Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2022-03-02(C) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Président Mme Anne-Marie Hurteau, agent en assurance de dommages Membre Mme Sultana Chichester, agent en assurance de dommages Membre des particuliers

Me YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages

Partie plaignante en reprise d’instance c. JULIE PARÉ, courtier en assurance de dommages des particuliers (4B)

Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-DIVULGATION DU NOM DE L’ASSURÉE ET DE TOUT ÉLÉMENT, RENSEIGNEMENT ET INFORMATION PERMETTANT DE L’IDENTIFIER ET MENTIONNÉS DANS LA PLAINTE ET/OU LES PIÈCES DOCUMENTAIRES DÉPOSÉES AU SOUTIEN DE LA PLAINTE, LE TOUT AFIN DE PRÉSERVER SA VIE PRIVÉE, CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS (R.L.R.Q, c. C-26)

[1] Le 22 novembre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2022-03-02(C), par visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Valérie Déziel et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Sonia Paradis ;

I. La plainte [3] L’intimée fait l’objet d’une plainte comportant à l’origine six (6) chefs d’accusation, soit :

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1. Entre les ou vers les 7 et 15 avril 2021, dans le cadre de la proposition d’assurance automobile no AR8859 auprès de Service d’assurance Universel inc. au nom de l’assurée V.V.P., n’a pas donné suite au mandat confié, soit d’obtenir une soumission d’assurance pour un véhicule de marque Mercedes Benz 2010, en contravention avec les articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

2. Les ou vers les 14 et 15 avril 2021, dans le cadre de la proposition d’assurance automobile n o AR8859 auprès du Service d’assurance Universel inc. au nom de l’assurée V.V.P., a fait défaut de rendre compte à l’assurée, en omettant de l’informer qu’elle n’était plus assurée et qu’elle ne pouvait pas utiliser son véhicule, en contravention avec les articles 25, 37(1), 37(4) et 37(6) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

3. Entre les ou vers les 12 et 19 avril 2021, dans le cadre de la proposition d’assurance automobile n o AR8859 auprès de Service d’assurance Universel inc. au nom de l’assurée V.V.P., a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque, notamment que le contrat d’assurance automobile antérieur de l’assurée avait été annulé et que le véhicule à assurer était accidenté, en contravention avec les articles 29 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

4. Le ou vers le 19 avril 2021, lors d’une conversation téléphonique avec l’assurée V.V.P., n’a pas eu une conduite empreinte de discrétion et de modération, en lui mentionnant que le fait qu’elle ait communiqué avec le Bureau d’assurance du Canada pouvait lui faire perdre son emploi, en contravention avec l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

5. Entre les ou vers les 13 et 19 avril 2021, a été négligente dans la tenue du dossier de l’assurée V.V.P., notamment en omettant de noter adéquatement les conversations téléphoniques, leur teneur, les conseils et explications donnés, les instructions reçues et les décisions prises, en contravention avec les articles 85 à 88 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, les articles 9 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages et les articles 12 et 21 du Règlement sur le cabinet, le représentant autonome et la société autonome;

6. (retrait) [4] Dès le début de l’audience, le syndic a demandé au Comité l’autorisation de retirer le chef 6 de la plainte ;

[5] Cela fait, l’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des chefs 1 à 5 de la plainte modifiée ;

[6] II. [7]

Les parties ont alors procédé aux représentations sur sanction ; Les faits La preuve administrée par les parties a permis d’établir les faits suivants :

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L’intimée a fait défaut de donner suite à la demande de sa cliente de lui obtenir de l’assurance pour sa Mercedes (chef 1) en faisant parvenir à l’assureur une soumission et une proposition pour un véhicule de marque Ford Escape ;

Elle a également omis d’informer sa cliente qu’elle n’était plus assurée et qu’elle ne pouvait utiliser son véhicule (chef 2) alors que l’assureur exigeait l’installation d’un « TAG » et la transmission d’une preuve de l’installation du « TAG » avant que la police d’assurance ne soit émise ;

Or, alors que la cliente n’est pas assurée, elle est victime d’un délit de fuite et son véhicule est endommagé ;

