Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2023-09-02(E) DATE : 15 avril 2024

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Président Me Benoit Loyer, expert en sinistre en assurance de Membre dommages des particuliers M. Daniel Balthazar, expert en sinistre Membre

Me CATHERINE BAZINET, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. JESSIE MONDÉSIR, expert en sinistre en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

DÉCISION SUR SANCTION

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DU NOM DES ASSURÉS ET / OU DES CONSOMMATEURS ET DE TOUTE INFORMATION OU RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER ET MENTIONNÉS DANS LA PLAINTE ET LES DOCUMENTS PRODUITS À SON SOUTIEN, PLUS PARTICULIÈREMENT LES PIÈCES P-2 ET P-3, LE TOUT AFIN DE PROTÉGER LEUR VIE PRIVÉE CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q., c. C-26)

[1] Le 14 mars 2024, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition sur sanction de la plainte numéro 2023-09-02(E), par visioconférence ;

[2] La syndique adjointe était représentée par Me Mathieu Cardinal et, de son côté, l’intimée se représentait elle-même ;

[3] Le 24 janvier 2024, l’intimée a été reconnue coupable soit :

1

de l’infraction suivante,

1 ChAD c. Mondésir, 2024 CanLII 8852 (QC CDCHAD);

2023-09-02(E)

PAGE : 2

D’avoir exercé ses activités de façon négligente dans le cadre de la réclamation de P.B. (n o de sinistre XXXXXXXXX) concernant le vol de certains de ses effets personnels ;

[4] Les parties n’ayant pas réussi à s’entendre sur une suggestion commune, elles ont alors procédé à présenter leurs arguments respectifs ;

I. [5]

Preuve sur sanction L’intimée a témoigné pour souligner certains faits : Elle considère vivre une situation difficile en raison de l’atteinte à sa réputation professionnelle que lui causent les procédures disciplinaires ;

Elle insiste pour mentionner, à plusieurs reprises, qu’elle n’a pas agi avec malveillance et qu’elle n’était pas animée d’aucune intention coupable ;

De plus, elle précise avoir appris sa leçon et qu’elle considère que les besoins du client doivent être traités en premier lieu ;

Par contre, selon elle, les faits reprochés sont le résultat d’un surplus de travail durant la pandémie et d’un manque de personnel ;

Elle insiste sur le fait que dorénavant elle planifie mieux son travail et assure un meilleur suivi de ses dossiers ;

Elle souligne n’avoir aucun antécédent disciplinaire et réitère qu’elle n’était animée d’aucune intention malveillante et qu’il s’agit d’une simple erreur dans le suivi de son dossier ;

[6] Cela dit, elle conclut en demandant au Comité de faire preuve de clémence et de ne pas lui imposer d’amende, ni de frais ;

II. Représentations sur sanction A) Par la syndique adjointe [7] La partie plaignante réclame comme sanction l’imposition d’une amende de 4 000 $ et les déboursés inhérents au dossier ;

[8] De l’avis du procureur de la syndique adjointe, cette sanction répond aux critères développés par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault

2

2003 CanLII 32934 (QC CA);

2

, soit :

2023-09-02(E) PAGE : 3 La protection du public ; La dissuasion ; L’exemplarité ; Le droit du professionnel de gagner sa vie. [9] La partie plaignante soutient également qu’une amende de 4 000 $ tient compte des facteurs aggravants suivants :

La durée de l’infraction (environ quatre (4) mois) ; La gravité objective de l’infraction ; La mise en péril de la protection du public ; Le lien direct avec l’exercice de la profession ; Les avertissements émis par le Bureau du syndic en 2019 (P-2 et P-3) ; L’expérience de l’intimée, laquelle exerce en assurance depuis 2013 ; Le risque élevé de récidive puisque l’intimée ne semble pas avoir fait aucune introspection suite à la plainte disciplinaire ;

[10] Par contre, la syndique adjointe reconnaît que l’intimée doit bénéficier de certains facteurs atténuants, soit :

