Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2022-02-03(C) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Président Mme Chantale Godbout, courtier en assurance de dommages Membre M. Benoit St-Germain, courtier en assurance de dommages Membre

Me YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. MARIO D’AVIRRO, courtier en assurance de dommages (inactif et sans mode d'exercice)

Partie intimée

DÉCISION SUR DEMANDE CONJOINTE EN RETRAIT DE LA PLAINTE DISCIPLINAIRE

[1] Le 23 mars 2023, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition d’une « Demande conjointe en retrait de la plainte disciplinaire » dans le dossier numéro 2022-02-03(C), par visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Camille Tremblay-Pelchat, secondée par Me Karoline Khelfa et, de son côté, Me Charles Ouimet agissait pour l’intimé ;

I. Demande de retrait [3] L’intimé fait actuellement l’objet d’une plainte comportant deux (2) chefs d’accusation, lesquels lui reprochent d’avoir, alors qu’il était dirigeant de son cabinet, permis ou toléré :

Qu’un (1) à trois (3) de ses employés agissent directement dans cinq (5) dossiers d’assurés alors qu’ils n’étaient pas autorisés à le faire (chef 1) ; et

Qu’un contrat d’assurance-habitation soit souscrit pour le compte d’assurés, à l’insu de ces derniers (chef 2) .

[4] Les parties demandent conjointement l’autorisation de retirer ladite plainte disciplinaire ;

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[5] Essentiellement, les parties invoquent les motifs suivants au soutien de leur demande de retrait :

L’intimé est âgé de 73 ans ; Il ne pratique plus depuis le 2 mars 2022 et il est actuellement à la retraite ; Il a vendu son cabinet en février 2022 ; Il s’engage à ne pas revenir à la pratique de la profession 1 ; Il comprend que, dans l’éventualité il ferait défaut de respecter son engagement, le syndic pourrait déposer une nouvelle plainte disciplinaire .

[6] À ces divers motifs, s’ajoute le fait que l’intimé, en plus de 50 ans de pratique, n’a jamais fait l’objet d’une plainte à l’exception du présent dossier ;

[7] De surcroît, la protection du public est assurée, puisque l’intimé fait l’objet d’une poursuite par l’Autorité des marchés financiers fondée sur les mêmes reproches et déposée devant le Tribunal administratif des marchés financiers ;

[8] Cela dit, les parties soutiennent que leur demande conjointe est recevable, considérant la jurisprudence en semblables matières, soit :

Jovanovic c. Médecins, 2005 QCTP 20 (CanLII), par. 20 ; Adessky c. Takefman, 2011 QCTP 178 (CanLII), par. 33 ; Jarry c. Copti, 2023 QCCS 298 (CanLII), par. 39, 43, 54 et 55 . [9] Finalement, le retrait de la plainte évitera la tenue d’un procès de deux (2) jours comportant de nombreuses pièces documentaires et l’audition de plusieurs témoins ;

[10] Par conséquent, les parties demandent au Comité d’autoriser le retrait de la plainte, vu que la protection du public est assurée par l’engagement signé par l’intimé (PR-1) ;

II. Analyse et décision [11] Suivant la Cour d’appel 2 , la plainte appartient au Comité de discipline et seul celui-ci peut autoriser le retrait de la plainte :

[27] Mon collègue reconnaît d’ailleurs cette possibilité dans ses motifs. Par contre, avant cette étape, il laisse ouverte la question d’un retrait de citation par décision

1 Engagement écrit du 15 mars 2023 (pièce PR-1); 2 Palacios c. Comité de déontologie policière, 2007 QCCA 581 (CanLII);

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unilatérale, sans aucun contrôle par le comité. Avec égards, je crois qu’il faut écarter une telle possibilité. D'abord, la Loi n'établit pas une distinction, une fois que le comité est saisi d'une citation. Ensuite, pour le policier concerné, que le retrait d'une citation se fasse en cours d'enquête ou uniquement après des incidents préliminaires ne change rien. Enfin, une fois que le comité a la saisine de la citation, il me semble que c'est lui qui est le mieux placé pour décider s'il y a lieu, dans l'intérêt public, de continuer le dossier. En effet, contrairement au commissaire, le comité fonctionne alors dans un processus contradictoire et public et il ne peut rendre une décision sans avoir entendu les représentations des parties concernées. De plus, sa décision devra être motivée et pourra faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour du Québec ou par la Cour supérieure, selon le cas. Il me semble qu'un tel processus, plus formel qu'une analyse interne par le seul commissaire, offre de meilleures garanties d'une décision prise dans l'intérêt public.

