Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

2012-12-01(C)

 

DATE :

29 mai 2013

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Francine Normandin, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A., courtier en assurance de dommages

Membre

______________________________________________________________________

 

CAROLE CHAUVIN, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

 

Partie plaignante

c.

 

KATHLEEN HARVEY, inactive et sans mode d’exercice

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

ORDONNANCE DE NON PUBLICATION, DE NON DIFFUSION ET DE NON ACCESSIBILITÉ À TOUT RENSEIGNEMENT DE NATURE PERSONNELLE OU FINANCIÈRE CONCERNANT LES ASSURÉS MENTIONNÉS À LA PLAINTE, LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS

______________________________________________________________________

 

[1]       Les 17 et 18 avril 2013, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages procédait à l’audition de la plainte no 2012-12-01(C);

[2]       Essentiellement, la plainte reproche à l’intimée plusieurs chefs dont certains sont particulièrement graves, soit :

 

Cas-client L.T.

1-   Le ou vers le 19 juillet 2011, a faussement représenté à son assurée Mme L.T. que l’assureur L’Unique Assurances générales inc. n’avait pas « enregistré » son contrat d’assurance habitation et que c’était pour cette raison qu’elle lui offrait un nouveau contrat d’assurance auprès d’Intact Assurance pour sa résidence située au […] à [ville A], alors qu’elle savait qu’aucun contrat n’avait été soumis à L’Unique Assurances générales inc. pour protéger ladite résidence qui était sans protection d’assurance depuis le 8 décembre 2010, le tout en contravention notamment aux dispositions des 15, 37(6) et 37 (7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

2-   Le ou le 21 juillet 2011, a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession en incitant Mme L.T. à ne pas déclarer sa perte pour refoulement d’égout survenu à sa résidence le 18 mars 2011, dans sa démarche pour obtenir des garanties d’assurance pour sa résidence puisqu’au moment du sinistre la résidence était faussement assurée par le cabinet Le Groupe Hallé Assurances et Services Financiers inc., le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 14, 15 et 37 (11) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

 

Cas-client 29**-**45 Québec inc.

 

3-   Le ou vers le 18 juillet 2011, a fait défaut de donner au cabinet Morin Elliot et associés ltée les renseignements d’usage en déclarant à ce dernier que l’assureur antérieur de l’assuré 29**-**45 Québec inc. était Optimum société d’assurance inc., contrat d’assurance no GEN12003324 alors qu’elle savait que ce contrat n’avait pas été renouvelé à son échéance du 15 mars 2011 et que l’assuré était sans protection d’assurance depuis cette date, le tout en contravention notamment aux dispositions de l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

 

Cas-client 18**-**90 Québec inc.

 

4-   Le ou vers le 18 juillet 2011, a fait défaut de donner au cabinet Morin Elliot et associés ltée les renseignements d’usage en déclarant à ce dernier que l’assureur antérieur de l’assuré 18**-**90 Québec inc. était Optimum société d’assurance inc., contrat d’assurance no GEN12003324 alors qu’elle savait que ce contrat n’était pas émis au nom de 18**-**90 Québec inc. et que l’assuré était sans protection d’assurance depuis le 15 mars 2011, le tout en contravention notamment aux dispositions de l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

 

Cas-client L.G.

 

5-   Le ou vers le 18 juillet 2011, a fait défaut de donner à la Compagnie d’assurances Jevco les renseignements d’usage en déclarant à ce dernier que l’assureur automobile antérieur de l’assuré L.G. était AXA, numéro de police à venir, alors qu’elle savait que le véhicule Nissan 2008 que l’assuré croyait être assuré chez L’Unique Assurances générales inc., contrat no 11288954-01 ne l’était pas, ce contrat étant faux et que l’assuré était sans protection d’assurance depuis le 26 novembre 2010, le tout en contravention notamment aux dispositions de l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

 

Engagement auprès du syndic

 

6-   Entre le 13 juillet 2011 et le 25 juillet 2011, alors qu’elle agissait à titre de courtier responsable du cabinet Le Groupe Hallé Assurances et Services Financiers inc., a fait défaut d’agir avec honneur et dignité en ne respectant pas son engagement d’informer les détenteurs de faux contrats d’assurance de ce fait et a fait défaut de rendre compte à 28 clients dudit cabinet à savoir :

 

-        90**-**87 Québec inc.