Son absence d’antécédent disciplinaire ; Sa volonté de corriger ses méthodes de travail ; Son absence d’intention malveillante ; Le fait qu’elle n’a retiré aucun bénéfice personnel des faits reprochés ; Le manque de personnel durant la pandémie ; L’effet dissuasif du processus disciplinaire ; [11] Cela étant établi, la partie poursuivante considère que l’imposition d’une amende de 4 000 $ s’inscrit dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour ce type d’infraction, tel qu’il appert de la jurisprudence suivante :

ChAD c. Giluni, 2018 CanLII 38262 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Vaudeville, 2021 CanLII 140156 (QC CDCHAD) ;

2023-09-02(E) PAGE : 4 ChAD c. Boily, 2022 CanLII 54740 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Allaire, 2022 CanLII 114650 (QC CDCHAD) ; [12] En conclusion, Me Cardinal demande au Comité d’imposer l’amende suggérée ; B) Par l’intimée [13] Suivant l’intimée, sa réputation professionnelle étant déjà gravement affectée, elle demande l’imposition d’une simple réprimande ;

[14] Enfin, dans le cas le Comité choisit de lui imposer une amende, elle sollicite un délai de paiement de 12 mois pour lui permettre d’acquitter celle-ci et les frais ;

III. Représentations sur sanction 3.1 Notes liminaires [15] Dans un premier temps, le Comité tient à souligner que la sanction disciplinaire n’a pas pour objectif de punir le professionnel mais vise plutôt à protéger le public, tel que le rappelait dernièrement la Cour d’appel dans l’arrêt Paquin c. Lapointe 3 :

[83] Le Tribunal insiste longuement sur les visées protectrices de la disposition en cause. Il souligne à juste titre que le droit professionnel a pour objet premier la protection du public, qu’il se distingue à maints égards du droit pénal et que la sanction disciplinaire ne poursuit pas un objectif proprement punitif.

(caractères gras ajoutés)

[16] D’autre part, tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Morand c. McKenna 4 , une infraction commise sans intention malveillante justifie l’imposition d’une sanction plus clémente :

3 4

[47] Premièrement, les facteurs atténuants excèdent de beaucoup ici les facteurs aggravants. Les infractions commises sont graves. Toutefois, l'absence de volonté de causer préjudice, notée d'ailleurs par le Comité de discipline, l'absence d'antécédents disciplinaires et l’absence de risque de récidive font en sorte que la sanction imposée est particulièrement sévère dans les circonstances de l'espèce. Elle l'est d'autant plus que ces deux infractions sont intimement liées et participent d'une seule et même transaction.

(…) [51] Or, dans le cas de l’intimé, le Comité note plutôt l’absence de volonté de transgresser la norme déontologique et n’observe pas de mauvaise foi

2023 QCCA 1129 (CanLII); 2011 QCCA 1197 (CanLII);

2023-09-02(E) PAGE : 5 de la part de l’agent inscripteur, ce qui aurait militer en faveur d’amendes minimales. Le Comité écarte l’imposition d’une suspension vu l’absence d’action ou d’omission de propos délibéré, mais il impose une sanction qui risque d’équivaloir ou même d’excéder le montant des commissions que l’intimé aurait pu gagner au cours d’une période de suspension de 30 jours.

(caractères gras ajoutés)

[17] Enfin, il est d’une importance capitale de considérer l’individualisation de sa sanction et sa proportionnalité eu égard à la responsabilité morale de l’intimée, tel que le rappelait le Tribunal des professions dans l’affaire Serra 5 :

[115] Ainsi, ce qui doit guider une instance disciplinaire lors de l’imposition de la sanction est le principe de l’individualisation et de la proportionnalité. Un conseil de discipline ne sanctionne pas d’abord une faute déontologique, mais plutôt un professionnel ayant contrevenu à certaines règles en posant certains gestes précis. L’analyse doit donc porter sur les faits particuliers de l’affaire et sur le professionnel à sanctionner, comme l’a précisé le Tribunal des professions dans Brochu :

