Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2021-11-08(C) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Président M. Benoit St-Germain, courtier en assurance de dommages Membre Mme Martyne Lavoie, agent en assurance de dommages Membre des particuliers

Me PASCAL PAQUETTE-DORION, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. KEVIN MALLETTE, courtier en assurance de dommages (4A)

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DU NOM DE L’ASSURÉE ET DE TOUT RENSEIGNEMENT ET INFORMATION PERMETTANT DE L’IDENTIFIER ET MENTIONNÉS DANS LA PLAINTE ET DANS LES PIÈCES DOCUMENTAIRES, LE TOUT AFIN DE PRÉSERVER SA VIE PRIVÉE, CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q, c. C-26)

[1] Le 29 novembre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2021-11-08(C) ;

[2] Le syndic adjoint était alors représenté par Me Maryse Ali et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Anne-Marie Asselin ;

I. [3]

La plainte L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant trois (3) chefs d’accusation, soit : 1. À La Pêche, le ou vers le 26 février 2020, concernant le contrat d’assurance habitation n o 500488813 émis par Assurance Economical au nom de l’assurée N.S.,

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pour la période du 19 novembre 2019 au 19 novembre 2020, a exercé ses activités de manière négligente ou malhonnête et/ou a transmis des informations inexactes ou susceptibles d’induire en erreur l’assurée N.S. en lien avec sa couverture d’assurance, en contravention avec les articles 9, 15, 37(1), 37(6) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2. À La Pêche, concernant le contrat d’assurance habitation n o 500488813 émis par Assurance Economical au nom de l’assurée N.S., pour la période du 19 novembre 2019 au 19 novembre 2020, a fait défaut d’agir avec transparence et/ou de rendre compte à l’assurée N.S., notamment :

a. le ou vers le 7 février 2020, en confirmant à l’assurée N.S. que ledit contrat d’assurance était en vigueur, alors que ce n’était pas le cas;

b. à compter du 7 avril 2020, en omettant d’informer l’assurée N.S. que son immeuble n’était pas assuré depuis le 8 février 2020;

agissant ainsi, à chacune de ces occasions, en contravention avec les articles 25, 37(1) et 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[4] L’intimé ayant enregistré un plaidoyer de culpabilité, les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction ;

II. [5]

Preuve sur sanction Brièvement résumée, la preuve administrée a permis d’établir que : Le 7 février 2020, l’intimé, suite à une série de malentendus, a confirmé par erreur à l’assurée que son contrat d’assurance-habitation était en vigueur alors que ce n’était pas le cas, au contraire, celui-ci était en processus de résiliation pour non-paiement (chef 2a) ;

Mais il y a plus, le 26 février 2020, l’intimé suggère à l’assurée d’ignorer l’avis de résiliation qu’elle vient de recevoir (chef 1) ;

Finalement, le 7 avril 2020, alors que l’assureur Economical refuse d’assurer la résidence de sa cliente, l’intimé fait défaut d’informer cette dernière que son immeuble n’est pas assuré depuis le 8 février 2020 (chef 2b) ;

[6]

D’autre part, l’avocate de l’intimé a tenu à préciser : Que l’intimé n’était pas de mauvaise foi ; Qu’à l’époque des infractions reprochées, il avait très peu d’expérience comme courtier ;

Qu’il n’a pas d’antécédents disciplinaires ; Que durant ses vacances, un autre courtier s’occupait du dossier de l’assurée

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et qu’il s’est fié à cette personne sans faire de vérifications supplémentaires ; Que l’assurée n’a pas subi de préjudice financier ; [7] C’est à la lumière de ces faits que le Comité évaluera le bien-fondé de la recommandation commune formulée par les parties ;

III. Recommandations communes [8] D’un commun accord, les parties suggèrent d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 1 : une amende de 5 000 $ Chef 2a : une amende de 2 000 $ Chef 2b : une amende de 2 000 $ Pour un total de 9 000 $ [9] D’autre part, en application du principe de la globalité des sanctions demandent au Comité de réduire les sanctions comme suit :

