Chambre de l'assurance de dommages (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE CHAMBRE DE L’ASSURANCE DE DOMMAGES CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

No: 2020-08-02(C) DATE :

LE COMITÉ : Me Patrick de Niverville, avocat Président M. Colin Gélinas, courtier en assurance de dommages Membre Mme Sultana Chichester, agent en assurance de dommages Membre des particuliers

Me YANNICK CHARTRAND, ès qualités de syndic de la Chambre de l’assurance de dommages Partie plaignante c. MATHIEU FORTIER, courtier en assurance de dommage des particuliers (inactif et sans mode d’exercice) Partie intimée

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

[1] Le 26 octobre 2022, le Comité de discipline de la Chambre de l’assurance de dommages se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 2020-08-02(C), par visioconférence ;

[2] Le syndic était alors représenté par Me Claude G Leduc et Me Jack Kermezian et, de son côté, l’intimé était représenté par Me Jean-Paul Perron ;

I. La plainte [3] L’intimé fait l’objet d’une plainte modifiée comportant deux (2) chefs d’accusation, soit :

(…) Dans le cas de l’assuré É.C. 3. Le ou vers le 13 mars 2018, dans le cadre de la souscription du contrat d’assurance habitation R33516210001 auprès de l’assureur Ledor Assurances inc. pour la période du 9 avril 2018 au 9 avril 2019, l’Intimé, à certaines reprises, a exercé ses activités de façon négligente et/ou n’a pas donné suite à toutes les instructions reçues de l’assuré, (…), commettant, à chacune (…) de ces occasions, une

2020-08-02(C) PAGE : 2 infraction à l’article 27 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et aux articles 26 et 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

4. Le ou vers le 13 mars 2018, dans le cadre de la souscription du contrat d’assurance habitation R33516210001 auprès de l’assureur Ledor Assurances inc. pour la période du 9 avril 2018 au 9 avril 2019, a fait défaut de transmettre à l’assureur toutes les informations nécessaires à l’appréciation du risque et/ou a exercé ses activités de façon malhonnête ou négligente en transmettant à l’assureur des renseignements non vérifiés, faux, trompeurs ou susceptibles d’induire en erreur quant au risque, en contravention avec les articles 9, 29, 37(1) et 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages ;

[4] D’entrée de jeu, l’intimé a enregistré un plaidoyer de culpabilité à l’encontre des chefs d’accusation de la plainte ;

[5] Les parties ont alors procédé à l’audition sur sanction ; II. Preuve sur sanction [6] Les parties ont déposé de consentement l’ensemble de la preuve documentaire au soutien de la plainte modifiée ;

[7] Cette preuve a permis de cibler les principaux reproches formulés contre l’intimé et plus particulièrement le fait que celui-ci aurait :

indiqué que l’habitation avait été construite en 2012, alors que l’assuré l’avait informé que le bâtiment avait cinq ans au moment des faits ;

indiqué que l’habitation n’était pas équipée d’un système de gicleurs, alors que l’assuré l’a informé du contraire ;

[8] D’autre part, il fut mis en preuve que l’intimé est actuellement inactif et qu’il a réorienté sa carrière vers un autre domaine d’activité ;

[9] Enfin, son procureur a souligné que la situation financière de l’intimé est précaire et, en conséquence, son client demande un délai de paiement de 12 mois pour lui permettre d’acquitter le montant des amendes et des déboursés ;

[10] C’est à la lumière de ces différents faits que le Comité devra examiner le bien-fondé de la recommandation commune formulée par les parties ;

III. Recommandations communes [11] De façon conjointe, les parties demandent au Comité d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :

Chef 3 : Chef 4 :

une amende de 2 000 $ une amende de 2 000 $

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Pour un total de 4 000 $ [12] À ces montants s’ajoutera le paiement des frais du dossier ; [13] Au moment d’établir leur recommandation commune, les parties ont considéré les facteurs aggravants suivants :

La mise en péril de la protection du public ; La gravité objective des infractions ; La durée et la multiplicité des infractions ; [14] Par ailleurs, les parties ont tenu compte des facteurs atténuants suivants : Le plaidoyer de culpabilité de l’intimé ; Son absence d’antécédents disciplinaires ; L’absence d’intention malveillante ; La prise de conscience de l’intimé ; Ses regrets et remords ; L’absence de risque de récidive, puisque l’intimé n’a pas l’intention de revenir dans la profession ;

