Contenu de la décision
COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC
No: 2022-04-02(E) DATE : 1 0 janvier 2024
LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat M. Daniel Balthazar, expert en sinistre Mme Janie Hébert, expert en sinistre
Président Membre Membre
Me PASCAL PAQUETTE-DORION, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages
Partie plaignante c. JIMMY FEQUET, expert en sinistre (inactif et sans mode d’exercice)
Partie intimée
DÉCISION SUR DEMANDE CONJOINTE EN RETRAIT DE LA PLAINTE DISCIPLINAIRE
[1] Le 29 novembre 2023, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition d’une « Demande conjointe en retrait de la plainte disciplinaire » dans le dossier numéro 2022-04-02(E), par visioconférence ;
[2] Le syndic adjoint était alors représenté par Me Karoline Khelfa et, de son côté, Me Giuseppe Battista agissait pour l’intimé ;
I. Demande de retrait [3] L’intimé fait actuellement l’objet d’une plainte comportant un seul chef d’accusation, lequel lui reproche d’avoir exercé ses activités de manière négligente dans le cadre du traitement de la réclamation des assurés T.C.H., T.H.N.H. et H.T.H. pour lesquels il agissait aux termes du contrat d’assurance habitation no HPC XXXXXX émis par La compagnie mutuelle d’assurance Wawanesa à la suite d’un incendie, notamment :
En omettant de justifier à l’assureur et/ou P.M., l’expert en sinistre mandaté par l’assureur, les travaux additionnels à réaliser; et
En ne leur transmettant pas toutes les informations demandées afin de justifier les dépenses et frais encourus réclamés par les assurés.
2022-04-02(E) PAGE: 2 [4] Les parties demandent conjointement l’autorisation de retirer ladite plainte disciplinaire ;
[5] Cette demande de retrait est fondée sur l’engagement (PR-1) signé par l’intimé, lequel se lit comme suit :
1.
2.
J’accepte et m’engage à ne plus agir comme expert en sinistre dans la province de Québec et à ne présenter aucune demande à l’Autorité des marchés financiers afin d’obtenir un certificat en assurance de dommages, ni en expertise en règlement des sinistres ;
J’accepte et comprends qu’en cas de non-respect, en partie ou en totalité, du présent Engagement, le syndic de la Chambre de l’assurance de dommages pourra déposer de nouveau les accusations devant le Comité de discipline à son encontre ;
[6] Cela dit, les parties demandent au Comité d’autoriser le retrait de la plainte vu que la protection du public est assurée par l’engagement signé par l’intimé (PR-1) ;
II. Analyse et décision [7] Suivant la Cour d’appel 1 , la plainte appartient au Comité de discipline et seul celui-ci peut autoriser le retrait de la plainte :
[27] Mon collègue reconnaît d’ailleurs cette possibilité dans ses motifs. Par contre, avant cette étape, il laisse ouverte la question d’un retrait de citation par décision unilatérale, sans aucun contrôle par le comité. Avec égards, je crois qu’il faut écarter une telle possibilité. D'abord, la Loi n'établit pas une distinction, une fois que le comité est saisi d'une citation. Ensuite, pour le policier concerné, que le retrait d'une citation se fasse en cours d'enquête ou uniquement après des incidents préliminaires ne change rien. Enfin, une fois que le comité a la saisine de la citation, il me semble que c'est lui qui est le mieux placé pour décider s'il y a lieu, dans l'intérêt public, de continuer le dossier. En effet, contrairement au commissaire, le comité fonctionne alors dans un processus contradictoire et public et il ne peut rendre une décision sans avoir entendu les représentations des parties concernées. De plus, sa décision devra être motivée et pourra faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour du Québec ou par la Cour supérieure, selon le cas. Il me semble qu'un tel processus, plus formel qu'une analyse interne par le seul commissaire, offre de meilleures garanties d'une décision prise dans l'intérêt public.
