséquences pour le prêteur sont importantes.  En effet, l'acte indique que l'immeuble est libre de toute hypothèque alors qu'il était déjà hypothéqué en faveur de la Banque de Montréal.  Cette inexactitude explique l'urgence supplémentaire qu'avait l'appelant de régulariser la situation.

[33]    Le consentement des parties ne saurait couvrir la perte de l'indépendance professionnelle de l'appelant et l'autoriser à agir tel qu'il l'a fait et, comme le disait la Cour d'appel, la nature des fonctions de l'appelant exige de sa part la plus grande objectivité, la plus grande impartialité et un désintéressement total devant le contrat qu'il authentifie.  Ce qui est grave, c'est que l'appelant ne semble pas se rendre compte de l'importance de cette exigence de sa profession.

[34]    L'appelant ne soulève aucune erreur dans le raisonnement du Comité de discipline. Il invoque la disposition sur les conflits d'intérêts alors qu'il s'agit d'une infraction aux dispositions relatives à l'indépendance professionnelle.

[35]    Ce raisonnement est conforme à celui auquel en était venue une autre formation du Comité de discipline de la Chambre des notaires dans Larivée c. Legault, (CD 26-98-00671).

[36]    Dans cette affaire, l'appelant a également été condamné par le Comité de discipline pour avoir fait défaut de préserver son indépendance professionnelle.  L'appelant avait soulevé les mêmes arguments que ceux qu'il soulève maintenant devant le Tribunal des professions et ceux-ci avaient été rejetés par le Comité de discipline dont la décision a été maintenue par le Tribunal des professions (700-07-000004-010).

[37]    Insatisfait de ce jugement, l'appelant a saisi la Cour supérieure d'une demande de révision judiciaire qui a été rejetée par le Juge Maurice Lagacé (C.S. Montréal 500-05-073845-024).  Ce jugement a, par la suite, été porté en appel par l'appelant et la Cour d'appel, dans un arrêt du 21 février 2003, a rejeté l'appel au fond (C.A. Montréal 500-09-012920-021).

[38]    Pour tous ces motifs, il faut conclure que le Comité de discipline a bien jugé et le présent Tribunal arrête que le consentement des clients de l'appelant ne constitue pas un moyen de défense à l'accusation d'avoir fait défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle, que l'article 3.04.03 du Code de déontologie des notaires est d'ordre public et qu'un notaire ne peut solliciter et obtenir le consentement de ses clients pour contourner la règle de l'indépendance professionnelle.

             (Nos soulignements)

 

[34]    Il appert de cette décision que le conflit d’intérêts et l’indépendance professionnelle sont deux concepts totalement différents;

[35]    Ainsi, un professionnel qui se retrouve en situation de conflit d’intérêts peut continuer d’agir si son client y consent;

[36]    Par contre, le manque d’indépendance professionnelle ne peut jamais être couvert par le consentement du client;

[37]    Il y a lieu de souligner que ce principe fut confirmé par la Cour d’appel dans un autre dossier concernant le notaire Legault[10];

[38]    Par contre, quelques années auparavant, dans une affaire concernant un avocat[11], la Cour d’appel confirmait l’acquittement de ce professionnel dans les termes suivants :

4.  Dans ses conclusions de fait qui se fondent sur une preuve incontestable, le Comité de discipline a souligné d’une part que c’était avec l’accord de sa cliente que l’appelant, comme avocat, avait prêté cette somme d’argent au débiteur de sa cliente et, d’autre part, que cette transaction avait servi les intérêts de la cliente;

5. Dans les circonstances, le Comité de discipline a conclu, à bon droit, eu égard à la plainte telle que reprochée et aux circonstances alléguées dans cette plainte, que l’avocat n’avait pas contrevenu à son devoir d’indépendance en «se plaçant dans une situation où il pouvait préférer son intérêt à celui de sa cliente». Il est pour le moins difficile de croire que dans le contexte de cette affaire, on puise mettre en doute l’indépendance de l’avocat quant il agit avec le consentement et au bénéfice de sa cliente. Au surplus, au moment du prêt, le rôle de conseil de l’avocat était épuisé. L’avocat ne s’est en aucun temps placé dans une situation où il pouvait préférer son intérêt à celui de sa cliente.

(Nos soulignements)

 

[39]    À la lecture de ce jugement, on constate que la Cour d’appel fonde son jugement sur deux (2) distinctions majeures, à savoir :

1)        Que le rôle de conseil de l’avocat était épuisé.

2)        Que l’avocat ne s’est en aucun temps placé dans une situation où il pouvait préférer son intérêt à celui de sa cliente.

 

[40]    Or, dans le présent dossier, l’intimé, au moment des faits reprochés, était toujours le courtier responsable du client[12];

[41]    De plus, la signature de plusieurs prêts hypothécaires d’une valeur totale de 600 000 $ risquait de le placer dans une situation où, de toute évidence, son indépendance professionnelle pouvait être questionnée;

[42]    Dans les circonstances, le Comité, avec égard pour l’opinion contraire, estime que l’arrêt Matte[13] n’est d’aucune utilité pour la défense;

[43]    Les principes établis par l’affaire Legault[14] et confirmés par la Cour d’appel[15] demeurent intacts et ils s’appliquent au présent cas;

 

 

B)       L’interprétation des dispositions créatrices d’infractions

 

[44]    Cela étant dit, il convient d’examiner les dispositions alléguées au soutien de la plainte, soit l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et l’article 10 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

[45]    L’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers prescrit que :

 

16. Un représentant est tenu d’agir avec honnêteté et loyauté dans ses relations avec ses clients.

 

Il doit agir avec compétence et professionnalisme.

 

(Nos soulignements)

 

[46]    Pour sa part, l’article 10 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages édicte que :

 

10.  Le représentant en assurance de dommages doit éviter de se placer, directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d'intérêts. Sans restreindre la généralité de ce qui précède, le représentant est en conflit d'intérêts:

 

  1°    lorsque les intérêts en présence sont tels qu'il peut être porté à privilégier certains d'entre eux à ceux de son client ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être défavorablement affectés;

 

  2°    lorsqu'il obtient un avantage personnel, direct ou indirect, actuel ou éventuel, pour un acte donné.