-        91**-**74 Québec inc.

-        92**-**84 Québec inc.

-        M.B.

-        S.C.

-        Construction C.

-        K.D.

-        Fiducie L.B.

-        Fiducie E.M.

-        Garage L.

-        Immeuble E.F. (1)

-        La M. d’O.

-        J.L.

-        Lo

-        D.M.

-        L.M. et M.G.

-        D.et Y.P.

-        D.P. et P.R.

-        Pri.

-        A.R.

-        91**-**86 Québec inc.

-        D.R. et J.D.

-        Salaison J.T.

-        B. Ste-M.

-        G.T.

-        K.T. et J.R.

-        V.G.

-        O.Z

 

            qu’ils étaient en découvert d’assurance du fait de la fabrication de faux contrats par M. Jérôme Hallé alors que ce dernier était courtier en assurance de dommages rattaché au cabinet et que l’intimée connaissait l’existence de ces faux contrats pour les avoir identifiés, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

7-   Entre le 13 juillet 2011 et le 8 août 2011, alors qu’elle agissait à titre de courtier responsable du cabinet Le Groupe Hallé Assurances et Services Financiers inc., a fait défaut d’agir avec honneur et dignité en ne respectant pas son engagement d’identifier et d’informer 33 autres clients détenteurs de faux contrats d’assurance de ce fait à savoir :

 

-        M.C. et 91**-**24 Québec inc.

-        A.O.

-        A.C. et G.B.

-        R.D.

-        C.H.

-        J._M.L. et 90**-**28 Québec inc.

-        D.B.

-        A.D.

-        C.F., Bar L.V.

-        Fiducie M.F.

-        B.T. et Construction B.

-        P.R.

-        D.C.

-        S.F. et D.D.

-        B.W. et 92**-**19 Québec inc.

-        W.M. et D.M.

-        M.B.

-        L.R. et Fiducie B.L.

-        R.G. et C.S. inc.

-        A.H.

-        Y.G.

-        J.L. et 91**-**93 Québec inc.

-        S.A. et 91**-**59 Québec inc.

-        R.C. et E. M.R.C.

-        L.R.

-        M.L.

-        J.L.

-        L.L.

-        M.L. et R.C.

-        Y.G. et 90**-**98 Québec inc.

-        J.G.

-        B.L. et J.G.

-        C.A et les P.M. et U.N.

 

            qu’ils étaient en découvert d’assurance du fait de la fabrication de faux contrats par M. Jérôme Hallé alors que ce dernier était courtier en assurance de dommages rattaché au cabinet, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

 

Cas-client P. C** inc.

 

8-  Le ou vers le 13 juillet 2011, a faussement déclaré avoir fait un transfert d’argent vers le compte bancaire du client P. C** inc. et /ou F.C. alors qu’il n’en était rien, ledit transfert visant à rembourser la prime payée par l’assuré pour un faux contrat d’assurance fabriqué par M. Jérôme Hallé, alors que ce dernier était courtier en assurance de dommages rattaché au cabinet, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 15, 25, 26, 37(4) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

 

Cas-client C. MC.

 

9-  Le ou vers le 9 août 2011, a fait une déclaration fausse et trompeuse, manquant ainsi de transparence envers son client C. MC. en affirmant à ce dernier ne pas être au courant de la radiation provisoire et immédiate de M. Jérôme Hallé, alors que celui-ci avait été ainsi sanctionné par le comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages le 3 août 2011, le tout en contravention notamment aux dispositions des articles 15, 25, 37(4) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

L'intimée s'est ainsi rendue passible pour les infractions ci-haut mentionnées des sanctions prévues à l'article l56 du Code des professions.

