Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2022-10-02(A) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Mme Sultana Chichester, courtier en assurance de dommages des particuliers M. François Bouchard, agent en assurance de dommages

Président Membre

Membre

Me YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. HÉLÈNE MICHAUD, agent en assurance de dommages des particuliers (3B)

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

[1] Le 13 février 2023, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2022-10-02(A), par visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Camille Tremblay-Pelchat, assistée de Me Valérie Déziel et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Julie Pamerleau ;

I. [3]

[4]

La plainte L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant un seul chef d’accusation, soit : 1. Au cours ou vers le mois de juillet 2021, a exercé ses activités de manière négligente et/ou n’a pas agi en conseiller consciencieux, en lien avec le contrat d’assurance habitation numéro 44281491-002 émis par La Capitale assurances générales inc. au nom de l’assuré N.L., notamment en faisant défaut d’informer ce dernier que le déplacement du bâtiment faisait l’objet d’une exclusion de garantie particulière, en contravention avec les articles 9, 37(1) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, RLRQ., c. D-9.2, r.5.

Dès le début de l’audition, l’intimée, par l’entremise de son avocate, a enregistré un

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plaidoyer de culpabilité à l’encontre du chef d’accusation de la plainte ; [5] Cela dit, l’intimée fut déclarée coupable, séance tenante, et les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction ;

II. Preuve sur sanction A) Par le syndic [6] La procureure de la partie plaignante a produit de consentement l’attestation du droit de pratique de l’intimée (PS-1) ainsi qu’un « Exposé conjoint des faits » (PS-2) ;

[7]

Essentiellement, cette preuve a permis d’établir les faits suivants : Alors que l’assuré N.L. prend le soin de communiquer avec l’intimée pour l’informer qu’il s’apprête à procéder à d’importants travaux de construction sur sa résidence comportant, notamment, le soulèvement de sa maison, l’intimée fait défaut de lui rappeler les exclusions de sa police d’assurance, dont le déplacement de l’immeuble, lequel inclut le soulèvement ;

L’intimée s’est contentée de lui dire qu’il y aurait une surprime de 75,00 $ pour couvrir un accroissement de la responsabilité civile durant les travaux ;

Mal lui en prit puisque l’entrepreneur a « échappé » la maison durant son déplacement, entraînant la perte totale de celle-ci ;

Évidemment, cela a occasionné une perte majeure pour l’assuré N.L., estimée sommairement à 376 000 $ ;

B) Par l’intimée [8] De son côté, l’intimée a témoigné pour exprimer ses regrets et remords pour tous les problèmes occasionnés à l’assuré N.L. à la suite de son omission de le conseiller adéquatement ;

[9] L’intimée a également mentionné avoir modifié ses méthodes de travail ; [10] D’autre part, son témoignage a permis d’établir ce qui suit : Elle pratique depuis 2007 ; Elle n’a pas d’antécédents disciplinaires ; C’est une erreur commise de bonne foi sans intention malveillante ; Elle comprend mieux aujourd’hui son rôle de conseil ; Il s’agit d’une situation qui ne se reproduira pas ;

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[11] Finalement, elle demande qu’un délai de 12 mois lui soit accordé pour acquitter le montant de l’amende et des frais ;

[12] C’est à la lumière de cette trame factuelle que le Comité devra examiner le bien-fondé de la recommandation commune formulée par les parties ;

III. Recommandation commune [13] Me Tremblay-Pelchat présente, au nom des deux (2) parties, leur recommandation commune ;

[14] Essentiellement, les parties suggèrent d’imposer à l’intimée une amende de 5 000 $ à laquelle s’ajoutera les déboursés inhérents au dossier ;

[15] À cet égard, l’avocate du syndic rappelle les grands principes en matière de sanction, tels que développés par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault 1 :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession ; Le droit pour le professionnel de gagner sa vie 2 ; [16] De plus, les parties ont tenu compte des facteurs aggravants suivants : La gravité objective de l’infraction ; Le fait que celle-ci se situe au cœur même de l’exercice de la profession ; Le préjudice subi par l’assuré ; [17] Quant aux facteurs atténuants, les parties ont identifié les suivants : Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ; L’absence d’antécédents disciplinaires ; Sa bonne collaboration à l’enquête du syndic et au processus disciplinaire ; Ses regrets et son repentir ;

1 2003 CanLII 32934 (QC CA); 2 Ibid., par. 38;

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Le fait qu’il s’agit d’une erreur commise de bonne foi sans aucune intention malveillante ;

La modification de ses méthodes de travail et la prise de conscience de ses obligations ;

[18] À cela s’ajoute le fait que la sanction suggérée s’inscrit parfaitement dans la fourchette de sanctions habituellement imposées pour cette catégorie d’infractions ;