 

(Nos soulignements)

 

[47]    Comme on peut le constater, le manque d’indépendance professionnelle n’est pas spécifiquement prévu par l’une ou l’autre de ces dispositions;

 

[48]    D’aucuns pourraient prétendre qu’un ordre professionnel qui désire imposer à ses membres l’obligation de sauvegarder leur indépendance professionnelle doit s’en exprimer clairement par l’adoption d’une disposition spécifique dans son code de déontologie;

 

[49]    À titre d’exemple, qu’il nous soit permis de référer à divers codes de déontologie dont les suivants :

 

 

Chambre de la sécurité financière[16]

 

Article 18

 

Le représentant doit, dans l'exercice de ses activités, sauvegarder en tout temps son indépendance et éviter toute situation où il serait en conflit d'intérêts.

Avocats[17]

 

Article 3.06.05

 

L'avocat doit sauvegarder son indépendance professionnelle quelles que soient les circonstances dans lesquelles il exerce ses activités professionnelles. Il ne peut notamment subordonner son jugement professionnel à l'effet d'une pression exercée sur lui par quiconque.

 

 

Notaires[18]

 

Article 29

 

Le notaire doit subordonner son intérêt personnel ainsi que celui de la société dans laquelle il exerce ses activités professionnelles ou dans laquelle il a des intérêts, à celui de son client et sauvegarder en tout temps son indépendance professionnelle.

 

[50]    Par contre, pour les motifs ci-après exposés, le Comité considère que l’article 10 du Code de déontologie est suffisamment large pour englober l’infraction consistant à faire défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle;

 

[51]    En effet, suivant l’arrêt Pharmascience c. Binet[19], lorsqu’on interprète une disposition d’une loi professionnelle, il faut tenir compte "de l’objet de la loi et de la disposition"[20];

 

[52]    Ainsi, il convient de procéder à une analyse globale fondée sur l’objet de la loi[21];

 

[53]    L’objet de la loi étant d’assurer la protection du public, on doit alors lui donner une interprétation large et libérale afin de lui permettre d’atteindre cet objectif[22];

 

[54]    À l’instar du Code des professions, la Loi sur la distribution de produits et services financiers est une loi d’ordre public dont l’objectif primordial est d’assurer la protection du public, tel que le rappelait la Cour d’appel dans l’arrêt Chauvin c. Beaucage[23];

 

[55]    Il faut reconnaître le caractère spécialisé du Comité de discipline à qui la loi confie le mandat de trancher les plaintes et d’imposer les sanctions le cas échéant. Cette fonction s’exerce dans un but précis : toute Chambre doit assurer la protection du public par un mécanisme d’autodiscipline et de déontologie.

 

[80]    À l’instar de toutes les corporations professionnelles, la Chambre de l’assurance de dommages a comme mission d’assurer la protection du public par le maintien de la discipline de ses membres (art. 312 L.d.p.s.f.).

 

[81]    À titre d’organisme d’autoréglementation, cette chambre a adopté un Code de déontologie des représentants en assurance de dommages. Les deux premiers articles de ce Code porte que :

 

                   SECTION 1

 

                   DISPOSITIONS GÉNÉRALES

 

« 1. Les dispositions du présent code visent à favoriser la protection du public et la pratique intègre et compétente des activités du représentant en assurance de dommages.

 

Dans le présent code, on entend par « représentant en assurance de dommages » l’agent en assurance de dommages et le courtier en assurance de dommages.

 

2. Le représentant en assurance de dommages doit s’assurer que lui-même, ses mandataires et ses employés respectent les dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (1998, c. 37) et celles de ses règlements d’application.

 

[82]    La L.d.p.s.f. peut être assimilée à une loi d’organisation des ordres professionnels. Elle contient des dispositions qui sont d’ordre public de direction. Toute interprétation doit faire primer les intérêts du public sur les intérêts privés. »

 

            (Nos soulignements)

 

[55]    Concernant les règles interprétatives applicables à la LDPSF, la Cour d’appel déclarait dans l’arrêt Marston[24] :

 

[46]    La LDPSF a été conçue pour protéger le public et, pour cette raison principalement, il y a lieu de privilégier une interprétation large et libérale de ses dispositions. À cet égard, je renvoie à l’arrêt Kerr c. Danier Leather Inc. [13] dans lequel la Cour suprême écrit : « La Loi sur les valeurs mobilières est une mesure législative corrective et doit recevoir une interprétation large. »

[47]  Il s’agissait en l’espèce de la loi ontarienne sur les valeurs mobilières, mais le principe interprétatif énoncé par la Cour suprême s’applique intégralement à la LDPSF, qui poursuit le même genre d’objectif.

 

[48]  La LDPSF réglemente l’exercice des professions associées à la vente de produits et services financiers. En ce qui concerne les représentants, ils doivent être détenteurs d’un certificat délivré par l’AMF[14], exercer leurs fonctions « avec honnêteté et loyauté » et agir avec « compétence et professionnalisme »[15].

 

[49]  L’AMF a pour mission de veiller à la protection du public relativement à l’exercice des activités régies par la LDPSF[16]. À cette fin, elle est investie de pouvoirs divers, dont celui de déterminer, par règlement, la formation requise[17], les règles de déontologie[18], etc. La LDPSF crée le « Fonds d’indemnisation des services financiers » qui est affecté au paiement d’indemnités aux victimes de fraude ou de manœuvre dolosive dont est responsable un représentant[19].

 

[50]  Deux chambres sont aussi instituées par la LDPSF, la « Chambre de la sécurité financière » et la « Chambre de l’assurance de dommage ». Elles ont aussi comme mission de s’assurer de la protection du public en maintenant la discipline et en veillant à la formation et à la déontologie de ses membres [20]. Chaque membre nomme un syndic[21] qui est chargé de faire enquête en cas d’allégation d’infraction à la LDPSF[22] en vue d’un éventuel dépôt de plainte devant un comité de discipline[23], qui entend les plaintes et rend sa décision[24].

 

[51]  La LDPSF confère enfin au ministre le pouvoir d’ordonner la tenue d’enquêtes sur toute question relative à l’application de la loi[25].

 

[52]  Ce survol de la LDPSF permet de constater que l’objectif central de cette loi est la protection du public et que les moyens mis de l’avant pour atteindre ce but se rattachent d’abord et avant tout au contrôle de l’exercice de la fonction par la délivrance d’un certificat autorisant son titulaire à exercer sa profession et par le maintien d’une discipline rigoureuse.