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, les parties

Chef 1 : une amende de 5 000 $ Chef 2a : une amende de 2 000 $ Chef 2b : une réprimande [10] De plus, l’ensemble des déboursés seront à la charge de l’intimé ; [11] Me Ali, après avoir rappelé les grands principes en matière de sanction disciplinaire insiste sur les facteurs aggravants suivants :

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,

Le manque de suivi par l’intimé de son dossier ; Le fait que les infractions se situent au cœur même de l’exercice de la profession ; La gravité objectivement élevée des infractions ; La négligence de l’intimé et son manque de transparence ; La mise en péril de la protection du public ; [12] Par contre, elle reconnaît que l’intimé doit bénéficier des circonstances atténuantes

1 Gingras c. Pluviose, 2020 QCCQ 8495 (CanLII); 2 Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA);

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suivantes : Son plaidoyer de culpabilité ; L’absence d’antécédents disciplinaires ; La bonne foi de l’intimé, lequel n’avait pas d’intention malveillante ; Sa bonne collaboration à l’enquête et au processus disciplinaire ; Le peu d’expérience de l’intimé au moment des faits reprochés ; Le faible risque de récidive ; [13] Finalement, elle dépose à l’appui de la recommandation commune une série de jurisprudence, soit :

ChAD c. Plante, 2014 CanLII 24914 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Godbout et Noël, 2022 CanLII 9413 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Brisebois, 2021 CanLII 51161 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Thiffault, 2019 CanLII 112813 (QC CDCHAD) ; [14] À son avis, ces décisions disciplinaires démontrent que les sanctions suggérées s’inscrivent parfaitement dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour cette catégorie d’infractions ;

[15] À ce sujet, Me Asselin a également déposé une liste d’autorités démontrant le bien-fondé des sanctions suggérées, soit :

ChAD c. Salimi, 2022 CanLII 71582 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Richard, 2022 CanLII 27106 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Gingras, 2018 CanLII 110961 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Charles, 2019 CanLII 120596 (QC CDCHAD) ; Gingras c. Pluviose, 2020 QCCQ 8495 (CanLII) ; [16] Finalement, Me Asselin demande au Comité d’accorder à l’intimé un délai de 60 jours pour acquitter le montant des amendes et des déboursés ;

[17] Cela dit, les parties demandent au Comité d’entériner la recommandation commune ;

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IV. Analyse et décision A) Remarques préliminaires [18] Le Comité tient à rappeler l’importance des obligations déontologiques imposées aux représentants en assurance de dommages au moment du renouvellement d’un contrat d’assurance, notamment tel que souligné dans l’affaire Sévigny 3 :

[20] Le Comité considère que le présent dossier justifie de rappeler les principaux devoirs qui incombent au courtier d’assurance ;

Avant toute chose, le courtier doit faire preuve de disponibilité et il ne doit pas négliger ses devoirs professionnels ;

De plus, il doit tenir compte des limites de ses aptitudes et ne pas hésiter à obtenir l’aide appropriée, si nécessaire ;

Il doit, dans les plus brefs délais, donner suite aux instructions qu’il reçoit de son client ou le prévenir qu’il lui est impossible de s’y conformer ;

Enfin, il doit exercer de façon honnête et ne pas faire preuve de négligence ;

De plus, il doit rendre compte de l’exécution de son mandat et toujours agir en conseiller consciencieux ;

[19] Bref, il s’agit d’un devoir qui se situe au cœur même de l’exercice de la profession et le courtier doit toujours agir de manière méticuleuse et consciencieuse ;

[20] Il ne doit pas se contenter d’agir comme un « simple vendeur d’assurance » 4 et il doit s’assurer d’informer adéquatement son client de la gestion de son dossier et de demeurer en contact avec celui-ci de manière à permettre la communication dans les deux sens 5 ;

[21] Cela étant établi, il convient maintenant d’examiner la recommandation commune formulée par les parties ;

B) La recommandation commune [22] Dans un arrêt récent, soit l’affaire Duval 6 , le Tribunal des professions rappelait le caractère pour le moins limité de la discrétion conférée aux divers conseils de discipline lorsqu’il s’agit de décider du bien-fondé d’une recommandation commune :

3 ChAD c. Sévigny, 2019 CanLII 112815 (QC CDCHAD); 4 Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba, 1990 CanLII 59 (CSC), par. 57 et 58; 5 Laflamme c. Prudentiel-Bache Commodities Canada Ltd., 2000 CSC 26 (CanLII), par. 30 et 31; 6 Duval c. Comptables professionnels agréés, 2022 QCTP 36 (CanLII);

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[8] Les deux parties sont d’avis que le Conseil a erré en refusant de suivre la recommandation commune et en s’appuyant sur des faits et des facteurs aggravants qui ne faisaient pas partie de la trame factuelle convenue entre elles.

