Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2020-08-03(C) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Président M. Colin Gélinas, courtier en assurance des entreprises Membre Mme Sultana Chichester, agent en assurance de dommages Membre des particuliers

Me YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages Partie plaignante c. STÉPHANIE CENTENO, courtier en assurance de dommages des particuliers Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

[1] Le 26 octobre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2020-08-03(C), par visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Claude G. Leduc et Me Jack Kermezian et, de son côté, l’intimée était représentée par Me Jean-Paul Perron ;

I. La plainte [3] L’intimée fait l’objet d’une plainte modifiée comportant quatre (4) chefs d’accusation, soit :

Dans le cas de l’assuré F.C. 1. Le ou vers le 12 juin 2018, lors de la souscription du contrat d’assurance habitation R5113399001 auprès de l’assureur Promutuel Vallée du St-Laurent, société mutuelle d’assurance générale pour la période du 12 juin 2018 au 12 juin 2019, l’Intimée, à certaines reprises, a exercé ses activités de façon négligente et/ou n’a pas donné suite à toutes les instructions reçues de l’assuré, (…), commettant, à chacune (…) de ces occasions, une infraction à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

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2. Le ou vers le 12 juin 2018, lors de la souscription du contrat d’assurance automobile R5113399001 auprès de l’assureur Promutuel Vallée du St-Laurent, société mutuelle d’assurance générale pour la période du 12 juin 2018 au 12 juin 2019, a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque et/ou a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente en transmettant à l’assureur des renseignements non vérifiés, faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur quant au risque, en contravention avec les articles 9, 29, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

Dans le cas des assurés V.A. et Y.B. 3. Le ou vers le 3 mars 2017, lors de la souscription du contrat d’assurance habitation R33991593302-1 auprès de l’assureur Ledor Assurances inc. pour la période du 5 mars 2017 au 5 mars 2018, l’Intimée, à certaines reprises, a exercé ses activités de façon négligente et/ou n’a pas donné suite à toutes les instructions reçues de l’assuré, (…), commettant, à chacune (…) de ces occasions, une infraction à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages;

4. Le ou vers le 3 mars 2017, lors de la souscription du contrat d’assurance habitation R33991593302-1 auprès de l’assureur Ledor Assurances inc. pour la période du 5 mars 2017 au 5 mars 2018, a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque et/ou a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente en transmettant à l’assureur des renseignements non vérifiés, faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur quant au risque, en contravention avec les articles 9, 29, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages.

[4] D’entrée de jeu, l’intimée a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des chefs d’accusation de la plainte ;

[5] Les parties ont alors procédé à l’audition sur sanction ; II. Preuve sur sanction [6] L’ensemble des pièces documentaires furent déposées de consentement (P-1 à P-9) ;

[7] Cette preuve a permis de cibler les principaux manquements de l’intimée à l’égard du chef 1, notamment que celle-ci aurait :

indiqué que l’assuré n’avait pas de dossier criminel ou fait faillite alors que la question ne fut pas posée de nouveau à l’assuré, au moment de l’émission d’un nouveau contrat ;

[8]

Plus précisément, l’assuré était déjà un client depuis 2016 et ces questions

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auraient été posées à l’époque, cependant, la faute de l’intimée constitue dans son omission de poser de nouveau ces questions lors de la soumission du nouveau contrat ;

[9]

Quant au chef 3, l’intimée aurait manqué à ses obligations déontologiques en : indiquant que la résidence secondaire assurée présentait un sous-sol aménagé à 100 %, alors que les assurés l’ont informée que la résidence ne présentait pas de sous-sol ;

indiquant que la résidence secondaire assurée présentait une finition extérieure en lambris de brique, alors que les assurés l’ont informée que celle-ci était en bois ;

indiquant que le service d’électricité de la résidence principale assurée était de 200 ampères alors que cette information ne lui a pas été communiquée par les assurés ;

[10] Finalement, Me Perron demande au Comité d’accorder à l’intimée un délai de paiement de 24 mois vu sa situation financière et familiale ;

[11] C’est en considérant ces différents faits que le Comité devra décider du bien-fondé de la recommandation commune formulée par les parties ;