 

(Nos soulignements)

 

 

[56]    Pour ces motifs, le Comité considère qu’une interprétation large et libérale de l’article 10 du Code de déontologie doit nécessairement englober l’obligation de sauvegarder son indépendance professionnelle, et ce, dans le but d’assurer l’objectif de la loi, soit la protection du public;

 

[57]    À cet égard, il y a lieu de reproduire, encore une fois, l’article 10 du Code de déontologie, lequel se lit comme suit :

 

10.  Le représentant en assurance de dommages doit éviter de se placer, directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d'intérêts. Sans restreindre la généralité de ce qui précède, le représentant est en conflit d'intérêts:

 

  1°    lorsque les intérêts en présence sont tels qu'il peut être porté à privilégier certains d'entre eux à ceux de son client ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être défavorablement affectés;

 

  2°    lorsqu'il obtient un avantage personnel, direct ou indirect, actuel ou éventuel, pour un acte donné.

 

(Nos soulignements)

 

 

[58]    À la lecture de cette disposition (art. 10), il est clair que celle-ci est suffisamment large pour couvrir un éventail de situations, incluant le manque d’indépendance professionnelle;

 

[59]    De plus, tel que le rappelait la Cour d’appel dans l’affaire Tremblay c. Dionne[25], les éléments essentiels d’un chef d’accusation ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du Code de déontologie alléguées à son soutien[26], et ce, pour les motifs suivants:

 

[84 D'une part, les éléments essentiels d'un chef de plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou du règlement qu'on lui reproche d'avoir violées (Fortin c. Tribunal des professions, 2003 CanLII 33167 (QC CS), [2003] R.J.Q. 1277, paragr. [136] (C.S.); Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, précité; Béchard c. Roy, précité; Sylvie POIRIER, précitée, à la p. 25). De plus, le Code des professions exige simplement que le libellé de l'infraction indique sommairement la nature et les circonstances de temps et de lieu de l’infraction reprochée au professionnel (article 129) et permette à l’intimé de présenter une défense pleine et entière (article 144). J'estime ces exigences remplies en l'espèce. Enfin, en lisant les chefs 1 et 4 de la plainte, il me paraît clair, comme le souligne l'appelant, qu'on ne peut raisonnablement prétendre que leurs termes introductifs « dans le cadre d'un mandat relatif à la surveillance de la construction » ont pu induire l'intimé en erreur sur la portée réelle des infractions reprochées.

 

          (Nos soulignements)

 

[60]    Dans les circonstances, il ne sera pas nécessaire d’examiner la portée de l’article 16 LDPSF puisque l’article 10 du Code de déontologie est suffisamment large pour englober la notion d’indépendance professionnelle;

 

[61]    Quoi qu’il en soit, même l’article 16 LDPSF  est suffisamment large pour couvrir cette situation si l’on applique, par analogie, les enseignements du Tribunal des professions dans l’affaire Couture[27] et plus particulièrement les passages suivants :

 

[118]   En l'espèce, puisque le Code de déontologie des ingénieurs forestiers ne prévoit pas de façon spécifique l'infraction que commet un ingénieur forestier employeur qui limite l'autonomie professionnelle de l'ingénieur forestier employé, le Syndic invoque l'article 59.2 du Code des professions qui traite des actes incompatibles :

« 59.2.  Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l'ordre […] qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice de sa profession. »

[119]   Cet article constitue une disposition générale permettant d'apprécier toute faute  disciplinaire qui ne serait pas autrement prévue par le Code des professions.  Dans son ouvrage, La discipline professionnelle du Québec[96], Me Sylvie Poirier commente cet article dans les termes suivants :

« Lorsque aucune autre disposition de la loi ou des règlements ne prévoit d'infraction spécifique en regard d'une conduite qui, par ailleurs, peut être répréhensible, le libellé plus général de l'article 59.2 du Code des professions habilite le comité de discipline à sanctionner toute conduite d'un professionnel qui est dérogatoire à l'honneur ou à la dignité d'une profession ou à la discipline des membres d'un ordre.

Donc, cette disposition permet d'englober toutes les fautes disciplinaires qui ne seraient pas autrement prévues et, par conséquent, de sanctionner la conduite du professionnel dans son ensemble en évitant que des écarts ne puissent échapper aux mécanismes de surveillance et de contrôle par l'absence de contravention à une infraction spécifique.

D'ailleurs, il est de l'essence même des règles déontologiques des professionnels d'être libellées en termes suffisamment généraux pour prévoir l'inclusion de toute situation qui constitue un manquement à l'éthique professionnelle.  Ainsi donc, contrairement au droit criminel où une personne ne peut être trouvé coupable que d'une infraction expressément définie, en droit disciplinaire, les obligations prévues aux codes de déontologie doivent être comprises dans leur esprit et non dans leur lettre afin d'assurer que les objectifs qu'ils poursuivent puissent être pleinement atteints. »

[120]      L'article 59.2 doit être interprété en fonction du contexte de l'acte reproché.  Dans Bouchard c. Nadeau[97], le Tribunal des professions explicite la portée du concept de dignité de sa profession :

« 16. […] cet article qui est fondé sur la dignité professionnelle n'implique aucun élément obligatoire d'ordre moral.  Il repose sur ce qu'une corporation professionnelle définit, quant à elle, comme l'essentiel d'une bonne conduite susceptible de garantir, aux yeux du public, la confiance et, en corollaire, l'honneur du groupe. 

[…]

24. Il faut également constater que les articles 59.2 et 152 du Code des professions traitent de la dignité professionnelle de façon très élargie et sans paramètre descriptif précis. »

 

            (Nos soulignements)

 

 

[62]    Par contre, l’intimé fut acquitté aux motifs que :

 

[130]      En l'espèce, aucune preuve n'établit que la demande de correction de l'appelant faite à l'employé va à l'encontre de l'intérêt public ou qu'il lui impose de commettre un acte dérogatoire à l'honneur ou la dignité de sa profession ou dérogatoire à la discipline de son ordre. La correction qu'on lui demandait de faire pouvait s'imposer dans le cadre d'une interprétation possible des données puisque le Comité écrit que les « prétentions opposées des parties de Ronnie Hayes et du Regroupement exprimées par M. Couture peuvent être soutenues d'un point de vue forestier ».

[131]       Il faut conclure que le Comité a tranché erronément le conflit entre l'obligation d'indépendance professionnelle imposée par le Code des professions et l'obligation de subordination imposée par le contrat de travail. Le Comité de discipline commet donc une erreur déraisonnable en donnant une portée absolue au principe du « droit à l'indépendance professionnelle » et ce, en ne retenant pas que ce droit n'est mis en cause dans le cadre d'une relation employeur-employé que si les pressions exercées sur le professionnel vont à l'encontre de l'intérêt public ou incite le professionnel à violer son Code de déontologie, ou encore à commettre un acte criminel, à recourir à des procédés douteux, illégaux ou frauduleux ou qui vont à l'encontre des règles de l'art ou de la bonne pratique ou enfin si elles sont susceptibles de porter atteinte à la vie, la santé ou la sécurité d'une personne ou à l'environnement[103].