 

[3]       L’intimée était représentée par Me Richard Marsolais alors que la syndic était représentée par Me Jean-Pierre Morin;

[4]       Enfin, l’intimée enregistra un plaidoyer de non-culpabilité à l’encontre de ladite plainte;

 

I.        Les faits

[5]       Le présent dossier s'inscrit dans la foulée du dossier hautement médiatisé de l'ex-courtier Jérôme Hallé;

[6]       Ce dernier fut radié provisoirement[1] le 3 août 2011, ensuite tous ses dossiers furent saisis par l'AMF en vertu d'une ordonnance[2] émise par le Bureau de décision et révision, le 8 août 2011;

[7]       Finalement, un an plus tard, soit le 17 août 2012, celui-ci fut condamné à une radiation permanente[3] et à des amendes totalisant 50 000 $;

[8]       Il fut de plus accusé de fraude en vertu du Code criminel et condamné à une peine d'emprisonnement[4];

[9]       C'est dans ce contexte que s'inscrit le présent dossier;

[10]    Or, l'intimée, Kathleen Harvey, est la conjointe de Jérôme Hallé et son ex-employée dans le cabinet Le Groupe Hallé Assurances et Services financiers inc.[5];

[11]    En l'espèce, le 13 juillet 2011, lors d'une visite de la syndic au cabinet Hallé, à laquelle l'intimée était présente, celle-ci a pris divers engagements auprès de la syndic[6] à titre de gardien provisoire des dossiers[7] de son conjoint, Jérôme Hallé;

[12]    De l'avis de la partie poursuivante, l'intimée aurait manqué à ses engagements (chefs nos 6 et 7) et aurait fait défaut de fournir certains renseignements à diverses personnes physiques ou morales (chefs nos 3 à 5) en plus d’avoir d'avoir fait certaines fausses déclarations (chefs nos 1, 2, 8 et 9);

[13]    C'est à la lumière de ces faits que sera examinée la responsabilité déontologique de l'intimée;

 

II.       Motifs et dispositifs

          A)      La crédibilité de l'intimée

[14]    Dans le présent dossier, l'appréciation de la crédibilité de l'intimée sera déterminée à l'égard de plusieurs chefs d'accusation de la plainte;

[15]    À ce sujet, il est prudent de se référer aux enseignements de la Cour suprême dont notamment les suivants:

 

                R. c. Gagnon, 2006 CSC 17

20    Apprécier la crédibilité ne relève pas de la science exacte.  Il est très difficile pour le juge de première instance de décrire avec précision l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins, ainsi que des efforts de conciliation des différentes versions des faits.  C’est pourquoi notre Cour a statué — la dernière fois dans l’arrêt H.L. — qu’il fallait respecter les perceptions du juge de première instance, sauf erreur manifeste et dominante.

(Nos soulignements)

 

                R. c. Dinardo, 2008 CSC 24

[26]   En première instance, les motifs « justifient et expliquent le résultat » (Sheppard, par. 24).  Dans un litige dont l’issue est en grande partie liée à la crédibilité, on tiendra compte de la déférence due aux conclusions sur la crédibilité tirées par le juge de première instance pour déterminer s’il a suffisamment motivé sa décision.  Les lacunes dans l’analyse de la crédibilité effectuée par le juge du procès, telle qu’il l’expose dans ses motifs, ne justifieront que rarement l’intervention de la cour d’appel.  Néanmoins, le défaut d’expliquer adéquatement comment il a résolu les questions de crédibilité peut constituer une erreur justifiant l’annulation de la décision (voir R. c. Braich, 2002 CSC 27 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 903, 2002 CSC 27, par. 23).  Comme notre Cour l’a indiqué dans R. c. Gagnon, 2006 CSC 17 (CanLII), [2006] 1 R.C.S. 621, 2006 CSC 17, l’accusé est en droit de savoir « pourquoi le juge du procès écarte le doute raisonnable » :

(Nos soulignements) 

 

                R. c. R.E.M., 2008 CSC 51

[31] Plus récemment, dans l’arrêt R. c. Dinardo, 2008 CSC 24 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 788, 2008 CSC 24, rédigé par la juge Charron, la Cour a écarté une approche formaliste.  L’issue de la cause reposait sur la crédibilité.  Les motifs du juge du procès ne précisaient pas toutes les possibilités à envisager avant de tirer une conclusion sur l’existence d’un doute raisonnable comme l’exige l’arrêt R. c. W. (D.), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 742.  Après avoir affirmé que seule la substance, et non la forme, de l’arrêt W. (D.) doit être respectée par le juge du procès, la juge Charron a ajouté ceci :