III. Recommandations communes [12] Les parties, d’un commun accord, demandent au Comité d’imposer à l’intimée les sanctions suivantes :

Chef 1 : une amende de 8 000 $ Chef 2 : une amende de 2 000 $ Chef 3 : une amende de 2 000 $ Chef 4 : une amende de 2 000 $ Pour un total de 14 000 $ [13] De plus, en conformité aux enseignements du jugement Pluviose 1 , les parties demandent au Comité de réduire globalement le montant des amendes comme suit :

Chef 1 : Chef 2 :

une amende de 4 000 $ une amende de 2 000 $

1 Gingras c. Pluviose, 2020 QCCQ 8495 (CanLII) ;

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Chef 3 : une réprimande Chef 4 : une amende de 2 000 $ Pour un total de 8 000 $ [14] Au moment d’établir leur recommandation commune, les parties ont considéré les facteurs aggravants suivants :

La mise en péril de la protection du public ; La gravité objective des infractions ; La durée et la multiplicité des infractions ; [15] Par ailleurs, les parties ont tenu compte des facteurs atténuants suivants : Le plaidoyer de culpabilité de l’intimée ; Son absence d’antécédents disciplinaires ; L’absence d’intention malveillante ; La prise de conscience de l’intimée ; Ses regrets et remords ; Le faible risque de récidive ; Son expérience limitée au moment des infractions ; Sa bonne collaboration au processus disciplinaire ; Sa volonté de modifier sa pratique et d’améliorer ses connaissances académiques ;

[16] Cela dit, les parties se sont inspirées de diverses décisions disciplinaires pour établir le niveau des sanctions suggérées dont les suivantes :

ChAD c. Fontaine, 2017 CanLII 38170 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Barrette, 2019 CanLII 40792 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Rodriguez, 2019 CanLII 104541 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Thiffault, 2019 CanLII 112813 (QC CDCHAD) ;

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AMF c. 2962-9334 Québec inc. (Performance NC Valcourt), 2022 QCCQ 2168 (CanLII) ;

[17] De l’avis des parties, les sanctions suggérées s’inscrivent dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour cette catégorie d’infraction sujet, évidemment, aux circonstances particulières de chaque dossier ;

[18] En dernier lieu, Me Perron tient à rappeler que sa cliente a besoin d’un délai de paiement de 24 mois pour acquitter le montant des amendes ;

[19] Le procureur du syndic ne s’objecte pas à cette demande de délai ; [20] Cela dit, les parties demandent au Comité d’entériner, pour ces motifs, les sanctions suggérées pour chacun des chefs d’accusation ;

IV. Analyse et décision A) Le plaidoyer de culpabilité [21] Tel que le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Castiglia c. Frégeau 2 , un plaidoyer de culpabilité constitue une admission des principaux faits allégués dans la plainte et une reconnaissance de ceux-ci constituent une faute déontologique 3 ;

[22] De plus, suivant la Cour d’appel 4 , un plaidoyer de culpabilité est « un consentement à ce qu’une déclaration de culpabilité soit inscrite, sans autre forme de procès » 5 ;

[23] En conséquence, à la suite de son plaidoyer de culpabilité, l’intimée fut reconnue coupable, séance tenante, de l’ensemble des infractions reprochées dans la plainte ;

B) La recommandation commune [24] Dans un arrêt récent, soit l’affaire Duval 6 , le Tribunal des professions rappelait le caractère pour le moins limité de la discrétion conférée aux divers conseils de discipline lorsqu’il s’agit de décider du bien-fondé d’une recommandation commune :

[8] Les deux parties sont d’avis que le Conseil a erré en refusant de suivre la recommandation commune et en s’appuyant sur des faits et des facteurs aggravants qui ne faisaient pas partie de la trame factuelle convenue entre elles.

2 2014 QCCQ 849 (CanLII); 3 Ibid., par. 27 et 28; 4 Duquette c. Gauthier, 2007 QCCA 863 (CanLII); 5 Ibid., par. 20; 6 Duval c. Comptables professionnels agréés, 2022 QCTP 36 (CanLII);

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[13] Suivant les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Anthony Cook, le Conseil devait déterminer si la sanction suggérée conjointement était contraire à l’intérêt public ou déconsidérait l’administration de la justice. La question pour le Tribunal en l’espèce n'est donc pas de savoir si la sanction infligée par le Conseil est déraisonnable, mais bien si la recommandation commune l'était au point il fallait la rejeter.