(Nos soulignements)

 

 

[63]    Cela étant dit, il convient d’examiner la théorie de l’alter ego puisque les infractions reprochées auraient été commises par l’entremise de deux (2) sociétés commerciales appartenant à l’intimé;

 

 

C)       La théorie de l’alter ego

 

[64]    Il ne sert à rien de discourir très longtemps sur cette notion puisque la Cour d’appel a clairement décrété que celle-ci s’applique aux membres de la Chambre de l’assurance de dommages dans l’arrêt Chauvin c. Beaucage[28], tel qu’il appert des passages suivants :

 

[69]   Comme l'a noté le Tribunal des professions dans l'affaire Champagne, la théorie de l'alter ego en droit disciplinaire permet d'attribuer une responsabilité directe et non une responsabilité pour autrui :

Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une responsabilité pour autrui, mais de la responsabilité personnelle du professionnel découlant de la délégation d’autorité pour des actes et des devoirs à lui attribués par la loi. Cette délégation d’autorité est établie par un mandat à l’employé de l’administration de ce qui est du devoir du professionnel d’accomplir. L’employé devient alors l’«alter ego ».[15]

[70]   Ainsi, peu importe que ce tiers soit une personne physique ou morale, comme l'illustre une autre décision du Tribunal des professions dans l'affaire Coutu :

Personne ne conteste qu’il soit en principe légal pour un commerce de vendre du tabac. Le pharmacien propriétaire a toutefois des obligations différentes de celles d’un simple commerçant puisque la loi lui interdit d’exercer un commerce incompatible avec l’exercice de sa profession.

 

Il ne s’agit pas ici d’une obligation du tiers corporatif mais de la sienne propre. La compagnie 2862-1415 Québec Inc. ne fait pas ce qu’elle veut mais bien ce qu’il veut. Il vend du tabac par son entremise.[16]

[71]  La décision du Tribunal des professions dans l'affaire Bond est au même effet :

Tous les éléments nécessaires permettant la levée du voile corporatif étaient donc établis. Cependant, cela était-il vraiment nécessaire? Quand un professionnel décide de mandater un tiers, personne physique ou morale, pour effectuer en tout ou partie ses activités professionnelles, peut-il éviter de répondre au syndic et de lui fournir des documents en soulevant la personnalité juridique autonome du tiers?

[…]

Quand un professionnel mandate un tiers pour accomplir une partie de ses obligations professionnelles, il peut s’attendre à devoir rendre des comptes à cet égard.[17]

[72]    En l'espèce, les Comités de discipline ont bien souvent confondu les notions d'alter ego et la levée du voile corporatif.  Il s'agit pourtant de notions distinctes.

[73]   La portée de l'article 317 C.c.Q. est tout autre.  À cet égard, je m'en rapporte aux propos de l'auteur Paul Martel pour qui l'article 317C.c.Q. permet de retenir la responsabilité de l'âme dirigeante de la compagnie qui :

[…] a utilisé la compagnie qu’il contrôle comme écran, comme paravent pour tenter de camoufler le fait qu’il a commis une fraude ou un abus de droit ou qu’il a contrevenu à une règle intéressant l’ordre public; en d’autres termes, l’acte apparemment légitime de la compagnie revêt, parce que c’est lui qui la contrôle et bénéficie de cet acte, un caractère frauduleux, abusif ou contraire à l’ordre public.[18]

[74]   Certes, comme l'explique Me Martel, la notion d'alter ego est un critère préliminaire à la levée du voile corporatif, mais il faut beaucoup plus :

Il n'y a en soi rien de mal à ce qu'une compagnie soit un alter ego . Ce n'est que si elle est utilisée aux fins répréhensibles énoncées à l'article 317 que le «voile corporatif» peut être soulevé. La jurisprudence est à l'effet qu'en l'absence de fraude, l'identité corporative d'une compagnie, même alter ego, sera respectée.[19]

[75]   Règle générale, la levée du voile corporatif ne sera pas utile en droit disciplinaire puisque la théorie de l'alter ego suffit à faire le lien entre le professionnel et l'acte délégué.

[76]  Sans élaborer de théorie générale sur le sujet, il m'apparaît plus juste d'utiliser les termes « acte délégué » ou « délégation d'autorité » pour qualifier la nature de la responsabilité déontologique, et ce, que cette délégation le soit en faveur d'une personne physique ou d'une personne morale.

          (Nos soulignements)

 

[65]    En conséquence, suivant les enseignements de la Cour d’appel, l’intimé est responsable des actes commis par l’entremise des sociétés commerciales dont il est le principal actionnaire et dirigeant;

 

[66]    C’est à la lumière de ces principes de droit que devra être déterminée la culpabilité ou l’innocence de l’intimé;

 

 

4.2          Chefs nos 1 à 5

 

A)        La preuve

 

[67]    Les chefs nos 1 à 5 allèguent que l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts en agissant, d’une part, comme courtier d’assurance par le biais de son cabinet et, d’autre part, comme créancier hypothécaire par l’entremise de ses compagnies;

[68]    Afin d’établir sa preuve, la syndic a déposé tous les actes hypothécaires[29] ainsi que toutes les polices d’assurance[30] couvrant la période de 2004 à 2009;

[69]    Concernant les prêts hypothécaires, il y a lieu de souligner que l’intimé, au cours des années, a prêté aux assurés plusieurs centaines de milliers de dollars, le dernier prêt intervenu en décembre 2007 était pour un montant de 600 000 $;

[70]    Ce prêt[31] consolidait certaines des anciennes dettes des assurés en plus de leur accorder de nouveaux fonds;

[71]    Enfin, ce prêt était garanti par une hypothèque qui non seulement affectait l’hôtel opéré par les assurés, mais également certains autres terrains leur appartenant;

[72]    Il est important de noter que, suivant le témoignage de l’assuré R.R., c’est de sa propre initiative qu’il a contacté l’intimé pour lui demander de lui avancer des fonds;

[73]    Bref, l’intimé n’a jamais sollicité les assurés pour les convaincre d’emprunter de lui ou de l’une de ses compagnies;

[74]    Suivant l’assuré R.R., les institutions financières exigeaient trop de garanties et il préférait alors se tourner vers un prêteur privé;

