Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

: 2020-08-05(C)

DATE :

LE COMITÉ : M e Daniel M. Fabien, avocat M. Michaël Léveillée, courtier en assurance de dommages

Vice-président Membre

M E YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

c.

Partie plaignante

MARC-ANDRÉ GASCON, courtier en assurance de dommages des particuliers Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

I.

L’audition disciplinaire

[1] Le 16 décembre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages (le « Comité ») procède par visioconférence Zoom afin de disposer de la plainte portée contre l’intimé dans le présent dossier.

[2] L’intimé est présent lors de l’instruction et il est représenté par M Perron.

[3]

M e

Jack Kermezian représente le syndic M e Yannick Chartrand.

e Jean-Paul

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[4] Les procureurs des parties déposent sous la cote P-4 une entente intervenue entre eux qui dispose du dossier par le dépôt d’une plainte modifiée par laquelle les chefs 1 et 2 sont retirés, l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité sur les chefs 3 et 4 et une recommandation conjointe sur sanction pour considération par le Comité.

[5] Suite à l’audition du 16 décembre 2022, Mme Sultana Chichester, de la formation du Comité qui a entendu l’audition sur culpabilité et sanction, est devenue dans l’impossibilité d’agir.

[6] Or, conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, lorsqu’un membre du comité de discipline, autre que celui qui le préside, devient empêché d’agir, une décision peut être validement rendue par les deux autres membres 1 .

II.

Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé

[7] Séance tenante, le Comité autorise le retrait des chefs 1 et 2 de la plainte et le dépôt d’une plainte modifiée qui ne compte que deux chefs d’accusation, soit les chefs 3 et 4.

[8] Questionné par le vice-président du Comité sur son plaidoyer de culpabilité, l’intimé confirme qu’il plaide coupable aux chefs 3 et 4 d’accusation de la plainte modifiée.

[9] Séance tenante, le Comité prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et le déclare coupable des infractions reprochées.

III.

[10]

Les déclarations de culpabilité

La plainte modifiée du 12 décembre 2022 fait les reproches suivants à l’intimé : (…) 3. Le ou vers le 20 juin 2018, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile 21673386 auprès de l’assureur L’Unique assurances générales pour la période du 27 juin 2018 au 27 juin 2019, l’Intimé, à quelques reprises, a exercé ses activités de façon négligente et/ou n’a pas donné suite à toutes les instructions reçues de l’assuré, (…) commettant, à chacune (…) de ces occasions, une infraction à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

1 Voir à ce sujet : Comité de surveillance de l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec c. Murphy, 2007 QCCA 578 (CanLII), par. 27-28;

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4.

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Le ou vers le 20 juin 2018, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile 21673386 auprès de l’assureur L’Unique assurances générales pour la période du 27 juin 2018 au 27 juin 2019, a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque (…) en transmettant à l’assureur des renseignements non vérifiés (…) ou susceptibles d’induire en erreur quant au risque, en contravention avec (…) l’article 9 (…) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[11] Sur le chef 3, l’intimé est déclaré coupable d’avoir enfreint l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, qui stipule :

Art. 26. Le représentant en assurance de dommages doit, dans les plus brefs délais, donner suite aux instructions qu’il reçoit de son client ou le prévenir qu’il lui est impossible de s’y conformer. Il doit également informer son client lorsqu’il constate un empêchement à la continuation de son mandat.

[12] Quant au chef 4, l’intimé est déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 9 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages, soit :

Art. 9. Le représentant en assurance de dommages ne doit pas négliger les devoirs professionnels reliés à l’exercice de ses activités; il doit s’en acquitter avec intégrité.

[13] Un arrêt des procédures est ordonné sur les autres dispositions réglementaires invoquées au soutien des chefs d’accusation.

IV. [14]

La preuve sur sanction L’intimé est dûment assermenté. Il déclare essentiellement ce qui suit au Comité : il est toujours à l’emploi du cabinet il a commis ses impairs déontologiques; il a beaucoup appris du processus disciplinaire; il est conscient aujourd’hui que la prise des renseignements est très importante; non seulement les questions posées par le courtier doivent être précises mais les réponses obtenues doivent être consignées par écrit avec la même précision.

V. Les facteurs atténuants et aggravants [15] Dans l’établissement de la recommandation conjointe, les parties ont pris en considération les facteurs atténuants suivants :

le plaidoyer de culpabilité de l’intimé;

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l’absence d’antécédent disciplinaire; l’absence de mauvaise foi; le caractère isolé des infractions (une seule cliente visée); la bonne collaboration de l’intimé avec le syndic et le processus disciplinaire.

[16] Quant aux facteurs aggravants, il s’agit d’infractions qui sont au cœur de la profession.

[17] Les procureurs des parties sont d’avis que les sanctions suivantes sont appropriées dans les circonstances :

Chef 3 : une amende de 2 000 $; Chef 4 : une amende de 2 000 $;

[18] Soit une amende totale de 4 000 $ plus les frais de l’instance. L’intimé souhaite également obtenir un délai de 90 jours pour payer.

VI.

Analyse et décision

A) Les facteurs objectifs et subjectifs [19] Quant aux facteurs atténuants et aggravants, nous partageons entièrement l’exposé des procureurs des parties.