[14] Ce motif d’appel soulève une question de droit, permettant au Tribunal d’intervenir en cas d’erreur. En matière de suggestion commune sur sanction, lorsqu’un Conseil de discipline s’attarde à examiner la justesse de la sanction proposée conjointement, au lieu de se limiter à la question de son incidence sur l’intérêt public ou l’administration de la justice, il commet une erreur de droit qui justifie l’intervention du Tribunal.

[15] Il ne fait aucun doute que le Conseil est maître de l’appréciation de la preuve dans les dossiers qui procèdent devant lui. Cependant, en l’espèce, il se devait de considérer la trame factuelle de l’infraction, non pas en fonction d’une preuve partielle entendue à l’audience, mais seulement en fonction de celle présentée conjointement par les parties, laquelle fournissait le fondement de leur recommandation commune. Bien que le résumé des faits au début de la décision du Conseil cerne correctement cet exposé conjoint des faits, le Conseil réfère d’ailleurs à plusieurs facteurs aggravants ainsi qu’à des faits étrangers à cet exposé conjoint pour s’autoriser à s’écarter de la suggestion commune sur sanction.

[22] Le Tribunal est d’avis que si le Conseil avait respecté les limites circonscrites en matière de suggestions communes et s’était tenu seulement aux faits admis par les parties, il n’aurait pu conclure autrement que d’entériner la recommandation des parties. Cette recommandation reflète les faits particuliers du dossier tels que résumés dans l’exposé conjoint et elle se situe à l’intérieur de la fourchette des sanctions applicables, telle qu’illustrée dans le tableau de jurisprudence soumise au Conseil. Elle ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public. (caractères gras ajoutés)

[25] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 7 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ;

7 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37;

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[26] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 8 ;

[27] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice disciplinaire » 9 ;

[28] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 10 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 11 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[29] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 12 ;

[30] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[31] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[32] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimée ;

[33] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans les arrêts Gougeon 13 et Duval 14 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera les sanctions suggérées.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : ACCEPTE le dépôt d’une plainte modifiée ; PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimée ; DÉCLARE l’intimée coupable des chefs 1 à 4 de la plainte modifiée et plus particulièrement comme suit :

8 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ; 9 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 10 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 11 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 12 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ; 13 Audioprothésistes c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 14 Op. cit., note 6 ;

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Chef 1:

Chef 2:

Chef 3:

Chef 4:

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pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

pour avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

pour avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 1 à 4 de la plainte modifiée ;

IMPOSE à l’intimée les sanctions suivantes : Chef 1: une amende de 8 000 $ Chef 2: une amende de 2 000 $ Chef 3: une amende de 2 000 $ Chef 4: une amende de 2 000 $ Pour un total de 14 000 $ RÉDUIT le montant total des amendes (14 000 $) à une somme globale de 8 000 $, répartie comme suit :

Chef 1: une amende de 4 000 $ Chef 2: une amende de 2 000 $ Chef 3: une réprimande Chef 4: une amende de 2 000 $ Pour un total de 8 000 $

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CONDAMNE l’intimée au paiement de tous les déboursés ; PERMET à l’intimée d’acquitter les amendes et les déboursés en 24 versements égaux, mensuels et consécutifs, débutant le 31 e jour suivant la signification de la présente décision ;

DÉCLARE qu’en cas de défaut d’effectuer un paiement mensuel dans le délai requis, l’intimée perdra le bénéfice du terme et toutes les sommes alors dues seront payables immédiatement, sans autre avis ni délai.

____________________________________ Me Patrick de Niverville, avocat Président

____________________________________ M. Colin Gélinas, courtier en assurance de dommages Membre

____________________________________ Mme Sultana Chichester, agent en assurance de dommages des particuliers Membre

Me Claude G. Leduc et Me Jack Kermezian Procureurs de la partie plaignante

Me Jean-Paul Perron Procureur de la partie intimée

Date d’audience : 26 octobre 2022 (par visioconférence)

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