[75]    Celui-ci ayant entendu dire que l’intimé prêtait de l’argent, il décida alors de solliciter l’intimé pour un premier prêt[32] hypothécaire en août 2002, d’un montant de 100 000 $;

[76]    De fil en aiguille[33], il s’est retrouvé avec une dette accumulée de 600 000 $ garantie par une hypothèque en faveur de l’une des compagnies appartenant à l’intimé;

[77]    En défense, l’intimé demande le rejet de ces chefs d’accusation aux motifs que :

      Les assurés, par leurs faits et gestes, ont renoncé aux conflits d’intérêts qui pouvaient exister entre les parties;

[78]    De son côté, la syndic plaide que :

      Tous les éléments essentiels des infractions ont été démontrés;

      Les assurés ne pouvaient renoncer à l’application d’une disposition d’ordre public, telle que l’interdiction de se placer en situation de conflit d’intérêts;

B)       Conclusion

[79]    Suivant le Tribunal des professions[34], il faut faire une nette distinction entre l’indépendance professionnelle et le conflit d’intérêts[35];

[80]    Le manque d’indépendance professionnelle ne peut jamais être couvert par le consentement du client[36];

[81]    Par contre, un professionnel placé dans une situation de conflit d’intérêts peut continuer d’agir si son client y consent[37];

[82]    À cet égard, il y a lieu de nuancer cette affirmation suivant la source du conflit d’intérêts;

[83]    Ainsi, lorsque plusieurs clients ont des intérêts conflictuels mais qu’ils consentent de façon expresse ou implicite à retenir les services du même professionnel, alors ce consentement peut servir à couvrir ce défaut ou manquement déontologique[38];

[84]    Il en est autrement lorsque le conflit d’intérêts concerne les propres intérêts du professionnel et, à plus forte raison, ses intérêts financiers[39];

[85]    Dans ce cas, son indépendance professionnelle est irrémédiablement affectée puisqu’il tire un bénéfice personnel du prêt consenti à son client[40];

[86]    Le consentement du client ne constitue pas, dans ce cas particulier, un moyen de défense à l’encontre d’une accusation d’avoir fait défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle[41];

[87]    D’ailleurs, l’article 10 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages prévoit spécifiquement :

 

10.  Le représentant en assurance de dommages doit éviter de se placer, directement ou indirectement dans une situation où il serait en conflit d'intérêts. Sans restreindre la généralité de ce qui précède, le représentant est en conflit d'intérêts:

 

  1°    lorsque les intérêts en présence sont tels qu'il peut être porté à privilégier certains d'entre eux à ceux de son client ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être défavorablement affectés;

 

  2°    lorsqu'il obtient un avantage personnel, direct ou indirect, actuel ou éventuel, pour un acte donné.

 

[88]    Dans les circonstances, force nous est de conclure que l’intimé, en agissant comme créancier hypothécaire des assurés, s’est placé en situation de conflit d’intérêts et a fait défaut de préserver son indépendance professionnelle puisqu’il tirait un «avantage personnel, direct et actuel et même éventuel pour un acte donné»;

[89]    En conséquence, l’intimé sera reconnu coupable des chefs nos 1 à 5 de la plainte pour avoir contrevenu à l’article 10(2) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[90]    Un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs nos 1 à 5;

[91]    Pour conclure sur les chefs nos 1 à 5, le Comité tient à souligner que le consentement du client et l’absence de sollicitation de la part de l’intimé constitueront des circonstances atténuantes majeures au moment de déterminer la sanction.

 

4.3    Chefs nos 6a) à h) 

 

[92]    Les chefs nos 6a) à 6h) reprochent à l’intimé d’avoir, à diverses occasions, favorisé ses propres intérêts comme prêteur hypothécaire au détriment des intérêts des assurés;

[93]    Le Comité tient à rappeler que l’assuré R.R. a déclaré au cours de son témoignage[42] qu’il avait personnellement demandé à l’intimé d’intervenir auprès de l’assureur dans le but que ce dernier obtienne le remboursement de sa créance hypothécaire;

[94]    Le Comité devra donc examiner si cette affirmation non contredite a pour effet d’amoindrir la responsabilité déontologique de l’intimé;

 

4.3.1       Devoir de conseil (chef no 6a)

 

[95]    Le chef no 6a) reproche à l’intimé d’avoir, le 16 avril 2009, conseillé à son client de souscrire une police d’assurance pour protéger et le bâtiment et l’intérêt de l’intimé comme créancier hypothécaire, alors que les assurés ne désiraient qu’une protection couvrant la responsabilité civile;

[96]    Il est à noter que l’acte hypothécaire, alors en vigueur au moment des faits reprochés, contient une clause d’assurance[43] stipulant que :

 

9.       Assurances

L’emprunteur s’oblige à faire assurer contre l’incendie et tous autres risques et pertes habituellement couverts tous les bâtiments qui sont ou seront affectés par la présente hypothèque jusqu’à concurrence de leur pleine valeur de remplacement ou, avec le consentement du prêteur, jusqu’à concurrence d’un montant qui ne pourra en aucun temps être inférieur au montant de la dette ainsi qu’au montant de toutes autres sommes garanties par une hypothèque de rang supérieur ou par une priorité sur l’immeuble.

L’emprunteur s’oblige par les présentes à faire insérer dans ces polices, à titre de mandataire du prêteur, la clause hypothécaire en faveur du prêteur, à dénoncer à l’assureur les droits hypothécaires de ce dernier, à remettre au prêteur ces polices, lesquelles contiendront les clauses usuellement stipulées dans les polices couvrant le même genre de risques, à maintenir celles-ci en vigueur jusqu’à parfait paiement et à fournir au prêteur au moins quinze (15) jours avant leur échéance les reçus de leur renouvellement.

À défaut par l’emprunteur de se conformer à ces diverses obligations, le prêteur, sous réserve de ses autres recours, pourra souscrire pour le compte de l’emprunteur toutes nouvelles assurances et réclamer le remboursement immédiat des primes avec intérêt du jour du paiement, au taux ci-dessus stipulé. Il pourra aussi, aux frais de l’emprunteur, notifier la présente hypothèque à toute compagnie d’assurance intéressée qui n’en aurait pas été avisée, copie ou extrait des présentes pouvant servir à cette notification au besoin.

