Contenu de la décision
COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC
No : 2024-05-01(E) DATE : 4 novembre 2024
LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Mme Janie Hébert, expert en sinistre Mme Julie Lessard, expert en sinistre
Président Membre Membre
Me SANDRINE BOUCHARD, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de l’assurance de dommages
Partie plaignante c. NATHANIA KALYN, expert en sinistre (inactive et sans mode d’exercice)
Partie intimée
DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION
ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DU NOM DES ASSURÉS ET DE TOUT RENSEIGNEMENT ET INFORMATION PERMETTANT DE LES IDENTIFIER ET PLUS PARTICULIÈREMENT DES PIÈCES SP-2, SP-4 À SP-6, SP-8 ET SP-11 À SP-15, LE TOUT CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS
[1] Le 8 octobre 2024, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition par visioconférence de la plainte numéro 2024-05-01(E);
[2] La syndique adjointe était alors représentée par Me Sandra Robertson et, de son côté, l’intimée assurait seule sa défense;
I. La plainte [3] L’intimée fait l’objet d’une plainte amendée, séance tenante, comportant un seul chef d’accusation, soit :
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À Laval et à Saint-Placide, entre-les ou vers les 27 mai 2022 et 9 août 2022, dans le cadre de son dossier de réclamation N 0 1033939206, l’intimée a agi à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession d’expert en sinistre en déclarant faussement à son assureur que les photos et les documents transmis en lien avec un gazebo étaient reliés à son sinistre, alors que ces photos et ces documents, dont certains étaient falsifiés, émanaient du dossier de réclamation N 0 83077391 des sinistrés R.P. et J.P. dont elle était l’expert en sinistre responsable, contrevenant ainsi aux articles 16, 23, 48, 58 (4), 58 (5) et 58 (6) du Code de déontologie des experts en sinistre.
[4] L’intimée ayant plaidé coupable, les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction;
II. Preuve sur sanction [5] L’avocate de la syndique adjointe, de consentement avec l’intimée, dépose les pièces SP-1 à SP-18;
[6] Un énoncé conjoint des faits est aussi produit sous la cote SP-19; [7] Essentiellement, ces documents ont permis d’établir que l’intimée avait soutiré de la compagnie d’assurance Bélair une somme de 13 245,54 $ en falsifiant divers documents provenant de deux autres assurés (R.P. et J.P.) afin de faire croire qu’il s’agissait de son propre sinistre et ainsi réclamer une indemnisation;
[8] À l’époque des faits reprochés, l’intimée était à l’emploi de Beneva; [9] Dès que son employeur fut informé de cette situation, celle-ci fut congédiée et depuis décembre 2022 l’intimée est inactive et sans mode d’exercice, n’ayant pas renouvelé son certificat;
[10] À la décharge de l’intimée, celle-ci a remboursé l’assureur Bélair en contractant un prêt auprès de sa mère et elle s’acquitte de sa dette envers cette dernière par divers versements mensuels;
[11] C’est à la lumière de cette trame factuelle que le Comité devra examiner le bien fondé de la sanction suggérée par les parties;
III. Recommandations communes [12] À la suite du plaidoyer de culpabilité de l’intimée, les parties, d’un commun accord, ont suggéré d’imposer la sanction suivante :
Chef 1 :
Une radiation temporaire de 12 mois, exécutoire à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée.