[20] Récemment, la Cour suprême a revisité le principe de la proportionnalité de la peine dans l’affaire R. c. Bissonnette

[21]

2 .

Il convient ici de citer certains passages clés importants de cet arrêt important : [50] Cependant, la détermination de la peine doit en toutes circonstances être guidée par le principe cardinal de la proportionnalité. La peine doit être suffisamment sévère pour dénoncer l’infraction, sans excéder « ce qui est juste et approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant et de la gravité de l’infraction » (R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6, [2010] 1 R.C.S. 206, par. 42; voir aussi R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, [2012] 1 R.C.S. 433, par. 37). La proportionnalité des peines est considérée comme un facteur essentiel au maintien de la confiance du public dans l’équité et la rationalité du système de justice pénal et criminel. L’application de ce principe permet d’assurer au public que le contrevenant mérite la punition qui lui a été infligée (Renvoi relatif à la Motor Vehicle Act (C.-B.), 1985 CanLII 81 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 486, p. 533, la juge Wilson, motifs concordants).

2 2022 CSC 23 (CanLII);

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[51] Ainsi, « on ne peut infliger à une personne une peine totalement disproportionnée à la seule fin de dissuader ses concitoyens de désobéir à la loi » (Nur, par. 45). De même, le juge Vauclair affirme avec justesse que « la recherche de l’exemplarité au détriment des éléments de preuve qui démontrent le mérite des objectifs de réhabilitation est incompatible avec le principe d’individualisation » (Lacelle Belec c. R., 2019 QCCA 711, par. 30 (CanLII), citant R. c. Paré, 2011 QCCA 2047, par. 48 (CanLII), le juge Doyon). La proportionnalité joue un rôle restrictif et, en ce sens, elle est garante d’une peine qui est individualisée, juste et appropriée.

[52] Le principe de la proportionnalité est si fondamental qu’il possède une dimension constitutionnelle consacrée à l’art. 12 de la Charte, lequel interdit l’infliction d’une peine exagérément disproportionnée au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine (Nasogaluak, par. 41; Ipeelee, par. 36). En tant que principe de détermination de la peine, le principe de proportionnalité ne bénéficie toutefois d’aucune protection constitutionnelle en tant que tel, n’étant pas reconnu comme un principe de justice fondamentale visé à l’art. 7 de la Charte (R. c. Malmo-Levine, 2003 CSC 74, [2003] 3 R.C.S. 571, par. 160; R. c. Safarzadeh‑Markhali, 2016 CSC 14, [2016] 1 R.C.S. 180, par. 71).

(nos soulignements) [22] Ainsi donc, pour être individualisée, juste et appropriée, la sanction doit être proportionnelle à la gravité des infractions et au degré de responsabilité du professionnel.

B) La recommandation conjointe [23] Dès 2014, le Tribunal des professions souligne l’importance et l’utilité des suggestions communes dans l’affaire Ungureanu

3 :

[21] Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

(nos soulignements)

[24] Il en résulte que lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par des procureurs d’expérience, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de celles-ci. Il doit y donner suite, sauf s’il les considère contraires à l’intérêt public ou si

3 Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel de) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII);

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elles sont de nature à déconsidérer l’administration de la justice, et ce, tel que la Cour suprême le décide dans l’arrêt Anthony-Cook 4 . [25] Or, en l’espèce, nous sommes d’avis que la sanction suggérée par les procureurs est une sanction qui colle aux faits du présent dossier. [26] Voilà pourquoi le Comité a accepté la recommandation conjointe des parties lors de l’audition sur culpabilité et sanction. Il y a lieu maintenant de l’entériner.

[27] Finalement, tous les déboursés et frais de l’instance seront à la charge de l’intimé et ce dernier disposera d’un délai de 90 jours pour acquitter les amendes ainsi que les déboursés et les frais.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : AUTORISE le retrait des chefs 1 et 2 de la plainte originale et le dépôt au dossier de la plainte modifiée 2020-08-05(C) en date du 12 décembre 2022;

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur les deux chefs de la plainte modifiée 2020-08-05(C);

DÉCLARE l’intimé coupable du chef n o 3 pour avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef n o 4 pour avoir contrevenu à l’article 9 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard de toutes les autres dispositions réglementaires alléguées au soutien des chefs susdits;

IMPOSE LES SANCTIONS SUIVANTES À L’INTIMÉ : Chef n o 3 : une amende de 2 000 $; Chef n o 4 : une amende de 2 000 $; CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés et frais de l’instance; ACCORDE à l’intimé un délai de 90 jours pour acquitter les amendes, déboursés et frais de l’instance, délai qui sera calculé uniquement à compter du 31 e jour suivant la signification de la présente décision.

4 R. c. Anthony-Cook 2016 CSC 43 (CanLII);

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__________________________________ M e Daniel M. Fabien, avocat Vice-président du Comité de discipline

__________________________________ M. Michaël Léveillée, courtier en assurance de dommages Membre du Comité de discipline

M e Jack Kermezian Procureur de la partie plaignante

M e Jean-Paul Perron Procureur de la partie intimée

Date d’audience : Le 16 décembre 2022 par visioconférence

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