[28] En résumé, je suis d'avis que la logique législative favorise la conclusion que le retrait d’une citation doit toujours recevoir l’aval du comité et ne peut jamais relever de la seule discrétion du commissaire, et ce, afin de protéger l’intérêt public. Cette conclusion offre aussi l’avantage d’être conforme avec la jurisprudence développée à l’égard des personnes régies par le Code des professions et par des lois particulières comme les courtiers en immeubles, citée par mon collègue dans ses motifs. Quant à moi, l'analogie avec le processus disciplinaire prévu au Code des
1
Palacios c. Comité de déontologie policière, 2007 QCCA 581 (CanLII);
2022-04-02(E) PAGE: 3 professions est pertinente et le fait qu'une plainte privée ne puisse être déposée devant le comité, contrairement à ce qui est possible en vertu du Code des professions, ne change pas la similarité des processus en cause : plainte par un tiers; enquête par une personne spécialisée (commissaire ou syndic); dépôt d'une citation ou d'un chef d'accusation par cette personne; processus contradictoire devant un comité spécialisé; fardeau de preuve civile du poursuivant; et finalité d'intérêt public du processus, soit assurer le respect de normes de comportement par les professionnels ou les policiers. Que le législateur ait considéré inapproprié le dépôt de plaintes privées devant le comité, contrairement à ce qui est possible en vertu du Code des professions, n'y change rien sauf qu'il indique l'intention du législateur de mettre les policiers à l'abri de plaintes manifestement non fondées ou vexatoires. Il demeure cependant que le rôle du syndic en vertu du Code des professions est essentiellement le même que celui du commissaire en vertu de la Loi : faire une enquête, monter un dossier et, s'il y a lieu, saisir le comité approprié afin d'y faire sa preuve.
(caractères gras ajoutés) [8] À cet égard, plusieurs facteurs doivent être considérés lors de la demande de retrait de plainte, tel que le soulignait le Tribunal des professions dans l’arrêt Jovanovic 2 :
[27] À l'instar des principes mis de l'avant lorsque les comités de discipline se voient soumettre des suggestions communes en regard de sanctions à imposer, le Tribunal croit que ces derniers doivent, lorsqu'ils sont saisis de demande de retrait de plainte, exercer judiciairement leur pouvoir discrétionnaire en tenant compte de toutes les circonstances propres au cas soumis et en motivant adéquatement leur décision de refuser la demande présentée avec l'accord de toutes les parties. Ainsi, ils ne devraient pas refuser une telle demande lorsqu'elle leur est présentée par des procureurs sérieux et compétents qui démontrent, comme c'est le cas en l'instance, avoir pris toutes les mesures nécessaires, lors de leurs négociations, pour assurer que la protection du public ne serait pas mise en péril en raison ou à la suite de l'autorisation d'un tel retrait.
(caractères gras ajoutés)
3 ;
[9] Cela dit, le facteur le plus important est celui de la protection de l’intérêt public [10] D’ailleurs, la Cour d’appel, dans l’affaire Palacios 4 , fut très claire sur cette question : « Le Comité doit être alors guidé uniquement par l’intérêt public » (par. 23) ; « C’est lui qui est le mieux placé pour décider, s’il y a lieu, dans l’intérêt public, de continuer le dossier » (par. 27) ;
[11] Dans le présent dossier, le Comité n’a aucune hésitation à conclure que la
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4
Jovanovic c. Médecins (ordre professionnel des), 2005 QCTP 20 (CanLII); Adessky c. Takefman, 2011 QCTP 178 (CanLII), par. 33; Jarry c. Copti, 2023 QCCS 298 (CanLII), par. 39, 43, 54 et 55; Op. cit., note 2;
2022-04-02(E) PAGE: 4 protection du public ne sera pas mise en péril par le retrait de la plainte considérant : L’état de santé précaire de l’intimé et son âge ; Sa retraite et la cessation de toute activité professionnelle ; Son engagement dûment signé ; [12] Pour l’ensemble de ces motifs, la demande conjointe en retrait de la plainte est accueillie par le Comité.
POUR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND ACTE de l’engagement de l’intimé (PR-1) et lui ORDONNE de s’y conformer ;
AUTORISE le retrait de la plainte ; RÉSERVE au syndic tous ses droits et recours ; AUTORISE la secrétaire du Comité de discipline à notifier la présente décision par courriel aux parties ainsi qu’à leurs procureurs afin de valoir signification ;
LE TOUT, sans frais.
___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président
___________________________________ M. Daniel Balthazar, expert en sinistre Membre
Me Karoline Khelfa Avocate de la partie plaignante
___________________________________ Mme Janie Hébert, expert en sinistre Membre
Me Giuseppe Battista Avocat de la partie intimée
Date d’audience : 29 novembre 2023 (par visioconférence)