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[13] À cette sanction s’ajoutera une condamnation au paiement des déboursés et le cas échéant, au paiement des frais de publication d’un avis de radiation;
[14] À cet égard, la partie plaignante souligne que la sanction suggérée répond aux enseignements de la Cour d’appel 1 concernant les quatre critères suivants :
• La protection du public; • La dissuasion; • L’exemplarité; • Le droit du professionnel de gagner sa vie. [15] De plus, les parties ont considéré dans l’élaboration de leur suggestion commune les facteurs suivants :
a. Facteurs liés à l’intimée : i. Elle est âgée de 36 ans; ii. Au moment des infractions, elle avait trois (3) années d’expérience; iii. Elle n’a pas d’antécédent disciplinaire; iv. Elle a plaidé coupable dès la première occasion au seul chef visé par la plainte disciplinaire;
v. La somme de 13 245,54 $ a été remboursée à Bélair; vi. Elle a perdu son emploi auprès de Beneva; vii. Elle est inactive depuis le 5 décembre 2022. b. Facteurs liés aux infractions : i. Les infractions sont graves et elles sont au cœur de la profession; ii. Les infractions commises par l’intimée mettent en péril la confiance du public et elles portent atteinte à l’image de la profession;
iii.
iv.
L’intimée a utilisé des renseignements de nature confidentielle de R.P. et J.P. qu’elle a obtenus dans le cadre de sa pratique d’experte en sinistre pour son avantage personnel;
L’intimée a falsifié quatre (4) documents, à deux (2) reprises
1 Pigeon. c. Daigneault, 2003 CanLlI 32934 (QC CA) ;
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v.
vi.
vii. viii. ix.
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différentes; Les infractions ont été commises sur une période d’environ deux (2) mois;
Les gestes ne sont pas isolés, ils sont répétés puisque l’intimée a utilisé à trois (3) reprises distinctes des documents obtenus de J.P. dans le cadre de la réclamation dont elle était l’experte en sinistre pour son bénéfice personnel et elle a falsifié quatre (4) documents, à deux (2) reprises différentes;
L’intention malveillante de l’intimée; Manque d’intégrité de l’intimée; Le caractère prémédité des gestes de l’intimée.
[16] Les parties ont également tenu compte des fourchettes des sanctions habituellement imposées pour cette catégorie d’infraction en s’inspirant des décisions suivantes :
a)
b)
c)
d)
Chambre de l’assurance de dommages c. Janvier, 2016 CanLlI 19676 (QCCDCHAD) / chef 1.
i. Paragraphes pertinents : 20 à 22, 25 à 29, 32 et 33. Chambre de la sécurité financière c. Magueny, 2018 QCCDCSF 54 (CanLlI) / chef 1.
ii.
Paragraphes pertinents : 6, 7, 17, 20, 22, 23, 26, 27, 32, 37 à 39, 42 à 45 et 52.
Chambre de la sécurité financière c. Turgeon, 2019 QCCDSCSF 71 (CanLlI) / chef 1.
iii. Paragraphes pertinents : 37, 39 à 51. Chambre de l’assurance de dommages c. Flores, 2019 CanLlI 50650 (QCCDCHAD) / chef 1.
iv. Paragraphes pertinents : 7 à 13, 16, 21 à 24. [17] Suivant cette jurisprudence, ce type d’infraction est habituellement sanctionnée par l’imposition d’une période de radiation variant entre 6 et 24 mois;
[18] En conséquence, les parties demandent au Comité d’entériner leur suggestion
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commune;
IV. Analyse et décision [19] Dans un premier temps, rappelons que le plaidoyer de culpabilité constitue pour l’intimée une reconnaissance que les faits reprochés constituent une faute déontologique 2 ;
[20] De plus, le fait de plaider coupable constitue un facteur atténuant particulièrement important dont le Comité doit tenir compte, sous peine de commettre une erreur 3 ;
[21] Cela dit, la recommandation commune formulée par les parties sera entérinée par le Comité pour les motifs ci-après exposés :
[22] Suivant la Cour suprême dans les arrêts Anthony-Cook 4 et Nahanee 5 , une recommandation commune en matière de sanction ne peut être écartée à la légère;
[23] Ce n’est que dans les cas où la sanction proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou être « d’une autre façon contraire à l’intérêt public »;
[24] D’ailleurs, il est intéressant de noter l’opinion du Tribunal des professions dans l’affaire Conea 6 concernant l’application de l’arrêt Nahanee en droit disciplinaire :
[43] Pour le Tribunal, les principes énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Nahanee s’appliquent en droit disciplinaire.