Dans une cause dont l’issue repose sur la crédibilité, comme en l’espèce, le juge du procès doit répondre à la question déterminante de savoir si la preuve offerte par l’accusé, appréciée au regard de l’ensemble de la preuve, soulève un doute raisonnable quant à sa culpabilité. [par. 23]

 

[32] La juge Charron a ensuite affirmé que, lorsque la question de la crédibilité est déterminante, la déférence est de mise et une intervention rarement justifiée (par. 26).  S’il est vrai que les motifs doivent expliquer pourquoi la preuve ne soulevait pas un doute raisonnable, « aucune règle générale n’exige que les motifs soient suffisamment détaillés pour permettre à la juridiction d’appel d’instruire toute l’affaire à nouveau.  Il n’est pas nécessaire d’établir que le juge du procès avait conscience et a tenu compte de tous les éléments de preuve, ou encore qu’il a répondu à chaque argument soulevé par les avocats » (par. 30).

 

          (Nos soulignements)

 

[16]    En l'espèce, plusieurs éléments de la preuve amènent le Comité à douter de la sincérité et de la crédibilité de l'intimée;

[17]    De façon générale, qu'il nous soit permis de souligner les suivants:

           Son absence de distanciation et de sens critique à l'égard de Jérôme Hallé;

           Le fait qu'elle continue de cohabiter avec Jérôme Hallé malgré ses agissements frauduleux;

           Son attitude protectrice et conciliante envers lui malgré tous les malheurs que ce dernier a pu lui faire endurer;

[18]    Au-delà de ces considérations s'ajoutent plusieurs faits plus particuliers, dont les suivants:

           Son incapacité chronique à donner des réponses claires et nettes à des questions simples;

           À titre d'exemple, à la question no 2 du questionnaire de la syndic (Pièce P‑3), elle répond: «J'ai effectivement inscrit que l'assureur était Optimum» (Pièce P-4, p. 3), par contre, au cours de l'audition du 18 avril 2013, elle affirme que «c'est l'écriture de M. Hallé» (Pièce P-11);

           Lors de la visite de la syndic, le 13 juillet 2011, elle affirme avoir remboursé un client dans les termes suivants: «c'est moi qui l'a fait le paiement, c'est moi qui a fait le transfert, puis il l'a pas reçu.» (Pièce P-9, p. 50);

           En réponse au questionnaire de la syndic, elle mentionne ne pas être en mesure de répondre au motif que «Je n'ai pas le dossier en main pour vous répondre.» (Pièce P-4, p. 6);

           D'autre part, lors de l'audition du 18 avril 2013, alors qu'elle n'a toujours pas le dossier en main puisque celui-ci a été saisi par l'AMF[8], elle répond que le client ne lui a pas fourni le bon numéro de transit pour son compte bancaire, d'où le fait que l'argent n'aurait pas été «reçu» par le client;

[19]    Finalement, le Comité a noté que l'intimée aimait entretenir des demi-vérités et se draper de clair-obscur; à titre d'exemple, soulignons les faits suivants:

           Au lieu de mentionner à l'assurée L.T. que M. Hallé avait fait un faux contrat, elle a préféré lui dire que ce dernier n'avait pas «enregistré» son contrat auprès de l'assureur Unique[9];

           Par ailleurs, lors de la rencontre avec la syndic, le 13 juillet 2011, elle mentionne avoir retrouvé l'homme (J.H.) qu'elle a connu au début de sa relation, soit un homme calme, honnête et transparent[10];

           Par contre, au moment de l'audition du 18 avril 2013, elle déclare avoir expulsé M. Hallé de son domicile conjugal le soir même du 13 juillet 2011 pour finalement le reprendre le lendemain;

[20]    L'ensemble de ces circonstances amène le Comité à douter fortement de la crédibilité de l'intimée;

[21]    À cela s'ajoute le fait que celle-ci est toujours sous l'emprise émotionnelle et psychologique de cet homme qu'elle défend, envers et contre tous, au point d'en être aveuglée et de lui pardonner ses diverses fraudes[11] qui ont pourtant empoisonné son existence depuis plusieurs années;

[22]    C'est à la lumière de ces faits que sera examinée la preuve au soutien de la plainte et plus particulièrement la version fournie par l'intimée pour chacun des chefs d'accusation;

         

          B)     Les chefs nos 1 et 2 (Mme L.T.)