Cela dit, l’intimée communique avec l’assureur pour lui transmettre une nouvelle proposition sans toutefois déclarer par écrit le sinistre survenu quelques jours auparavant (chef 3) ;

Il appert toutefois que cette information aurait été transmise verbalement à l’assureur ;

Malgré cela, l’assureur se retire du risque, vu le sinistre subi par la cliente alors qu’elle n’était pas assurée et le fait que le véhicule est endommagé (P-14) ;

Devant cet imbroglio, la cliente communique avec le Bureau d’assurance du Canada (B.A.C.) ;

L’intimée est informée de cette plainte lors d’une conversation téléphonique avec sa cliente, perd patience et adopte un comportement qui n’est pas empreint de discrétion et de modération (chef 4) ;

Finalement, le dossier tenu par l’intimée ne fait pas état de toutes les conversations téléphoniques et d’un courriel du 13 avril 2021 (chef 5) ;

[8] L’intimée a également témoigné pour sa défense afin de préciser : Qu’elle regrette ses faits et gestes ; Qu’il s’agit de sa première plainte ; Qu’elle a modifié sa pratique depuis les faits reprochés ; Qu’elle est beaucoup plus prudente et attentive lorsqu’elle complète ses dossiers ; [9] C’est à la lumière de ces faits que le Comité examinera le bien-fondé de la recommandation commune formulée par les parties ;

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III. Recommandations communes [10] Les parties suggèrent, de manière conjointe, d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef 1 : une amende de 2 000 $ Chef 2 : une amende de 4 000 $ Chef 3 : une amende de 2 000 $ Chef 4 : une réprimande Chef 5 : une réprimande [11] Afin d’établir cette recommandation commune, les parties ont considéré les facteurs aggravants suivants :

La gravité objectivement élevée des infractions ; Le fait que celles-ci se situent au cœur même de l’exercice de la profession ; Le préjudice causé à l’assurée ; [12] Ils ont également tenu compte des facteurs atténuants suivants : Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ; Son absence d’antécédents disciplinaires ; Ses regrets et ses remords ; Le fait qu’elle a modifié ses méthodes de travail depuis les événements ; Son absence de mauvaise foi ou d’intention malveillante ; Son faible risque de récidive ; L’absence de bénéfice personnel pour l’intimée ; Le fait que les infractions ne concernent qu’une seule assurée ; [13] Cela étant établi, les parties demandent au Comité d’entériner leur recommandation commune ;

[14] De façon plus particulière, Me Paradis, après avoir rappelé l’ensemble des circonstances atténuantes propres au dossier de l’intimée, demande au Comité de lui

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accorder un délai de paiement de 18 mois; [15] Me Déziel n’a pas d’objection à cette demande ;

IV. Analyse et décision A) Le plaidoyer de culpabilité [16] Tel que le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Castiglia c. Frégeau 1 , un plaidoyer de culpabilité constitue une admission des principaux faits allégués dans la plainte et une reconnaissance que ceux-ci constituent une faute déontologique 2 ;

[17] De plus, suivant la Cour d’appel 3 , un plaidoyer de culpabilité est « un consentement à ce qu’une déclaration de culpabilité soit inscrite, sans autre forme de procès »

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;

[18] En conséquence, à la suite de son plaidoyer de culpabilité, l’intimée fut reconnue coupable, séance tenante, de l’ensemble des infractions reprochées dans la plainte ;

B) La recommandation commune [19] Dans un arrêt récent, soit l’affaire Duval 5 , le Tribunal des professions rappelait le caractère pour le moins limité de la discrétion conférée aux divers conseils de discipline lorsqu’il s’agit de décider du bien-fondé d’une recommandation commune :

[8] Les deux parties sont d’avis que le Conseil a erré en refusant de suivre la recommandation commune et en s’appuyant sur des faits et des facteurs aggravants qui ne faisaient pas partie de la trame factuelle convenue entre elles.