[13] Suivant les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Anthony Cook, le Conseil devait déterminer si la sanction suggérée conjointement était contraire à l’intérêt public ou déconsidérait l’administration de la justice. La question pour le Tribunal en l’espèce n'est donc pas de savoir si la sanction infligée par le Conseil est déraisonnable, mais bien si la recommandation commune l'était au point il fallait la rejeter.

[14] Ce motif d’appel soulève une question de droit, permettant au Tribunal d’intervenir en cas d’erreur. En matière de suggestion commune sur sanction, lorsqu’un Conseil de discipline s’attarde à examiner la justesse de la sanction proposée conjointement, au lieu de se limiter à la question de son incidence sur l’intérêt public ou l’administration de la justice, il commet une erreur de droit qui justifie l’intervention du Tribunal.

[15] Il ne fait aucun doute que le Conseil est maître de l’appréciation de la preuve dans les dossiers qui procèdent devant lui. Cependant, en l’espèce, il se devait de considérer la trame factuelle de l’infraction, non pas en fonction d’une preuve partielle entendue à l’audience, mais seulement en fonction de celle présentée conjointement par les parties, laquelle fournissait le fondement de leur recommandation commune. Bien que le résumé des faits au début de la décision du Conseil cerne correctement cet exposé conjoint des faits, le Conseil réfère d’ailleurs à plusieurs facteurs aggravants ainsi qu’à des faits étrangers à cet exposé conjoint pour s’autoriser à s’écarter de la suggestion commune sur sanction.

[22] Le Tribunal est d’avis que si le Conseil avait respecté les limites circonscrites en matière de suggestions communes et s’était tenu seulement aux faits admis par les parties, il n’aurait pu conclure autrement que d’entériner la recommandation des parties. Cette recommandation reflète les faits particuliers du dossier tels que résumés dans l’exposé conjoint et elle se situe à l’intérieur de la fourchette des sanctions applicables, telle qu’illustrée dans le tableau de jurisprudence soumise au Conseil. Elle ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public.

(caractères gras ajoutés) [23] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 7 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être

7 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37;

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tentés de poser des gestes semblables ; Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ; [24] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 8 ;

[25] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 9 ;

[26] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 10 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 11 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[27] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 12 ;

[28] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[29] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[30] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimé ; [31] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans les arrêts Gougeon 13 et Duval 14 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé ; DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 1, 2a et 2b de la plainte et plus particulièrement comme suit :

8 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 9 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 10 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 11 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 12 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ; 13 Audioprothésistes c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 14 Op. cit., note 6 ;

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Chef 1 :

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pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5)

Chef 2a : pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5)

Chef 2b : pour avoir contrevenu à l’article 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 et 2a) et 2b) de la plainte;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes : Chef 1 : une amende de 5 000 $ Chef 2a : une amende de 2 000 $ Chef 2b : une amende de 2 000 $ RÉDUIT le montant total des amendes (9 000 $) à la somme globale de 7 000 $ répartie comme suit :

Chef 1 : une amende de 5 000 $ Chef 2a : une amende de 2 000 $ Chef 2b : une réprimande CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés ; ACCORDE à l’intimé un délai de paiement de 60 jours pour acquitter le montant des amendes et déboursés, calculé à compter du 31 e jour suivant la signification de la présente décision.

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____________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

____________________________________ M. Benoit St-Germain, courtier en assurance de dommages Membre

Me Maryse Ali Procureure de la partie plaignante

____________________________________ Mme Martyne Lavoie, agent en assurance de dommages des particuliers Membre

Me Anne-Marie Asselin Procureure de la partie intimée

Date d’audience : 29 novembre 2022

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