Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2022-05-02(C) DATE : 17 mars 2023

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat M. Bernard Jutras, courtier en assurance de dommages M. Michael Léveillée, courtier en assurance de dommages

Président Membre Membre

Me PASCAL PAQUETTE-DORION, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. FRANCE LAVALLÉE, courtier en assurance de dommages des particuliers

Partie intimée

DÉCISION SUR SANCTION

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON- DIVULGATION DE TOUT RENSEIGNEMENT OU INFORMATION PERMETTANT D’IDENTIFIER L’ASSURÉE MENTIONNÉE DANS LA PLAINTE ET/OU LES PIÈCES DOCUMENTAIRES, LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q., c. C-46)

[1] Le 1 er février 2023, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition sur sanction ;

[2] Le syndic adjoint était alors représenté par Me Valérie Déziel et, de son côté, l’intimée assurait seule sa défense ;

I. Le chef no. 1 [3] Le 24 novembre 2022, l’intimée fut reconnue coupable 1 d’avoir transmis à sa cliente une confirmation provisoire d’assurance indiquant faussement une période de couverture du 10 mai 2020 au 10 mai 2021, alors que celle-ci aurait indiquer du 10 mai 2021 au 10 mai 2022 ;

1

ChAD c. Lavallée, 2022 CanLII 117386 (QC CDCHAD);

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[4] Suivant l’intimée, il s’agit d’une erreur d’inattention commise de bonne foi sans aucune intention malveillante ;

[5] D’ailleurs, cette erreur fut corrigée quelque temps plus tard par l’envoi d’une nouvelle confirmation d’assurance (P-5) ;

[6] C’est dans ce contexte que le Comité devra déterminer la sanction appropriée au cas de l’intimée ;

II. Preuve sur sanction A) Par le syndic adjoint [7] La partie plaignante a déposé à l’appui de ses prétentions les pièces P-1 à P-11 ; [8] À cet égard, il y a lieu de préciser que ces pièces s’ajoutent au plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

[9] Cela dit, la pièce P-5 démontre que l’intimée a corrigé son erreur par l’envoi d’un nouveau certificat d’assurance indiquant, cette fois-ci, les véritables dates de couverture ;

B) Par l’intimée [10] De son côté, l’intimée a réitéré qu’il s’agissait d’une « erreur de frappe » commise de bonne foi et sans aucune intention malveillante ;

[11] Elle a, par ailleurs, exprimé de sincères regrets pour les inconvénients causés par sa faute ;

III. L’argumentation A) Par le syndic adjoint [12] La partie plaignante suggère d’imposer à l’intimée une amende de 3 000 $ ainsi que tous les frais inhérents au dossier ;

[13] À cet égard, elle dresse la liste des facteurs aggravants suivants : L’expérience de l’intimée (20 ans et plus) ; La gravité de l’infraction ; L’atteinte à l’image de la profession ; Le fait que l’infraction se situe au cœur même de l’exercice de la profession ; Le risque potentiel d’une récidive ;

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[14] Quant aux facteurs atténuants, la partie plaignante reconnaît que l’intimée doit bénéficier des suivants :

Son plaidoyer de culpabilité ; Son absence d’antécédents disciplinaires ; Son absence d’intention malveillante ou de mauvaise foi ; L’absence de bénéfice personnel ; [15] À l’appui de ses prétentions, le syndic adjoint a déposé trois (3) décisions disciplinaires, soit :

ChAD c. Rousseau, 2021-11-06(C), (QC CDCHAD) ; ChAD c. Guilbault, 2020 CanLII 76244, 25 septembre 2020 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Brunelle, 2021 CanLII 28823, 22 février 2021 (QC CDCHAD) ; [16] De l’avis du syndic adjoint, ces décisions démontrent le bien-fondé de sa suggestion d’imposer une amende de 3 000 $ à l’intimée ;

[17] Ces différentes décisions seront analysées dans la section IV de la présente décision ;

[18] Pour l’instant, il suffit de mentionner que de l’avis de la partie plaignante, ces précédents jurisprudentiels démontrent que la sanction suggérée s’inscrit dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour cette catégorie d’infraction ;

B) Par l’intimée [19] De son côté, l’intimée plaide qu’il s’agit d’une simple erreur commise de « bonne foi » sans toutefois préciser quelle serait la sanction appropriée à son cas particulier ;

IV. Analyse et décision A) Une sanction taillée sur mesure [20] Dans un premier temps, rappelons que le Comité n’est pas lié par les décisions rendues en semblables matières par d’autres divisions du Comité 2 ; [21] Le Comité n’est pas non plus lié par les suggestions de sanction formulées par le syndic adjoint ou par l’intimé 3 ;

2 Drolet-Savoie c. Avocats, 2004 QCTP 19 (CanLII), par. 27; 3 Grisé c. Deschamps, 2020 QCCQ 2221 (CanLII), par. 60;

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[22] De plus, il ne suffit pas d’appliquer une formule mathématique sans égard aux faits du dossier 4 ;