Son expérience limitée au moment des infractions ; Sa bonne collaboration au processus disciplinaire ; [15] Cela dit, les parties se sont inspirées de diverses décisions disciplinaires pour établir le niveau des sanctions suggérées dont les suivantes :

ChAD c. Fontaine, 2017 CanLII 38170 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Barrette, 2019 CanLII 40792 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Rodriguez, 2019 CanLII 104541 (QC CDCHAD) ; ChAD c. Thiffault, 2019 CanLII 112813 (QC CDCHAD) ; AMF c. 2962-9334 Québec inc. (Performance NC Valcourt), 2022 QCCQ 2168 (CanLII) ;

2020-08-02(C) PAGE : 4 [16] De l’avis des parties, les sanctions suggérées s’inscrivent dans la fourchette des sanctions habituellement imposées pour cette catégorie d’infractions sujet, évidemment, aux circonstances particulières de chaque dossier ; [17] En dernier lieu, Me Perron demande au Comité d’accorder à l’intimé un délai de paiement de 12 mois afin de lui permettre d’acquitter sa dette en 12 versements égaux et mensuel ;

[18] Cette demande n’est pas contestée par le procureur du syndic ; [19] En définitive, les parties demandent conjointement au Comité d’entériner leur recommandation commune et d’imposer à l’intimé les sanctions suggérées pour chacun des chefs d’accusation ;

IV. Analyse et décision A) Le plaidoyer de culpabilité [20] Tel que le soulignait la Cour du Québec dans l’affaire Castiglia c. Frégeau 1 , un plaidoyer de culpabilité constitue une admission des principaux faits allégués dans la plainte et une reconnaissance de ceux-ci constituent une faute déontologique 2 ;

[21] De plus, suivant la Cour d’appel 3 , un plaidoyer de culpabilité est « un consentement à ce qu’une déclaration de culpabilité soit inscrite, sans autre forme de procès »

4 ;

[22] En conséquence, à la suite de son plaidoyer de culpabilité, l’intimé fut reconnu coupable, séance tenante, de l’ensemble des infractions reprochées dans la plainte ;

B) La recommandation commune [23] Dans un arrêt récent, soit l’affaire Duval 5 , le Tribunal des professions rappelait le caractère pour le moins limité de la discrétion conférée aux divers conseils de discipline lorsqu’il s’agit de décider du bien-fondé d’une recommandation commune :

[8] Les deux parties sont d’avis que le Conseil a erré en refusant de suivre la recommandation commune et en s’appuyant sur des faits et des facteurs aggravants qui ne faisaient pas partie de la trame factuelle convenue entre elles.

[13] Suivant les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Anthony Cook, le Conseil devait déterminer si la sanction suggérée conjointement était contraire à l’intérêt public ou déconsidérait l’administration de la justice. La question pour le Tribunal en l’espèce n'est donc pas de savoir si la sanction infligée par le Conseil est déraisonnable, mais bien si la recommandation commune l'était au point il fallait la rejeter.

1 2014 QCCQ 849 (CanLII); 2 Ibid., par. 27 et 28; 3 Duquette c. Gauthier, 2007 QCCA 863 (CanLII); 4 Ibid., par. 20; 5 Duval c. Comptables professionnels agréés, 2022 QCTP 36 (CanLII);

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[14] Ce motif d’appel soulève une question de droit, permettant au Tribunal d’intervenir en cas d’erreur. En matière de suggestion commune sur sanction, lorsqu’un Conseil de discipline s’attarde à examiner la justesse de la sanction proposée conjointement, au lieu de se limiter à la question de son incidence sur l’intérêt public ou l’administration de la justice, il commet une erreur de droit qui justifie l’intervention du Tribunal.

[15] Il ne fait aucun doute que le Conseil est maître de l’appréciation de la preuve dans les dossiers qui procèdent devant lui. Cependant, en l’espèce, il se devait de considérer la trame factuelle de l’infraction, non pas en fonction d’une preuve partielle entendue à l’audience, mais seulement en fonction de celle présentée conjointement par les parties, laquelle fournissait le fondement de leur recommandation commune. Bien que le résumé des faits au début de la décision du Conseil cerne correctement cet exposé conjoint des faits, le Conseil réfère d’ailleurs à plusieurs facteurs aggravants ainsi qu’à des faits étrangers à cet exposé conjoint pour s’autoriser à s’écarter de la suggestion commune sur sanction.