[19] À cet égard, les parties ont produit une liste de précédents jurisprudentiels, soit : ChAD c. Latreille, 2016 CanLII 4233 (QC CDCHAD) ChAD c. Forgues, 2019 CanLII 62600 (QC CDCHAD) ChAD c. D’Anjou, 2020 CanLII 55841 (QC CDCHAD) ChAD c. Guilbault, 2020 CanLII 76244 (QC CDCHAD) ChAD c. Duclos, 2023 CanLII 3567 (QC CDCHAD) ChAD c. Comtois, 2022 CanLII 113631 (QC CDCHAD) [20] Cela dit, les parties estiment qu’une amende de 5 000 $ permettra d’assurer la protection du public tout en reflétant les conditions particulières du dossier de l’intimée ;

[21] Pour ces motifs, elles demandent conjointement au Comité d’entériner leur suggestion commune ;

IV. Analyse et décision [22] Dans un arrêt récent, soit l’affaire Duval 3 , le Tribunal des professions rappelait le caractère pour le moins limité de la discrétion conférée aux divers conseils de discipline lorsqu’il s’agit de décider du bien-fondé d’une recommandation commune :

[8] Les deux parties sont d’avis que le Conseil a erré en refusant de suivre la recommandation commune et en s’appuyant sur des faits et des facteurs aggravants qui ne faisaient pas partie de la trame factuelle convenue entre elles.

[13] Suivant les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Anthony Cook, le Conseil devait déterminer si la sanction suggérée conjointement était contraire à l’intérêt public ou déconsidérait l’administration de la justice. La question pour le Tribunal en l’espèce n'est donc pas de savoir si la sanction infligée par le Conseil est déraisonnable, mais bien si la recommandation commune l'était au point il fallait la rejeter.

3 Duval c. Comptables professionnels agréés, 2022 QCTP 36 (CanLII);

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[14] Ce motif d’appel soulève une question de droit, permettant au Tribunal d’intervenir en cas d’erreur. En matière de suggestion commune sur sanction, lorsqu’un Conseil de discipline s’attarde à examiner la justesse de la sanction proposée conjointement, au lieu de se limiter à la question de son incidence sur l’intérêt public ou l’administration de la justice, il commet une erreur de droit qui justifie l’intervention du Tribunal.

[15] Il ne fait aucun doute que le Conseil est maître de l’appréciation de la preuve dans les dossiers qui procèdent devant lui. Cependant, en l’espèce, il se devait de considérer la trame factuelle de l’infraction, non pas en fonction d’une preuve partielle entendue à l’audience, mais seulement en fonction de celle présentée conjointement par les parties, laquelle fournissait le fondement de leur recommandation commune. Bien que le résumé des faits au début de la décision du Conseil cerne correctement cet exposé conjoint des faits, le Conseil réfère d’ailleurs à plusieurs facteurs aggravants ainsi qu’à des faits étrangers à cet exposé conjoint pour s’autoriser à s’écarter de la suggestion commune sur sanction.

[22] Le Tribunal est d’avis que si le Conseil avait respecté les limites circonscrites en matière de suggestions communes et s’était tenu seulement aux faits admis par les parties, il n’aurait pu conclure autrement que d’entériner la recommandation des parties. Cette recommandation reflète les faits particuliers du dossier tels que résumés dans l’exposé conjoint et elle se situe à l’intérieur de la fourchette des sanctions applicables, telle qu’illustrée dans le tableau de jurisprudence soumise au Conseil. Elle ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public.

(caractères gras ajoutés) [23] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 4 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ; [24] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 5 ;

[25] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à

4 Op. cit., note 1, par. 37; 5 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ;

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une saine administration de la justice disciplinaire » 6 ; [26] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 7 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 8 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[27] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 9 ;

[28] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[29] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[30] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ; [31] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans les arrêts Gougeon 10 et Duval 11 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera la sanction suggérée.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée; DÉCLARE l’intimée coupable du chef 1 de la plainte et plus particulièrement comme suit :

Chef 1:

pour avoir contrevenu à l’article 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien du chef 1 de la plainte;

IMPOSE à l’intimée la sanction suivante : Chef 1 : une amende de 5 000 $

6 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 7 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 8 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 9 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ; 10 Audioprothésistes c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 11 Op. cit., note 3;

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CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés ; ACCORDE à l’intimée un délai de paiement de 12 mois pour acquitter le montant de l’amende et des déboursés, calculé à compter du 31 e jour suivant la signification de la présente décision.

____________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

____________________________________ Mme Sultana Chichester, courtier en assurance de dommages des particuliers Membre

____________________________________ M. François Bouchard, agent en assurance de dommages Membre

Me Camille Tremblay-Pelchat assistée de Me Valérie Déziel Procureures de la partie plaignante

Me Julie Pamerleau Procureure de la partie intimée

Date d’audience : 13 février 2023 (par visioconférence)

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