Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2021-11-06(C) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Mme Anne-Marie Hurteau, agent en assurance de dommages M. Benoit Latour, courtier en assurance de dommages des entreprises

Président Membre

Membre

Me PASCAL PAQUETTE-DORION, ès qualités de syndic adjoint de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante c. DOMINIC ROUSSEAU, courtier en assurance de dommages

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DE TOUT RENSEIGNEMENT OU INFORMATION PERMETTANT D’IDENTIFIER L’ASSURÉE MENTIONNÉE DANS LA PLAINTE ET LES PIÈCES DOCUMENTAIRES AFIN DE PROTÉGER SA VIE PRIVÉE, LE TOUT SUIVANT L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q. c. C-26)

[1] Le 7 novembre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2021-11-06(C), en visioconférence ;

[2] Le syndic adjoint était alors représenté par Me Valérie Déziel et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Guillaume Plourde ;

I. La plainte [3] L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant à l’origine cinq (5) chefs d’accusation, soit :

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1. Entre les ou vers les 28 août et 30 novembre 2020, dans le cadre d’une demande de soumission au nom de N.M., a exercé ses activités de manière négligente et/ou n’a pas donné suite aux instructions de N.M., en contravention avec les articles 9, 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2. Entre les ou vers les mois d’août 2020 et février 2021, a été négligent dans sa tenue de dossier de N.M., notamment en omettant de noter adéquatement les discussions tenues avec elle, leur teneur, les conseils et explications donnés, les instructions reçues et les décisions prises, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, et les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

3. Entre les ou vers les 30 novembre 2020 et 19 février 2021, à la suite d’un sinistre survenu le 30 novembre 2020, a outrepassé son rôle de représentant en assurances de dommages en se permettant des conseils et commentaires pour lesquels il ne détient ni les connaissances ni les aptitudes, en contravention avec les articles 16 et 17 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

4. Entre les ou vers les 3 décembre 2020 et 19 février 2021, a fait défaut d’agir avec professionnalisme et/ou n’a pas eu une conduite empreinte de modération et de dignité lors de ses conversations téléphoniques avec N.M., en faisant des commentaires inappropriés et déplacés à l’égard des assureurs et/ou leurs représentants, et de N.M., en contravention avec l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

5. (retrait) [4] Dès le début de l’audition, la poursuite a demandé le retrait du chef 5 de la plainte ; [5] Vu l’absence de contestation, le Comité accepta, séance tenante, le retrait du chef 5; [6] Cela fait, l’intimé enregistra un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des chefs 1 à 4, il fut donc déclaré coupable desdites infractions et les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction ;

II. [7]

Les faits Essentiellement, la preuve a permis d’établir les faits suivants : Alors que sa cliente (N.M.) lui donne mandat d’assurer son nouvel appartement, l’intimé néglige de faire un suivi de son dossier et celle-ci se retrouve avec un découvert d’assurance lui occasionnant une importante perte financière (chef 1) ;

De plus, malgré plusieurs conversations téléphoniques entre la cliente et l’intimé, aucune de celles-ci ne se retrouve dans son dossier (chef 2) ;

Finalement, l’intimé s’aventure à dispenser certains conseils légaux, par ailleurs

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erronés, et, par le fait même, il a excédé ses compétences légales et académiques (chef 3) ;

Enfin, durant ses discussions avec sa cliente, il se permet des commentaires inappropriés et déplacés envers les assureurs (chef 4) ;

[8] Il y a lieu de noter que l’assurée a subi une perte de plus de 26 000 $ en raison de la négligence de l’intimé à lui procurer une couverture d’assurance ;

[9] C’est à la lumière de cette trame factuelle que le Comité examinera la recommandation commune formulée par les parties ;

III. Recommandations communes [10] Me Déziel, à titre de procureure de la partie plaignante, suggère conjointement avec son confrère de la défense d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 1 : une amende de 4 000 $ Chef 2 : une amende de 2 000 $ Chef 3 : une amende de 4 000 $ Chef 4 : une amende de 2 000 $ Pour un total de 12 000 $ [11] Les parties demandent également au Comité de réduire, en vertu du principe de la globalité des sanctions 1 , le montant total des amendes à une somme globale de 10 000 $ ;

[12] Afin d’établir les sanctions appropriées au cas de l’intimé, les parties ont tenu compte des facteurs aggravants suivants :

La gravité objective des infractions ; Le fait que celles-ci se situent au cœur même de l’exercice de la profession ; La durée des infractions (12 mois) ; L’expérience de l’intimé (plus de 17 ans) ; Le préjudice occasionné à l’assurée ; [13] Par ailleurs, les parties ont considéré les facteurs atténuants suivants :

1 Gingras c. Pluviose, 2020 QCCQ 8495 (CanLII);

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Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé ; L’absence d’antécédents disciplinaires ; L’absence d’intention malveillante de l’intimé ; Sa bonne foi ; Le fait que l’intimé n’a pas retiré de bénéfice de ses fautes et que les infractions ne concernent qu’une seule assurée ;

[14] De plus, de l’avis des parties, les sanctions suggérées s’inscrivent dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour ce type d’infractions ;

[15] À cet égard, les parties citent plusieurs jurisprudences : Chef 1 : ChAD c. Guilbault, 2020 CanLII 76244 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Brunelle, 2021 CanLII 28823 (QC CDCHAD) ; Chef 2 : ChAD c. Sultanian, 2020 CanLII 141359 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Bouhayat, 2022 CanLII 6231 (QC CDCHAD) ; Chef 3 : ChAD c. Domon, 2019 CanLII 104203 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Charlebois, 2012 CanLII 4128 (QC CDCHAD) ; Chef 4 : ChAD c. Vaval, 2019 CanLII 41638 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Beaulieu, 2021 CanLII 51171 (QC CDCHAD) ; [16] Cela dit, les parties demandent conjointement au Comité d’imposer les sanctions suggérées ;

IV.