[44] Le droit disciplinaire est un droit sui generis empruntant aux différentes branches du droit. En ce qui concerne l’audience sur culpabilité et l’administration de la preuve, les règles s’inspirent généralement du droit civil. Cependant, lors de l’audience pour la détermination de la sanction, les règles émanent du droit pénal et du droit administratif.
[45] Par ailleurs, le Tribunal des professions a adopté et appliqué les principes de l’arrêt Anthony-Cook de la Cour suprême en ce qui concerne les recommandations communes de sanctions qui sont directement issus du droit pénal.
[…] 48] À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les principes de l’arrêt Nahanee s’inscrivent dans le courant de ces arrêts et le Tribunal conclut qu’ils trouvent application en matière disciplinaire.
2 Castiglia. c. Frégeau, 2014 QCCQ 849 (CanLlI) par. 29; 3 Boudreau c. Avocats, 2013 QCTP 22 (CanLlI) par.25; 4 R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43; 5 R. c. Nahanee, 2022 CSC 37; 6 Conea c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2022 QCTP 56 (CanLII);
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(caractères gras ajoutés) [25] Dans un même ordre d’idée, la Cour d’appel rappelait, dans l’arrêt Létourneau les principes applicables en semblable matière :
7 ,
[4] Dans l’arrêt récent R. c. Nahanee, le juge Moldaver décrit le déroulement usuel d’une audience sur une recommandation conjointe : « la Couronne lit généralement un exposé conjoint des faits et explique la position conjointe. Habituellement, ces audiences se terminent rapidement, et la peine est infligée sur-le-champ. Le juge est rarement tenu de rendre une longue décision ».
[5] Toujours dans l’arrêt Nahanee, le juge Moldaver résume le critère encadrant le rejet d’une recommandation conjointe :
[25] L’arrêt Anthony-Cook a établi un critère rigoureux fondé sur l’intérêt public auquel il doit être satisfait avant que les juges de la peine ne puissent rejeter une recommandation conjointe faisant suite à un plaidoyer de culpabilité. Au paragraphe 34 de cette décision, notre Cour a déclaré ce qui suit :
Le rejet [d’une recommandation conjointe] dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner.
[26] Ce critère place à dessein la barre très haut. Il vise à encourager les ententes entre les parties, ce qui permet aux tribunaux de sauver du temps d’audience à l’étape de la détermination de la peine. Ce critère constitue également une incitation à inscrire des plaidoyers de culpabilité, ce qui épargne aux victimes et au système de justice la nécessité de tenir des procès coûteux et chronophages (Anthony-Cook, par. 35 et 40). Les accusés en bénéficient parce qu’ils ont un très haut degré de certitude que la peine proposée conjointement sera celle qui leur sera infligée; la Couronne en bénéficie parce qu’elle a l’assurance d’un plaidoyer de culpabilité à des conditions qu’elle est prête à accepter (par. 36-39). Les deux parties en bénéficient également du fait qu’elles n’ont pas à se préparer pour un procès ou pour une audience de détermination de la peine contestée.
[Soulignements ajoutés] [6] L’adoption du critère d’intérêt public vise la protection de la recommandation conjointe des parties et permet « au système de justice de fonctionner de manière efficace et efficiente ».
[…] [9] En matière de recommandation conjointe, la jurisprudence de la Cour est constante. Les juges ne doivent pas « utiliser le critère de l’intérêt public pour simplement imposer la peine qu’ils estiment appropriée » ou « justifier [leur] intervention à partir de l’utilisation implicite d’un critère assimilable à une recommandation conjointe "manifestement non indiquée" ».