[23]    Le chef no 1 reproche à l'intimée d'avoir faussement représenté à l'assurée L.T. que l'assureur Unique n'avait pas «enregistré» son contrat d'assurance-habitation et qu'elle devait donc lui offrir un nouveau contrat d'assurance avec Intact;

[24]    La preuve au soutien de ce chef d'accusation est particulièrement convaincante;

[25]    D'une part, l'assurée L.T. a clairement affirmé devant le Comité que l'intimée lui avait mentionné, lors d'une conversation téléphonique du 19 juillet 2011, qu'elle n'était pas assurée avec «L'Unique» présumément en raison du fait que cette compagnie d'assurance n'avait pas «enregistré» son contrat d'assurance[12];

[26]    D'autre part, l'intimée, lors de l'audition du 18 avril 2013, a reconnu avoir utilisé cette expression, de même que dans ses réponses adressées à la syndic[13];

[27]    Mais il y a plus, la preuve démontre que l'intimée a délibérément caché la vérité à l'assurée L.T. en omettant de lui mentionner que cette absence de couverture d'assurance était le résultat des agissements frauduleux de son conjoint, Jérôme Hallé;

[28]    Elle a préféré protéger son conjoint au lieu de jouer franc-jeu avec l'assurée L.T. en rejetant la faute sur l'assureur Unique;

[29]    Pour ces motifs, l'intimée sera reconnue coupable du chef no 1 pour avoir contrevenu à l'article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[30]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l'égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 1;

[31]    Quant au chef no 2, celui-ci reproche à l'intimée d'avoir incité l'assurée L.T. à ne pas déclarer une perte antérieure pour refoulement d'égouts;

[32]    D'après l'assurée L.T., l'intimée lui aurait dit qu'il serait préférable qu'elle ne déclare pas le dégât d'eau survenu en mars 2011;

[33]    Mme L.T. mentionne qu'elle a trouvé cette demande particulièrement étrange surtout qu'elle travaille comme agente de service correctionnel (gardienne de prison), elle se fait donc un devoir de respecter la loi;

[34]    Pour sa part, l'intimée prétend que c'est à la demande de Mme L.T. qu'elle a enlevé toute référence à cette perte antérieure;

[35]    Pour les motifs précédemment mentionnés, le Comité n'accorde aucune crédibilité à l'intimée et s'en remet entièrement à la version fournie par l'assurée L.T.;

[36]    L'intimée sera reconnue coupable du chef no 2 pour avoir contrevenu à l'article 37(11) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[37]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l'égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 2;

 

          C)     Chefs nos 3, 4 et 5 (Renseignements d'usage)

[38]    Les chefs nos 3, 4 et 5 reprochent à l'intimée d'avoir fait défaut de donner au cabinet Morin Elliot (chefs nos 3 et 4) et à l'assureur Jevco (chef no 5) les renseignements d'usage sachant que certains assurés étaient sans protection d'assurance en raison des fraudes commises par Jérôme Hallé;

[39]    Encore une fois, la preuve démontre que l'intimée a préféré protéger, envers et contre tous, son conjoint, Jérôme Hallé;

[40]    Il appert, suivant la Pièce P-11 et du témoignage de l'intimée, que Jérôme Hallé, avec son consentement, aurait inscrit sur les soumissions le nom des anciens assureurs au lieu d'informer clairement et sans détours ses interlocuteurs que les assurés avaient été l'objet de fraude et qu'ils étaient donc sans couverture d'assurance depuis plusieurs mois;

[41]    Il s'agit d'un renseignement fondamental qui aurait dû être transmis au cabinet Morin Elliot ainsi qu'à Jevco;

[42]    En effet, en l'absence d'un tel renseignement, il était impossible pour ces personnes de prendre une décision éclairée et en toute connaissance de cause;

[43]    Pour ces motifs, l'intimée sera reconnue coupable des chefs nos 3, 4 et 5 pour avoir contrevenu à l'article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

         

          D)     Chef no 6 (Engagement)

[44]    Le chef no 6 reproche à l'intimée d'avoir fait défaut de respecter son engagement d'informer les détenteurs de faux contrats d'assurance et de rendre compte à ces derniers;