L’emprunteur avertira sans délai le prêteur de tout sinistre et ne devra entreprendre aucun travail de réparation ou de réfection avant que ce dernier n’ait examiné les lieux et approuvé les travaux projetés au préalable et par écrit. Toute indemnité d’assurance devra être versée directement au prêteur, jusqu’à concurrence du montant de sa créance. Nonobstant toute loi, usage ou coutume à ce contraire, le prêteur pourra imputer l’indemnité au paiement de sa créance ou la remettre, en tout ou en partie, à l’emprunteur pour lui permettre de reconstruire ou réparer l’immeuble, sans que, dans l’un ou l’autre cas, son hypothèque ou ses autres droits ne soient diminués ou affectés de quelque manière que ce soit, si ce n’est par la signature d’une quittance notariée constatant la réduction du présent prêt[44]. »

(Nos soulignements)

 

[97]    De plus, l’article 15a) de l’acte hypothécaire prévoit que l’emprunteur sera en défaut s’il ne se conforme pas aux obligations résultant de la clause d’assurance[45];

 

[98]    Dans les circonstances, peut-on réellement dire que l’intimé s’est placé en situation de conflit d’intérêts alors qu’il avait l’obligation, comme courtier, de conseiller à ses clients, une couverture d’assurance qui soit conforme à leurs besoins et obligations, tels que prévus à l’acte hypothécaire;

[99]    Force nous est de conclure que non seulement les intérêts des assurés convergeaient avec ceux de l’intimé, mais qu’en plus il était spécifiquement dans l’intérêt des assurés d’obtenir une couverture d’assurance qui respecte leurs obligations contractuelles;

[100] D’ailleurs, par analogie, on peut référer à l’article 22 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, lequel stipule :

 

22. Un représentant, une institution financière, un cabinet ou une entreprise finançant l’achat d’un bien ou d’un service et qui exige que le débiteur souscrive une assurance pour garantir le remboursement du prêt doit lui remettre un avis, rédigé de la façon prévue par règlement de l'Autorité, l’informant qu’il a la faculté de prendre l’assurance auprès de l’assureur et du représentant de son choix pourvu que l’assurance souscrite soit à la satisfaction du créancier qui ne peut la refuser sans motifs raisonnables. Ils ne peuvent assujettir la conclusion d’un contrat de crédit à l’obligation pour le client de conclure un contrat d’assurance avec un assureur qu’ils indiquent.

 

Un contrat de crédit ne peut stipuler qu’il est conclu sous la condition que le contrat d’assurance pris auprès d’un tel assureur demeure en vigueur jusqu’à l’échéance du terme ni que la fin d’une telle assurance fait encourir au débiteur la déchéance du terme.

 

Un débiteur n’encourt pas la déchéance de ses droits en vertu du contrat de crédit lorsqu’il résout ou résilie ce contrat d’assurance ou met fin à son adhésion pourvu qu’il ait alors souscrit une assurance auprès d’un autre assureur qui soit à la satisfaction du créancier qui ne peut la refuser sans motifs raisonnables.

 

(Nos soulignements)

 

 

[101] Ainsi, même dans l’hypothèse où l’assuré aurait contracté un emprunt auprès d’une institution financière reconnue, il aurait été dans l’obligation de souscrire une " assurance qui soit à la satisfaction du créancier ";

 

[102] Bref, il était dans l’intérêt des deux parties d’assurer la bâtisse conformément à la clause d’assurance prévue à l’acte hypothécaire.

 

[103] En conséquence et pour ces motifs, l’intimé sera acquitté de l’infraction qui lui était reprochée au chef no 6a);

 

4.3.2       Discussions et négociations (chefs nos 6b), c), f), g), et h))

[104] Les chefs nos 6b), c), f), g) et h) reprochent à l’intimé de s’être placé en situation de conflit d’intérêts, à diverses occasions, lors des discussions et négociations entourant le paiement de la réclamation des assurés;

[105] L’intimé sera acquitté de ces accusations pour les motifs ci-après exprimés;

[106] Premièrement, il y a lieu de rappeler que c’est à la demande expresse des assurés[46] que l’intimé s’était vu confier le mandat d’intervenir auprès de l’assureur afin d’obtenir le plus rapidement possible le remboursement de sa créance hypothécaire;

[107] Deuxièmement, il était dans l’intérêt des deux parties de régler cette réclamation de façon diligente et efficace;

[108] D’ailleurs, tel que le soulignait l’avocat de la défense, les deux parties auraient pu retenir les services d’un seul et même avocat afin d’accélérer le paiement de la réclamation;

[109] Mais il y a plus, suivant la Cour d’appel dans l’affaire Hollinder c. Paul Nudelman Jewellers inc.[47], il était du devoir du courtier d’assurance, de convaincre l’assureur que son client avait une bonne et valable réclamation[48];

[110] À cet égard, le courtier a l’obligation de supporter son assuré dans ses démarches auprès de l’assureur[49];

[111] De plus, il ne s’agit pas d’un cas de manque d’indépendance professionnelle puisque les deux parties avaient les mêmes intérêts, soit le règlement de la réclamation des assurés;

[112] L’intimé n’était pas alors dans une situation où il pouvait être porté à privilégier ses intérêts au détriment de ceux de son client puisque tous deux avaient intérêt à régler cette situation pour le moins épineuse;

[113] Par conséquent, dans ce cas particulier, le consentement de l’assuré peut constituer une fin de non-recevoir aux accusations[50];

[114] Enfin, même si l’on prétend que l’intimé pouvait être tenté de régler à rabais afin de simplement couvrir sa créance hypothécaire, il demeure néanmoins que l’excédent de la réclamation était protégé et défendu par l’avocat dont les assurés avaient retenu les services pour présenter leurs réclamations[51];

[115] Mais il y a plus, conformément aux enseignements de la Cour d’appel[52], il était du devoir de l’intimé, à titre de courtier d’assurance, de prendre tous les moyens nécessaires pour obtenir le règlement de cette réclamation;

[116] Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimé sera acquitté des chefs nos 6b), c), f), g) et h);

 

4.3.3       Renouvellement sans autorisation (chef  no 6d)

 

[117] Le chef no 6d) reproche à l’intimé d’avoir renouvelé, sans l’autorisation des assurés, la police d’assurance de Lloyd’s;

 

[118] Pour les mêmes motifs que ceux exprimés sous le chef no 6a), le Comité considère que l’intimé avait non seulement le droit mais également l’obligation d’assurer la bâtisse, conformément à la clause d’assurance prévue au contrat hypothécaire;

 

[119] Dans les circonstances, les intérêts des deux parties convergeaient et, qui plus est, il était dans le meilleur intérêt des assurés d’éviter un nouveau désastre financier en cas de survenance d’un autre incendie;

 

[120] Pour ces motifs, l’intimé sera acquitté des reproches formulés au chef no 6d);

 

 