[23] En résumé, le Comité bénéficie d’une large discrétion pour imposer une sanction individualisée au cas particulier de l’intimée et il n’existe pas de sanction uniforme pour une infraction donnée 5 ;

[24] Enfin, les fourchettes de sanctions proposées par la jurisprudence ne sont pas des carcans mais de simples lignes directrices 6 ;

[25] Cela dit, la sanction disciplinaire ne vise pas à punir le professionnel 7 et, d’autre part, même si la justice disciplinaire doit avoir pour but de protéger le public, elle doit également « traiter équitablement ceux dont le gagne-pain est placé entre ses mains » 8 ;

[26] C’est en tenant compte de ces différents principes que le Comité verra à imposer à l’intimée une sanction juste et appropriée à son cas particulier ;

B) Le plaidoyer de culpabilité [27] Un autre facteur important à prendre en considération est le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ;

[28] En l’espèce, il s’agit d’un premier geste vers sa réhabilitation et celui-ci démontre une prise de conscience de la faute commise et une acceptation des conséquences qui en découlent 9 ;

[29] Dans les circonstances, il s’agit d’un facteur atténuant important et dont le Comité doit tenir compte sous peine de commettre une erreur de droit 10 ;

C) La sanction appropriée [30] Au soutien de ses prétentions, le syndic adjoint a soumis plusieurs jurisprudences qui, à son avis, démontre le bien-fondé de sa demande d’imposer une amende de 3 000 $ ;

[31] Qu’en est-il au juste? [32] Comme première décision, la partie plaignante nous réfère à l’affaire Rousseau

11

;

[33] Or, l’infraction reprochée à l’intimé Rousseau est beaucoup plus grave que celle

4 Deschamps c. Choeb Jiménez, 2019 QCCQ 7011 (CanLII), par. 59; 5 Laurion c. Médecins, 2015 QCTP 59 (CanLII), par. 24 et 25; 6 R. c. Lacasse, 2015 CSC 64 (CanLII), par. 57 et ss.; 7 Thibault c. Costa, 2014 QCCA 2347 (CanLII), par. 63; 8 Ordre des ingénieurs du Québec c. Gilbert, 2016 QCCA 1323 (CanLII), par. 36; 9 OACIQ c. Bilodeau, 2020 CanLII 112479 (QC OACIQ), par. 38; 10 Boudreau c. Avocats, 2013 QCTP 22 (CanLII), par. 25; 11 ChAD c. Rousseau, 2021-11-06(C), 25 janvier 2023 (QC CDCHAD) ;

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visée par le présent dossier ; [34] En l’espèce, l’intimé Rousseau avait fait défaut d’assurer l’appartement de sa cliente, occasionnant par le fait même un découvert d’assurance ayant, en plus, entraîner une importante perte financière pour celle-ci (chef 1) ;

[35] De toute évidence, cette infraction n’a aucune commune mesure avec le dossier de l’intimée ;

[36] De plus, l’amende de 4 000 $ imposée par le Comité était le résultat d’une recommandation commune sur laquelle le Comité a peu ou pas de contrôle 12 ;

[37] Enfin, le Comité, dans le cadre d’une suggestion commune, n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction suggérée par les parties 13 ;

[38] Bref, de l’avis du Comité, cette décision n’est d’aucune aide pour la thèse proposée par le syndic adjoint ;

[39] Comme deuxième précédent, la partie plaignante s’est appuyée sur l’affaire Guilbault 14 ;

[40] Or, encore une fois, cette décision n’a aucun dénominateur commun avec le dossier de l’intimée Lavallée ;

[41] En l’espèce, on reprochait à l’intimé Guilbault d’avoir omis d’offrir à son client une protection étendue ou de type « tous risques » ;

[42] D’ailleurs, vu le défaut de l’intimé de compléter adéquatement son mandat, la réclamation des assurés fut refusée, entraînant par le fait même une importante perte financière pour ceux-ci ;

[43] Cela dit, il va de soi que cette infraction est beaucoup plus grave que celle reprochée à l’intimée Lavallée, d’où l’imposition à l’intimé Guilbault d’une amende de 3 000 $ ;

[44] Par conséquent, cette décision ne supporte pas la demande formulée par le syndic adjoint ;

[45] Il reste maintenant à examiner la dernière décision fournie par la partie plaignante pour soutenir sa proposition d’imposer à l’intimée une amende de 3 000 $ ;

[46] Il s’agit de l’affaire Brunelle

15

;

12 Duval c. Comptables professionnels agréés, 2022 QCTP 36 (CanLII); 13 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27; 14 ChAD c. Guilbault, 2020 CanLII 76244, 25 septembre 2020 (QC CDCHAD); 15 ChAD c. Brunelle, 2021 CanLII 28823 (QC CDCHAD);

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[47] Premièrement, le Comité se droit de souligner que dans le dossier Brunelle, l’intimée n’avait pas comparu et n’avait donc pas plaidé coupable aux infractions reprochées 16 ;

[48] De plus, contrairement au présent dossier, l’intimée Brunelle possédait un antécédent disciplinaire dans lequel elle s’était vu imposer une période de radiation de 30 jours 17 ;

