Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

: 2022-10-01(C)

DATE :

LE COMITÉ : M e Daniel M. Fabien, avocat M me Sandra Huard, courtier en assurance de dommages M me Sophie Chalifour, courtier en assurance de dommages

Vice-président Membre

Membre

M E YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

c.

Partie plaignante

ANNIE LAVIGUEUR, courtier en assurance de dommages Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET NON-DIFFUSION DU NOM DE L’ASSURÉE VISÉE PAR LA PLAINTE ET DES RENSEIGNEMENTS PERMETTANT DE L’IDENTIFIER, EN VERTU DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS.

[1] Le 9 mars 2023, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (le « Comité ») procède par visioconférence Zoom à l’instruction de la plainte portée contre l’intimée dans le présent dossier.

e Sonia

[2] L’intimée est présente lors de l’instruction et elle est représentée par M Paradis.

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[3] M e Maryse Ali représente le syndic M e Yannick Chartrand qui est absent mais qui est représenté par M me Karine Hamilton du bureau du syndic.

[4]

L’intimée Annie Lavigueur fait face aux deux chefs d’accusation suivants, à savoir :

1. À Mont-Laurier, au cours ou vers les mois de février à mai 2021, l’intimée a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente dans le cadre du mandat qui lui avait été confié par Les A. J.-Y. L. inc. de lui procurer des couvertures d’assurance, en contravention aux articles 9 et 37(1 o ) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2. À Mont-Laurier, le ou vers le 25 mai 2021, dans le cadre du mandat qui lui avait été confié par Les A. J.-Y. L. inc. de lui procurer des couvertures d’assurance, l’intimée ne s’est pas acquittée de ses devoirs professionnels avec intégrité et transparence, notamment en faisant une ou des déclarations fausses, trompeuses ou susceptibles d’induire M.D., le représentant de l’assurée, en erreur, en contravention aux articles 9, 25, 37(5 o ) et 37(7 o ) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

(nos soulignements)

[5] D’entrée de jeu, M e Ali informe le Comité que l’intimée plaide coupable aux deux chefs de la plainte et qu’il y aura une recommandation conjointe sur sanction.

[6] Il ne reste qu’un seul écueil qui découle du libellé du chef 1, lequel fait référence à l’article 37(1 o ) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, et qui se lit comme suit :

Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment:

d’exercer ses activités de façon malhonnête ou négligente;

(nos soulignements)

[7] Sur le chef 1, M e Ali, admet séance tenante que l’intimée n’a pas exercé ses activités de façon malhonnête mais exclusivement avec négligence.

[8] Or, malgré cet aveu judiciaire, la partie plaignante refuse de retirer le mot malhonnête du libellé du chef 1, et ce, afin de rendre le chef d’accusation conforme à la preuve et à l’admission ci-haut mentionnée.

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[9] En défense, la procureure de l’intimée nous explique qu’elle a tenté, mais en vain, de convaincre la partie plaignante de modifier le chef 1 afin de le rendre conforme à la réalité.

[10] Or, séance tenante, le Comité prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée et l’a déclarée coupable des infractions reprochées.

I. La déclaration de culpabilité de l’intimée [11] Sur le chef 1, l’intimée est déclarée coupable d’avoir contrevenu à l’article 37(1 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

o )

[12] Cependant, il y a lieu de réitérer que malgré le texte réglementaire qui précède et le libellé maladroit du chef 1, il est expressément entendu que l’intimée n’a jamais agi de façon malhonnête mais uniquement de façon négligente.

[13] Elle est donc déclarée coupable d’avoir été négligente dans l’exercice de ses activités et rien d’autre.

[14] Sur le chef 2, l’intimée est déclarée coupable d’avoir enfreint l’article 37(7 o ) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, lequel stipule :

Art. 37. Constitue un manquement à la déontologie, le fait pour le représentant en assurance de dommages d’agir à l’encontre de l’honneur et de la dignité de la profession, notamment :

de faire une déclaration fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur;

[15] Un arrêt des procédures est ordonné sur les autres dispositions réglementaires invoquées au soutien de ces chefs d’accusation.

II. Preuve sur sanction [16] suit :

L’intimée souhaite témoigner. Dûment assermentée, elle déclare notamment ce qui

elle exerce la profession depuis 17 ans; il s’agit d’une première plainte; depuis les événements décrits à la plainte, elle a modifié sa pratique; elle reconnait également qu’elle soutenait beaucoup trop de volume à l’époque;

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d’ailleurs, son directeur refusait de réduire son volume et d’engager un courtier spécialisé en PME en soutien;

aujourd’hui, elle couvre toutes ses interventions par l’envoi de courriels et, depuis peu, elle bénéficie du soutien d’un autre courtier.

III. Recommandation conjointe sur sanction [17] Quant aux facteurs atténuants, M e Ali est d’avis que l’intimée a plaidé coupable à la première occasion, elle n’a pas d’antécédent disciplinaire et les infractions ne visent que sa négligence. Bref, il n’y a pas de malveillance et l’intimée n’a pas bénéficié des infractions.

[18]

[19]

Relativement aux facteurs aggravants, la procureure du syndic soulève : la gravité objective importante des fautes commises qui sont au cœur de la profession et qui mettent en péril la protection du public;

le découvert d’assurance du mois de mai à août; la grande expérience de l’intimée au moment des faits.

M e Ali déclare que les parties se sont entendues sur les sanctions suivantes : Chef n o 1 : une amende de 3 500 $; Chef n o 2 : une amende de 2 500 $; Pour un total de 6 000 $, plus le paiement de tous les déboursés et frais de l’instance.

[20] M e Paradis rajoute que l’intimée voudrait pouvoir bénéficier d’un délai de 12 mois pour payer les amendes et déboursés, le tout avec déchéance du bénéfice du terme en cas de défaut.