4.3.4        Défaut de conseil (chef no 6e)

 

[121] Le chef no 6e) reproche à l’intimé d’avoir déconseillé aux assurés de résilier la police Lloyd’s et d’avoir insisté pour que soit maintenue une valeur de protection de 200 000 $ au profit des intérêts de la compagnie de l’intimé;

 

[122] Le Comité considère que les obligations contractuelles des assurés, telles que prévues à la clause d’assurance de l’acte hypothécaire, exigeaient que ceux-ci maintiennent une couverture d’assurance suffisante pour couvrir la dette hypothécaire;

 

 

[123] En conséquence et pour les mêmes motifs que ceux exprimés sous les chefs nos 6a) et 6d), l’intimé sera acquitté du chef no 6e);

 

4.4    Les questions constitutionnelles

 

A)     Le débat

        

[124] Dans un avis (art. 95 C.p.c.) adressé au Procureur général du Québec, l’intimé demande que certaines dispositions législatives soient déclarées inopérantes aux motifs que :

 

a)      Le président et les membres du comité de discipline n’offrent pas des garanties d’indépendance et d’impartialité suffisantes au sens de l’article 23 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne;

 

b)      La durée du mandat du président et des membres est insuffisante;

 

c)      Les membres du comité sont en conflit d’intérêts perpétuels de par leurs activités de courtiers en assurance de dommages;

 

[125] Fort de cette argumentation, les dispositions pourvoyant à la constitution du Comité seraient, suivant l’intimé, invalides, entraînant par le fait même le rejet de la plainte, faute de compétence du Comité pour l’entendre et en disposer;

 

 

                   B)     Les dispositions législatives

 

[126] Plus particulièrement, l’intimé demande que soient déclarés inopérants les articles 352, 353, 354, 355, 356, 359, 363, 365, 371, 372 et 377 LDPSF comme étant contraires à l’article 23 de la Charte québécoise;

 

[127] À cet égard, il convient de reproduire « in extenso » les dispositions contestées, soit :

 

352. Un comité de discipline est constitué au sein de chaque membre.

 

1998, c. 37, a. 352.

 

353. Un comité de discipline est saisi de toute plainte formulée contre un représentant pour une infraction aux dispositions de la présente loi, de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1) ou de l’un de leurs règlements.

 

1998, c. 37, a. 353; 2009, c. 25, a. 100.

354. Le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière statue sur les plaintes portées contre un représentant en assurance de personnes, un représentant en assurance collective et un planificateur financier.

 

Ce comité statue également sur les plaintes portées contre un représentant de courtier en épargne collective ou un représentant de courtier en plans de bourses d’études inscrits conformément au titre V de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1).

 

Le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages statue sur les plaintes portées contre un agent en assurance de dommages, un courtier en assurance de dommages et un expert en sinistres.

 

Est irrecevable une plainte formulée contre une personne visée au premier ou deuxième alinéas qui exerce une fonction prévue à la présente loi, dont un syndic, un adjoint à un syndic, un enquêteur du syndic ou un membre d’un comité de discipline, en raison d’actes accomplis dans l’exercice de cette fonction.

 

1998, c. 37, a. 354; 2008, c. 7, a. 91; 2009, c. 25, a. 101.

 

355.   Un comité de discipline est composé d’avocats et de représentants.

 

1998, c. 37, a. 355.

 

356.   Les affaires d’un comité de discipline sont dirigées par un président nommé par le ministre, après consultation du Barreau, parmi les avocats ayant au moins dix ans de pratique.

 

Le ministre fixe sa rémunération, ses avantages sociaux et ses autres conditions de travail qui sont à la charge de la chambre.

 

1998, c. 37, a. 356.

 

359.   Une chambre nomme, pour chaque discipline dans laquelle pratiquent ses membres de même que pour les représentants de courtier en épargne collective et les représentants de courtier en plans de bourses d’études inscrits conformément en titre V de la Loi sur les valeurs mobilières (chapitre V-1.1), et selon trois secteurs de commercialisation, un nombre suffisant de membres du comité de discipline qui doivent être choisis parmi les représentants.

 

1998, c. 37, a. 359; 2002, c. 45, a. 470; 2009, c. 25, a. 102.

 

363.   Une chambre fait parvenir au président du comité de discipline la liste des membres qu’elle a nommés pour chaque secteur de commercialisation.

1998, c. 37, a. 363.

 

365.   Le mandat du président est d’au plus cinq ans et celui des autres membres est d’au plus trois ans.

 

À l’expiration de leur mandat, les membres d’un comité de discipline demeurent en fonction jusqu’à ce qu’ils soient nommés de nouveau ou remplacés.

1998, c. 37 a. 365.

371.   Une plainte est entendue par trois membres du comité de discipline désignés par le président, dont un avocat qui préside l’audition.

 

Toutefois, lorsqu’un membre du comité de discipline, autre que celui qui le préside, devient empêché d’agir, l’instruction peut être validement poursuivie et une décision peut être validement rendue par les deux autres membres.

 

1998, c. 37, a. 371.

 

372.   Le président, lorsqu’il estime que le nombre de membres inscrit sur la liste d’un secteur de commercialisation pour une discipline donnée ne permet pas d’effectuer un choix de membres assurant l’impartialité d’une audition, peut y suppléer en désignant tout autre membre du comité de discipline pour entendre une plainte.

 

1998, c. 37, a. 372.

 

377.   Le président, ou un avocat membre du comité de discipline qu’il désigne, peut entendre seul et décider tout moyen préliminaire.

 

(Nos soulignements)

 

 

C)     La durée du mandat du président et des membres

 

[128] Suivant l’article 365 LDPSF, le mandat du président est d’une durée maximum de cinq (5) ans et celui des autres membres est d’au plus trois (3) ans;

 

[129] L’intimé plaide que la durée du mandat du président et des membres du Comité est insuffisante pour leur assurer une indépendance et une impartialité conformes aux exigences de l’article 23 de la Charte québécoise.