[45]    À cet égard, la preuve démontre que lors de la visite de la syndic, le 13 juillet 2011, l'intimée, à titre de gardien provisoire[14],  a pris l'engagement suivant auprès de la syndic[15]:

           de vérifier l'ensemble des dossiers du cabinet Hallé afin de s'assurer que tous les clients bénéficient d'une couverture d'assurance adéquate et en force;

           d'informer tous les clients à découvert afin qu'ils puissent agir en conséquence;

[46]    Au cours de l'audition, l'intimée a confirmé avoir pris un tel engagement tout en précisant qu'elle n'avait pas eu le temps de communiquer avec l'ensemble des 28 clients puisqu'elle était débordée par les événements;

[47]    À vrai dire, elle a reconnu manquer d'expérience dans le domaine de l'assurance puisqu'elle n'était certifiée que depuis quelques mois[16] au moment des faits reprochés;

[48]    Elle rejette donc la faute sur sa situation familiale et maritale et surtout son manque d'expérience et de compétence dans le domaine;

[49]    Bref, les faits générateurs d'infraction ne sont pas niés par l'intimée, par contre, elle demande au Comité de faire preuve de clémence vu sa situation particulière;

[50]    Dans les circonstances, vu la preuve[17] et les admissions de l'intimée, celle-ci sera reconnue coupable du chef no 6 pour avoir contrevenu à l'article 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

[51]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l'égard de toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 6;

[52]    Finalement, quant aux facteurs atténuants invoqués par l'intimée, ceux-ci seront considérés au moment de l'imposition de la sanction;

         

          E)      Chef no 7

[53]    Le chef no 7 reproche à l'intimée de ne pas avoir respecté son engagement d'identifier et d'informer 33 autres clients détenteurs de faux contrats d'assurance de leur situation en raison de l'absence de couverture d'assurance du fait de la fabrication de faux contrats par M. Jérôme Hallé;

[54]    Le Comité tient à souligner qu'au moment où l'intimée a pris cet engagement le 13 juillet 2011, il n'était question que d'une dizaine de faux contrats d'assurance, suivant l'enquêtrice, Mme Sylvie Campeau[18];

[55]    Ce n'est que plus tard que les parties ont réalisé l'étendue de la fraude[19];

[56]    D'ailleurs, il est intéressant de noter que le chef no 7, contrairement au chef no 6, n'allègue pas que «l'intimée connaissait l'existence de ces faux contrats»;

[57]    L'ampleur des fraudes commises par Jérôme Hallé n'a été découverte que beaucoup plus tard, après la saisie des dossiers par l'AMF[20];

[58]    Dans les circonstances, le Comité estime que l'intimée ne pouvait physiquement remplir son engagement, suivant l'adage bien connu: «À l'impossible, nul n'est tenu.»;

[59]    En conséquence, l'intimée sera acquittée du chef no 7;

 

 

          F)      Chef no 8 (Fausse déclaration)

[60]    Le chef no 8 reproche à l'intimée d'avoir faussement déclaré avoir fait un transfert d'argent vers le compte bancaire d'un client alors qu'il n'en était rien, ledit transfert devant servir à rembourser une prime versée pour un faux contrat d'assurance;

[61]    Avant d'analyser la preuve reliée à ce chef d'accusation, il convient de reproduire les articles 15 et 37(7) du Code de déontologie qui édictent:

 

15.  Nul représentant ne peut faire, par quelque moyen que ce soit, des représentations fausses, trompeuses ou susceptibles d'induire en erreur.

 

37.  Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d'agir à l'encontre de l'honneur et de la dignité de la profession, notamment:

 

(...)

 

  7°    de faire une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d'induire en erreur;

 

[62]    Tel que l'indiquent ces dispositions réglementaires, il suffit que l'information transmise soit «susceptible d'induire en erreur»;

[63]    Or, en l'espèce, voici ce que déclarait précisément l'intimée lors de sa rencontre avec la syndic, le 13 juillet 2011, suivant la Pièce P-9:

 

  Mme Carole Chauvin, syndic:

Q:   O.K. Est-ce que vous avez une preuve du remboursement de mille sept cent quatre-vingt et vingt-quatre (1 785,24 $) de la semaine dernière à monsieur (F.C.)?