[13] Suivant les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Anthony Cook, le Conseil devait déterminer si la sanction suggérée conjointement était contraire à l’intérêt public ou déconsidérait l’administration de la justice. La question pour le Tribunal en l’espèce n'est donc pas de savoir si la sanction infligée par le Conseil est déraisonnable, mais bien si la recommandation commune l'était au point il fallait la rejeter.

[14] Ce motif d’appel soulève une question de droit, permettant au Tribunal d’intervenir en cas d’erreur. En matière de suggestion commune sur sanction, lorsqu’un Conseil de discipline s’attarde à examiner la justesse de la sanction proposée conjointement, au lieu de se limiter à la question de son incidence sur l’intérêt public ou l’administration de la justice, il commet une erreur de droit qui justifie l’intervention du Tribunal.

[15] Il ne fait aucun doute que le Conseil est maître de l’appréciation de la preuve dans les dossiers qui procèdent devant lui. Cependant, en l’espèce, il se devait de

1 2014 QCCQ 849 (CanLII); 2 Ibid., par. 27 et 28; 3 Duquette c. Gauthier, 2007 QCCA 863 (CanLII); 4 Ibid., par. 20; 5 Duval c. Comptables professionnels agréés, 2022 QCTP 36 (CanLII);

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considérer la trame factuelle de l’infraction, non pas en fonction d’une preuve partielle entendue à l’audience, mais seulement en fonction de celle présentée conjointement par les parties, laquelle fournissait le fondement de leur recommandation commune. Bien que le résumé des faits au début de la décision du Conseil cerne correctement cet exposé conjoint des faits, le Conseil réfère d’ailleurs à plusieurs facteurs aggravants ainsi qu’à des faits étrangers à cet exposé conjoint pour s’autoriser à s’écarter de la suggestion commune sur sanction.

[22] Le Tribunal est d’avis que si le Conseil avait respecté les limites circonscrites en matière de suggestions communes et s’était tenu seulement aux faits admis par les parties, il n’aurait pu conclure autrement que d’entériner la recommandation des parties. Cette recommandation reflète les faits particuliers du dossier tels que résumés dans l’exposé conjoint et elle se situe à l’intérieur de la fourchette des sanctions applicables, telle qu’illustrée dans le tableau de jurisprudence soumise au Conseil. Elle ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public. (caractères gras ajoutés)

[20] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 6 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ; [21] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 7 ;

[22] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 8 ;

[23] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 9 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 10 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[24] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une

6 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37; 7 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 8 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 9 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 10 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ;

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recommandation commune formulée par les parties 11 ; [25] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[26] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[27] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ; [28] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans les arrêts Gougeon 12 et Duval 13 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : AUTORISE le retrait du chef 6 de la plainte ; PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sur les chefs 1 à 5 de la plainte modifiée ;

DÉCLARE l’intimée coupable des chefs 1 à 5 de la plainte modifiée et plus particulièrement comme suit :

Chef 1:

Chef 2:

Chef 3:

Chef 4:

Chef 5:

pour avoir contrevenu à l’article 26 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5)

pour avoir contrevenu à l’article 37(4) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5)

pour avoir contrevenu à l’article 29 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5)

pour avoir contrevenu à l’article 14 du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5)

pour avoir contrevenu à l’article 21 du Règlement sur le cabinet autonome, le représentant autonome et la société autonome (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.2)

11 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ; 12 Audioprothésistes c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 13 Op. cit., note 5 ;

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PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 5 de la plainte modifiée ;

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes : Chef 1 : une amende de 2 000 $ Chef 2 : une amende de 4 000 $ Chef 3 : une amende de 2 000 $ Chef 4 : une réprimande Chef 5 : une réprimande CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés ; ACCORDE à l’intimée un délai de 18 mois pour acquitter le montant des amendes et des déboursés, calculé à compter du 31 e jour suivant la signification de la présente décision.

___________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

___________________________________ Mme Anne-Marie Hurteau, agent en assurance de dommages Membre

Me Valérie Déziel Procureure de la partie plaignante

___________________________________ Mme Sultana Chichester, agent en assurance de dommages des particuliers Membre

Me Sonia Paradis Procureure de la partie intimée

Date d’audience : 22 novembre 2022 (par visioconférence)

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