[28] En résumé, je suis d'avis que la logique législative favorise la conclusion que le retrait d’une citation doit toujours recevoir l’aval du comité et ne peut jamais relever de la seule discrétion du commissaire, et ce, afin de protéger l’intérêt public. Cette conclusion offre aussi l’avantage d’être conforme avec la jurisprudence développée à l’égard des personnes régie par le Code des professions et par des lois particulières comme les courtiers en immeubles, citée par mon collègue dans ses motifs. Quant à moi, l'analogie avec le processus disciplinaire prévu au Code des professions est pertinente et le fait qu'une plainte privée ne puisse être déposée devant le comité, contrairement à ce qui est possible en vertu du Code des professions, ne change pas la similarité des processus en cause : plainte par un tiers; enquête par une personne spécialisée (commissaire ou syndic); dépôt d'une citation ou d'un chef d'accusation par cette personne; processus contradictoire devant un comité spécialisé; fardeau de preuve civile du poursuivant; et finalité d'intérêt public du processus, soit assurer le respect de normes de comportement par les professionnels ou les policiers. Que le législateur ait considéré inapproprié le dépôt de plaintes privées devant le comité, contrairement à ce qui est possible en vertu du Code des professions, n'y change rien sauf qu'il indique l'intention du législateur de mettre les policiers à l'abri de plaintes manifestement non fondées ou vexatoires. Il demeure cependant que le rôle du syndic en vertu du Code des professions est essentiellement le même que celui du commissaire en vertu de la Loi : faire une enquête, monter un dossier et, s'il y a lieu, saisir le comité approprié afin d'y faire sa preuve.

(caractère gras ajoutés)

[12] Cela dit, plusieurs facteurs doivent être considérés lors de la demande de retrait de plainte, tel que le soulignait le Tribunal des professions dans l’arrêt Jovanovic 3 :

[27] À l'instar des principes mis de l'avant lorsque les comités de discipline se voient soumettre des suggestions communes en regard de sanctions à imposer, le Tribunal croit que ces derniers doivent, lorsqu'ils sont saisis de demande de retrait de plainte, exercer judiciairement leur pouvoir discrétionnaire en tenant compte de toutes les circonstances propres au cas soumis et en motivant adéquatement leur décision de refuser la demande présentée avec l'accord de toutes les parties. Ainsi, ils ne devraient pas refuser une telle demande lorsqu'elle leur est présentée par des

3 Jovanovic c. Médecins, 2005 QCTP 20 (CanLII);

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procureurs sérieux et compétents qui démontrent, comme c'est le cas en l'instance, avoir pris toutes les mesures nécessaires, lors de leurs négociations, pour assurer que la protection du public ne serait pas mise en péril en raison ou à la suite de l'autorisation d'un tel retrait.

(caractère gras ajoutés)

[13] Cela dit, le facteur le plus important est celui de la protection de l’intérêt public 4 ; [14] D’ailleurs, la Cour d’appel, dans l’affaire Palacios 5 , fut très claire sur cette question : « Le Comité doit être alors guidé uniquement par l’intérêt public » (par. 23) ; « C’est lui qui est le mieux placé pour décider, s’il y a lieu, dans l’intérêt public, de continuer le dossier » (par. 27) .

[15] Dans le présent dossier, le Comité n’a aucune hésitation à conclure que la protection du public ne sera pas mise en péril par le retrait de la plainte puisque :

L’intimé est âgé de 73 ans et il n’a pas l’intention de revenir à la pratique, ayant pris sa retraite en mars 2022 après avoir vendu son cabinet un mois auparavant ;

Il s’est engagé formellement par écrit à ne pas revenir à la pratique du courtage de l’assurance de dommages (PR-1) .

[16] De plus, l’intimé est parfaitement conscient qu’en cas de bris de son engagement, le syndic pourra déposer une nouvelle plainte fondée sur les mêmes faits auxquels s’ajoutera un chef pour avoir manqué à son engagement 6 ;

[17] À cela s’ajoute la poursuite actuellement entreprise par l’Autorité des marchés financiers concernant les mêmes faits qui, elle aussi, vise à assurer la protection de l’intérêt public ;

[18] Pour l’ensemble de ces motifs, la demande conjointe en retrait de la plainte sera accueillie par le Comité.

POUR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : AUTORISE le retrait de la plainte ; PREND ACTE de l’engagement écrit de l’intimé (PR-1) et lui ORDONNE de s’y conformer ;

4 Adessky c. Takefman, 2011 QCTP 178 (CanLII), par. 33; Jarry c. Copti, 2023 QCCS 298 (CanLII), par. 39, 43, 54 et 55; 5 Op. cit., note 2; 6 Pièce PR-1, par. 2 et 3;

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RÉSERVE au syndic tous ses droits et recours ; AUTORISE la secrétaire du Comité de discipline à notifier la présente décision par courriel aux parties ainsi qu’aux procureurs des autres parties afin de valoir signification ;

LE TOUT, sans frais.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ Mme Chantale Godbout, courtier en assurance de dommages Membre

___________________________________ M. Benoit St-Germain, courtier en assurance de dommages Membre

Me Camille Tremblay-Pelchat, secondée par Me Karoline Khelfa Procureures de la partie plaignante

Me Charles Ouimet Procureur de la partie intimée

Date d’audience : 23 mars 2023 (par visioconférence)

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