7 Létourneau c. R., 2023 QCCA 592 (CanLII);
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[10] Finalement, dans l’arrêt Nahanee, le juge Moldaver précise aussi que : « [l]orsqu’une recommandation conjointe est présentée, ce n’est que dans de très rares cas qu’un juge appliquant le critère de l’intérêt public s’écarte de la peine précise proposée ». Ainsi, bien que le juge puisse écarter une recommandation conjointe selon le critère énoncé plus haut, il convient de reconnaître, comme l’observe le juge Gagnon dans l’arrêt Reyes, que le « pouvoir discrétionnaire en ce domaine est ténu puisqu’il s’agit de l’une des normes les plus limitées d’intervention qui soit ».
(caractères gras ajoutés)
[26] Enfin, pour terminer, il convient de se référer à la jurisprudence récente du Tribunal des professions en matière de recommandations communes;
[27] Le Tribunal des professions, dans une décision récente, soit l’affaire Emrich 8 , rappelait le caractère pour le moins limité de la discrétion du Comité lorsqu’il s’agit d’examiner le bien-fondé d’une recommandation commune :
[16] Pour les motifs qui suivent, je propose d’accueillir l’appel et d’imposer à l’intimé les sanctions qui avaient été proposées à l’origine par les parties.
[17] En effet, sous le couvert d’examiner si les sanctions proposées étaient susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou étaient par ailleurs contraires à l’intérêt public, le Conseil, dans une décision de 150 pages, s’attarde plutôt à la justesse des sanctions et impose finalement les sanctions qui, à son avis, auraient dû être imposées. Ce n’était pas son rôle. Il s’agit là d’une erreur de principe justifiant l’intervention du Tribunal.
[18] Dans l’arrêt R. c. Binet, la Cour d’appel mettait d’ailleurs en garde les juges d’instance contre le risque d’utiliser le critère de l’intérêt public pour simplement imposer la peine qu’ils estiment appropriée. Manifestement, un tel rappel est nécessaire ici.
[…] [63] Dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, le juge Moldaver, rendant jugement pour la Cour suprême, écrivait ceci :
[1] Les discussions que tiennent les avocats du ministère public et ceux de la défense en vue d’un règlement sont non seulement courantes dans le système de justice pénale, elles sont essentielles. Menées correctement, elles permettent un fonctionnement en douceur et efficace du système.
[2] Les recommandations conjointes relatives à la peine — c’est-à-dire lorsque les avocats du ministère public et de la défense conviennent de recommander au juge une peine en particulier, en échange d’un plaidoyer de culpabilité de la part de l’accusé — font partie des discussions en vue d’un règlement. Elles constituent un moyen à la fois accepté et acceptable d’arriver à une entente sur le plaidoyer. On en voit tous les jours dans les salles d’audience partout au pays, et elles sont essentielles au bon fonctionnement du système de justice pénale. Comme l’a dit notre Cour dans R. c. Nixon, ces recommandations conjointes contribuent non
8 Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Emrich, 2022 QCTP 55 (CanLII);
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seulement à ce « que l’on règle la grande majorité des affaires pénales au Canada », mais « elles contribuent donc à rendre le système de justice pénale équitable et efficace » (par. 47).
[…] [41] […] comme je l’ai mentionné, la présentation de recommandations conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Si elles doutent trop, les parties peuvent plutôt choisir d’accepter les risques d’un procès ou d’une audience de détermination de la peine contestée. Si les recommandations conjointes en viennent à être considérées comme des solutions de rechange insuffisamment sûres, l’accusé en particulier hésitera à renoncer à un procès et à ses garanties concomitantes, notamment la faculté cruciale de mettre à l’épreuve la solidité de la preuve du ministère public.