Analyse et décision A) Le plaidoyer de culpabilité

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[17] Tel que le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Castiglia c. Frégeau 2 , un plaidoyer de culpabilité constitue une admission des principaux faits allégués dans la plainte et une reconnaissance que ceux-ci constituent une faute déontologique 3 ;

[18] De plus, suivant la Cour d’appel 4 , un plaidoyer de culpabilité est « un consentement à ce qu’une déclaration de culpabilité soit inscrite, sans autre forme de procès »

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;

[19] En conséquence, à la suite de son plaidoyer de culpabilité, l’intimé fut reconnu coupable, séance tenante, de l’ensemble des infractions reprochées dans la plainte ;

B) La recommandation commune [20] Dans un arrêt récent, soit l’affaire Duval 6 , le Tribunal des professions rappelait le caractère pour le moins limité de la discrétion conférée aux divers conseils de discipline lorsqu’il s’agit de décider du bien-fondé d’une recommandation commune :

[8] Les deux parties sont d’avis que le Conseil a erré en refusant de suivre la recommandation commune et en s’appuyant sur des faits et des facteurs aggravants qui ne faisaient pas partie de la trame factuelle convenue entre elles.

[13] Suivant les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Anthony Cook, le Conseil devait déterminer si la sanction suggérée conjointement était contraire à l’intérêt public ou déconsidérait l’administration de la justice. La question pour le Tribunal en l’espèce n'est donc pas de savoir si la sanction infligée par le Conseil est déraisonnable, mais bien si la recommandation commune l'était au point il fallait la rejeter.

[14] Ce motif d’appel soulève une question de droit, permettant au Tribunal d’intervenir en cas d’erreur. En matière de suggestion commune sur sanction, lorsqu’un Conseil de discipline s’attarde à examiner la justesse de la sanction proposée conjointement, au lieu de se limiter à la question de son incidence sur l’intérêt public ou l’administration de la justice, il commet une erreur de droit qui justifie l’intervention du Tribunal.

[15] Il ne fait aucun doute que le Conseil est maître de l’appréciation de la preuve dans les dossiers qui procèdent devant lui. Cependant, en l’espèce, il se devait de considérer la trame factuelle de l’infraction, non pas en fonction d’une preuve partielle entendue à l’audience, mais seulement en fonction de celle présentée conjointement par les parties, laquelle fournissait le fondement de leur recommandation commune. Bien que le résumé des faits au début de la décision du Conseil cerne correctement cet exposé conjoint des faits, le Conseil réfère d’ailleurs à plusieurs facteurs aggravants ainsi qu’à des faits étrangers à cet exposé conjoint pour s’autoriser à s’écarter de la suggestion commune sur sanction.

[22] Le Tribunal est d’avis que si le Conseil avait respecté les limites circonscrites en matière de suggestions communes et s’était tenu seulement aux faits admis par les parties, il n’aurait pu conclure autrement que d’entériner la recommandation des parties.

2 2014 QCCQ 849 (CanLII); 3 Ibid., par. 27 et 28; 4 Duquette c. Gauthier, 2007 QCCA 863 (CanLII); 5 Ibid., par. 20; 6 Duval c. Comptables professionnels agréés, 2022 QCTP 36 (CanLII);

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Cette recommandation reflète les faits particuliers du dossier tels que résumés dans l’exposé conjoint et elle se situe à l’intérieur de la fourchette des sanctions applicables, telle qu’illustrée dans le tableau de jurisprudence soumise au Conseil. Elle ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public.

(caractères gras ajoutés) [21] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 7 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ; [22] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 8 ;

[23] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 9 ;

[24] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 10 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 11 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[25] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 12 ;

[26] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[27] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

7 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37; 8 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 9 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 10 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 11 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 12 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ;

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[28] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimé ; [29] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans les arrêts Gougeon 13 et Duval 14 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

AUTORISE le retrait du chef 5 ; PREND ACTE du plaidoyer de l’intimé sur les chefs 1 à 4 de la plainte ; DÉCLARE l’intimé coupable des infractions reprochées aux chefs 1 à 4 de la plainte et plus particulièrement comme suit :

Chef 1:

Chef 2:

Chef 3:

Chef 4:

pour avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r. 5)

pour avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.2)

pour avoir contrevenu à l’article 16 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r. 5)

pour avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r. 5)

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 4 de la plainte ;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes : Chef 1 : une amende de 4 000 $ Chef 2 : une amende de 2 000 $ Chef 3 : une amende de 4 000 $ Chef 4 : une amende de 2 000 $ Pour un total de 12 000 $

13 Audioprothésistes c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 14 Duval c. Comptables professionnels agréés, 2022 QCTP 36 (CanLII;

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RÉDUIT le montant total des amendes (12 000 $) à la somme globale de 10 000 $ répartie comme suit :

Chef 1 : une amende de 3 000 $ Chef 2 : une amende de 2 000 $ Chef 3 : une amende de 3 000 $ Chef 4 : une amende de 2 000 $ Pour un total de 10 000 $ CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés inhérents au dossier ; ACCORDE à l’intimé un délai de 12 mois pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculé à compter du 31 e jour suivant la signification de la présente décision.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ Mme Anne-Marie Hurteau, agent en assurance de dommages Membre

___________________________________ M. Benoit Latour, courtier en assurance de dommages des entreprises Membre

Me Valérie Déziel Procureure de la partie plaignante

Me Guillaume Plourde Procureur de la partie intimée

Date d’audience : 7 novembre 2022 par visioconférence

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