[49] Enfin, le Comité avait de plus considéré le caractère répétitif des infractions 18 ; [50] Finalement, l’intimée Brunelle n’ayant pas témoigné devant le Comité, aucune circonstance atténuante ne fut mise en preuve 19 ;

[51] Cela dit, le chef 1 de la plainte déposée contre l’intimée Brunelle était plus grave puisqu’on lui reprochait d’avoir omis de donner suite aux instructions de son client de ne pas renouveler son contrat d’assurance-automobile 20 ;

[52] Cela étant établi, le Comité ne peut d’aucune façon s’appuyer sur cette décision pour justifier l’imposition d’une amende de 3 000 $ à l’intimée Lavallée ;

[53] Enfin, comme le rappelait à plusieurs reprises la Cour d’appel, « chaque cas constitue un cas d’espèce » 21 ;

[54] Par conséquent, le Comité s’efforcera de tenir compte des circonstances particulières du présent dossier afin d’établir la sanction la plus juste et appropriée au cas de l’intimée Lavallée ;

D) Une sanction individualisée [55] Le rôle du Comité ne se limite pas à sanctionner une situation ou un comportement mais plutôt un individu qui a eu un comportement fautif 22 ;

[56] Cela dit, dans la présente affaire, les circonstances atténuantes excèdent de beaucoup les circonstances aggravantes ;

[57] À titre de circonstances atténuantes, nous retenons les éléments suivants : La faute commise par l’intimée est le résultat d’une simple erreur cléricale commise de bonne foi et sans aucune intention malveillante ;

16 Op. cit, note 15, par. 2 et 4; 17 Ibid., par. 8 et 9; 18 Ibid., par. 13; 19 Ibid., par. 6; 20 Ibid., par. 3 et 5; 21 Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37; Courchesne c. Castiglia, 2009 QCCA 2303 (CanLII), par. 83; 22 Deschamps c. Choeb Jiménez, op. cit., note 4, par. 59;

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L’intimée a plaidé coupable dès la première occasion, reconnaissant, par le fait même, le caractère fautif de son geste ;

Elle a exprimé des regrets et des remords lors de l’audition, démontrant ainsi une prise de conscience de ses obligations déontologiques ;

Elle n’a aucun antécédent disciplinaire ; En 20 ans de pratique, il s’agit de sa première présence devant le Comité de discipline ;

Son erreur a été corrigée, somme toute, de façon rapide et efficace, par l’émission d’un nouveau certificat d’assurance indiquant les véritables dates de couverture (P-5) ;

Le caractère isolé de l’infraction ; L’absence de préjudice ; L’introspection de la part de l’intimée, laquelle a même suspendu ses recherches d’emploi dans l’attente de la décision sur sanction ;

Un risque de récidive quasi inexistant ; [58] Enfin, on ne saurait trop insister sur le fait qu’il s’agit d’une infraction technique résultant d’une simple erreur cléricale commise de bonne foi et sans aucune intention malveillante ;

[59] Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimée se verra imposer comme sanction une simple réprimande ;

[60] Quant à la portée d’une réprimande, qu’il nous soit permis de référer à la décision rendue par Me Daniel Fabien dans l’affaire Côté 23 :

[46] Cela étant dit, il est important de préciser que la réprimande constitue en elle-même une sanction et qu’elle demeurera inscrite au dossier de l’intimée tout au long de sa carrière de courtier en assurance de dommages. Mais il y a plus. Le Comité fait siens les propos du comité de discipline de l’OACIQ dans l’affaire Benabou, lorsque ce dernier discute de la réprimande dans les termes suivants :

[101] Le Comité est d’avis qu’une réprimande constitue un blâme empreint d’une certaine sévérité que l’on adresse à un intimé afin que ce dernier se corrige. Il ne faut pas prendre cette dernière à la légère, car il demeure un constat d’inaptitude de la part de l’intimée. Le Comité doit considérer que pour en venir à la conclusion qu’une réprimande constitue la sanction appropriée, il doit être convaincu que non seulement cette dernière

23 ChAD c. Côté, 2022 CanLII 28576 (QC CDCHAD);

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préserve la confiance du public à l’endroit de la profession et de l’OACIQ, mais ultimement assurera une meilleure conduite future de l’intimée.

E) Les déboursés [61] Quant aux frais, considérant la discrétion que possède le Comité en cette matière 24 , l’intimée ne sera condamnée au paiement que du tiers (33%) des déboursés, vu son acquittement sur les chefs 2 et 3 de la plainte.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : IMPOSE à l’intimée la sanction suivante : Chef 1: une réprimande CONDAMNE l’intimée au paiement de 33% des déboursés.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ M. Bernard Jutras, courtier en assurance de dommages Membre

Me Valérie Déziel Procureure de la partie plaignante

___________________________________ M. Michael Léveillée, courtier en assurance de dommages Membre

Mme France Lavallée (personnellement) Partie intimée

Date d’audience : 1

er février 2023

24 Jondeau c. Acupuncteurs, 2006 QCTP 87 (CanLII), par. 81 à 91;

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