 

 

D)     Le conflit d’intérêts des membres exerçant des activités de courtiers

 

[130] Finalement, l’intimé prétend que les deux autres membres du Comité de discipline qui exercent des fonctions de courtiers en assurance de dommages sont en conflit d’intérêts perpétuels de par leurs activités professionnelles de courtiers;

 

 

                   E)     L’argumentation

 

[131] Il y a lieu de souligner que l’avocat du Procureur général du Québec ainsi que celui de l’intimé ont informé le Comité de discipline qu’ils s’en remettaient aux arguments déjà plaidés dans la précédente affaire Lareau[53], le Comité rendra donc, en toute logique,  la même décision;

 

 

F)      Conclusion

 

[132] Pour les motifs élaborés aux paragraphes 199 à 272 de la décision CHAD c. Lareau[54], le Comité conclut au rejet de toutes les questions constitutionnelles soulevées par l’intimé Yvon Lareau et plus particulièrement pour les motifs suivants :

 

a)      L’aménagement structurel du comité de discipline offre des garanties d’indépendance et d’impartialité suffisantes au sens de l’article 23 de la Charte québécoise [55];

 

b)      La durée du mandat du président[56] et des membres du comité de discipline[57] répond au critère de l’inamovibilité puisqu’ils sont à l’abri de toute intervention arbitraire du Ministre ou de la Chambre[58];

 

c)      Les membres du comité de discipline ne sont pas en conflit d’intérêts de par leurs activités de courtiers d’assurance puisque le système disciplinaire repose sur le concept de la justice par les pairs[59];

 

[133] Le Comité déclare donc valides toutes et chacune des dispositions législatives visées par l’avis au Procureur général du Québec (article 95 C.p.c.);

 

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE:

 

Pour les chefs nos 1 à 5 :

 

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs nos 1 à 5 pour avoir contrevenu à l’article 10(2) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et règlementaires alléguées au soutien des chefs nos 1 à 5;

Pour le chef no 6 :   

 

ACQUITTE l’intimé des chefs nos 6a) à 6h)

 

Questions constitutionnelles :

REJETTE les moyens constitutionnels plaidés par l’intimé;

DÉCLARE valides les articles 352, 353, 354, 355, 356, 359, 363, 365, 371, 372 et 377 de la LDPSF;

 

Conclusion :            

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du Comité de discipline

 

 

__________________________________

Mme Lyne Leseize, courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

__________________________________

Mme Francine Normandin, C.d’A.Ass, courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

 

Me Claude G. Leduc

Procureur de la partie plaignante

 

Me Yves Robillard

Procureur de la partie intimée

 

Me Benoit Belleau (absent)

Avocat du Procureur général du Québec

 

Dates d’audiences :

3 octobre 2012

9 et 22 novembre 2012

22 avril 2013

.



[1]     P-2 (c) et/ou P-4, pp. 46 à 51;

[2]     [1974] R.C.S. 501 ou 1973 CanLII 152 (CSC);

[3]     1997 CanLII 10065 (QCCA);

[4]     Ibid., p. 22;

[5]     Ibid, p. 23;

[6]     Voir par exemple, l’affaire Vanier c. Médecins, 2008 QCTP 134, suivant laquelle, il incombe à l’intimé d’assigner le témoin pertinent;

[7]     P-3, p. 30 à 33;

[8]     Prêt no 1 (P-3, p. 365), prêt no 2 (P-3, p. 345), prêt no 3 (P-3, p. 353), prêt no 4 (P-3, p. 307), prêt no 5 (P-3, p. 278) et prêt no 6 (P-3, p. 231);

[9]     Legault c. Notaires, 2003 QCTP 42;

[10]    Legault c. Tribunal des professions, 2003 CanLII 25485 (QCCA);

[11]    Matte c. Pothier et als, REJB-2000-21517 (C.A.);

[12]    Pièce P-3, p. 172, contrat courtier/client;

[13]    Précitée, note 11;

[14]    2003 QCTP 42;

[15]    Précitée, note 10;

[16]    Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière, R.R.Q. ch D-9.2, r. 3;

[17]    Code de déontologie des avocats, R.R.Q., c B-1, r. 3;

[18]    Code de déontologie des notaires, R.R.Q., c. N-3, r. 2;

[19]    [2006] 2 R.C.S. 513 ou 2006 CSC 48;

[20]    Ibid., par. 29;

[21]    Ibid., par. 30;

[22]    Ibid., par. 34 et 35;

[23]    2008 QCCA 922 (CanLII);

[24]    Marston c. AMF, 2009 QCCA 2178 (CanLII);

[25]    2006 QCCA 1441 (CanLII);

[26]    Ibid., par. 84;

[27]    Couture c. Ingénieurs forestiers, 2005 QCTP 95;

[28]    2008 QCCA 922 (CanLII);

[29]    Prêt no 1 (P-3, p. 365), prêt no 2 (P-3, p. 345), prêt no 3 (P-3, p. 353), prêt no 4 (P-3, p. 307), prêt no 5 (P-3, p. 278) et prêt no 6 (P-3, p. 231);

[30]    P-2 (b);

[31]    Prêt no 6, P-3, p.231;

[32]    Prêt no1 (P-3, p. 365);

[33]    Op. cit., note 29;

[34]    Legault c. Notaires, 2003 QCTP 42;

[35]    Ibid., par. 19;

[36]    Ibid., par. 33;

[37]    Ibid., par. 28;

[38]    Ibid., par. 25;

[39]    Ibid., par. 31;

[40]    Ibid.;

[41]    Ibid., par. 38;

[42]    Audition du 3 octobre 2012;

[43]    Prêt no. 6 (P-3, p. 231 à 251);

[44]    Ibid., P-3, p. 238;

[45]    Ibid., P-3, p. 247;

[46]    Voir le témoignage de R.R. lors de l’audition du 3 octobre 2012;

[47]    [1998] CanLII 9834 (QCCA);

[48]    Ibid., p. 5, dernier paragraphe;

[49]    Ibid., p. 7, par. 26;

[50]    Voir par. 19, 28 et 34 de l’affaire Legault c. Notaires, 2003 QCTP 42;

[51]    Lettre de Me Denault confirmant qu’il a reçu mandat des assurés (Pièce P-2, p. 772);

[52]    Hollinder c. Paul Nudelman Jewellers inc., [1998] CanLII 9834 (QCCA);

[53]    CHAD c Lareau, 2012 CanLII 64435, actuellement en appel, voir 2013 QCCQ 2715 (CanLII);

[54]    Ibid.;

[55]    Bruni c. A.M.F., 2011 QCCA 994 (CanLII), par. 68;

[56]    2747-3174 Québec inc. c. R.P.A.Q.,  [1996] 3 R.C.S. 919 ou 1996 CanLII 153 (CSC);

[57]    Prowatt c. C.M.E.Q., 2000 CanLII 6670 (QCCA);

[58]    Valente c. La Reine [1985] 2 R.C.S. 673;

[59]    Pearlman c. Comité judiciaire de la Société du Barreau du Manitoba, [1991] 2 R.C.S. 869, p. 890;

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