[42] D’où l’importance, pour les juges du procès, de faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui-ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé. [références omises]
[64] Ces principes s’appliquent tout autant en matière de droit disciplinaire. Dans une affaire de Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Gougeon, une formation du Tribunal des professions écrivait ceci en débutant son analyse de la question qui nous intéresse :
[8] Les principes qui gouvernent les recommandations communes en matière disciplinaire sont bien connus. Ils sont identiques à ceux résumés par la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook en matière pénale. Bien qu’un conseil de discipline ne soit pas lié par toute recommandation conjointe, son pouvoir d’aller outre cette recommandation est bien circonscrit. Depuis que la Cour suprême a clarifié l'obligation d'entériner les suggestions communes dans Anthony-Cook, il faut se garder de référer au vocable utilisé avant cet arrêt, comme le Tribunal des professions le soulignait dans Pharmaciens (Ordre professionnel de) c. Vincent. En effet, face à une suggestion commune, le conseil ne peut y déroger - même s’il la considère inadéquate ou déraisonnable - que si elle est à ce point inadéquate ou déraisonnable, qu’elle déconsidère l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public. Si tel n’est pas le cas, il ne revient pas au conseil de s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction suggérée.
[…]
[références omises]
[79] Comme en droit criminel, les parties, en droit disciplinaire, sont bien placées pour en arriver à une recommandation conjointe qui reflète tant les intérêts du public que ceux du professionnel. En principe, ils connaîtront très bien la situation du professionnel et les circonstances de l’infraction, ainsi que les forces et les faiblesses de leurs positions respectives. Le syndic est chargé de s’assurer de la protection du public tandis que l’on exige que l’avocat du professionnel qu’il agisse dans son intérêt supérieur. Et les deux avocats sont tenus, sur le plan professionnel et éthique, de ne pas induire le conseil
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en erreur. Bref, ils sont entièrement capables d’arriver à des règlements équitables et conformes à l’intérêt public. Les tribunaux estiment que les suggestions conjointes présument d'une discussion préalable franche entre les parties à l'aune de leurs intérêts respectifs […]. (caractères gras ajoutés)
[28] Ce jugement s’inscrit dans la lignée des décisions rendues dans les affaires Gougeon 9 et Duval 10 , de plus, ces principes ont été réitérés dernièrement dans l’arrêt Gaudy c. Chiropraticiens 11 ;
[29] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 12 , soit :
• La protection du public; • La dissuasion du professionnel de récidiver; • L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables;
• Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession; [30] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 13 ;
[31] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 14 ;
[32] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 15 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 16 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties;
[33] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 17 ;
9 Audioprothésistes c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 10 Duval c. Comptables professionnels agréés (Ordre des), 2022 QCTP 36 (CanLII); 11 2023 QCTP 48 (CanLII); 12 Op. cit., note 1, par. 37; 13 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 14 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 15 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 16 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 17 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ;
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[34] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune;
[35] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier;
[36] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée;
[37] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans les arrêts Gougeon 18 , Duval 19 , Emrich 20 et Gaudy 21 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.
PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée; DÉCLARE l’intimée coupable des infractions reprochées au chef 1 et plus particulièrement comme suit :
Chef 1 : pour avoir contrevenu à l’article 58 (6) du Code de déontologie des experts en sinistre (R.L.R.Q. c. D-9.2, R.4);
PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef 1 de la plainte amendée;
IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes : Chef 1 : une radiation temporaire de 12 mois, exécutoire à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée;
ORDONNE à la secrétaire du Comité de discipline de faire publier, à compter de la remise en vigueur du certificat de l’intimée, un avis de radiation temporaire, les frais de publication étant alors à la charge de l’intimée;
CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés incluant, le cas échéant, les frais de publication de l’avis de radiation temporaire;
18 Op. cit., note 9; 19 Op. cit., note 10; 20 Op. cit., note 8; 21 Op. cit., note 11;
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____________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président
____________________________________ Mme Janie Hébert, expert en sinistre Membre
____________________________________ Mme Julie Lessard, expert en sinistre Membre
Me Sandra Robertson Procureure de la partie plaignante
Mme Nathania Kalyn Partie intimée (se représentant seule)
Date d’audience : 8 octobre 2024, par visioconférence