[22] Le Tribunal est d’avis que si le Conseil avait respecté les limites circonscrites en matière de suggestions communes et s’était tenu seulement aux faits admis par les parties, il n’aurait pu conclure autrement que d’entériner la recommandation des parties. Cette recommandation reflète les faits particuliers du dossier tels que résumés dans l’exposé conjoint et elle se situe à l’intérieur de la fourchette des sanctions applicables, telle qu’illustrée dans le tableau de jurisprudence soumise au Conseil. Elle ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire à l’intérêt public.

(caractères gras ajoutés) [24] Cela dit, de l’avis du Comité, les sanctions suggérées répondent aux quatre (4) critères de l’arrêt Pigeon c. Daigneault 6 , soit :

La protection du public ; La dissuasion du professionnel de récidiver ; L’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables ;

Le droit pour le professionnel visé d’exercer sa profession ; [25] Rappelons également que selon le Tribunal des professions, « la suggestion commune issue d’une négociation rigoureuse dispose d’une force persuasive certaine » 7 ;

[26] Enfin, les ententes communes constituent « un rouage utile et parfois nécessaire à

6 2003 CanLII 32934 (QC CA), par. 37; 7 Chan c. Médecins, 2014 QCTP 5 (CanLII), par. 42 ;

2020-08-02(C) PAGE : 6 une saine administration de la justice disciplinaire » 8 ; [27] De plus, la Cour d’appel, dans l’arrêt Binet 9 , reprenant alors l’opinion émise par la Cour d’appel d’Alberta dans l’affaire Belakziz 10 , précisait qu’il n’appartient pas au juge de déterminer la sanction qui pourrait être imposée pour ensuite la comparer avec celle proposée par les parties ;

[28] Dans le même ordre d’idée, le Comité n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence de la sanction, il ne s’agit pas d’un élément déterminant face à une recommandation commune formulée par les parties 11 ;

[29] Dans les circonstances, en considérant les enseignements des tribunaux supérieurs et en tenant compte des facteurs objectifs et subjectifs, à la fois aggravants et atténuants, et plus particulièrement des représentations des parties, le Comité n’a aucune hésitation à entériner la recommandation commune ;

[30] De l’avis du Comité, les sanctions suggérées sont justes et raisonnables et, surtout, appropriées au présent dossier ;

[31] Finalement, elles assurent la protection du public sans punir outre mesure l’intimé ; [32] En conséquence, et en conformité avec les enseignements du Tribunal des professions dans les arrêts Gougeon 12 et Duval 13 , le Comité entérinera la recommandation commune et imposera la sanction suggérée.

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE : ACCEPTE le dépôt d’une plainte modifiée ; PREND acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé ; DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 3 et 4 de la plainte modifiée et plus particulièrement comme suit :

Chef 3 :

Chef 4 :

pour avoir contrevenu à l’article 37(1) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

pour avoir contrevenu à l’article 37(7) du Code de déontologie des représentants en assurance de dommages (R.L.R.Q., c. D-9.2, r.5) ;

8 Infirmières et infirmiers auxiliaires c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII), par. 21 ; 9 R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII), par. 19 et 20 ; 10 R. c. Belakziz, 2018 ABCA 370 (CanLII), par. 17 et 18 ; 11 Notaires c. Génier, 2019 QCTP 79 (CanLII), par. 27 ; 12 Audioprothésistes c. Gougeon, 2021 QCTP 84 (CanLII); 13 Op. cit., note 5 ;

2020-08-02(C) PAGE : 7 PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions législatives et réglementaires alléguées au soutien des chefs 3 et 4 de la plainte modifiée ;

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes : Chef 3 : une amende de 2 000 $ ; Chef 4 : une amende de 2 000 $ ; Pour un total de 4 000 $ CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés ; PERMET à l’intimé d’acquitter le montant des amendes et des déboursés en 12 versements égaux, mensuels et consécutifs, débutant le 31 e jour suivant la signification de la présente décision ;

DÉCLARE qu’en cas de défaut d’effectuer un paiement mensuel dans le délai requis, l’intimé perdra le bénéfice du terme et toutes les sommes alors dues seront payables immédiatement, sans autre avis ni délai.

Me Claude G. Leduc et Me Jack Kermezian Procureurs de la partie plaignante

Me Jean-Paul Perron Procureur de la partie intimée

Me Patrick de Niverville, avocat Président

__________________________________ M. Colin Gélinas, courtier en assurance de dommages Membre

___________________________________ Mme Sultana Chichester, agent en assurance de dommages des particuliers Membre

Date d’audience : 26 octobre 2022 (par visioconférence)

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