 

  Mme Kathleen Harvey, intimée:

R.: Non. Non, je l'ai pas encore, il semble y avoir une problématique. Le client nous a rappelés aujourd'hui disant qu'il ne l'avait pas reçu encore.

C'est moi qui l'a fait, le paiement. C'est moi qui a fait le transfert, puis il l'a pas reçu. Puis là, on a placé un appel à la Caisse pour voir ce qui se passe.

[64]    Dans les circonstances, à la lecture de cet extrait, le Comité n'est pas en mesure de se convaincre qu'il s'agit d'une fausse déclaration ou même d'une déclaration susceptible d'induire en erreur la syndic;

[65]    En effet, l'intimée a pris le soin d'indiquer:

           Qu'elle n'avait pas la preuve du paiement;

           Que le paiement n'avait pas été reçu par le client;

           Qu'elle avait placé un appel auprès de la Caisse populaire pour vérifier l'état de la situation;

[66]    D'autre part, la partie poursuivante n'a présenté aucune preuve permettant de conclure à l'inexistence ou à la fausseté du transfert;

[67]    En défense, l'intimée a prétendu qu'il y avait eu confusion quant au numéro de transit du compte bancaire;

[68]    Le Comité doit donc conclure que la syndic ne s'est pas déchargée de son fardeau de preuve[21];

[69]    En conséquence, l'intimée sera acquittée du chef no 8;

 

          G)     Chef no 9 (Fausse déclaration)

[70]    La partie poursuivante n'a présenté aucune preuve documentaire, ni aucun témoin à l'appui de ce chef d'accusation;

[71]    L'intimée sera donc acquittée purement et simplement de ce chef d'accusation;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

DÉCLARE l'intimée coupable des chefs nos 1, 2, 3, 4, 5 et 6, plus particulièrement comme suit:

Chef no 1:     Pour avoir contrevenu à l'article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages; et

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 1;

 

Chef no 2:     Pour avoir contrevenu à l'article 37(11) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages; et

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 2;

 

Chefs nos 3, 4 et 5:     Pour avoir contrevenu à l'article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

 

Chef no 6:     Pour avoir contrevenu à l'article 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages; et

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures sur toutes les autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef no 6;

 

ACQUITTE l'intimée des chefs nos 7, 8 et 9;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

__________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président du Comité de discipline

 

__________________________________

Mme Francine Normandin, C.d’A.Ass., courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

__________________________________

M. Marc-Henri Germain, C.d’A.A., A.V.A.,  courtier en assurance de dommages

Membre du Comité de discipline

 

Me Jean-Pierre Morin

Procureur de la partie plaignante

 

Me Richard Marsolais

Procureur de la partie intimée

 

Dates d’audience :

17 et 18 avril 2013

 



[1]    CHAD c. Hallé, 2011 CanLII 47819;

[2]    AMF c. Hallé, 2011 QCBDR 67 (CanLII);

[3]    CHAD c. Hallé, 2012 CanLII 50496;

[4]    Ibid., par. 13; voir aussi R. c. Hallé, 2012 QCCQ 9439;

[5]    Pièce P-1;

[6]    Pièce P-6;

[7]    Pièce P-5, p. 4 à 6;

[8]     Ordonnance du 8 août 2011; voir AMF c. Hallé, 2011 QCBDR 67 (CanLII);

[9]    Réponses au questionnaire de la syndic, Pièce P-4, p. 2;

[10]   Pièce P-12, p. 104 et 105;

[11]   CHAD  c. Hallé, 2012 CanLII 50496;

     R. c. Hallé, 2012 QCCQ 9439;

[12]   Voir au même effet les notes de Mme L.T., Pièce P-13;

[13]   Pièce P-4, p. 2;

[14]   Voir Pièce P-4, p. 4 à 6;

[15]   Pièce P-6;

[16]   Voir Pièce P-1: l'intimée fut certifiée le 9 mai 2011 et a cessé de l'être le 31 août 2011;

[17]   Pièces P-6 et I-1 à I-3;

[18]   Voir le contre-interrogatoire du 17 avril 2013;

[19]   Voir Pièce P-8;

[20]   AMF c. Hallé, 2011 QBDR 67 (CanLII);

[21]   Vaillancourt c. Avocats, 2012 QCTP 126;

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