[69] Il faut rappeler que le rôle du Comité ne consiste pas à sanctionner seulement un comportement mais à imposer une sanction à un professionnel qui a eu un comportement fautif. L’attention se porte aussi sur l’individu en fonction du geste qu’il a posé (…)

[116] Les objectifs de la sanction disciplinaire sont énoncés au paragraphe 38 de l’arrêt Pigeon c. Daigneault, soit « au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession » et ils s’inscrivent dans l’esprit de cette règle fondamentale de l’individualisation et de la proportionnalité. Le but visé par la sanction disciplinaire est la protection du public et pour l’atteindre, les conseils de discipline doivent trouver un juste équilibre entre tous ces objectifs, en insistant à l’occasion sur l’un ou l’autre en relation avec le cas particulier, mais pas au détriment des autres objectifs.

(…) [121] En définitive, un conseil de discipline qui ne considère pas à sa juste valeur les principes de l’individualisation et de la proportionnalité risque fort de commettre une erreur de principe et d’imposer une sanction manifestement non indiquée.

(caractères gras ajoutés)

[18] C’est en tenant compte de ces principes que le Comité imposera une sanction juste et appropriée à son cas particulier ;

5

Serra c. Médecins (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 1 (CanLII);

2023-09-02(E)

PAGE : 6

3.2 La sanction [19] Suivant la jurisprudence soumise par la syndique adjointe, le type d’infraction commise par l’intimée est habituellement sanctionné par une amende variant entre 2 000 $ et 4 000 $ ;

[20] Cela dit, les sanctions retenues par cette jurisprudence sont le résultat d’une recommandation commune ;

[21] Or, une sanction issue d’une négociation n’a pas le même poids qu’une peine établie après un débat contradictoire 6 ;

[22] Par contre, elle n’est pas sans valeur et, dans certains cas, elle peut constituer un précédent pertinent 7 ;

[23] Au-delà de ces questions, le Comité considère que la sanction appropriée au cas individuel de l’intimée est une amende de 3 000 $ pour les motifs ci-après exposés ;

[24] Selon le Comité, tout en reconnaissant que l’intimée doit bénéficier de plusieurs facteurs atténuants, il demeure néanmoins qu’elle présente un risque élevé de récidive en raison de son manque total d’introspection ;

[25] À cela s’ajoute sa tendance à rejeter la faute sur son employeur et/ou ses compagnons de travail ;

[26] D’autre part, le Comité doute qu’elle ait effectivement pris des moyens concrets pour éviter la répétition de cette situation ;

[27] Ses engagements, à cet égard, semblent beaucoup plus être de simples vœux pieux plutôt que des gestes concrets visant à remédier à ce type de situation ;

[28] Ainsi, à la lumière de ces facteurs aggravants, le Comité aurait été porté à imposer une amende de 4 000 $ ;

[29] Par contre, l’absence d’intention malveillante de la part de l’intimée et le fait qu’il s’agit de sa première plainte disciplinaire amènent le Comité à conclure que l’imposition d’une amende de 3 000 $ sera suffisante pour assurer la protection du public.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : IMPOSE à l’intimée la sanction suivante: Chef 1: une amende de 3 000 $

6 7

Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 45; Tremblay c. Travailleurs sociaux, 2023 QCTP 57 (CanLII), par. 64;

2023-09-02(E)

PAGE : 7

CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés ; ACCORDE à l’intimée un délai de paiement de 12 mois pour acquitter le montant de l’amende et des déboursés, le tout calculé à partir du 31 e jour de la signification de la présente décision.

____________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

____________________________________ Me Benoit Loyer, expert en sinistre en assurance de dommages des particuliers Membre

____________________________________ M. Daniel Balthazar, expert en sinistre Membre

Me Mathieu Cardinal Procureur de la partie plaignante

Mme Jessie Mondésir (personnellement) Partie intimée

Date d’audience : 14 mars 2024 (par visioconférence)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.