[21] Au soutien de la recommandation conjointe, M e Ali nous invite à prendre en considération les précédents jurisprudentiels suivants du Comité, à savoir :

ChAD c. Filion, 2021 CanLII 15950 (QC CDCHAD); ChAD c. Bouhayat, 2022 CanLII 6231 (QC CDCHAD); ChAD c. Dupuis, 2021 CanLII 140384 (QC CDCHAD); ChAD c. Rousseau, 2023 CanLII 11268 (QC CDCHAD); ChAD c. Champoux, 2023 CanLII 7637 (QC CDCHAD); ChAD c. Dion, 2017 CanLII 78644 (QC CDCHAD); ChAD c. Mousseau, 2016 CanLII 66956 (QC CDCHAD);

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ChAD c. Gobeil, 2022 CanLII 109372 (QC CDCHAD).

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[22] Quant à M e Paradis, elle nous soumet l’affaire suivante du Comité : ChAD c. Paquin, 2016 CanLII 72924 (QC CDCHAD).

IV. Analyse et décision A) Le plaidoyer de culpabilité [23] Dans l’affaire Pivin c. Inhalothérapeutes 1 , il a été établi qu’« un plaidoyer en droit disciplinaire est la reconnaissance par le professionnel des faits qui lui sont reprochés et du fait qu’il constitue une faute déontologique ». Au surplus, la jurisprudence 2 nous indique que lorsqu’un comité de discipline est saisi d’un plaidoyer de culpabilité, aucune preuve relative à la culpabilité de l’intimé n’est nécessaire.

[24] Or, il y a lieu de préciser que, malgré les principes ci-haut mentionnés, en l’espèce, par son plaidoyer de culpabilité, l’intimée ne reconnait pas avoir été malhonnête. Même la partie plaignante est du même avis.

[25] Cela étant dit, quant aux facteurs atténuants et aggravants, nous partageons intégralement l’exposé de la partie plaignante à ce sujet.

[26] De plus, il convient ici de citer le passage suivant de la Cour d'appel dans l'affaire Courchesne

3 :

[83] L'appelant reproche ensuite au juge de la Cour du Québec d'avoir fait une analyse erronée des précédents en matière de sanction. Le reproche est mal fondé. La détermination de la peine, que ce soit en matière disciplinaire ou en matière pénale, est un exercice délicat, le principe fondamental demeurant celui d'infliger une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. L'analyse des précédents permet au décideur de s'assurer que la sanction qu'il apprête à infliger au délinquant est en harmonie avec celles infligées à d'autres contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Mais l'analyse des précédents n'est pas sans embûche, chaque cas étant différent de l'autre. En l'espèce, à la lecture de la décision du comité de discipline et du jugement dont appel, il me semble que le reproche formulé par l'appelant est sans fondement. (nos soulignements)

1 Pivin c. Inhalothérapeutes, 2002 QCTP 32 (CanLII). 2 OACIQ c. Patry, 2013 CanLII 47258 (QC OACIQ) et OACIQ c. Lizotte, 2014 CanLII 3118 (QC OACIQ). 3 Courchesne c. Castiglia, 2009 QCCA 2303 (CanLII), demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême rejetée, 2010 CanLII 20533 (CSC).

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B) La recommandation conjointe [27] En 2014, le Tribunal des professions rappelait l’importance et l’utilité des suggestions communes dans l’affaire Ungureanu

4 :

[21] Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(nos soulignements)

[28] En somme, lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par des procureurs d’expérience, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de celles-ci. Il doit y donner suite, sauf s’il les considère contraires à l’intérêt public, et ce, tel que la Cour suprême le décide dans l’arrêt Anthony-Cook 5 .

[29] Or, il est manifeste ici que la recommandation conjointe n’est pas contraire à l’intérêt public.

[30] Tous les frais de l’instance seront à la charge de l’intimée qui pourra bénéficier d’un délai raisonnable pour payer l’amende de 6 000 $ plus les frais, soit un délai de 12 mois, le tout avec déchéance du bénéfice du terme en cas de défaut.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sur les deux chefs de la plainte 2022-10-01(C);

CONSIDÉRANT la négligence de l’intimée, DÉCLARE l’intimée coupable du chef n o 1 pour avoir contrevenu à l’article 37(1 o ) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimée coupable du chef n o 2 pour avoir contrevenu à l’article 37(7 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

o )

4 Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII). 5 R. c. Anthony-Cook [2016] 2 R.C.S. 204.

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PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions réglementaires alléguées au soutien des chefs susdits;

IMPOSE LES SANCTIONS SUIVANTES À L’INTIMÉE : Chef n o 1 : le paiement d’une amende de 3 500 $; Chef n o 2 : le paiement d’une amende de 2 500 $. CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés;

ACCORDE à l’intimée un délai de 12 mois pour acquitter l’amende globale imposée de 6 000 $ et les déboursés en 12 versements mensuels, égaux et consécutifs, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31 e jour suivant la signification de la présente décision;

DÉCLARE que si l’intimée est en défaut de payer à échéance l’un ou l’autre des versements susdits, elle perdra le bénéfice du terme et toute somme alors impayée deviendra immédiatement due et exigible.

__________________________________ M e Daniel M. Fabien, avocat Vice-président du Comité de discipline

__________________________________ M me Sandra Huard, courtier en assurance de dommages Membre du Comité de discipline

__________________________________ M me Sophie Chalifour, courtier en assurance de dommages Membre du Comité de discipline

M e Maryse Ali Procureure de la partie plaignante

M e Sonia Paradis Procureure de la partie intimée

Date d’audience :

9 mars 2023 par visioconférence

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